MODULE 10
LE DROIT AU TRAVAIL ET LES DROITS DU TRAVAIL

Objet du module 10

Ce module a pour objet de donner une vue d’ensemble du droit au travail ainsi que des droits du travail ou droits des travailleurs.

Le module est divisé en deux sections.  La première section

§         identifie les normes  internationales qui garantissent le droit au travail; et
§         analyse les obligations des États en ce qui concerne ce droit.

La seconde section

§         identifie les éléments essentiels des droits du travail (ou droits des travailleurs); et
§         examine la liberté d’association en ce qui concerne l’autonomie des syndicats.

Introduction

Tel que mentionné dans le module 2, les luttes des travailleurs ont été essentielles à la recon­naissance d’une variété de droits ESC—plus particulièrement, bien sûr, des droits relatifs au travail lui-même.  Même avant que les Nations Unies existent ou que la Déclaration univer­selle des droits de l’homme soit rédigée, l’Organisation internationale du travail développait et faisait appliquer une grande variété de normes relatives au travail.  Comme résultat de dé­cennies d’efforts sur le plan international et national, menés par les initiatives des travailleurs dans un grand nombre de pays, les normes sur les droits humains relatives au travail sont très développées, du moins quand on les compare aux autres droits ESC.  Ce module donne un bref résumé des normes internationales relatives au droit au travail et aux droits du travail (droits des travailleurs).  Le module se termine par une discussion sur le changement des conditions de travail et le problème des « travailleurs invisibles », les deux représentant un défi aussi bien pour les travailleurs que pour ceux qui cherchent à protéger leurs droits. 

Le droit au travail

Le droit au travail est le premier des droits spécifiques reconnus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).  Après la partie II du Pacte qui s’attache à déterminer la nature des obligations des États, la partie III sur les droits spécifi­ques enchaîne directement avec le droit au travail (art. 6).  Le droit au travail traite exclusi­vement de l’accès au travail, et par la même, les personnes qui n’ont pas accès au travail font l’objet de l’attention principale.  En dépit de son importance, le droit au travail n’est que peu détaillé.  On a beaucoup écrit sur des questions telles que l’accès discriminatoire au travail, mais pas sur le droit au travail en tant que tel.  Il n’y a que peu d’instruments internationaux sur le sujet; la Convention concernant la politique de l’emploi de l’OIT (No. 122) [1] est l’un d’entre eux. 

Une des raisons de ce manque d’attention pourrait venir de l’hésitation à traiter du travail comme d’un droit humain dont chaque individu a le droit de jouir.  Un autre problème vient de la compréhension même de ce qu’est le travail.  Qu’est-ce que le travail?  Est-il réduit au travail salarié?  Est-ce qu’il s’étend aux activités des travailleurs indépendants et aux activi­tés économiques des groupes autochtones?  Il faut définir le travail et le droit au travail en prenant en compte les normes formulées dans le Pacte.

Le travail comme norme des droits humains

La plupart des normes des droits humains sont perçues comme quelque chose de positif—par exemple: l’alimentation, l’éducation, des conditions de travail justes, le jugement équitable et la liberté d’expression.  Par contre, le travail a des implications négatives en ce qui concerne la contrainte mentale ou l’effort physique, la détresse et même un certain degré de souf­france.  Pour beaucoup d’individus, le travail a même une connotation de tâche désagréable; il est perçu comme quelque chose que nous devons faire pour survivre.  Par conséquent, la confusion fréquente qui est faite sur le droit au travail réside sur le fait que le travail est perçu comme une obligation.  Pourquoi avons-nous besoin d’un droit pour quelque chose de néga­tif?  Ne devrait-on pas disposer de davantage de machines qui s’occuperaient des tâches ménagères dont nous nous passerions volontiers?

L’article 6 du PIDESC spécifie que le droit au travail comprend « le droit qu’a toute per­sonne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail ».  Ceci identifie pour nous l’élément crucial de cette norme des droits humains qui est la possibilité de gagner sa vie.  Quelle est la signification de « gagner sa vie »?  D’après l’article 11 du PIDESC, il existe un droit inconditionnel à un niveau de vie décent; cela ne dépend pas du travail.  Donc, le travail en tant que droit humain ne doit pas être vu comme le moyen d’accéder à un niveau de vie décent (cela est garanti dans un autre droit humain), mais comme moyen pour gagner un tel niveau de vie. 

Le terme « gagner » a quelques connotations morales.  Si vous gagnez de l’argent, vous êtes justement récompensé pour un service que vous avez rendu pour le bien-être des autres.  Le travail a donc quelque chose à voir avec votre relation et participation dans les activités de la société (ou de votre famille) afin d’assurer sa survie ou son bien-être.  Il comprend l’acceptation et la gratification que vous tirez de votre communauté ou société. 

Même dans les sociétés où l’aide sociale existe, où le droit à un niveau de vie décent, à la nourriture, au logement, etc., est garanti aux personnes qui ne participent pas aux activités économiques, le manque de participation est perçu comme une privation sévère par les victi­mes du chômage.  Cela peut mener à l’isolation sociale et à la désintégration de la personna­lité.  Par conséquent, le travail en tant que norme des droits humains représente beaucoup plus qu’un outil pour atteindre un niveau de vie décent.  (voir le module 1 pour une approche en termes de « potentiel » des droits ESC)

Si l’on se base sur cette description, il devrait être clair que le travail en tant que droit humain est très différent du simple travail salarié.  Les paysans autochtones et les pêcheurs travail­lent, de la même manière que les chasseurs, les cueilleurs, les commerçants et les hommes d’affaires.  Le travail peut être plus (comme les autochtones) ou moins (comme les travail­leurs salariés) intégré au reste de la vie et des activités.  Cependant, le travail signifie toujours accomplir des activités qui satisferont les besoins et créeront des services pour votre groupe et votre société et de ce fait, il doit être accepté et récompensé. 

Les normes régionales et internationales sur le droit au travail

L’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) garantit que chacun «a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ». 

Dans l’article 6(1), le PIDESC spécifie « le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail ».  Il est aussi dit dans l’article 6(2) que « le plein exercice de ce droit doit inclure l’orientation et la formation techniques et professionnelles, l’élaboration de programmes ».

L’article 1(2) de la Convention 122 de l’OIT spécifie que chaque membre devra s’assurer « qu’il y aura du travail pour toutes les personnes disponibles et en quête de travail ».

L’article 1 de la Charte sociale européenne spécifie:

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit au travail, les Parties contractantes s'enga­gent:    

1.      à reconnaître comme l'un de leurs principaux objectifs et responsabilités la réalisa­tion et le maintien du niveau le plus élevé et le plus stable possible de l'emploi en vue de la ré­alisation du plein emploi;

2.      à protéger de façon efficace le droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris;

3.      à établir ou à maintenir des servi­ces gratuits de l'emploi pour tous les travailleurs;

4. à assurer ou à favoriser une orientation, une formation et une réadaptation profession­nelles appropriées. [2]

Le droit humain de travailler

Le droit au travail comme droit humain reconnaît le travail comme quelque chose auquel tout et chaque individu a droit.  Le droit au travail signifie, avant tout, le droit de participer aux activités de production et de ser­vices de la société et le droit de participer aux bénéfices accumulés par ces activités commu­nes dans la mesure où un niveau de vie décent est garanti.  Le droit au travail assure donc que personne n’est exclu de la sphère économique.

