Objet du module 1
Ce module a pour objet de permettre
aux participants de développer
une perspective et une approche des
questions économiques, sociales
et culturelles axées sur les
droits.
Sont traités dans ce module:
- le développement d'une
perspective axée sur les droits;
- les valeurs intrinsèques
des droits économiques, sociaux
et culturels (ESC);
- le besoin de réfléchir
à des politiques et stratégies
de développement;
- le débat sur le rôle
de l'État pour garantir les
droits ESC; et
- l'indivisibilité des
droits.
Développement d'une perspective
axée sur les droits
La dignité d'un individu ne
peut et ne devrait pas être divisée
entre deux sphères-civique et
politique d'une part, et économique,
sociale et culturelle d'autre part.
L'individu doit être affranchi
tant du besoin que de la peur. Le but
ultime de la garantie du respect de
la dignité d'un individu ne peut
être atteint sans que la personne
puisse jouir de tous ses droits. En
dernier lieu, il s'agit de mettre l'être
humain au centre-non pas en tant qu'individu
atomistique, mais en tant qu'élément
d'une communauté et d'un écosystème.
Pour faire avancer les droits ESC, il
faut une nouvelle philosophie et une
nouvelle perception des droits.
En février 2000, le gouvernement
indonésien a imposé une
interdiction sur l'utilisation des becaks
dans la capitale, Djakarta. Les becaks
sont des tricycles qui servent au transport
des biens et des personnes; c'est en
appuyant sur les pédales de ces
becaks que beaucoup de gens gagnent
quelque moyen d'existence. Lorsque cette
interdiction a été imposée,
le gouvernement a soutenu que les becaks
provoquaient des embouteillages, qu'ils
étaient lents et incongrus dans
une ville aux rues pleines de voitures
neuves et d'autres véhicules
à moteur.
Ce n'est pas la première fois
que l'utilisation des becaks a été
déclarée illégale.
La précédente interdiction
a été levée en
1997 en raison de la crise économique
aiguë dans le pays. L'exploitation
des becaks procure une source
de travail indispensable. De nombreux
pauvres ont vendu leurs quelques possessions
pour acheter un becak, afin de
pouvoir gagner leur vie. Désormais,
à cause de cette nouvelle interdiction,
ils sont de retour à la case
départ.
La supposition implicite sous-jacente
dans l'interdiction du gouvernement,
c'est que les conducteurs de becaks
n'ont pas leur place dans l'environnement
urbain chargé de Djakarta, où
ce mode de subsistance n'est plus approprié.
L'interdiction comporte également
l'insinuation que le gouvernement décline
toute responsabilité vis-à-vis
de la marginalisation des conducteurs
de becaks; bien que ces derniers puissent
avoir des droits les protégeant
contre les arrestations arbitraires,
la torture et le meurtre, ils n'en ont
aucun qui puisse garantir leur bien-être
économique et social.
La controverse porte sur l'abandon
par les conducteurs de becaks
de leur mode de subsistance afin de
laisser la place au développement
économique qui, à long
terme, leur épargnera la corvée
de pédaler toute la journée.
En attendant, au lieu de leur dire qu'ils
ont des droits, pourquoi ne pas leur
fournir une aide caritative, afin qu'ils
ne meurent pas de faim? La nourriture,
le logement, la santé et autres
nécessités de base des
conducteurs de becaks sont généralement
considérées dans le cadre
d'une perspective de développement;
elles sont simplement vues comme des
besoins et non comme des droits. L'hypothèse
étant que le développement
économique permettra à
une personne ou à un groupe de
subvenir à ses besoins essentiels.
La situation désespérée
des conducteurs de becaks n'est
pas unique. Leur situation pécuniaire
et celle similaire de nombreux autres
posent cependant une question difficile:
Comment pouvons-nous comprendre et discuter
de leurs situations, non pas sur le
plan de l'aide caritative et du développement,
mais sur celui des droits de l'homme
et plus particulièrement des
droits économiques, sociaux et
culturels (ESC)? Il est facile de dire
que les droits ESC existent, mais exprimer
leur relation par rapport à des
cas réels tels que celui-ci est
un défi.
Il est essentiel de comprendre la différence
entre se consacrer au développement,
en étendant des services ou en
procurant des besoins essentiels, et
s'employer à garantir la jouissance
des droits ESC. Nous ne pouvons ignorer
l'effet de la privation des droits ESC
élémentaires sur la dignité
d'une personne. On ne peut demander
aux individus d'attendre que le développement
économique arrive avant que leur
dignité ne soit respectée.
La dignité et le bien-être
des êtres humains sont la fondation
sur laquelle se construit une approche
axée sur les droits.
Les droits ESC reposent sur la conviction
que les privations économiques
et sociales ne devraient plus être
considérées comme le résultat
de conditions naturelles décrétées
par Dieu ou la fatalité, comme
cela en a souvent été
le cas au cours de l'histoire. Ils reposent
également sur la conviction que
ceux qui ne jouissent pas de la réalisation
de leurs droits ESC ne doivent pas être
automatiquement blâmés
pour leur détresse, accusés
d'être paresseux, dépensiers
ou non entreprenants.
Une approche axée sur les droits
repose sur la conviction que tous les
êtres humains, par la vertu de
leur condition, sont détenteurs
de droits. Un droit implique l'obligation
pour le gouvernement de le respecter,
le promouvoir, le protéger et
le satisfaire. Le caractère légal
et normatif des droits, et les obligations
gouvernementales qui leur sont associées,
sont basés sur les traités
internationaux de droits de l'homme
et autres standards, ainsi que sur les
provisions nationales constitutionnelles
de droits de l'homme.
Par conséquent, une approche
axée sur les droits de l'homme
n'implique pas la charité ou
le simple développement économique;
c'est un processus visant à permettre
et à inciter ceux qui ne jouissent
pas de leurs droits ESC à les
revendiquer.
Lorsque des individus ou des peuples
ne peuvent exercer ce qu'ils comprennent
et estiment être leur droit, les
militants peuvent les encourager et
les aider à revendiquer ce droit
par des voies judiciaires et administratives
ou, lorsqu'un mécanisme établi
n'existe pas, par d'autres moyens, tels
que les manifestations publiques. Le
processus d'affirmation d'une revendication
n'affirme pas seulement la possession
par un individu de son propre droit,
il aide également à définir
ce droit et fait prendre conscience
que cette revendication n'est pas un
privilège ou une aspiration,
mais un droit.
Un militant des droits de l'homme a
décrit l'approche axée
sur les droits de la façon suivante:
Que signifie une " approche
des droits"? Premièrement,
cela signifie comprendre la différence
entre un droit et un besoin. Un droit
est quelque chose qui m'est dû
par la vertu-même que je suis
une personne. C'est ce qui me permet
de vivre avec dignité. Il est
par ailleurs possible de faire valoir
un droit auprès du gouvernement
et il en découle que ce dernier
a l'obligation de l'honorer. Un besoin,
en revanche, est une aspiration qui
peut être tout à fait
légitime, mais qui ne comporte
pas nécessairement l'obligation
pour le gouvernement d'y pourvoir;
la satisfaction d'un besoin ne peut
être imposée. Les droits
sont associés à la notion
" d'être" , les besoins
à celle " d'avoir"
.
