MODULE 4
LES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS DE LA FEMME

Objet du module 4

Ce module a pour objet de fournir une vue d’ensemble des droits ESC de la femme.

Ce module:

  • résume la situation ESC actuelle de la femme au niveau international;
  • discute l’idéologie « genre » et l’impact d’une approche « genre » sur des droits économiques, sociaux et culturels spécifiques;
  • réconsidère l’histoire de la lutte pour la reconnaissance des droits de la femme comme partie intégrante des droits humains;
  • examine des problèmes conceptuels liés aux droits de la femme;
  • réconsidère des normes légales internationales concernant les droits de la femme; et
  • identifie des défis et des opportunités pour intégrer les droits de la femme dans l’activisme sur les droits ESC.

Introduction

Quand les hommes quittent les villages pour trouver des emplois mieux rémunérés dans les villes ou à l’étranger, les femmes doivent assurer seules les travaux de la ferme, en plus de leurs tâches domestiques.  Quand des entreprises nationales hyper­trophiées s’engagent dans la voie de la « restructuration », les femmes sont les pre­mières à perdre leur travail, avant les hommes, « chefs de famille ».  Quand des ate­liers où on exploite le personnel cherchent à employer dans des conditions précaires des travailleurs sous-payés, les femmes sont les premières recrutées.

Quand des hommes nouvellement enrichis tombent dans le vice, des jeunes filles sont prostituées de force, et des mères de famille se retrouvent seules, après un divorce.  Mais quand l’évolution rapide des modes de vies engendre un retour de bâton tradi­tionaliste, l’autorité patriarcale se réaffirme avec brutalité.  Quand l’inflation provo­que une augmentation abrupte des dots, et quand les pressions sociales forcent la di­minution des taux de natalité, les bébés filles sont avortées ou assassinées dans leurs berceaux pour faire place à des héritiers mâles.  Et quand ces pratiques résultent en une trop grande disproportion entre les populations masculines et féminines, et que les filles à marier viennent à manquer, le kidnapping vient alimenter un véritable marché noir de jeunes épouses. [1]

Cet extrait du magazine Far Eastern Economic Review offre un portrait frappant des multi­ples visages que prennent la discrimination et l’exploitation de la femme.  Leurs vies ont été profondément affectées par les bouleversements politiques et économiques qui ont changé la face du monde depuis quelques décennies.  L’impact de ces bouleversements s’est souvent avéré bénéfique.  Il a aussi souvent eu pour effet de renforcer le joug de subordination et de discrimination qui pèse sur les épaules des femmes et les empêche d’exercer leurs droits éco­nomiques, sociaux et culturels.  Conflits internes et guerres ont provoqué le déplacement de nombreuses populations et la destruction de leurs propriétés et de leurs moyens d’existence, plaçant les femmes dans une position toujours plus vulnérable.  Ces conflits résultent égale­ment en une intensification de la violence et de la criminalité, dont les femmes et les jeunes filles deviennent les cibles privilégiées.  Extrémisme et fondamentalisme religieux les privent de leur autonomie et les condamnent à des châtiments cruels et inhumains pour toute «  transgression » des règles établies par ceux qui détiennent le pouvoir au sein des hiérarchies qui gouvernent ces mouvements.

La globalisation rapide de l’économie mondiale s’est accompagnée non seulement de pro­grammes d’ajustement structurel dont l’effet est d’affaiblir les économies nationales et les États indépendants, mais aussi de la promotion de formes d’industrialisation et d’agriculture qui exploitent à l’excès les ressources tant humaines que naturelles.  Les statistiques montrent que la main d’œuvre féminine est la plus affectée.  En outre, alors que les pauvres du monde entier s’appauvrissent, les femmes deviennent les plus pauvres parmi les pauvres: la « féminisation » de la pauvreté est une réalité indéniable du monde contemporain.  La baisse des dépenses sociales concernant, par exemple, la santé publique, l’éducation, les transports, l’aide alimentaire ou les subventions pour l’achat de fertilisants—figure en bonne place parmi les principaux ingrédients des « programmes d’ajustement structurel » qu’ont imposés les institutions financières internationales à de nombreux pays.  Cette baisse a eu un effet dé­vastateur sur la qualité de vie des populations en général, et sur les populations désavanta­gées—par exemple, les femmes—en particulier (Voir le module 26 pour plus d’information sur cette question).