Le type de travail effectué par une personne dépend de l’accès aux ressources, à l’éducation et à la formation.  Le travail peut être salarié ou indépendant.  Une des caractéristiques clé du travail est qu’il permet à une personne de gagner sa vie.

Le droit au travail signifie que le travail et l’accès aux ressources sont distribués de façon à permettre que toute personne qui veut travailler puisse le faire.  Tel que mentionné ci-dessus, le droit de gagner sa vie implique, au minimum, que les bénéfices dérivés de ces activités économiques suffisent à atteindre un niveau de vie convenable.

Le droit au travail n’est pas satisfait par la participation à n’importe quel type d’activité éco­nomique.  En fait, il comprend « le droit de chacun de pouvoir gagner sa vie en faisant le tra­vail qu’il a accepté de son plein gré ». [3]   Il y a un élément important de choix et de liberté dans l’activité économique qui consiste à gagner sa vie.  Par conséquent, le droit au travail signifie que le travail n’est pas seulement distribué de façon à permettre la participation de chacun, mais que le choix de chacun sur la façon de gagner sa vie est garanti comme droit humain.  En plus du droit de gagner sa vie, l’article 6 établit le fait de choisir et d’accepter un emploi librement comme un droit humain.  Ici, le terme « accepter un emploi » fait référence au salaire alors que « emploi choisi » peut faire référence au travail indépendant.

Est-ce que ce droit garantit que vous pouvez faire tout ce que vous voulez, le considérer comme travail et demander un salaire en échange?  Le droit à un emploi choisi et accepté li­brement peut paraître utopique.  Cependant, en y regardant de plus près, on s’aperçoit que ce droit est en fait très raisonnable.  Par exemple, cela ne veut pas dire que tout individu qui veut devenir musicien à plein temps a le droit de gagner sa vie en exerçant cette occupation.  Le droit à un emploi choisi et accepté librement dépend bien sûr de la possibilité de gagner sa vie grâce à l’exercice de cet emploi.  Donc, être musicien à plein temps ne peut être consi­déré comme un travail que s’il est récompensé de telle sorte que l’on puisse gagner sa vie de cette occupation.

Les obligations de l’État qui découlent du droit au travail

Y a-t-il violation du droit au travail à chaque fois qu’un individu se retrouve au chômage?  L’obligation générique de l’État dans le cadre du droit au travail comprend celle de respecter, protéger et satisfaire à tout individu d’avoir accès au travail pour gagner sa vie.  Elle com­prend aussi l’obligation de garantir que le travail pourra être librement choisi ou accepté.

Par exemple, cela signifie que les États ne peuvent pas annihiler la possibilité qu’a une per­sonne de gagner sa vie (obligation de respecter).  Les États doivent faire en sorte que cette possibilité soit respectée par les tiers (obligation de protéger).  Les États doivent donner l’opportunité de gagner sa vie à toute personne qui, actuellement, n’a pas cette opportunité (obligation de satisfaire).  De plus, les préférences en termes de travail doivent être satisfaites dans la mesure du possible.

En ce qui concerne le droit au travail, certains éléments des obligations de l’État sont les sui­vants:

§         Orientation professionnelle, formation et services pour l’emploi.

Le PIDESC comprend certaines obligations de réalisation telles que « l’orientation profes­sionnelle technique et les programmes de formation » ainsi que « des politiques et techniques afin d’assurer le développement économique, social et culturel, le plein emploi et l’emploi productif ».  En tant qu’obligation de l’État relative à un droit humain, l’accès à l’orientation professionnelle et à la formation doit être rendu possible à chacun et cela, gratuitement ou à un coût qui n’en limite pas l’accès.

Un autre élément de l’obligation de l’État est la non-discrimination.  Tous les êtres humains, quel que soit leur sexe, leur origine ethnique ou nationale, leur religion ou leur statut social doivent pouvoir avoir accès au travail (ou à toute politique ou programme relatif à ce droit).

Par exemple, dans le cadre du droit au travail, la Charte sociale européenne stipule que les services gratuits pour l’emploi sont une obligation supplémentaire de l’État. [4]   Respective­ment, les articles 9 et 10 de la CSE se réfèrent au droit à l’orientation professionnelle et au droit à la formation professionnelle.

Aussi nombreuses soient-elles, toutes ces obligations de l’État ne peuvent pas empêcher un fort taux de chômage ni la souffrance des personnes qui sont touchées—même si la sécurité sociale joue son rôle.  L’obligation de l’État qui abordera vraiment ce problème sera celle de fournir « le plein emploi et l’emploi productif ».

§         Le plein emploi

Par emploi, il faudrait toujours comprendre emploi salarié et emploi indépendant.  Même si l’article 6 stipule que les États n’ont qu’à « prendre des mesures » qui mènent au plein em­ploi, l’article 2(1) précise que des mesures doivent être prises au maximum de la disponibilité des ressources, et donc, aussi vite que possible.

Dans une société où la majorité des personnes veulent travailler pour un salaire dans le sec­teur du marché, les politiques de plein emploi ne signifient pas que l’État doit créer de nou­velles activités pour absorber la main-d’œuvre disponible (par exemple, par l’intermédiaire de programmes d’investissement).  Cependant, l’État devrait promouvoir la distribution du volume de travail déjà existant et s’assurer que toute personne désireuse et capable de faire le travail puisse y avoir accès. 

§         La garantie de l’emploi dans le « secteur commun »

Il n’y a pas de doute que même les meilleures politiques de l’emploi dans le monde ne pour­ront pas donner accès à l’emploi, par l’intermédiaire du marché du travail ou du travail indé­pendant, dans l’économie de marché, à toute personne à la recherche d’un emploi.  En même temps, il faut reconnaître que de nombreuses activités qui pourraient être qualifiées comme travail sont exercées en dehors du marché, à la seule différence que ces personnes ne gagnent pas leur vie en exerçant ces activités.  Il y a beaucoup d’activités absolument nécessaires, surtout effectuées par les femmes, qui ne sont pas rémunérées.  Ces activités constituent une part  importante de l’économie même s’il n’y a pas d’échange d’argent.  Elles appartiennent à un secteur qui pourrait être appelé le « secteur commun ».  Il est important de remarquer que dans une économie dominée par l’argent, la marginalisation du secteur commun, qui com­prend élever les enfants, s’occuper des personnes âgées et améliorer la qualité de la commu­nauté, a de graves conséquences sur le bien-être social.