Deuxièmement, une approche
des droits ne peut se concentrer sur
la défense ou l'attaque de
la forme de gouvernement, sur des
déclarations pour ou contre
l'orientation politique de la victime
ou sur les motivations--prétendues
ou réelles--de ceux qui enfreignent
les droits de l'homme, mais plutôt
sur les droits-mêmes étant
enfreints et la machine gouvernementale
qui rend ces violations possibles.
En d'autres mots, une approche des
droits ne peut attaquer ou soutenir
un type de système politique
en particulier, même s'il ne
peut ignorer sa résistance
en tant que facteur bloquant ou favorisant
l'exercice effectif des droits de
l'homme.
Troisièmement, et en conséquence
des faits précités,
un droit est défini sur la
base de la dignité, ce qui
veut dire, sur la base de " l'être"
, et non de " l'avoir" ou
du programme social ou économique
d'un parti ou d'un gouvernement. Un
programme politique peut--et devrait--être
négocié, tandis que
la dignité, elle, n'est pas
négociable. Les programmes
politiques sont nécessaires
pour honorer les droits de l'homme,
mais ils ne peuvent s'y substituer.
Les programmes politiques sont nécessaires
pour honorer les droits de l'homme,
mais il ne peuvent s'y subsitituer.
Les programmes politiques sont sujets
aux changements de dynamique sociale
et économique, et ce qui est
important aujourd'hui peut ne pas
l'être demain. La dignité
de l'individu est immuable; elle est
la même de tout temps et en
tout lieu, et son essence transcende
les particularités culturelles.
1
La valeur intrinsèque des
droits ESC
Les droits ESC (par exemple, la nourriture,
l'éducation et le logement) ne
sont normalement perçus que comme
instruments pour l'accomplissement de
certains objectifs, tels que le développement
et la croissance économique.
Cette vision s'aligne avec la notion
que les droits ESC ne sont que des aspirations,
et non pas des droits à part
entière. Il en découle
l'idée que ces droits ne peuvent
être atteints que progressivement,
puisque leur jouissance est liée
à la disponibilité de
ressources. À ce stade, la catégorisation
" négative" et "
positive" des droits entre en jeu,
selon laquelle les droits civils et
politiques peuvent être mis en
place immédiatement, puisqu'ils
ne nécessitent qu'une non-intervention
de l'État, tandis que tous les
droits ESC sont censés nécessiter
un rôle positif de l'État.
Le débat autour des droits ESC
commence alors à s'enchevêtrer
dans les politiques du libre marché
contre l'État interventionniste.
Le débat sur les droits ESC
est généralement conduit
non pas dans la perspective des droits,
mais dans celle du développement
et des politiques d'aide sociale. Une
approche qui rend les droits ESC dépendants
des politiques de développement
d'un État, sape le principe fondamental
que les droits de l'homme ne peuvent
être ni donnés, ni enlevés.
Il est essentiel d'établir la
valeur intrinsèque des
droits ESC. Ils ont une valeur--et sont
une fin--en eux-mêmes.
L'approche en termes de " potentiel
" suggérée par le
Prix Nobel d'économie, Amartya
Sen, offre un cadre utile pour comprendre
la valeur intrinsèque des droits
ESC. Selon Sen, " la notion de
potentiel est essentiellement celle
de liberté--la variété
d'options dont une personne dispose
pour définir la vie qu'elle veut
mener ".
2 Il soutient que la pauvreté
et la privation devraient être
considérées en fonction
de leur rôle comme entraves à
la liberté d'une personne de
mener la vie qu'elle souhaite. La liberté
d'avoir une espérance de vie
normale, par exemple, est entravée
par une mortalité prématurée,
et celle de lire ou d'écrire,
par l'illettrisme. La jouissance des
droits ESC valorise la liberté
des individus par l'accroissement de
leurs potentiels et de leur qualité
de vie.
Considérer la pauvreté
comme une défaillance de capacité
peut amener à exiger les mesures
sociales appropriées par l'intermédiaire
d'obligations soumises aux États.
Cette approche offre également
un cadre pour juger les politiques d'après
leur impact sur l'amélioration
des capacités des citoyens (que
cette amélioration provienne
ou non de la croissance des revenus
réels). En dernier lieu, une
approche de capacité peut être
un moyen d'évaluer l'impact des
discriminations basées sur des
facteurs tels que la race, la classe
sociale, la caste et le sexe. Une discrimination
peut, par exemple, entraver la capacité,
et par conséquent la liberté
d'une personne lorsqu'elle entraîne
le refus d'emploi ou de soins médicaux
appropriés.
Sen identifie cinq raisons pour lesquelles
l'éducation et la santé
contribuent à la liberté
d'une personne.
1. L'importance intrinsèque
Être éduqué et
en bonne santé, ce sont des
réussites en soi, et l'opportunité
d'en bénéficier peut
avoir une importance directe sur la
liberté effective d'une personne.
2. Rôles personnels instrumentaux
L'éducation et la santé
d'une personne peuvent l'aider à
faire beaucoup de choses--autres que
le simple fait d'être éduqué
et en bonne santé--qu'elle
valorise. Elles peuvent être
importantes, par exemple, pour obtenir
un travail et plus généralement
pour tirer parti d'opportunités
économiques. L'expansion en
revenus et en moyens économiques
qui en résulte peut, en retour,
ajouter à la liberté
d'une personne dans sa recherche d'une
vie qu'elle valorise.
3. Rôles sociaux instrumentaux
Une plus grande alphabétisation
et une éducation élémentaire
peuvent faciliter le discours public
sur les besoins sociaux et encourager
des demandes collectives informées
(pour une couverture sociale et de
santé, par exemple); celles-ci
en retour peuvent aider à étendre
les infrastructures appréciées
du public et contribuer à une
meilleure utilisation des services
disponibles.
4. Rôles de processus instrumentaux
Le processus d'éducation peut
avoir des bénéfices
même en dehors de ses objectifs
ciblés explicitement, à
savoir une éducation formelle
. . . L'éducation rapproche
également les jeunes et, de
cette façon, élargit
leurs horizons, ce qui peut-être
particulièrement important
pour les filles.
5. Rôles distributifs et autonomisation*
Une plus grande alphabétisation
et réussite scolaire des groupes
défavorisés peut améliorer
leur capacité à résister
à l'oppression, à s'organiser
politiquement, et à obtenir
un part plus juste. 3
Les effets de l'éducation et
de la santé ne se limitent pas
nécessairement à la personne
qui en bénéficie.
Étendre la santé et
l'éducation peuvent avoir un
impact bien au-delà de résultats
personnels immédiats. Par exemple,
les capacités pédagogiques
d'une personne peuvent être
utiles à une autre. Les connexions
interpersonnelles peuvent également
avoir une importance politique; par
exemple, une communauté peut
bénéficier dans son
ensemble de l'attention civique qu'elle
reçoit à travers le
militantisme éduqué
d'un groupe particulier au sein de
cette communauté. 4
Sen examine également le rôle
de la nourriture dans l'avancement de
la liberté:
La liberté dont jouissent
les personnes afin de mener une vie
décente, qui comprend l'affran-chissement
de la faim, de la morbidité
évitable, d'une mortalité
prématurée, etc., est
connectée de façon relativement
centrale à l'approvi-sionnement
en nourriture et nécessités
associées. Aussi, le besoin
d'acquérir suffisamment de
nourriture peut forcer les personnes
vulnérables à faire
des choses qui leur sont insupportables,
et à accepter une vie aux libertés
très restreintes. Le rôle
de la nourriture dans le progrès
des libertés peut être
extrêmement important. 5
En ce qui concerne les politiques alimentaires,
Sen distingue deux sortes de perspectives-la
perspective instrumentale et
la perspective intrinsèque.