Le Rapport mondial sur le développement humain 1993 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) soulignait quelques-uns des domaines dans lesquels les femmes sont particulièrement défavorisées dans l’exercice de leurs droits économiques, so­ciaux et culturels:

Alphabétisation—Les femmes ont plus de chances d’être analphabètes que les hommes.  En Asie du Sud, par exemple, les taux d’alphabétisation féminin ne sont que de 50% environ de ceux des hommes . . . 35% au Népal . . . 27 % au Soudan.  Les femmes représentent les deux tiers des analphabètes dans le monde.

Etudes supérieures—Les femmes, dans les pays en développement, sont de loin distancées par les hommes.  En Afrique subsaharienne, il y a trois fois moins de femmes que d’hommes inscrits dans l’enseignement supérieur.  Et mêmes dans les pays industrialisés, les femmes sont très mal représentées dans les disciplines  scientifiques et techniques . . .

Emploi—Dans les pays en développement, les femmes ont beaucoup moins de pos­sibilités d’emploi: elles sont deux fois moins nombreuses que les hommes sur le marché du travail (29% en Asie du Sud et 23% seulement dans les Etats arabes) . . .  La discrimination en la matière n’est pas l’apanage des pays en développement: au japon, les salaires des femmes ne représentent que 51% de ceux des hommes.  Les femmes qui n’exercent pas d’emploi rémunéré sont, bien entendu, loin d’être inac­tives: en effet, leur journée de travail est généralement beaucoup plus longue que celle des hommes.

Santé—Les femmes vivent généralement plus longtemps que les hommes.  Mais dans certains pays d’Asie et d’Afrique du Nord, la discrimination à l’égard des femmes sur le plan sanitaire et nutritionnel est telle que leur espérance de vie est moins élevée . . .

Statistiques nationales—Les statistiques ne rendent souvent pas compte de la contribution des femmes.  Si les travaux ménagers non rémunérés des femmes étaient pris en considération dans le compte de la formation du revenu national, la production globale augmenterait de 20 à 30%. [2]

Prendre conscience des disparités de genre et leurs conséquences*

La question de genre trouve rarement sa place dans la conception de politiques et program­mes dirigés vers les problèmes économiques, sociaux et culturels.  Pourtant, en 1995, le Rap­port mondial sur le développement humain  du Programme des Nations Unies pour le Déve­loppement (PNUD) déclarait, non sans raison, « Pendant longtemps, on est parti de l’hy­pothèse que le développement était un processus qui profitait à tous…et dont l’impact n’était pas différencié en fonction du sexe des individus. L’expérience apporte des enseignements différents ». [3]   C’est pourquoi il est essentiel de comprendre l’ideologie « genre », et de faire en sorte que les préoccupations des femmes ne soient ni ignorées, ni sapées par les activistes qui travaillent à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels.

La différenciation entre les sexes est au cœur de l’ideologie genre.  Les différences biologi­ques sont réelles (évidentes, par exemple, dans les chromosomes, les organes génitaux exter­nes et internes, les états hormonaux et les caractéristiques sexuelles annexes) et mènent à la détermination du sexe—masculin ou féminin.  Cependant, l’idéologie « genre » montre que ces différences se propagent au milieu social et contribuent tout naturellement à la création de rôles sociaux stéréotypés, et donc à la détermination de la position de l’individu dans la hiérarchie sociale, ainsi que son accès aux ressources et sa participation à la société.  Et sur la base de ces différences s’établit une hiérarchie aux termes de laquelle les hommes ont accès aux biens immobiliers, au patrimoine, aux compétences, aux emplois rémunérés, et, par ex­tension, à un statut social supérieur.  Les femmes, de leur côté, reçoivent en partage une ali­mentation et des soins médicaux de second ordre, et une éducation inférieure.  Elles subissent diverses formes de violence, et sont même privées de leur droit à la vie (infanticide des peti­tes filles).

Les institutions sociales—comme la famille, les groupes religieux, les systèmes de caste, les structures légales et politiques, les institutions économiques et éducatives et les médias—sont imprégnés de normes et de valeurs qui excluent les femmes et légitiment et institutionalisent le rôle du genre dans la détermination de la position sociale.

L’adoption d’une approche « genre » aurait pour effet immédiat de modi­fier la façon dont les droits écono­miques, sociaux et culturels sont formulés.  Quelques exemples:

1.   Le droit de travailler et les droits au travail

Dans une approche « genre », la dé­finition de « travail » serait modifiée pour inclure les travaux non payés—travaux domestiques, travaux des champs, etc.—qui demeurent large­ment méconnus par la société.  Cette nouvelle définition reconnaîtrait l’activité productive des femmes et leur permettrait de tirer profit d’un travail à domicile.