En Inde, les programmes de garantie de l’emploi et les programmes « le travail est meilleur que l’aide sociale » en Allemagne, fournissent un travail acceptable et payé aux personnes qui cherchent de tels emplois.  Ces programmes reflètent des éléments importants de l’obligation de l’État en ce qui concerne le droit au travail qui vont plus loin que l’orientation limitée de l’obligation d’assurer le plein emploi dans le secteur du marché.  Dans le cadre de tels programmes, les revenus personnels sont suffisants pour atteindre un niveau de vie satis­faisant mais ils ne peuvent pas rivaliser avec les salaires offerts sur le marché.

Par conséquent, il faut faire une distinction entre le secteur commun et le secteur public (secteur d’État).  Les autorités de l’État embauchent leur personnel sur le marché du travail.  À la place, le secteur commun garantit un emploi à un salaire minimum à tous ceux qui ne désirent pas ou ne peuvent pas travailler dans le secteur du marché.  Les activités exercées dans le secteur commun sont des activités à but social qui ne sont pas suffisamment profita­bles pour le secteur privé et dont l’urgence n’est pas suffisamment grande pour justifier que le secteur public se mette en quête d’employés sur le marché du travail.  Dans le secteur commun, les employeurs n’ont pas nécessairement besoin d’être des agences d’État, ils peu­vent aussi être des organisations sans but lucratif.

La majorité des personnes préféreront probablement travailler dans le marché du travail ou en tant que travailleurs indépendants dans le secteur du marché, car ces activités permettent d’accéder à un niveau de vie plus élevé.  L’obligation selon laquelle un emploi doit être li­brement choisi et entrepris implique qu’il doive exister un secteur privé et des mesures gou­vernementales pour assurer que le marché satisfasse aux besoins et préférences de travail de tous ceux qui désirent entrer sur le marché du travail.   

Les droits du travail ou droits des travailleurs

Les droits du travail ou droits des travailleurs sont étroitement liés au droit au travail.  Les droits énumérés ci-dessous sont un ensemble de droits qui protègent tout individu qui vend son travail:

-         droit à la dignité dans le travail;

-         droit à un travail librement choisi et entrepris;

-         droit à une rémunération équitable;

-         droit à une journée de travail limitée et à la rémunération des périodes de repos;

-         droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale;

-         droit à un traitement égal; et

-         droit à la sécurité et à l’hygiène dans le travail.

Il existe une relation étroite entre les droits des travailleurs et les droits des syndicats.  Le tra­vail salarié est apparu avec la révolution industrielle.  À l’origine, il n’y avait pas de loi pour protéger la santé des travailleurs salariés, pas de limite au nombre d’heures travaillées, pas de congés payés et pas de droit d’association pour le bien commun.  Au début, l’association des travailleurs salariés souffrit de dure répression; plus tard, elle ne fut qu’à peine tolérée.  En­fin, les régimes contemporains instituèrent des droits pour protéger les travailleurs.  Grâce à leur exercice du droit à constituer des syndicats, les travailleurs gagnèrent et aidèrent à maintenir de nombreux droits relatifs au travail.  Les droits humains comprennent le droit à la liberté d’association, le droit de négocier avec le patronat et le droit de faire la grève.

Le droit à la dignité dans le travail

Le préambule de la Constitution de 1944 de l’Organisation internationale du travail, que l’OIT et ses organes de surveillance ont reconnu comme ayant force de loi et comme enga­geant juridiquement les États membres, est une pierre angulaire du droit international en ma­tière de  droit à la dignité dans le travail.  En effet, le préambule proclame l’urgence de remé­dier aux conditions d’injustice, de misère et de privation.  Il fait remarquer que:  « la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs pro­pres pays ». 

Le droit à la dignité dans le travail est lié de près à l’interdiction de l’esclavage, de la servi­tude et du travail forcé.  Même si aujourd’hui la plupart des États reconnaissent le droit à la dignité dans le travail, de nombreuses formes de travail existent encore dans ce monde qui sont en contradiction avec le droit à la dignité; elles touchent surtout les femmes et les en­fants.

Dans certains pays, la dette de la servitude existe, et dans d’autres, la servitude domestique est pratiquée; c’est le cas lorsqu’un employeur a le contrôle absolu sur tous les aspects de la vie du travailleur.  Dans d’autres pays, des problèmes ont été identifiés qui ont trait à l’exploitation des enfants par des actes de prostitution et de pornographie.  Dans de nombreux cas, il existe une législation nationale qui déclare illégales de telles pratiques mais elle n’est jamais totalement appliquée.  De telles situations posent clairement des défis aux activistes des droits humains, en particulier aux activistes qui militent pour les droits ESC.

Pourquoi le salaire minimum est une question de droits?

Au milieu des années 1990, en Inde, une campagne a été menée par le National Centre for Labour (Centre national du travail)(NCL) sur la question du salaire minimum:

 « Enfin, les travailleurs agricoles, les travailleurs du bâtiment et autres travailleurs de la même classe qui produisent les biens et services permettant au pays de fonctionner . . . ont décidé de revendiquer ce qui, de ‘droit’, leur est dû; un salaire minimum de base, une rému­nération juste pour leurs huit heures de travail par jour, afin de leur permettre de remédier à la malnutrition, l’analphabétisme, le travail forcé et le travail des enfants. 

« . . . [La] Loi sur le salaire minimum elle-même ne définit ni critères ni composantes.  D’après le Comité pour des salaires équitables établi en 1949, le salaire minimum . . . est le niveau de salaire de subsistance minimum  (appelé aussi salaire basé sur les besoins).  Il doit non seulement per­mettre au travailleur de subsister mais doit aussi lui permettre de préserver son efficacité.  Dans une certaine mesure, il doit aussi lui permettre de s’éduquer, de se soi­gner et de se distraire. 

« Ces principes ont été cités lors de la Conférence sur le travail qui s’est tenue en Inde en 1957.  Lorsque l’on calcule le salaire minimum pour une famille ouvrière typique composée du père, de la mère et de leurs deux enfants, il faut compter trois unités de consommation.  Le minimum né­cessaire pour l’alimentation devrait être calculé sur la base de 2 700 calories par jour et par unité de consommation.  L’habillement devrait être basé sur une consomma­tion par habitant de 16 mè­tres de tissu par an.  Quant au logement, il faudrait prendre le loyer qui correspond à la zone mi­nimum fournie par le plan du gouvernement pour l’habitat indus­triel.  Le chauffage, l’éclairage et autre devraient représenter 20 pour cent du salaire mini­mum total.  Ces normes furent confirmées par la Cour Suprême en 1961.  En 1991, la Cour Suprême en rajouta une sixième pour couvrir l’éducation des enfants, les frais médicaux, un minimum de divertissements, y compris les festi­vals et les cérémonies, et une clause pour les personnes âgées s’élevant à 25 pour cent du salaire minimum total. 