La perspective instrumentale porte l'accent
sur les incitations économiques
pour l'expansion du produit national,
y compris la production de nourriture.
Sen propose que la perspective instrumentale
ne se limite pas elle-même au
progrès de la liberté
pour réaliser des profits, de
quelque manière que ce soit.
D'autres types de liberté, plus
générales, telles que
la liberté de l'information,
de se réunir et de s'opposer,
devraient aussi progresser. Ces libertés
jouent un rôle crucial dans la
livraison et l'usage de la nourriture.
Dans le cadre de la perspective intrinsèque,
selon Sen, l'affranchissement de la
faim peut être considéré
comme ayant une valeur en lui-même.
Le développement économique
et le progrès social doivent
alors être jugés selon
leur capacité à améliorer
des libertés positives élémentaires
pour éviter une mortalité
prématurée, échapper
à la morbidité, éliminer
la malnutrition, etc.
L'importance de cette perspective
provient en partie du fait que les
mesures de produit national brut,
de revenu réel, etc., peuvent
souvent être trompeuses en ce
qui concerne l'étendue des
libertés dont jouissent les
gens et sur lesquelles ils peuvent
construire leur vie. Même pour
des questions aussi élémentaires
que d'éviter une mortalité
prématurée, les statistiques
de production nationale (y compris
la nourriture) peuvent cacher plus
qu'elles ne révèlent.
Il est possible de constater à
la fois une forte augmentation du
produit national brut par tête
et de la disponibilité alimentaire
par personne, et parallèlement,
une hausse de la mortalité.
6
Les arguments de Sen en ce qui concerne
les politiques alimentaires peuvent
être étendus aux questions
de politique sociale et économique
en général (politique
de développement). Elles peuvent
être examinées pour évaluer
si elles renforcent intrinsèquement
les droits ESC, et ainsi, la dignité
et la liberté de l'individu.
Examen
des conducteurs de becaks, une
approche en termes de " potentiel
"
À première vue,
la mise hors-la-loi des becaks
ne semble affecter que le statut
de travailleur de leurs conducteurs.
Cependant, un examen de leur situation
selon l'approche en termes de
" potentiel " de Sen
révèle un impact
bien plus grand sur les droits
et libertés du conducteur
de becaks nouvellement marginalisé:
- Avoir un emploi en tant que
conducteur avait une valeur
intrinsèque. L'opportunité
de travailler et de se faire
une place dans la société
augmentait la liberté
effective du conducteur et sa
qualité de vie en général;
- Le statut de travailleur indépendant
du conducteur lui permettait
de subvenir à ses propres
besoins et potentiellement aussi
à ceux de sa famille.
Ceci, en retour, augmentait
sa capacité à
prendre part dans la vie de
la communauté, avoir
accès à des services
et subvenir à des besoins
essentiels, tels qu'une nourriture
adéquate, des soins médicaux,
etc.;
- Au cours de sa journée
de travail, le conducteur de
becak entrait en contact
avec un grand nombre de personnes,
élargissant par là
même sa connaissance et
sa compréhension de la
société dans son
ensemble. Ces interactions sont
essentielles à sa liberté
dans la société
et la communauté; et
- La capacité du conducteur
à gagner sa vie peut
avoir affecté sa capacité
à organiser, résister
à l'oppression et créer
une vie plus juste pour lui-même
et sa famille.
La décision du gouvernement
indonésien de déclarer
illégaux les becaks a été
prise sans la participation effective
de ceux dont les moyens de subsistance
en dépendaient. Ceci n'a
pas seulement démuni les
conducteurs de becaks de leur
capacité à gagner
leur vie et des libertés
qui en découlent, mais
cela leur a aussi dénié
leur voix, leur rôle et
leur potentiel. On les a effectivement
fait disparaître de la société.
Une approche de cette situation
axée sur les droits comprendrait
l'encouragement et l'aide aux
conducteurs pour qu'ils réclament
leur droit à gagner leur
vie et les libertés associées
qui sont les leurs en tant qu'êtres
humains.
|
Réflexion sur les politiques
et stratégies de développement
Le progrès des droits ESC implique
un changement de philosophie vis-à-vis
des modèles de développement
existants. Les droits économiques,
sociaux et culturels sont normalement
associés à des besoins
et rattachés au domaine des politiques
de développement. Pour faire
progresser les droits ESC, les militants
doivent réfléchir aux
implications des politiques de développement
poursuivies par les gouvernements nationaux
et les agences internationales, et les
comprendre. Ils doivent également
posséder une perspective historique
quant aux stratégies de développement
poursuivies par ces mêmes acteurs
s'ils veulent être capables de
les critiquer et, lorsque cela est nécessaire,
de proposer des modèles alternatifs
respectant les droits ESC.
Bref historique de la planification
nationale et signification de "
développement "
La révolution industrielle a
créé le besoin de planification
sociale. La misère et la pauvreté
urbaines provoquées par l'industrialisation
nécessitèrent la mise
en place de mesures d'aide sociale.
(Voir le module 19, pp. 390-91 pour
un historique des premiers suivis de
ces conditions.) À l'origine,
ces " problèmes sociaux
" étaient laissés
aux organisations caritatives qui devaient
s'en débrouiller. Les problèmes
devinrent si énormes, cependant,
qu'ils exigèrent rapidement l'intervention
de professionnels et de l'État.
La pauvreté, la maladie, le manque
d'éducation et d'hygiène,
et le chômage nécessitèrent
une planification et une intervention
sociale d'envergure dans la vie de tous
les jours. La planification devint une
technique centrale de développement,
redéfinissant la vie sociale
et économique en accord avec
les demandes de la société
industrielle. Cette planification "
scientifique " (rationnelle et
efficace) était infusée
avec une attitude instrumentale envers
les populations et la nature.
Dans les années 20 et 30, à
la suite de la mobilisation des ressources
nationales par la Première guerre
mondiale, la planification a gagné
plus de visibilité grâce
à la planification soviétique,
au mouvement de gestion scientifique
aux États-Unis, et à la
politique économique Keynésienne.
7 La propagation
du colonialisme et l'exportation de
la " modernité " lui
ont ouvert la voie dans les colonies.
La planification est devenue un outil
central de modernisation des sociétés
en voie de développement traditionnelles.
Les nationalistes qui émergèrent
dans les colonies placèrent leur
foi en elle pour la construction de
nations post coloniales fortes et modernes.