Actuellement, les femmes sont relé­guées à des emplois mal payés et qui ne demandent pas de compétences particulières.  Cette situation doit être rectifiée.  Une perspective nouvelle permettrait d’assurer aux femmes des horaires de travail flexibles, et de les réintégrer sur le marché du travail après une interruption provoquée par un mariage ou la naissance d’un enfant, sans qu’elles soient pénalisées pour leur absence.

Travail invisible

En Inde, dans l'État de Tamil Nadu, le tannage des peaux est une source majeure de gains à l'exportation. C'est aussi, selon la loi de l'État sur les usines, l'une des industries les plus dangereuses qui soient; elle est jugée sept fois plus dangereuse que celle qui la suit sur la liste. Il est interdit d'y employer des femmes ou des enfants. Une étude a toutefois démontré qu'en dépit de la loi, un grand nombre de femmes y travaillent, y compris dans les étapes les plus malsaines de la production. Comme leur embauche est illégale, elles travaillent clandestinement. Elles ne figurent donc sur aucun registre, et par conséquent, ne disposent d'aucun droit, ni d'aucune protection juridique.4

Les droits des employés incorporeraient une protection contre le harcèlement sexuel au tra­vail, dans les syndicats et les organisations de travailleurs.  Ils comprendraient également des dispositions prévoyant des pauses pour l’allaitement des nourrissons, l’établissement de crè­ches et de garderies, la mise à disposition de toilettes séparées accessibles à tout moment et de salles de repos, et la reconnais­sance du fait que les problèmes de santé liés à la menstrua­tion justifient des pauses plus fréquentes.  La parti­cipation des femmes dans les syndi­cats se­rait garantie par l’imposition d’horaires plus accessibles pour la tenue des réunions (Voir le module 10 pour plus d’information sur les droits du travail et le droit au tra-vail).

2.   Droits fonciers et le droit à la propriété

Les prétentions des femmes à la terre posent la question de leur capacité à exercer des droits égaux dans toutes les sphères—civile, politique, éco­nomique, sociale et culturelle.  L’égalité des femmes devant l’héritage et la propriété matrimoniale, leur droit à être reconnues comme propriétaires légi­times capables d’acquérir, de céder, de louer ou de contracter des prêts sur la base de leurs biens ou de leurs terres sont reniés dans le monde entier, à travers de nombreuses cultures et communautés (Voir le module 18).

 

La Cour suprême du Zimbabwe statue contre l'héritage pour les femmes

Dans un procès sur les droits à l'héritage, la Cour suprême du Zimbabwe a rendu un verdict historique en avril 1999, accordant au droit coutumier la primauté sur la constitution. L'affaire opposait Venia Magaya, 58 ans, couturière, à son demi-frère. La plaignante réclamait sa part des terres laissées par son père après que son frère l'ait expulsée de la demeure familiale. Selon la Constitution du Zimbabwe, Mme Magaya avait droit à ces terres. Pourtant, la cour, statuant à l'unanimité, a estimé que les femmes ne devaient pas avoir la possibilité d'hériter des terres " à cause des convictions de la société africaine selon lesquelles, entre autres facteurs, les femmes ne sont pas à même de prendre soin de leur famille d'origine (de naissance) à cause de leur engagement envers leur nouvelle famille (par mariage). "

Pour appuyer sa décision, la cour s'est reportée à la section 23 de la constitution du Zimbabwe, qui concède un certain nombre d'exceptions à la règle générale de non-discrimination, particulièrement en cas d'adoption, de mariage, de divorce, d'enterrement, de transmission de propriété lors d'un décès ou d'autres aspects du droit de la personne, et dans l'application du droit coutumier africain. Avec ce jugement, la Cour suprême déclare en substance que le droit coutumier doit être placé au-dessus de la constitution.5

3.   Droit à la santé

Il convient de souligner que, lorsqu’on parle d’adopter une approche « genre » dans le do­maine de la santé, il ne suffit pas de se préoccuper davantage de la santé des femmes, ni même des problèmes de santé spécifiques aux femmes et qui découlent de leur physiologie.  Le passage suivant explique ce concept:

Une approche « genre » de la santé publique ne s’arrête pas à l’examen des besoins de santé, mais se penche aussi sur les différences au niveau des facteurs de risque, des déterminants, de la gravité et de la longueur des maladies, et en termes de sen­sibilité à la maladie, d’accès et de recours aux services de santé, et de résultats cli­niques.