« Au cours des années, il y a eu des tentatives de supprimer certaines composantes . . . [le NCL] . . . a décidé que le salaire minimum devrait être le salaire minimum de base calculé sur les besoins tel que spécifié en 1957 et adopté par la Cour Suprême.  C’est sur cette base que le NCL est arrivé à un montant de 125 roupies (3$) comme salaire minimum de base calculé sur les besoins pour les prix de 1996.  Alors que le NCL arrivait à ces chiffres, les salaires qui étaient offerts par les gou­vernements des États comme salaire minimum légal pour les travailleurs agricoles s’échelonnaient de 21 roupies dans l’État d’Andhra Pradesh à 52 roupies dans l’État d’Haryana.  Quant aux travailleurs du secteur informel, leurs salaires s’échelonnaient de 5 à 22 roupies pour une journée de travail de 8 heures.  On peut donc as­sumer que les travailleurs non syndiqués re­cevaient à peu près 100 roupies de moins par jour, différence très probablement encaissée par les employeurs.  Pour indemniser la main-d’œuvre  non syndiquée, le gouvernement dépense des millions de roupies tous les ans dans des programmes de réduction de la pauvreté. 

« Les revendications des non-syndiqués s’expriment en ces mots: ‘Donnez-nous cet argent afin que nous puissions acheter de la nourriture et sauver nos enfants de la malnutri­tion, du retard mental et de l’atrophie.  Donnez-nous cet argent afin que nous puissions envoyer nos enfants à l’école afin qu’ils aient une enfance plutôt que de les envoyer travailler.  Donnez-nous cet argent pour qu’ils soient libérés du cercle vicieux de l’analphabétisme et de la pauvreté.  Donnez-nous cet argent pour que nous puissions acheter des médicaments et, le temps venu, enterrer nos pa­rents avec dignité sans que nous devenions les esclaves des propriétaires et des usuriers pour des générations’ ».5  

L’interdiction du travail forcé

Le travail forcé est défini comme un travail imposé sous peine de punition, quelle que soit la punition, et pour lequel un individu n’a pas offert son concours volontairement.  Bien que la plupart des États aient ratifié les instruments internationaux appropriés et qu’ils aient pro­clamé la liberté dans le travail à l’occasion de nombreux débats ouverts, considérer le travail forcé comme un fantôme du passé serait une grosse erreur.

En réalité, les formes de travail forcé qui affectent la liberté d’accepter du travail passent souvent inaperçues et, à l’occasion, bénéficient d’un soutien social.  Dans certains pays, les prisonniers sont obligés de travailler au-delà des termes autorisés dans les conventions 29 et 1056 de l’OIT.  Dans d’autres pays, on empêche les gens de démissionner de certains postes; les manifestants se voient infliger des sanctions pénales ou encore, les personnes faisant leur service militaire sont forcées de faire des activités qui dépassent le cadre militaire.

Le droit à un niveau de rémunération minimum

L’article 7(a)(ii) du PIDESC garantit le droit à une rémunération qui permette aux travail­leurs et à leurs familles de vivre dans des conditions dignes.  On retrouve une clause similaire dans l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  L’OIT a adopté des conventions qui régulent la mise en place d’un salaire minimum.7

Les problèmes principaux qui se posaient quant à la reconnaissance et à la jouissance de ce droit se rapportent aux méthodes utilisées pour déterminer le salaire minimum.  De nombreux gouvernements le déterminent souvent unilatéralement.  Le salaire horaire minimum devrait être fixé de façon à permettre à un individu qui travaille le nombre normal d’heures par se­maine de profiter d’un niveau de vie décent et satisfaisant pour lui-même et sa famille.  La législation sur le salaire minimum (qui existe déjà dans de nombreux pays) est souvent sévè­rement affectée par le fait que les travailleurs sont menacés par le chômage s’ils insistent sur un salaire minimum.  Un autre problème est le non-ajustement des salaires au coût réel d’un niveau de vie satisfaisant.

Le droit à une journée de travail de durée limitée

La Convention 1 de l’OIT limite la journée de travail dans l’industrie,8 et la Convention 30 celle pour les commerces et les bureaux.9  Bien que seulement cinquante-deux pays aient ratifié la Convention 1 et trente la Convention 30, ce droit est largement reconnu comme im­portant.

Dans certains pays, de plus grandes limitations sur la journée de travail ont été adoptées.  Par contre, dans d’autres, des autorisations sont accordées pour le travail supplémentaire ou heures supplémentaires, ce qui en pratique réduit la portée du droit à une journée de travail limitée.

Les zones franches et le travail des femmes

Une zone franche établie près de Madras dans le sud de l’Inde produit surtout des vêtements en coton destinés à l’exportation.  Un grand nombre de travailleurs migrants—étant eux-mêmes issus de régions appauvries—vivent dans et autour de la zone.  Parmi eux, un grand nombre de femmes.

Il a été remarqué que les ouvrières, sans prendre en considération la précarité générale de l’emploi à laquelle sont confrontés les travailleurs dans cette zone, faisaient l’objet de discri­mination en tant que femmes à divers niveaux.  Elles étaient forcées de faire les travaux les plus dangereux que les hommes ne voulaient souvent pas faire; elles étaient reléguées aux échelons les plus bas et aux travaux les plus fastidieux; elles ne recevaient pas un salaire égal à celui des hommes; et on les poussait à travailler de longues heures, sans qu’elles soient payées pour leurs heures supplémentaires ou qu’elles ne reçoivent des avantages sociaux.

Leur situation n’était que compliquée par le fait qu’elles étaient migrantes et donc privées des structures de soutien traditionnelles et familiales.  Elles étaient toujours considérées comme devant s’occuper de la famille et des enfants.  En l’absence de structures de soutien de la part de l’État sous la forme d’écoles ou de crèches, les femmes se trouvaient deux fois plus acca­blées.  Un des tristes résultats fut l’augmentation du travail des enfants.  Les femmes qui étaient mères amenaient leurs enfants à l’usine car c’était la seule façon de garder un oeil sur eux.

Bien que les femmes aient le droit d’être membre de syndicats, leur manque de temps fait qu’elles ne participent pas aux activités de ces derniers.  Alors que les syndicats négocient les droits des travailleurs, ils ne donnent aux femmes qu’une priorité relative.  À un certain mo­ment, alors que les travailleurs étaient licenciés en grand nombre, ce furent les syndicats qui persuadèrent de licencier d’abord les femmes car elles n’étaient pas considérées comme générant les revenus principaux de la famille.

Le droit de former des syndicats et d’y adhérer

Ce droit n’est pas seulement reconnu et garanti dans les instruments principaux des droits humains mais aussi dans les Conventions 87 et 98 de l’OIT.10  Ces conventions représentent l’élaboration du mandat la plus importante du préambule de la Constitution de l’OIT relative à la liberté d’association.  La Convention 87 a recueilli 121 ratifications et la Convention 98, 137.  Malgré ce grand nombre de ratifications, dans de nombreux pays les travailleurs sont toujours confrontés à de nombreux problèmes dans l’exercice de leurs droits.  Les difficultés vont de la violence envers les syndiqués et les leaders des syndicats aux clauses qui permettent l’implication des autorités administratives dans le travail des syndicats jusqu’aux clauses qui limitent la jouissance de ce droit à certaines catégories de travailleurs. 