Le modèle de planification devait
permettre d'accomplir une transformation
massive des structures humaines et sociales
en les remplaçant par des structures
nouvelles et rationnelles. Le zèle
démontré pour ce genre
de transformation est apparent dans
un article publié en 1952 dans
le Journal of Economic Development
and Cultural Change. L'auteur, en
discutant des facteurs qui entravent
le développement dans les pays
nouvellement indépendants, argumentait:
Si nous essayons d'interpréter
les aspirations des pays actuellement
moins avancés économiquement,
nous trouvons là également
une ambiguïté étrange,
qui semble être le résultat
d'un manque de conscience partiel
de la connexion rapprochée
entre le progrès économique
et les changements culturels. En effet,
les porte-parole des pays les plus
pauvres favorisent de la manière
la plus emphatique le progrès
économique qui résulte
en une élévation des
niveaux de vie en général,
et portent le blâme de leur
pauvreté sur leur ancien statut
colonial ou leur exploitation impérialiste
quasi-coloniale. Leur rejet du colonialisme
et de l'impérialisme se manifeste
sous la forme d'un sens aigu de nationalisme,
dont l'expression symbolique consiste
en la répudiation des philosophies
étrangères et des modes
de comportements extérieurs
et par la réaffirmation de
modes d'action et de pensée
honorés traditionnellement.
Par exemple, le nationalisme dans
le mouvement d'indépendance
de Gandhi était associé
au retour aux méthodes particulièrement
inefficaces des activités traditionnelles
indiennes, et de nos jours en Birmanie,
l'indépendance n'est pas seulement
accompagnée par une reprise
des noms et costumes traditionnels,
mais aussi par un renforcement du
bouddhisme, une religion reflétant
une idéologie totalement opposée
à une activité économique
progressive efficace. La réalisation
du progrès économique
rencontre par conséquent de
nombreux obstacles et entraves. 8
Le zèle pour la modernisation
des sociétés en voie de
développement se reflétait
également dans les politiques
officielles des institutions internationales.
Par exemple, la première mission
en Colombie de la Banque mondiale en
1949 proposait un vaste programme de
développement. La mission déclarait:
S'en remettre aux forces naturelles
n'a pas produit les résultats
les plus heureux, c'est la conclusion
à laquelle nous ne pouvons
pas échapper. Il est également
indéniable qu'avec la connaissance
des faits sous-jacents et des processus
économiques, une bonne planification
pour la détermination d'objectifs
et la répartition des ressources,
et la détermination de mener
à bien un programme pour l'amélioration
et les réformes, il est possible
d'améliorer grandement l'environnement
économique par l'établissement
de politiques économiques visant
à satisfaire des besoins sociaux
établis scientifiquement .
. . En réalisant un tel effort,
la Colombie ne trouverait pas seulement
son propre salut mais fournirait un
exemple édifiant pour toutes
les autres régions sous-développées
du monde. 9
Ainsi, le " développement
" était une question de
salut. Le processus était facilité
par le lancement des Décennies
du développement par les Nations
Unies. À chaque décennie,
l'accent changeait. Dans les années
50, il s'agissait de croissance et de
planification nationale; dans les années
60, de Révolution verte et de
planification sectorielle et régionale;
dans les années 70, des nécessités
de base et de planification au niveau
local; et dans les années 80,
l'accent changea en faveur de la planification
écologique en vue d'un développement
durable, et d'une planification qui
intègre au développement
les femmes ou les mouvements populaires.
L'impact de ces programmes de développement
n'a pas toujours été positif--comme
en témoigne la situation des
conducteurs de becaks. En fait,
ces programmes ont souvent été
particulièrement nuisibles aux
femmes et aux peuples indigènes.
Selon un critique,
Même en termes d'augmentation
de la production, les programmes de
développement rural ont eu
des résultats douteux, au mieux.
La majorité de l'augmentation
de la production alimentaire dans
le Tiers monde a eu lieu dans le secteur
commercial capitaliste, une bonne
part de cette augmentation s'est traduite
en liquidités ou en récoltes
pour l'exportation. En fait, comme
il a été amplement démontré,
les programmes de développement
rural et la planification de développement
en général ont contribué
non seulement à une paupérisation
croissante des populations rurales,
mais aussi à l'aggravation
des problèmes de malnutrition
et de famine. 10
Il est par conséquent important
que les organisations non-gouvernementales
(ONG) impliquées dans l'application
des programmes de développement
examinent ces derniers selon la perspective
des droits. Leurs programmes contribuent-ils
à l'amélioration des droits
des peuples ou est-ce qu'ils les sapent?
Ce sont de vrais débats et ils
ne peuvent être ignorés.
Débat sur le rôle de
l'État
L'éditorial du magazine The
Far Eastern Economic Review, reproduit
sur le page suivant, illustre le débat
sur la croissance économique
contre les droits ESC. En soutenant
le développement économique,
l'éditorial ignore la dignité
et la liberté de la femme qu'il
dépeint-et d'innombrables autres
dans des situations similaires. Il défend
également la réduction
du rôle de l'État dans
le traitement de la pauvreté,
puisque l'État providence n'aide
pas les pauvres; ce qu'il faut c'est
une activité économique
générée par le
secteur privé.
Comme illustré par cet éditorial,
ceux qui sont concernés par les
questions économiques et sociales
ne peuvent éluder le débat
sur le rôle de l'État.
Au niveau du peuple, les militants sont
engagés dans la remise en cause
des effets négatifs du développement
et du rôle contributif de l'État
à ces effets négatifs.
L'intervention de l'État dans
la promotion du développement
est remise en cause par d'autres qui
défendent la réduction
du rôle de l'État dans
les activités économiques
et de développement de façon
plus générale. Le concept
d'État lui-même et de ses
responsabilités, y compris son
rôle dans les politiques publiques,
a été remis en question
dans cette ère de globalisation.
Le consensus de l'après-guerre
qui existait dans la plupart des pays
d'Europe de l'Ouest en ce qui concerne
le rôle de l'État pour
la garantie du bien-être humain
élémentaire a été
ébranlé.
Le débat du marché
contre l'État est important
pour ceux qui travaillent sur les
questions de droits ESC. Il devrait
être clarifié que les
États ont des obligations pour
faire respecter les droits de l'homme
quel que soit le système économique
auquel ils adhèrent. Le Comité
des droits économiques, sociaux
et culturels (CDESC) a tenu à
préciser que selon le Pacte
international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels " les Etats
parties s'engagent à agir [à
garantir des droits d'ESC] n'exige
ni n'empêche qu'une forme particulière
de gouvernement ou de système
économique ".
Far Eastern Economic Review
Editorial
Les affamés d'Indonésie
Mais l'État providence
est-il la solution?
Ce n'est pas le pathos de l'image
sur cette page qui a d'abord attiré
notre attention. C'est plutôt
la légende écrite
par la photographe, Maya Vidon:
" Une femme indonésienne
fait cuire un chat dans un pot
le long d'une voie de chemin de
fer. "
C'est sans nul doute, l'Indonésie
qui a subi le choc le plus violent
durant la crise économique
en Asie. En Corée du Sud,
bien que le chômage ait
atteint des niveaux impensables
il y a quelques années,
c'est une économie de classe
moyenne serrée dans un
étau qui suscite des inquiétudes.
Cependant, le monde des affaires
continue à tourner. Cette
semaine, LG Semicon a gagné
un contrat de 700 millions de
dollars pour fournir des écrans
de haute-technologie à
Philips, la société
d'électronique néerlandaise.
À Kuala Lumpur, le gaz
lacrymogène opposé
aux contestataires qui manifestaient
à la suite de l'arrestation
de Anwar Ibrahim a ajouté
une dimension politique troublante
aux problèmes économiques.