Les plus démunis, ceux qui disposent de peu de moyens—non seulement financiers, mais aussi en termes de niveau d’instruction et d’accès à l’information, etc.—sont aussi les plus durement touchés par la maladie.  On démontrera aisément que dans presque toutes les so­ciétés, les rôles et les responsabilités des hommes et des femmes au sein de la famille et de la société diffèrent.  Ces différences s’étendent à leurs réalités sociales, et influencent le contrôle des ressources.  Par conséquent, le genre est un déterminant social important pour la santé de l’individu.  On observe des disparités de genre à tous les niveaux de la société, et au sein de tous les groupes sociaux, quels que soient la caste, la race, ou les groupes religieux ou ethniques.

Hommes et femmes accomplissent des tâches différentes.  Ils occupent des positions socia­les différentes—et même, souvent, des lieux physiques différents.  Cette division des travaux domestiques, qui s’accompagne de la ségrégation du marché du travail en emplois masculins et emplois féminins, donne lieu à une ségrégation des risques sanitaires.  Par exemple, la res­ponsabilité de la préparation des repas expose les femmes et les petites filles démunies à la fumée des combustibles qu’elles utilisent.  Or, des études statistiques ont démontré que lorsqu’un polluant se dégage dans un espace clos, il est mille fois plus susceptible d’atteindre les poumons qu’à ciel ouvert.  Ainsi, à cause de la division du travail entre les sexes, contrainte fabriquée par la société, les femmes sont plus vulnérables que les hommes aux troubles respiratoires chroniques, et notamment aux broncho-pneumopathies obstructives chroniques, avec des conséquences fatales.  Les hommes, de leur côté, sont davantage expo­sés aux risques liés aux tâches et aux activités considérées, par convention, comme leur ap­partenant—par exemple, l’exploitation minière.

La valeur que la société accorde aux hommes et aux femmes et les normes de comportement qu’elle leur impose exercent une influence indéniable sur les chances qu’ont les individus de développer des troubles spécifiques, et sur leurs résultats cliniques.  Dans bien des sociétés, les enfants mâles font l’objet d’une préférence marquée, tandis que les petites filles sont net­tement dévalorisées.  D’après les statistiques recueillies, cette situation se traduit par un dé­séquilibre certain dans les dépenses consenties pour l’alimentation et les soins de santé des uns et des autres.  Ce déséquilibre a des conséquences négatives parfois graves pour les filles, souvent victimes d’une mortalité évitable.  D’autre part, à cause des attentes de la société concernant leur comportement, les garçons sont davantage exposés aux accidents et aux ef­fets nocifs du tabac et de l’alcool.

Les femmes sont aussi victimes des normes patriarcales qui leur dénient le droit de décider de leur sexualité et de leurs fonctions de reproduction, les exposant à des risques de morbi­dité et de mortalité évitables—maladies sexuellement transmissibles contractées lors de contacts sexuels imposés, décès consécutifs à des avortements clandestins à haut risque, parce que les lois interdisent officiellement l’avortement.  En outre, le fait qu’une population masculine bien informée des risques se refuse à adopter des pratiques sexuelles responsables ne s’explique que par le poids des normes de genre qui dictent les comportements sexuels mâles acceptables et /ou souhaitables.

Parce qu’hommes et femmes sont socialisés pour adhérer à certaines normes dominantes, leurs notions de santé et de maladie sont susceptibles de varier, et avec elles, leurs compor­tements de santé.  Il arrive que les femmes ne reconnaissent pas les symptômes d’un pro­blème de santé, qu’elles ne les traitent pas avec le sérieux qu’ils méritent, qu’elles n’identifient pas le besoin d’assistance médicale ou encore, plus souvent, qu’elles ne se re­connaissent pas le droit d’investir dans leur bien-être.

Enfin, parce qu’elles ne disposent pas d’un accès équitable aux ressources—argent, trans­ports ou temps—et parce que leur pouvoir de décision au sein de la famille n’est pas égal à celui des hommes—qui disposent de privilèges auxquels elles n’ont pas droit—l’accès des femmes aux services de santé est restreint.

Leur vulnérabilité est aggravée par un certain nombre d’autres facteurs, liés aux attentes de la société envers les individus.  Pour la majorité des femmes, le simple fait d’être mariée cons­titue un comportement à risque élevé.  Les normes sociales, qui jugent l’activité sexuelle hors mariage « naturelle » pour un homme, et l’impossibilité pour une femme d’imposer des pra­tiques sexuelles responsables à son partenaire, font partie des obstacles qui empêchent les femmes de se protéger contre les maladies sexuellement transmissibles.