La mise en place de zones franches (ZF), bien que permettant l’accès à des emplois qui autrement ne seraient pas disponibles, ont aussi un impact significatif sur les droits des travailleurs dans ces secteurs spécifiques—en partie car la protection des travailleurs est plus laxiste et que les activités des syndicats sont limitées.

Le droit de faire la grève

C’est grâce à la force des luttes des travailleurs que les grèves sont vraiment efficaces.  Sauf pour l’article 8 du PIDESC, les instruments internationaux ne parlent pas du droit de faire la grève.  Les conventions de l’OIT ont été silencieuses en ce qui concerne ce droit et ce sont les organes de surveillance qui ont dû le développer et en déterminer la portée.

Malgré la reconnaissance géné­ralisée de l’exercice de ce droit, dans certains pays les grèves sont interdites dans de nombreux sec­teurs relatifs aux services, y compris dans des activités qui ne sont pas à proprement dit, des services essentiels.  Dans d’autres, des sanctions pénales ou discipli­naires peuvent être infligées aux grévistes.  En plus, dans certains pays, la législation donne aux autorités publiques la possibilité d’interdire les grèves dans certains services ou de les déclarer illégales de par leur impact sur l’économie nationale.

Le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale

Malgré la Convention 100 de l’OIT11 et les progrès faits en mettant en avant le principe de non-discrimination, de nombreux obstacles barrent le chemin qui conduit à la jouissance de ce droit dans de nombreux pays.  Même si, dans de nombreux pays la législation nationale prône le principe d’une rémunération égale pour un travail de valeur égale, en pratique la discrimination dans les salaires persiste.

La discrimination dans les salaires n’affecte pas seulement les femmes.  Elle peut aussi toucher n’importe quel critère interdit par la Convention 111 de l’OIT,12 l’article 2(2) du PIDESC et l’article 2(1) de la PIDCP.

La non-discrimination

En plus des minorités et des femmes qui sont confrontées à la discrimination, les autres indi­vidus qui en sont victimes sont ceux qui ont certaines opinions politiques ou certaines convictions religieuses, ceux de certaines origines sociales et les militants syndicaux.  La même personne peut faire l’objet de discrimination pour plusieurs raisons et les actes de discrimination peuvent ne pas être exprimés directement, ce qui rend difficile de prouver la discrimination.  La même chose est vraie lorsqu’une législation permet à un employeur d’enquêter sur les vues politiques, religieuses et culturelles de ses employés potentiels, même dans le cas de questions qui ne sont pas liées aux fonctions de l’emploi en question.

Le droit à l’autonomie des syndicats

Les droits du travail des femmes—éviter le harcèlement sexuel sur le lieu de travail

La question du harcèlement sexuel auquel les femmes sont confrontées sur le lieu de travail est souvent ignorée dans les discussions sur les droits des travailleurs.  Très peu de pays ont des lois et procédures pour faire face à ce problème.

Un jugement devant la Cour suprême indienne en 1997 a fixé des normes afin d’éviter le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.  La cour a déclaré qu’il était du devoir de l’employeur ou de toute autre personne responsable sur le lieu de travail ou dans autres institutions, d’éviter ou de dissuader le harcèlement sexuel et de mettre à disposition des procédures pour la résolution, le règlement ou des poursuites contre les actes de harcèlement sexuel en prenant les mesures qui s’imposent.

Le harcèlement sexuel est défini comme un comportement inopportun (direct ou indirect) tel que:

§         contact physique ou avances;
§         exigence ou demande de faveurs sexuelles;
§         remarques aux connotations sexuelles;
§         montrer du matériel pornographique; et
§         tout autre comportement inopportun de nature sexuelle, aussi bien physique, verbal que non-verbal.

Tout engagement dans l’un des ces actes peut constituer un cas de harcèlement sexuel dans les circonstances où la victime a une appréhension fondée lorsqu’elle exerce son travail, que ce soit dans des entreprises publiques ou privées, un tel comportement peut être humiliant et constituer un problème de santé et de sécurité.  Un acte serait considéré comme discriminatoire lorsque la femme a des raisons de croire que refuser de telles avances la mettrait dans une position de désavantage en ce qui concerne son emploi, y compris pour ce qui relève du recrutement ou de l’avancement ou lorsque le comportement crée un environnement de travail hostile ou que la victime a suffisamment de raisons pour croire que des conséquences dommageables risquent de s’en suivre si elle refuse de telles avances.

La Cour stipule que tout employeur ou personne responsable sur le lieu de travail, que ce soit dans le secteur public ou privé, doit prendre les mesures nécessaires pour éviter le harcèlement sexuel.  Là où le harcèlement sexuel a lieu par suite d’action ou d’omission d’un tiers ou d’une partie externe, l’employeur et la personne responsable doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour aider la victime en termes de soutien et d’action préventive.

L’autonomie des syndicats est un élément fondamental de la liberté d’association.  Cela non seulement présuppose que l’État et les employeurs s’abstiennent de s’impliquer dans des ac­tes qui s’immiscent dans les affaires des syndicats mais aussi que les syndicats puissent adopter des règlements intérieurs et un programme d’action et qu’ils aient la possibilité de s’associer à des fédérations nationales et internationales de syndicats.  Ces droits, qui sont des expressions du droit à l’autonomie des syndicats, ne sont souvent pas reconnus dans les lois et pratiques de nombreux pays.

Dans certains États, les autorités ont toujours le pouvoir de dissoudre les syndicats.  Dans d’autres, il a été conféré aux autorités le droit de porter une affaire devant les tribunaux pour la dissolution des organisations de travailleurs ou d’imposer des sanctions administratives aux syndicats, ce qui peut aller jusqu’à contrôler les ressources économiques des organisa­tions.  Dans certains États, il est interdit de former plus d’un syndicat par entreprise ou insti­tution.  Dans d’autres, des règles précises qui régissent l’élection des leaders syndicaux et présentent même des obligations pour devenir représentant de syndicat ont été adoptées, pri­vant ainsi les organisations de la possibilité de réglementer ces questions dans leurs règle­ments intérieurs.

La mise en œuvre des droits des travailleurs et la liberté d’association

L’OIT a développé une vaste doctrine sur la portée et le contenu des droits régulés par ses conventions.  Les systèmes juridiques nationaux ont assimilé ces principes.  Les États ont établi des systèmes juridiques et administratifs pour traiter des droits relatifs au travail.