Pourtant, même avec une
économie en récession,
on sent bien que la vie normale-loin
des lignes de police-continue:
Les gens continuent à sortir
dans les parcs et à manger
dans les aires de restauration
des centres commerciaux. Et en
ce qui concerne les pertes d'emplois,
nous avons pu lire récemment
qu'un manuvre licencié
nettoyait désormais des
chambres d'hôtel pour la
moitié de son ancien salaire.
Certes, il n'était pas
heureux, mais il ne faisait pas
non plus cuire d'animaux domestiques.
Mais en Indonésie, plus
de 17 millions de familles subissent
des pénuries de nourriture.
Dans le centre et l'Est de Java,
plus de 4 millions de foyers n'ont
pas les moyens de s'acheter plus
d'un repas par jour. Personne
n'aurait pu imaginer cela il y
a deux ans. Désormais les
chiffres et les images en provenance
d'Indonésie enhardissent
ceux qui avaient été
précédemment mis
sous silence par la traditionnelle
prospérité asiatique
basée sur le capitalisme
et cherchent à recréer
parmi nous ce paradis sur terre
appelé Suède. D'une
conférence à Manille,
jusqu'ici à Hong Kong,
nous entendons de plus en plus
que l'Asie a besoin d'un "
filet de sécurité
sociale " (lisez: aide sociale).
Mais, alors que des temps difficiles
peuvent, pour certains, rendre
plus crédibles les murmures
socialistes, notre propre crainte
est qu'une fois les allocations
mises en place (sous quelque forme
que ce soit), elles ne disparaissent
plus. Et une époque future
plus favorable ne viendra qu'alimenter
des agitations pour un enracinement
plus profond de l'aide sociale
et un élargissement de
son envergure.
Un de nos récents invités
était surpris de trouver
les habitants de Hong Kong d'humeur
raisonnablement bonne dans une
ville frappée par la récession,
et de constater que les rues et
gares ne soient pas plus sales
qu'avant. Un contraste marqué,
il nota, avec la crasse de la
dernière récession
en Europe. Ce que notre ami remarqua,
c'est la différence entre
la marginalité liée
au besoin d'aide sociale et la
responsabilité personnelle.
Car, bien que Hong Kong offre
quelques avantages sociaux, rares
sont ceux qui en tirent parti-sauvons
la face. Ainsi, tandis que l'aide
sociale entretient une dépendance
paresseuse envers l'État,
les asiatiques, affranchis de
toute aumône, savent se
prendre en charge eux-mêmes.
On s'habille proprement si l'on
souhaite décrocher quelque
chose lors d'un entretien. Et
à Hong Kong on trouve au
moins la preuve anecdotique d'un
esprit d'entreprise plus développé,
petits magasins et étals-épiciers,
papetiers-surgissant de façades
précédemment murées
et au coin des rues. La fierté
persiste face à l'épreuve
et implique que l'on prenne soin
de son environnement.
En Indonésie, il est plus
difficile de trouver un emploi:
ces derniers ont disparu. Ou d'ouvrir
un étal: il n'y a pas d'argent.
Mais les îles sont riches
en ressources naturelles-toutes
cotées en dollars, pas
en roupies. Alors pourquoi cette
famine? Prenons le pétrole,
pour lequel l'Opep autorise le
monopole pétrolier indonésien,
Pertamina, à produire jusqu'à
1,28 millions de barils par jour.
Les coûts d'extraction sont
d'environ 3 dollars (à
terre) et 8 dollars (en mer) par
baril, des coûts qui devraient
être suffisamment économiques
pour générer des
profits, même avec des prix
du brut entre 12 et 14 dollars
le baril. Avant, même lorsque
la famille de Suharto empochait
la plupart des profits, les miettes
restantes et les autres entreprises
de la Première famille
avaient aidé à créer
une classe moyenne. Aujourd'hui,
alors que tout est en faillite,
des infrastructures jusqu'au capitalisme
des copains, et que le moral du
pays est à la dérive,
l'argent se fait rare. La plupart
du brut d'Indonésie est
désormais raffiné
en dehors du pays. Les périls
qui menacent l'Indonésie
montrent que même les richesses
naturelles ne peuvent être
utilisées pour nourrir
la population.
De notre point de vue, la solution
semblerait être d'ouvrir
la voie aux gens du peuple pour
qu'ils puissent gagner leur vie.
Ce qui veut dire pour le gouvernement
de réparer les banques
et le crédit, mais aussi
de supprimer les réglementations
inutiles et de prendre des mesures
sévères contre la
corruption, petite et grande,
qui rend impossible la recherche
d'un emploi ou le démarrage
d'une petite entreprise. Cela
signifie également de ne
pas créer de dépendance
vis-à-vis de l'État
(le trésor est à
sec de toute façon). Rien
de tout cela ne sera facile, mais
il est sûr que la femme
de notre image n'a pas besoin
d'aide sociale pour rester dans
une pauvreté décente.
Elle doit avoir la possibilité
de gagner de l'argent afin que
ses enfants puissent quitter les
bidonvilles.
|
Le passage suivant écrit par
Jean Dreze et Amartya Sen offre un cadre
utile pour approcher le débat
concernant le marché contre l'État.
Les vertus rivales du mécanisme
de marché et de l'action gouvernementale
ont été amplement discutées
dans la littérature, mais les
mérites comparatifs des deux
formes de décision économique
sont si profondément dépendants
du contexte qu'il n'est pas très
raisonnable d'adopter un point de
vue général " pro-État
" ou " pro marché
". Pour illustrer ce sujet au
niveau le plus évident, nous
pourrions noter le simple fait que
ce qu'un gouvernement peut accomplir,
et réalisera de fait, doit
dépendre de la nature de ce
gouvernement . . . La foi implicite
dans la bonté et le bon sens
du gouvernement qui sous-tend la plupart
des raisonnements en faveur du développement
économique dirigé au
niveau gouvernemental ne peut pas,
le plus souvent, résister à
l'examen . . .
Il se pose également une question
d'ordre similaire quant à la
dépendance au contexte pour
le rôle du mécanisme
de marché. De quelles sortes
de marchés parlons-nous? L'essentiel
de la théorie du rendement
ou de l'efficacité des mécanismes
de marché se rapporte à
des marchés concurrentiels
en équilibre. Il n'est pas
superflu de supposer que de petites
transgressions de ces conditions de
concurrence n'entraînent pas
de changements radicaux des résultats,
mais les marchés réels
peuvent tout à fait prendre
des formes très différentes.
Par exemple, l'accaparement par quelques
spéculateurs de biens en offre
réduite-menant à une
aggravation massive de la pénurie
et des souffrances-s'est produit trop
souvent pour être repoussé
comme un cauchemar imaginaire. L'histoire
récente en Asie et en Afrique
offre une quantité d'exemples
d'échanges de marchés
utilisés pour réaliser
des profits aux dépends de
millions d'individus.
Il existe également des cas
où le marché a fait
de sérieuses erreurs d'évaluation
de l'étendue d'une pénurie
et a provoqué des souffrances--et
même le chaos--, sans que cela
soit le résultat de quelque
manipulation délibérée.