En résumé, les différences de « sexe » et de « genre » entre hommes et femmes, et la façon dont elles se combinent, contribuent à l’inégalité des risques sanitaires, des comportements de santé, de l’accès et du recours aux services de santé, et des résultats cliniques entre les deux groupes.  Tout programme de recherche, toute politique et toute mise en place de servi­ces visant à améliorer l’état de santé d’une population devra obligatoirement analyser, com­prendre et prendre en compte ces différences.

Un certain nombre d’outils ont été élaborés pour effectuer le suivi du degré de sensibilité d’un programme de santé au genre.  Ci-dessous, une liste partielle des questions à poser:
  •   Le programme tient-il compte des écarts dus au genre en termes de risques sanitaires, d’infor-mation, et d’accès aux services de santé?
  •   Le programme fait-il peser toute la responsabi­lité de l’amélioration de la santé sur les fem­mes plutôt que d’y associer les hommes?  Ajoute-t-il à la charge de travail des fem­mes?
  •   Le programme perpétue-t-il les préjugés liés au genre?
  •   Le programme contribuera-t-il à recti-fier les disparités au niveau sanitaire entre les sexes pour divers segments de la popu­lation?
  •   Le programme tente-t-il d’atténuer le dé­calage entre les genres par un partage équitable des responsabilités et du pou­voir de décision au sein du personnel de santé?6

Voir le module 14 pour plus d’information sur le droit à la santé.

Les droits de la femme comme droits humains

Un peu d’histoire

Depuis toujours et dans le monde entier, les femmes ont lutté pour leur égalité.  Au début du XXème siècle, les droits de la femme à recevoir une éducation, à occuper un emploi rému­néré, à exercer une profession libérale, à voter ou à être élue, ont fait tour à tour le sujet de polémiques houleuses.  Moins de cent ans plus tard, ces droits, qu’on peut placer sous la houlette d’une idéologie « démocratique libérale », ont tous été reconnus et sont établis dans les lois comme dans les mœurs de la plupart des sociétés.  Toutefois, dans bien des régions du monde, il reste de nombreux obstacles à surmonter pour permettre aux femmes de les exercer.

La réalisation des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de la femme est intimement liée à la question de la discrimination.  La discrimination entre les sexes, qui se fonde sur des idéologies « genre » et patriarcale, n’a pas toujours été prise en compte dans la promotion des droits humains.  La discrimination et la violence contre les femmes étaient exclues en partie parce que l’oppression de la femme n’était pas considérée comme une question politique.  La subordination de la femme est si profondément ancrée dans les mœurs qu’elle est encore considérée comme un phénomène naturel et inévitable plutôt que comme une construction politique entretenue par des intérêts, une idéologie et des institutions pa­triarcales.7

Depuis de nombreuses années, un mouvement pour la libération de la femme est apparu.  Peu à peu, les femmes se sont organisées à tous les niveaux—local, national, régional et interna­tional.  Au cours des dernières décennies, ce mouvement a cherché à faire reconnaître les problèmes de la femme comme partie intégrante des droits humains.  Au lieu de languir dans l’attente de programmes spéciaux ou de lutter séparément, le mouvement pour les droits de la femme pourrait alors progresser au rythme des avancées des droits humains.

Le mouvement de la libération de la femme s’est appuyé sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes pour introduire les questions liées à la femme dans l’arène des droits humains.  Les rencontres internationales et les confé­rences des Nations Unies ont été saisies comme autant d’occasions d’agir.  En 1993 [SIM1]  , la Confé­rence mondiale sur les droits de l’homme de Vienne fut l’occasion d’une mobilisation sans précédent des femmes, avec pour résultat l’inclusion des droits de la femme dans la Dé­claration de Vienne.  Les groupes et les réseaux constitués à cette occasion continuèrent leurs activités lors d’autres conférences des Nations Unies—la Conférence internationale sur la population et le développement de 1994, le Sommet mondial pour le développement social à Copenhague de 1995, et la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes de 1995.

Le mouvement pour les droits fondamentaux de la femme s’est focalisé sur la volonté d’élargir les définitions des droits de la personne, dans le but d’y introduire une vision plus sensible aux femmes tant dans l’approche des mau­vais traitements que dans leur résolution et

L'histoire inachevée

L'histoire des droits de la femme est un cercle. Elle n'a ni commencement, ni fin. L'image est un peu simpliste, peut-être même brutale, mais elle correspond bien à la réalité: une période très ancienne d'égalité entre les sexes semble avoir été suivie d'une longue période de régression, puis d'un effort marqué pour retrouver un peu de l'égalité perdue.