Les activistes des droits humains et les défenseurs des droits des travailleurs devraient utiliser régulièrement non seulement les tribunaux nationaux mais aussi les mécanismes de la com­munauté internationale.  En particulier, ils devraient:

§         soutenir les syndicats de leur pays respectif pour faire des commentaires sur les rapports que les gouvernements doivent soumettre périodiquement au Bureau International du Travail;

§         inclure des commentaires et informations relatifs aux droits du travail dans les rapports non-conventionnels soumis à la CDESC; et

§         établir des mécanismes avec les syndicats pour les tenir informés de la documentation et de la soumission des revendications auprès des tribunaux nationaux, de l’OIT et d’autres organes internationaux de surveillance.

Travailleurs migrants

Le besoin de main-d’œuvre  bon marché comme moteur de l’expansion économique des pays riches et les problèmes de chômage et de pauvreté dans les pays les plus pauvres ont contri­bué à la migration accrue des travailleurs.  La plupart des pays en voie de développement se servent de l’exportation de leur main-d’œuvre  afin d’assurer l’échange international dont ils ont cruellement besoin.

Les travailleurs migrants sont sujets à l’exploitation et se voient interdire l’accès aux droits humains.  En général, les travailleurs migrants ne jouissent pas des mêmes droits politiques et ESC que les citoyens de leur pays d’accueil.  Ils n’ont généralement pas accès à la protection juridique.  Les travailleurs sans papiers sont encore plus vulnérables car ils n’ont ni la pro­tection juridique ni la possibilité de recourir à une aide car ils ont peur d’être emprisonnés et/ou déportés par les autorités du pays d’accueil.

Les travailleurs immigrés font généralement des travaux sales, difficiles et dangereux.  Les femmes qui travaillent sont encore plus vulnérables que les hommes.  Les femmes travaillent comme femmes de ménage, barmaids ou dans l’industrie du sexe.  Elles sont souvent confrontées au problème du harcèlement sexuel, y compris le viol.  Leur vulnérabilité est ac­crue par le fait qu’elles sont souvent utilisées dans des activités criminelles telles que le trafic de drogues, la prostitution, et la contrebande d’articles interdits.  Les offres d’emploi à l’étranger sont parfois utilisées comme un prétexte pour piéger les femmes pauvres et par-là, les impliquer dans des activités illicites. 

L’OIT a été la première à statuer sur des normes pour la protection des droits des travailleurs immigrés.  Les deux principales conventions de l’OIT sur ce sujet sont la Convention sur les travailleurs migrants 97 (révisée) de 1949 et la Convention sur les travailleurs migrants 143 (dispositions complémentaires) de 1975.  La Convention 97 requiert que tous les États ayant ratifié ces conventions traitent les travailleurs immigrés légaux comme leurs propres travail­leurs nationaux.  La Convention 143 assure que les États doivent respecter les droits humains de base des travailleurs migrants.  Ils devraient prendre des mesures pour éviter l’immigration clandestine et arrêter les activités de trafic de main-d’œuvre.

Depuis les années 70, les Nations Unies s’inquiètent du problème des travailleurs migrants.  En 1978, la première conférence mondiale pour combattre le racisme et la discrimination ra­ciale a recommandé que les Nations Unies rédigent une convention sur la protection des droits des travailleurs migrants.  La même année, l’Assemblée Générale a fait les mêmes recommanda­tions.  Suite à cela, en 1980, un groupe de travail ouvert à tous les États membres fut éta­bli par l’Assemblée Générale afin de rédiger une convention à ce sujet.  En 1990, le groupe de travail a complété la tâche de rédiger une convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs mi­grants et les membres de leurs fa­milles.  La convention doit toujours être mise en application.

Dans le cadre de la convention, définition de « travailleur migrant»

L’article 2 de la convention de l’ONU définit un travailleur migrant comme « les personnes qui vont exercer, exercent ou ont exercé une activité rémunérée dans un Etat dont elles ne sont pas ressortissantes ».

La convention sort des sentiers battus en incluant des catégories de travailleurs immigrés qui avaient été négligés.  Les travailleurs immigrés identifiés dans la convention sont:

§         les travailleurs frontaliers qui résident dans un État voisin dans lequel ils retournent quoti­diennement ou au moins une fois par semaine;

§         les travailleurs saisonniers;

§         les marins qui travaillent sur des bateaux immatriculés dans un État autre que le leur;

§         les travailleurs employés sur des installations offshore qui sont soumis aux législations d’un État autre que le leur;

§         les travailleurs migrants qui travaillent sur un projet spécifique; et

§         les travailleurs indépendants.

Les droits consacrés par la convention

Dans la partie III de la convention, les articles 8 à 32 traitent des droits humains des travail­leurs migrants et de leur famille.  Les droits comprennent: le droit à la vie, l’interdiction de la torture, l’interdiction de l’esclavage ou de la servitude, la liberté de pensée et de religion, la liberté de manifester sa religion et ses croyances, la liberté d’expression, l’interdiction des arrestations arbitraires et des interférences avec la vie privée, l’interdiction de la privation arbitraire de l’accès à la propriété, la protection contre la violence, le droit à un jugement équitable, l’interdiction de l’application de lois pénales rétroactives, l’interdiction de confis­quer ou de détruire des papiers d’identité, l’interdiction de l’expulsion collective, le droit de prendre part à des activités syndicales, le droit de recevoir un traitement similaire à celui des citoyens en matière de sécurité sociale, le droit aux soins de santé, le droit pour l’enfant d’un travailleur migrant de recevoir un nom et une nationalité, et d’avoir accès à l’éducation, le respect de l’identité des travailleurs migrants et le droit des travailleurs migrants de transférer leurs effets personnels et économies au terme de leur emploi.

Dans la partie IV de la convention, les articles 36 à 57 traitent d’autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.  Dans la partie V, les articles 57 à 64 traitent de ca­tégories particulières de travailleurs migrants et de leur famille.  Ces clauses apportent les modifications nécessaires aux clauses des parties III et IV de la convention.

Suivi de la mise en application de la convention

L’article 72 de la convention assure la mise en place d’un comité qui révisera la mise à exé­cution de la convention par les États parties.  À l’origine, après ratification par vingt États, le comité sera composé de dix membres indépendants.  Ce nombre passera à quatorze lorsque quarante et une ratifications auront été recueillies.

Travailleurs immigrés philippins: les cas de syndrome Steven Johnson

Entre juillet et décembre 1996, quarante-neuf travailleurs philippins, la plupart étant des femmes, tombèrent malades pendant qu’ils travaillaient pour Philips Electronic Industries à Taiwan.  Six moururent.  Tous avaient été déclarés en bonne santé et aptes à travailler avant qu’ils ne partent pour Taiwan.