Ceci s'est produit, par exemple, lors
de la famine de 1974 au Bangladesh,
lorsqu'une spéculation malvenue
des opérateurs en bourse contribua
à une énorme hausse
des prix du riz, suivie plus tard
par une forte baisse jusqu'aux tarifs
antérieurs à la hausse
(pendant ce temps, la famine avait
fait un grand nombre de victimes).
Adopter un point de vue général
" pro marché " inconditionnellement
n'est pas moins problématique
que d'adopter une attitude générale
" pro gouvernement ". 11
Il faut insister sur le fait qu'il
n'est pas question d'une forme de gouvernement
ou d'une autre. Il est plutôt
question du type de gouvernance qui
garantit la réalisation des droits
ESC. Dans le débat actuel,
le rôle négatif de l'État
(particulièrement en rapport
aux restrictions et contrôles)
a été particulièrement
mis en avant. Ce sur quoi il est important
d'insister, cependant, c'est le rôle
positif du gouvernement en matière
de développement et de mise en
place de politiques liées aux
prestations d'éducation, de soins
médicaux, de distribution des
terres et autres droits sociaux et économiques.
Il est désormais bien établi
que les interventions positives des
gouvernements peuvent entraîner
des changements de conditions de vie
rapides. Parmi les dix pays en voie
de développement ayant obtenu
les plus importantes réductions
du taux de mortalité infantile
entre 1960 et 1985, cinq étaient
des cas de ce que Dreze et Sen appellent
des " réussites influencées
par la croissance "; c'est-à-dire,
des réussites résultant
de la croissance économique.
Les cinq autres pays appartiennent
à la catégorie des "
succès tirés par le soutien
". Ces derniers atteignirent une
réduction de la mortalité
en dépit d'une croissance économique
faible, grâce à des programmes
publics concertés dans les secteurs
de la santé, de l'éducation
et de la sécurité sociale.
Le rapport entre l'intervention publique
et la suppression d'une privation endémique
a même été établi
dans les expériences des pays
riches et industrialisés. Un
exemple est la forte augmentation de
la longévité en Grande-Bretagne
au cours des décennies des guerres
mondiales qui étaient des périodes
de rapide expansion du soutien aux distributions
publiques de nourriture, de création
d'emploi et d'apport de soins médicaux.
Dans la période contemporaine,
famine et privations persistantes dans
certaines sections de la population,
même dans les pays riches, semblent
avoir une connexion évidente
avec un manque de mesures et d'interventions
publiques. 12
Les réussites accomplies par
certains pays en voie de développement
grâce aux interventions gouvernementales
sont la preuve qu'il est possible d'obtenir
des améliorations rapides en
matière de conditions de vie
en dépit d'une croissance économique
lente. Il est utile de faire remarquer
que, par exemple, en dépit d'une
forte croissance économique,
la Thaïlande et la Corée
du Sud ont toujours une espérance
de vie à la naissance inférieure
à celles du Sri Lanka, de la
Jamaïque et du Costa Rica.. De
même, en Inde, l'État de
Kerala a obtenu des résultats
exceptionnels dans le domaine social
en dépit d'un niveau de revenus
très bas; il a une espérance
de vie à la naissance plus élevée
(environ 72 ans) que certains pays de
la région au succès économique
plus important (la Thaïlande, 69
ans, et la Corée du Sud, 71 ans).
Comment le Sri Lanka et le Kerala réussissent-ils
à se développer socialement
alors qu'ils appartiennent à
une région du monde où
les privations économiques sont
endémiques? Le succès
du Kerala peut être retracé
aux interventions publiques liées
à l'éducation élémentaire,
la réforme agraire, au rôle
des femmes dans la société
et à une distribution équitable
de soins médicaux et autres services
publics. 14
La négligence vis-à-vis
de ces mêmes domaines a été
liée au dénuement extrême
prévalant dans certaines autres
provinces de l'Inde. En fait, le contraste
flagrant entre le Kerala et d'autres
provinces indiennes est la preuve que
la garantie des droits ESC requiert
une variété d'interventions
publiques, qui augmentent le rôle
actif des individus lorsqu'il leur est
offert une éducation et une infrastructure
de soins élémentaires.
Le droit de savoir,
le droit à la vie
Une expérience au Rajasthan,
en Inde
" Pour garantir les moyens
de subsistance de catégories
sociales marginales de la société
rurale, le contrôle des
ressources comme moyen de production
était considéré
comme essentiel. La mobilisation
et les mouvements dans différentes
parties du pays, pour garantir
les moyens de subsistance, s'étaient
par conséquent concentrés
sur les droits aux ressources,
principalement les ressources
naturelles. Le travail initial
de Mazdoor Kisan Shakti Sangathan
(MKSS) au Rajasthan au début
des années 90 se concentra
aussi sur ces aspect. Le processus
de garantie des droits passait
par la mobilisation des sections
marginales contre les exploiteurs.
Souvent, la mobilisation se faisait
contre l'état, puisque
ce dernier, en refusant par exemple
des salaires minimums pour les
activités de développement,
avait établi l'exploitation
comme norme.
" D'un autre côté,
le droit à l'information
était vu comme une préoccupation
urbaine de l'élite. Cela
était considéré
comme faisant partie de la liberté
d'expression et des droits démocratiques
. . . Le processus de garantie
du droit à l'information
. . . dépendait de la justice
naturelle et . . . de l'influence
exercée sur les politiciens.
La question était davantage
débattue dans l'arène
intellectuelle et jamais aux coins
de rues. La presse était
également impliquée
dans la garantie du droit à
l'information en tant que droit
fondamental à l'expression.
" Ces deux tentatives furent
menées à bien en
tant qu'activités indépendantes
et souvent parallèles.
Ce fut en 1994 que MKSS, au cours
de son travail sur la garantie
des moyens de subsistance, définit
la convergence entre ces deux
questions. C'est en 1994 que fut
adoptée pour la première
fois la méthode des audiences
publiques-un processus choisi
par les mouvements écologiques
populaires-pour la mobilisation
des fermiers marginaux et des
laboureurs sans terre. Le principal
changement théorique, cependant,
fut le passage de la définition
du droit à l'information
comme liberté d'expression,
à celle d'un droit inaliénable,
pour les sections les plus faibles,
au droit à la vie et à
la subsistance.
" Ainsi, le mouvement qui
avait été créé
pour garantir les moyens de subsistance
dans une Kasbah avait totalement
transformé le macro discours
sur le droit à l'information
en en faisant une condition préliminaire
à la garantie de la subsistance,
et non pas seulement une liberté
d'expression. Pour la majorité
des pauvres des campagnes, qui
dépendent des activités
de développement de l'état
pour leur survie, le droit à
l'information les habiliterait
à obtenir des salaires
minimums et exiger que le développement
ne soit pas limité à
des statistiques, mais qu'il améliore
le plus possible leurs conditions
de vie. De plus, au Rajasthan,
les mouvements pour la garantie
des moyens de subsistance par
la mobilisation des exploités
eut également le mérite
d'avoir placé leur combat
dans le contexte du droit à
l'information. "13
|
L'indivisibilité des droits
La réalisation des droits ESC
requiert également la protection
des droits civils et politiques comme
condition d'habilitation, pour la participation
des citoyens à la formulation,
la mise en uvre et le suivi des
politiques sociales. Cependant, l'importance
de ces conditions d'habilitation ne
signifie pas que les droits civils et
politiques ont priorité par rapport
aux droits ESC. En réalité,
ils vont de pair. L'expérience
d'un groupe dans le Rajasthan, en Inde
(décrite dans l'encadré
de la page 26), montre que ceux qui
travaillent sur les droits ESC peuvent
saisir les droits civils et politiques
comme moyen de faire progresser les
droits ESC-et par conséquent,
les libertés en général.