Mettre l'accent sur la tendance à la baisse de la reconnaissance sociale de l'égalité des femmes a pour effet d'éclipser l'immense effort fourni pour défier l'inégalité . . . On connaît peu les martyres de la cause féministe, mais dans chaque société, et dans chaque génération, il s'est trouvé des femmes pour montrer le chemin. L'une d'elles, Fatima Oum Salama, vécut en Perse au XIXème siècle. Née en 1817, elle se rendit célèbre sous le nom de Tahira (La Pure). Défiant la règle de son temps, qui reléguait les femmes à l'infériorité, elle se fit la championne de l'égalité entre hommes et femmes. Elle fut mise à mort en 1852, et sa dépouille jetée dans un puits qui fut ensuite rempli de cailloux. Ses assassins ne purent toutefois empêcher ses derniers mots de parvenir jusqu'à nous: " Tuez-moi quand vous le voudrez, vous n'arrêterez pas l'émancipation des femmes ".

Plus récemment, les femmes se sont engagées dans les mouvements de travailleurs.

En 1918, au Japon, les " émeutes du riz " démarrèrent lorsque les femmes dockers refusèrent de charger le riz sur les bateaux. Elles furent rejointes par les autres travailleurs, annonçant le début d'une longue lutte, et d'une crise politique. En 1922, en Chine, plusieurs milliers d'ouvrières employées dans les 70 ateliers de soieries de Shanghai se mirent en grève, exigeant de meilleurs salaires et une journée de travail ramenée à dix heures. Ce fut la première grève mémorable des ouvrières chinoises. En Inde et au Sri Lanka, les femmes participèrent activement dans les grèves et les mouvements ouvriers qui suivirent la Première Guerre mondiale. Pour ne donner qu'un seul exemple, les ouvrières des usines de Colombo s'avérèrent les militantes les plus actives du Ceylon Labour Union, qui mena les grèves du Sri Lanka dans les années 20. Entièrement vêtues de rouge, c'étaient elles qui criaient le plus fort. Elles allèrent même jusqu'à former une garde pour les leaders des syndicats pendant les manifestations. En Iran, en Égypte et en Turquie, de nombreuses femmes se joignirent aux hommes dans la formation de groupes politiques et de syndicats gauchistes, en dépit de la répression et des difficultés opposées à toutes les tentatives de mobilisation populaire.8

dans leur ré­paration.  Parallèlement, il s’est attaché à mettre en évidence les affinités entre les droits en établissant des corrélations entre les principes énoncés dans les différents pactes et conventions.  Cet objectif a été atteint avec un succès tout particulier avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ou Convention sur les femmes).

Ainsi, la violence contre les femmes a pu être définie comme une violation du droit à la vie, du droit de vivre sans être soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements cruels, in­humains ou dégradants, du droit à une égale protection de la loi, du droit à la liberté et à la sûreté de la personne, et du droit à bénéficier des normes optimales de santé physique et mentale.  En outre, des questions comme la contraception et le port obligatoire du voile ont aussi été examinées à la lumière de concepts aussi fondamentaux que la liberté d’expression et d’association.

Pour que les droits de la femme puissent être intégrés à l’ordre du jour des droits humains, un certain nombre de problèmes pratiques et conceptuels devront être résolus:

Droits de la femme—l’opposition espace public/espace privé

Parce que la plupart des instruments de protection des droits humains définissent les femmes par leurs responsabilités éducatives et familiales, et parce que la famille, lieu de violence et d’oppression pour de nombreuses femmes, reste perçue comme l’unité de base de la société, la possibilité d’accorder aux femmes un traitement égal à celui des hommes, dans le cadre du régime actuel des droits humains, est sévèrement limitée.

L’opposition entre le domaine « public » et le domaine « privé » est à l’origine de toutes les formes de discrimination contre les femmes.  Dans l’espace soi-disant privé, l’égalité de la femme fait toujours l’objet d’une vive controverse.  Les fonctions biologiques et reproductri­ces de la femme occupent la place d’honneur dans la formation de son identité, et dans la détermination de son rôle dans la société.  Elles sont renforcées dans cette position par les normes socioculturelles en vigueur dans le monde entier.  Dans de nombreux pays, les as­pects critiques de la vie que sont le mariage, le divorce, les besoins matériels, la garde des enfants ou l’héritage, continuent d’être définis selon les pratiques religieuses, traditionnelles et coutumières.  La violence domestique, l’inceste, le viol conjugal sont considérés comme des affaires « privées » qui ne sont pas du ressort de la loi.  Ces attitudes se reflètent à travers de nombreux cadres et systèmes juridiques.  Dans ce contexte, la capacité des femmes à exercer leurs droits économiques et sociaux est restreinte par la dépendance économique et les attitudes sociales qui les confinent à un rang secondaire dans la société.