Dans les deux à trois semaines qui suivirent leur arrivée à Taiwan, ils commencèrent à avoir de la fièvre et à se sentir faibles, leurs irritations de la peau se transformèrent en boursouflures.  Leur peau devint noire et extrêmement sensible au toucher.  Les diagnostics des premiers examens médicaux qui furent conduits à Taiwan allaient de l’infection bénigne à l’infection virale.  Lorsque leur condition empira, la plupart d’entre eux décidèrent de rentrer chez eux.  Un diagnostic plus approfondi décela qu’ils avaient contracté la maladie de Steven Johnson, une forme sévère de réaction allergique qui peut être causée par des médicaments, des produits chimiques, une infection ou autres facteurs.

Le groupe de travailleurs suivant qui partit travailler pour la même entreprise fut informé de la « mystérieuse » maladie qui semblait toucher le lieu de travail.  En 1997, le gouvernement Philippin interdit d’envoyer des travailleurs sur ce lieu de travail et envoya une équipe de techniciens pour établir les causes de cette maladie.  L’équipe arriva à la conclusion que la maladie était certainement due à l’exposition à des produits chimiques tels que le formaldéhyde, le trichloréthylène et le sulfate de cuivre.  De leur côté, les médecins taiwanais déclarèrent que la maladie n’était pas due à l’exposition aux produits chimiques mais qu’elle était causée par un organisme semblable au mycoplasme associé au HLA-B62, un trait génétique particulier aux travailleurs immigrés philippins. 

En 1998, le gouvernement Philippin envoya une autre mission qui, sans rentrer dans les causes de la maladie, s’avéra satisfaite des mesures prises par l’entreprise pour éviter la réapparition de la maladie.  Se basant sur ce rapport, le gouvernement leva l’interdiction et laissa de nouveaux travailleurs partir pour être embauchés par l’entreprise.  La levée de l’interdiction était surtout basée sur des calculs économiques et non sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Cette affaire montre la vulnérabilité des travailleurs migrants et le manque d’institutions pour protéger leurs droits.  Même avec l’intervention du gouvernement Philippin, les travailleurs furent dans l’impossibilité d’obtenir le bon diagnostic ou une compensation pour leurs souffrances, et maintenant, le gouvernement Philippin dérégule le recrutement des travailleurs par des compagnies étrangères.  En conséquence, le gouvernement n’aura plus de rôle dans ce domaine et la migration des travailleurs ne concernera plus que le travailleur et l’employeur étranger.  Le gouvernement abandonne donc ses fonctions de régulation qui permettrait de protéger les droits de ses citoyens. 

Tous les États parties à la convention sont obligés de donner un compte rendu au comité dans l’année qui suit l’entrée en vigueur de la convention.  Ensuite, ils doivent soumettre un rap­port tous les cinq ans.  Le rapport devrait traiter des mesures juridiques, législatives et admi­nistratives qui ont été prises pour protéger les droits contenus dans la convention.

La convention contient aussi une clause pour que le comité puisse recevoir des communica­tions (plaintes) d’une État partie contre un autre ainsi que les plaintes d’individus qui revendi­quent la violation des droits contenus dans la convention.  Cependant, le comité reçoit des plaintes contre un État seulement lorsque l’État partie accepte la compétence du comité à recevoir de telles plaintes.

Le travail des enfants

Les enfants qui travaillent dans des conditions dif­ficiles et dangereuses forment eux aussi un au­tre groupe vulnérable, exploité et qui se voit refuser l’accès aux droits sur le lieu de tra­vail.  En plus des risques pour leur santé, les jeunes travailleurs sont exposés aux dan­gers physiques, intellectuels et émotion­nels potentiels à long terme.  Les enfants qui travaillent sont confrontés au pro­blème potentiel de l’analphabétisme et du chômage dans leur vie d’adulte.  Malgré un grand nombre de problèmes, le travail des enfants est très largement pratiqué. 

L’article 32 de la Convention relative aux droits de l’enfant reconnaît qu’un enfant a le droit d’être protégé des travaux dangereux qui interfèrent avec son éducation ou qui peu­vent être néfastes à sa santé et à son développement physique, mental, spirituel, moral et so­cial.  Cet article demande aux États d’appliquer des lois relatives à l’âge minimum auquel il est permis de travailler et aux conditions de travail.

L’OIT a adopté plusieurs conventions relatives au travail des enfants.  La plus récente et qui a aussi la plus grande portée est la Convention 182 concernant l’interdiction des pire formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination.  Adoptée en 1999, la convention n’est pas encore entrée en vigueur.  Elle oblige les États qui la ratifient à prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires for­mes de travail des enfants.  Dans l’article 3, les pires formes de travail des enfants compren­nent:

(a)    toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés;

(b)    l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de produc­tion de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques;

(c)    l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants; et

(d)    les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont suscep­tibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant.

L’article 3(d) comprend, parmi d’autres, les formes de travail suivantes:

§         les travaux qui exposent les enfants à des sévices physiques, psychologiques et sexuels;

§         les travaux qui s’effectuent sous terre, sous l’eau, à des hauteurs dangereuses ou dans des espaces confinés;

§         les travaux qui s’effectuent dans un milieu malsain pouvant, par exemple, exposer les en­fants à des substances, des agents ou des procédés dangereux ou à des conditions de tem­pérature, de bruit ou de vibrations préjudiciables à leur santé; et

§         les travaux qui s’effectuent dans des conditions particulièrement difficiles, par exemple, pendant de longues heures de travail, la nuit ou pour lesquels l’enfant est retenu de ma­nière injustifiée dans les locaux de l’employeur.13

Les modèles de travail en évolution

Pendant les années 80, de nouvelles formes de l’organisation de la production et de nouveaux comportements dans les investissements mondiaux sont apparus.  Ils ont changé les compor­tements et la signification du travail.  Dans les deux dernières décennies, la majorité des em­plois dans les pays développés ont été de nature « temporaire », ce qui change du travail ré­gulé et syndiqué.  La plupart des gouvernements de l’Organisation de coopération et de déve­loppement économiques (OCDE) ont fait pression pour obtenir la dérégulation et la privatisa­tion des moyens de production sociaux.  Ceci a conduit au recours de plus en plus fréquent à des sous-traitants issus du secteur privé et à des entreprises du secteur public.  Les travail­leurs de ces unités de sous-traitance bénéficient de beaucoup moins de droits juridiques et d’avantages.