Le groupe travaillant dans le Rajasthan
demandait accès à l'information,
non pas comme droit individuel lié
à la liberté d'expression,
mais en tant que droit inaliénable
des catégories sociales les plus
faibles à la vie et à
la survie.
Réorienter notre perception
des droits
Lors du développement d'une
approche axée sur les droits,
il est important de réexaminer
notre façon de penser et d'agir
sur les problèmes auxquels sont
confrontés les individus et groupes
défavorisés. Le mouvement
des droits de l'homme a cherché
historiquement à garantir que
ceux qui avaient été forcés
au silence ou à " disparaître
" par répression civile
et politique, regagnent leur voix, leur
visibilité et leur liberté.
Le mouvement a cependant trop longtemps
négligé les droits de
millions de personnes rendues invisibles
ou " disparues " en raison
de politiques sociales, économiques
et culturelles. Ceux qui sont engagés
dans l'activisme pour les droits de
l'homme devraient réfléchir
sur le passage édifiant et émouvant
qui suit, tiré de Death Without
Weeping de N. Scheper?Hughes, remettant
en question notre perception des droits.15
Violence quotidienne: corps, mort
et silence
" Dans ses écrits
sur le Salvador en 1982, Joan
Didion notait de sa prose typiquement
spartiate que " les morts
et morceaux de morts surgissaient
partout, tous les jours, comme
si ça allait de soi, comme
dans un cauchemar ou un film d'horreur
". Au Salvador, où
il y a des murs de corps; ils
sont répandus à
travers le paysage, et s'entassent
dans des fosses à ciel
ouvert, dans des fossés,
dans les toilettes publiques,
dans les stations d'autocars,
le long des routes. " Les
vautours, bien sûr, suggèrent
la présence d'un corps.
Un petit groupe d'enfants dans
la rue suggère la présence
d'un corps. " Certains corps
apparaissent dans un endroit appelé
Puerto del Diablo, un lieu touristique
connu, décrit dans la revue
que consultait Didion en vol comme
un endroit " offrant d'excellents
sujets pour la photographie en
couleurs. "
" C'est l'anonymat et le
caractère routinier de
tout cela qui frappe le lecteur
naïf comme quelque chose
de terrifiant. Qui sont tous ces
desaparecidos-les inconnus
et les " disparus "-tant
les pauvres âmes aux yeux
exorbités et les organes
génitaux mutilés
et exposés, reposant dans
un fossé, que les hommes
en uniformes non identifiables
surplombant les fossés,
le fusil à la main? C'est
la contradiction des crimes en
temps de guerre sur des citoyens
ordinaires en temps de paix qui
est à ce point scandaleux.
Plus tard, on pourra s'attendre
au dénouement, aux récriminations,
aux confessions " pas si
coupables ", aux commissions
sous l'égide de l'Église,
aux enquêtes commissionnées
par le gouvernement, aux arrestations
d'hommes en uniforme tendus et
inflexibles, et finalement, aux
rapports optimistes-le Brésil,
l'Argentine (plus tard, peut-être,
même le Salvador), nunca
mais. Le corbeau dit: " Nunca
mais ". Après la chute,
après l'aberration, nous
nous attendons à un retour
à la sobriété
normative de temps de paix, à
des notions de société
civile, de droits de l'homme,
à l'inviolabilité
de la personne (la personne
morale de Mauss), à
l'habeas corpus, et au droit inaliénable
de posséder son corps.
" Mais là, je m'immisce
avec une question sombre. Et si,
en fait, les disparitions, les
corps de civils empilés
dans des fosses à ciel
ouvert, l'anonymat et la banalisation
de la violence et de l'indifférence
n'étaient pas une aberration?
Et si les espaces sociaux avant
et après de tels actes
apparemment chaotiques et inexplicables
se remplissaient de rumeurs et
de chuchotements, avec des allusions
et des allégations de ce
qui pourrait arriver, particulièrement
à ceux qui ne sont estimés
par les agents du consensus ni
comme des personnes, ni comme
des individus? Et si un climat
d'insécurité angoissant,
ontologique en ce qui concerne
le droit de posséder son
corps était nourri par
une fausse indifférence,
bureaucratique, envers les vies
et les morts, des " marginaux
", criminels et autres individus
bons à rien? Et si la banalisation
publique des mortifications et
des petites abominations quotidiennes
qui s'entassent comme autant de
cadavres sur le paysage social,
avait offert le texte et la trame
de ce qui n'est apparu que plus
tard être aberrant, inexplicable
et comme d'extraordinaires éruptions
de violence d'État contre
les citoyens?
" En fait, les éruptions
" extraordinaires "
de violence d'État contre
les citoyens . . . impliquent
la généralisation
envers les membres récalcitrants
des classes moyennes de ce qui,
en fait, est pratiqué de
façon normative sous forme
de menaces ou de violence ouverte
envers les classes populaires
pauvres, marginales et "
désordonnées ".
Pour les classes populaires, chaque
jour est, comme Taussig . . .
l'exprime succinctement, "
la terreur, comme à l'habitude
". Un état d'urgence
survient lorsque la violence,
qui est normalement contenue dans
cet espace social, explose soudainement
en violence ouverte envers les
classes sociales " moins
dangereuses ". Ce qui rend
les éruptions " extraordinaires
", n'est que le fait que
les tactiques violentes sont tournées
contre les citoyens " respectables
", ceux qui sont habituellement
protégés de l'État,
et notamment de la police, du
terrorisme . . .
" Ce qui rend la tactique
politique de la disparition si
écurante-une tactique
utilisée stratégiquement
à travers tout le Brésil
pendant les années militaires
(1964-1985) contre les subversifs
et les " agitateurs "
et désormais appliquée
à un contexte différent
et peut-être même
encore plus terrifiant (contre
les pauvres des bidonvilles et
les marginaux économiques
considérés à
présent comme des espèces
d'ennemis publics)-est que cela
ne se produit pas dans le vide.
Au contraire, les disparitions
se produisent comme faisant partie
d'un contexte plus vaste de comportement
totalement prévisible,
et en fait, même, anticipé.
" Chez les gens de l'Alto,
les disparitions font partie de
la toile de fond de leur vie quotidienne
et confirment leurs pires craintes
et angoisses-celles d'être
perdus, eux-mêmes et leurs
proches, face aux forces erratiques
et à la violence institutionnalisée
de l'État.
" Les pratiques de "
violence quotidienne " constituent
une autre sorte de " terreur
" d'État, une terreur
qui uvre dans le monde ordinaire,
quelconque, des moradores,
tant sous forme de rumeurs et
de délires fous que dans
les promulgations quotidiennes
de divers rituels publics amenant
les gens de l'Alto à entrer
en contact avec l'État:
dans les cliniques et hôpitaux
publics, au bureau d'état
civil, à la morgue et au
cimetière municipal. Ces
scènes permettent de mieux
comprendre le contexte qui rend
les disparitions motivées
politiquement les plus exceptionnelles
et stratégiques, non seulement
admissibles, mais également
prévisibles et attendues.