Le droit d’être traitée en égale dans les affaires familiales et domestiques est essentiel pour assurer la liberté économique et sociale de la femme.  Parmi les instruments juridiques inter­nationaux, la Convention sur les femmes demeure celui à l’égard duquel les États qui l’ont ratifié ont émis le plus grand nombre de réserves.  Le fait que presque toutes ces réserves portent sur l’esprit même de la Convention, qui vise à modifier les rapports de pouvoir entre hommes et femmes dans le domaine privé, témoigne de la résistance qui existe à l’encontre de cet aspect des droits de la femme.

Depuis un demi-siècle, le débat sur les droits humains a été dominé par les droits civils et politiques.  Le message était donc centré sur l’obligation négative pour les gouvernements de s’abstenir d’agir, et non sur leur obligation positive d’intervenir.  Cette approche a eu pour conséquence de renforcer la dichotomie entre les domaines public et privé, puisqu’on atten­dait de l’État qu’il s’abstienne d’intervenir dans l’espace privé.  À cause de cette insistance sur la nécessité de restreindre le pouvoir de l’État, l’inégalité entre les sexes est souvent considérée comme du domaine des politiques de développement plutôt que des obligations positives de l’État en matière des droits humains.

Cependant, au cours des dernières années, le concept de responsabilité des agents non-gou­vernementaux a évolué. Cela a eu, et va avoir, un impact sur le débat espace public/espace privé (Voir le module 9 pour une discussion plus détaillée de cette question).

Droits de la femme et universalité

Le principe d’universalité, qui souli­gne l’égalité de tous devant les droits humains, est un concept absolument fondamental—et parfois vivement contesté—dans la lutte pour les droits fondamentaux de la femme.  De nombreuses coutumes, traditions et croyances religieuses relèguent les femmes à un rang secondaire.  Cer­taines vont même jusqu’à leur refuser l’accès à la majorité légale.  La plu­part des femmes se définissent, à la fois en tant qu’individus et que mem­bres des communautés, selon des facteurs culturels inextricablement liés aux aspects socioéconomiques de leurs vies.  Dans un monde qui abonde en conflits fondés sur la diffé­rence et l’identité, la question des droits culturels demeure l’une des plus controversées.  Il s’ensuit que, du point de vue des droits de la femme, cette même question s’avère encore plus problémati­que.  La Convention sur les femmes se montre tout à fait consciente de ce dilemme, puisque l’article 5(a) demande aux États parties de:

modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumiè­res, ou de tout autre type, fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes.
" Tradition " et droits de la femme

Le degré extrême auquel les tenants des intérêts patriarcaux sont prêts à utiliser les notions de culture et de tradition est illustré par un fait-divers de l'État d'Uttar Pradesh, en Inde. Une organisation de défense des droits de la femme, Vanangana, était venue en aide à une petite fille de 11 ans, victime de sévices sexuels infligés par son père. L'accusé et ses partisans tour à tour déposèrent une série de fausses plaintes contre les membres de l'organisation, et les attaquèrent dans plusieurs pamphlets. Ils accusaient l'organisation de chercher à détruire l'institution de la famille et de vouloir attaquer la culture indienne.9

Bien entendu, l’adhésion aux principes des droits humains doit nécessairement s’accompagner d’un profond respect pour la diversité et pour la variété des formes d’expression et d’identité socioculturelle.  Néan­moins, les activistes des droits de la femme, faisant valoir la nécessité de reconnaître la dignité et la valeur des femmes en tant qu’êtres hu­mains à part entière, appellent au retournement de ces pratiques et de ces croyances.  Les groupes qui lut­tent pour les droits fondamentaux de la femme, bien qu’en principe transcultu­rels, demeurent sensibles aux besoins et aux désirs des dif­férentes régions du monde.  Con­server cette sensibilité constitue un veritable défi pour les activistes pour les activistes des droits hu­mains en général, et pour ceux en­rôlés dans la lutte pour les droits économiques, sociaux et cultu­rels en particulier, puisque leur combat demande de s’engager dans un processus qui respecte aussi bien la diversité que le consensus (Voir le module 17 pour une discussion plus détaillée de la question des droits culturels).