Est-ce que l’introduction d’une telle flexibilité signifie une alternative à la planification bureaucratique et la possibilité d’un contrôle démocratique plus grand du travail et de la consommation?  Ou est-ce seulement un moyen pour obtenir davantage de main-d’œuvre  moins payée et plus vulnérable?  Il y a encore plus de désaccords en ce qui concerne la définition de ces changements en termes d’investissements, de production, de technolo­gie, de distribution et d’emplacement des industries.  Est-ce que nous nous détachons de la production de masse « fordiste » pour nous diriger vers un nouvel ordre économique?  Sommes-nous dans l’ère « post-fordiste » ou de la « spécialisation flexible » dans la­quelle les produits qui utilisent les nouvelles technologies doivent être produits par des travailleurs décentralisés?  Ou assistons-nous à des modes de travail plus confus, une nouvelle combinaison de structures pour l’emploi dans lesquelles les employeurs favori­sent la flexibilité ou la réglementation en fonction de la nature de ce qui doit être produit?  Au beau milieu d’un débat irrésolu, il est clair que l’on peut observer une cassure dans le mode d’organisation du travail des pays les plus riches et que des tendances similaires sont en train d’émerger dans les pays nouvellement industrialisés.14

Organisations de travailleurs invisibles

Les travailleurs des secteurs non- réglementés sont appelés « travailleurs invisibles » car ils exercent leur métier dans l’isolement, dans des ateliers dispersés clandestins.  Ils ne profitent pas des lois sur le travail.  Sans identité collective, ils ne peuvent pas être protégés, même s’il existe des lois en leur faveur.  Certains pays ont voté des lois concernant les travailleurs à domicile et dans les années 90, l’OIT a publié un document sur les conditions du travail à domicile.15  Cette publication fournit des renseignements sur des législations qui ont été adoptées dans divers pays.  Par exemple, au Pérou, le salaire des travailleurs à domicile ne peut pas être inférieur à celui des ouvriers d’usine ou d’atelier.  Dans la République domini­caine, le salaire des travailleurs à domicile est basé sur les tarifs payés à la tâche. En Inde, la Loi sur l’Assurance ne s’applique pas aux travailleurs à domicile.  Les lois pour la protection des travailleurs à domicile doivent être harmonisées.  Cependant, de telles lois ne seront pas mises en place tant que les travailleurs ne s’organiseront pas pour réclamer que les lois soient appliquées.  Généralement, l’organisation du travail « informel » ou des travailleurs à domi­cile prend la forme de coopératives ou d’organismes d’entraide.

Auteurs: Les auteurs de ce module sont Rolf Kunnemann sur le droit au travail et Alberto Gómez sur les droits du travail (droits des travailleurs).

La coopérative Dinesh Bidi

« La coopérative Dinesh Bidi (‘bidi’ est le nom d’une cigarette roulée à la main) fut fondée en 1968 dans l’État de Kerala (Inde) lorsque les entrepreneurs commerciaux privés quittèrent la région, en réponse à la loi de 1966 en faveur des travailleurs de l’industrie du cigare et du bidi.  La loi accorda aux travailleurs de bidis des droits comparables à ceux des ouvriers d’usines.  Le coût d’embauche des travailleurs à domicile augmenta et les employeurs privés quittèrent ce domaine d’activité, sonnant ainsi le glas pour 12.000 travailleurs à domicile.  Le gouvernement de l’État répondit à cette situation en organisant les travailleurs en coopérati­ves de producteurs et en accordant des prêts aux travailleurs pour qu’ils achètent des actions et des matières premières.  Les coopératives débutèrent en 1968 avec 3.000 membres; en 1983, elles en comptaient 30.000.  Dans les coopératives, les travailleurs recevaient des salai­res équitables, des congés de maternité, des assurances collectives et des pensions de retraite.  Au bout du compte, elles s’avérèrent un immense succès et il fut sérieusement envisagé de reproduire cette démarche dans d’autres États du pays. 

« Cependant, les gouvernements s’aperçurent qu’il allait être plus difficile de reproduire ce modèle de coopérative dans d’autres États.  En plus des caractéristiques locales des travail­leurs et du marché, le secret du succès des coopératives Dinesh Bidi résidait dans le puissant mouvement syndical qui animait Kerala.  La surveillance stricte de la mise en application de la loi en faveur des travailleurs de l’industrie du cigare et du bidi par les syndicats a poussé les fabricants privés à quitter le lieu, laissant ainsi le marché aux travailleurs.  Dans les ré­gions non syndiquées, par contre, le secteur privé fonctionnait toujours, se servant de main-d’œuvre  clandestine et concurrençant ainsi les coopératives qui payaient des salaires équita­bles et des impôts ».16

NOTES


1  Organisation internationale du travail, Convention concernant la politique de l’emploi (OIT No. 122), 569 UNTS 65, entré en vigueur le 12  juillet 1966.

2  Charte sociale européenne, (ETS No. 35) 529 UNTS 89, entré en vigueur le 26 février 1965, art. 1.

3  Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté le 16 décembre 1966, AG res. 2200A (XX1), 21 UN GAOR Supp. (No. 16) à 49, ONU Doc. A/6316 (1966), 993 UNTS 3, entrée en vigueur le 3 janvier 1976.

4  Charte sociale européenne, (ETS No. 35) 529 UNTS 89, entré en vigueur le 26 février 1965.

 5.  Kathyayini Chamraj, « A Campaign against Oppression »,  The Hindu, 19 octobre 1997.

.  Organisation internationale du travail, Convention concernant le travail forcé ou obligation (OIT No. 29), 39 UNTS 55, entré  en vigueur 1 mai 1932; Organisation internationale du travail, Convention concernant l’abolition du travail forcé (OIT No. 105), 320 UNTS 291, entré en vigueur le 17 janvier 1959.

 7.  Voir Organisation internationale du travail, Convention concernant la fixation des salaires mi­nima (OIT No. 131), entré en vigueur le 29 avril 1972; Organisation internationale du travail, Convention concernant les méthodes de fixation des salaires minima dans  l’agriculture (OIT No. 99), entré en vigueur le 23 août 1953.

 8. Organisation internationale du travail, Convention tendant à limiter à huit heures par jour et à  quarante-huit heures par semaine le nombre des heures de travail dans les établissements indus­triels (OIT No. 1), entré en vigueur le 12 juin 1921.

9 . Organisation internationale du travail, Convention concernant la règlement de la durée du travail dans le commerce et dans les bureaux (OIT No. 30), entré en vigueur le 29 août 1933.

10. Organisation internationale du travail, Convention concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical  (OIT No. 87), 68 UNTS 17, entré en vigueur le 4 juillet 1950; Organisation in­ternationale du travail, Convention concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective (OIT No. 98), 96 UNTS 257, entré en vigueur le18 juillet 1951.

11. Organisation internationale du travail, Convention concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale (OIT No. 100), 165 UNTS 303, entré en vigueur le 23 mai 1953.

12. Organisation internationale du travail, Convention concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession (OIT No. 111), 362 UNTS 31, entré  en vigueur le 25 juin 1958.

13. Organisation internationale du travail, Convention concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (OIT No. 182), entré en vigueur le 19 novembre 2000.

14. Sheila Rowbotham et Swasti Mitter, Dignity and Daily Bread: New forms of economic organi­sing among poor women in the Third World and the First (New York: Routledge, 1994), 14.

15. Organisation internationale du travail, Programme de conditions de travail, Conditions de travail: à la maison travail (Genève, 1990).

16.  Swasti Mitter, « On Organising Women in Casual Work : A global overview », en Rowbotham et Mitter, op. cit., 32.


Droits résérves