"" Vous, les gringos"
un paysan salvadorien dit à
un visiteur américain,
" vous vous préoccupez
toujours de la violence perpétuée
à la mitraillette et à
la machette. Mais il existe une
autre forme de violence dont vous
devriez être aussi conscients.
Je travaillais dans une hacienda.
Mon travail était de m'occuper
des chiens du dueño. Je
leur donnais de la viande et des
bols de lait, de la nourriture
que je ne pouvais pas donner à
ma propre famille. Lorsque les
chiens tombaient malades, je les
emmenais chez le vétérinaire.
Lorsque mes enfants étaient
malades, le dueño m'offrait
sa sympathie mais pas de médicaments,
alors qu'ils mourraient. "
. . .
" De même, les moradores
de l'Alto parlent de corps qui
ont été régulièrement
violés et molestés,
mutilés et perdus, disparus
dans des espaces publics anonymes-des
hôpitaux et prisons, mais
également des morgues et
le cimetière public. Et
ils parlent d'eux-mêmes
comme des " anonymes ",
les " riens " de Bom
Jesus da Mata. Car si l'on est
" quelqu'un ", un fildalgo
(le fils d'une personne d'influence),
et une " personne "
dans le monde aristocratique de
la plantation casa grande, et
si l'on est un " individu
" dans le monde plus ouvert,
compétitif et bourgeois
de la nouvelle économie
de marché (la rua), alors
on est sûrement un rien,
un simple fulano-de-tal (un untel)
et Joao Pequeno (petit gars) dans
le monde anonyme des coupeurs
de canne à sucre (la mata).
" Les moradores font référence,
par exemple, à leur invisibilité
collective, à la façon
dont ils sont perdus dans le recensement
et autres statistiques municipales
et d'État. La carte municipale
des rues de Bom Jesus, par ailleurs
minutieusement tracée,
comprend l'Alto do Cruzerio, mais
plus des deux-tiers de son enchevêtrement
surpeuplé de rues et sentiers
de terre battue ne sont pas inclus,
laissant un sémiotique
zéro de plus de cinq mille
personnes au cur de la ville-marché
affairée . . .
" Les gens de l'Alto sont
invisibles et considérés
négligeables de nombreuses
autres façons. Négligés
de leur vivant, les gens de l'Alto,
le sont aussi dans la mort. En
moyenne, plus de la moitié
de toutes les morts du municipio
sont des enfants des bidonvilles
âgés de moins de
cinq ans, la majorité d'entre
eux victimes de malnutrition chronique
et sévère. Mais
il faut lire entre les lignes,
car la mort des enfants de l'Alto
est si courante et sans importance
que pour plus des trois-quarts
des morts enregistrées,
la cause de la mort est laissée
en blanc sur les certificats de
décès et dans les
registres du bureau d'état
civil municipal. Dans une société
hautement bureaucratique dans
laquelle des formulaires en trois
exemplaires sont exigés
pour les événements
les plus banals . . . l'enregistrement
du décès d'un enfant
est informel, et n'importe qui
peut servir de témoin.
Leurs morts, comme leur vies,
sont presque invisibles, et nous
pouvons même évoquer
leurs corps, que l'on a aussi
fait disparaître.
" Les diverses tactiques
banales et quotidiennes de disparitions
sont pratiquées de façon
perverse et stratégique
contre des gens qui voient leur
monde et expriment leurs propres
buts politiques en termes d'idiomes
et de métaphores corporels
. . . Aux réunions de la
base de leur communauté,
les gens de l'Alto se disent les
uns aux autres avec conviction
et sentiment, " Chaque homme
devrait être le dono
(propriétaire) de son propre
corps. " . . .
" Face à ces images
fascinantes d'autonomie et de
certitude corporelles, se trouve
la réalité de corps
qui sont simultanément
négligés et avidement
recherchés, et parfois
mutilés et démembrés.
Et ainsi, les gens de l'Alto finissent
par imaginer qu'il n'y a rien
de si mal, de si terrible qui
ne puisse leur arriver, à
eux, à leurs corps, pour
cause de maladie (por culpa de
doença), pour cause de
docteurs (por culpa dos médicos),
pour cause de politique et de
pouvoir (por culpa da politica),
ou à cause de l'État
et de sa bureaucratie, lourde
et hostile (por culpa de burocracia)
. . .
" . . . Le caractère
intolérable de la situation
est rendu plus aigu par son ambiguïté.
La conscience va et vient dans
l'acceptation de cet état
de fait comme une chose normale
à laquelle il faut s'attendre-la
violence comme si elle allait
de soi, et les soudaines ruptures
à la suite desquelles on
est soudainement jeté dans
un état de choc (susto,
pasmo, nervios)-quelque chose
d'endémique, une métaphore
graphique du corps qui exprime
et rend public secrètement
la réalité d'une
situation intenable. Il y a des
chuchotements, suggestions, allusions
nerveuses, angoissantes. D'étranges
rumeurs font surface. "
|
Auteur: L'auteur de ce module est D.J.
Ravindran
NOTES
1. Ligia
Bolivar, " The Fundamentalism of
Dignity ", extrait de A Human Rights
Message, éd. Swedish Institute
(Stockholm: The Ministry of Foreign
Affairs of Sweden, 1998), 29-30.
2. Jean
Dreze et Amartya Sen, India: Economic
Development and Social Opportunity
(Delhi: Oxford India Paperbacks, 1998),
11.
3. Ibid.,
14.
4. Ibid.,
15.
5. Amartya
Sen, " Food and Freedom ",
World Development 17 (1989):
769.
6. Ibid.,
780.
7. Arturo
Escobar, " Development Planning
", extrait de Development Studies:
A Reader, éd. Stuart Corbridge
(Londres: John Wiley and Sons, 1995),
64?77.
8. Bert
F. Hoselitz, " Non?Economic Barriers
to Economic Development ", extrait
de Development Studies: A Reader, op.
cit., 17?27.
9. Cité
dans Escobar, op. cit., 68.
10. Escobar,
op. cit., 73.
11. Dreze
et Sen, op. cit., 16?18.
12. Jean
Dreze et Amartya Sen, Hunger and
Public Action (Oxford: Clarendon
Press, 1989).
13. Extrait
de " The Right to Know, The Right
to Live: People's Struggle in Rajasthan
and the Right to Information ",
juillet 1996, Mazdoor Kisan Shakti Sangathan,
Rajasthan, Inde.
14. V.K.
Ramachandran, " On Kerala's Development
Achievements ", extrait de Indian
Development: Selected Regional Perspectives
sous la direction de Jean Dreze et d'Amartya
Sen. (Delhi: Oxford India, 1998).
15. N.
Scheper?Hughes, Death without Weeping:
The Violence of Everyday Life in Brazil
(Berkeley: University of California
Press, 1992), 219?20, 229?33.
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Le terme d'autonomisation a été
choisi pour traduire le concept anglophone
d'empowerment, qui peut aussi
être traduit par renforcement
des moyens d'action ou renforcement
du pouvoir de la population.
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