Droits de la femme et indivisibilité des droits humains

Dans le monde entier, les expériences vécues des femmes démontrent l’impossibilité pour elles d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels parce que leur liberté et leur autonomie sont limitées.  Par exemple, il est difficile pour une ouvrière d’exercer pleinement sa liberté de travailler, de recevoir un salaire égal, de se syndiquer et de jouer un rôle actif dans une organisation de travailleurs parce que son rôle au sein de la famille et de la collecti­vité est étroitement défini.  La société attend d’elle qu’elle remplisse son rôle d’épouse, de maîtresse de maison et de mère de famille.  Cette attente est renforcée par des sanctions culturelles qui limitent sa mobilité et sa capacité à communiquer sur un pied d’égalité avec ses collègues masculins.  Ces facteurs entravent sérieusement les chances qu’une femme par­vienne à s’imposer parmi les chefs de file du mouvement ouvrier.  C’est pourquoi il est es­sentiel d’accorder au principe d’indivisibilité des droits humains une place centrale dans le mouvement pour les droits de la femme.

L'autonomisation des femmes: les pompistes mécaniciennes de Banda

Le projet des pompistes mécaniciennes a vu le jour dans le district de Banda, État d'Uttar Pradesh, en Inde. Il consiste à encourager les femmes à l'autonomisation en leur permettant d'exercer leurs droits ESC. Banda est l'un des districts les moins développés de l' État, réputé pour son haut niveau de violence, y compris contre les femmes. Élaboré en réponse au problème de la rareté de l'eau dans la région, le projet commença par enseigner à des femmes rurales analphabètes les compétences nécessaires pour réparer les pompes à bras. L'acquisition d'un savoir technique dans un domaine traditionnellement réservé aux hommes représentait en soi une percée décisive à la fois du point de vue psychologique et du point de vue social.

En devenant pompistes mécaniciennes, ces femmes avaient appris à avoir confiance en leurs propres capacités. Elles avaient brisé les stéréotypes. Elles étaient entrés dans un cycle d'apprentissage. Des 45 mécaniciennes, Sumitra, 35 ans, et Chamela, 36 ans, étaient sans doute les plus compétentes. Peu à peu, les moqueries, le scepticisme, et même l'hostilité auxquels elles avaient dû faire face à leurs débuts dans leur nouveau rôle, firent place à un respect accordé de mauvaise grâce. Elles commencèrent même à former d'autres femmes. Leurs déplacements à travers le pays leur permirent d'élargir leurs horizons au-delà de ce qui était possible pour les autres femmes de leurs villages. Ces expériences nouvelles témoignaient du bouleversement de leur vie. Pour elles, le changement n'était pas qu'une vague possibilité, il était devenu une réalité concrète.

Pour mieux sensibiliser les pompistes mécaniciennes au problème de l'eau, il fallait sauter le pas qui sépare l'alphabétisation de l'éducation. Elles demandaient les réponses à de nombreuses questions. Par exemple, lorsque l'été amenait une grave pénurie d'eau, elles voulaient comprendre pourquoi la profondeur des nappes souterraines varie selon les régions ou les saisons. Elles prirent aussi peu à peu conscience de l'importance de la qualité de l'eau potable pour la santé. Elles réclamaient davantage d'information sur ces inter-connexions.10

La violence contre les femmes, une violation des droits humains

De même, dans le cadre d’une perspective des droits humains sensible aux disparités hom­mes-femmes, il est impossible d’ignorer le phénomène de la violence contre les femmes.  Le résumé du Rapport préliminaire de la Rapporteuse spéciale chargée de la question de la vio­lence contre les femmes présenté ci-dessous offre un point de vue intéressant sur ce sujet:

La violence contre les femmes, en particulier, a empêché les femmes en tant que groupe de jouir pleinement des bienfaits associés aux droits de l’homme.  Les femmes sont vulnérables face à la violence, que celle-ci soit le fait de la famille, de la com­munauté ou de l’Etat. 

La violence à l’encontre des femmes peut être liée aux caractères sexuels proprement féminins (viol, mutilations génitales, notamment); à l’existence de telle ou telle rela­tion avec un homme (violence domestique, décès imputable à des questions de dot, sati; ou encore au fait qu’elles appartiennent à tel ou tel groupe social et que la vio­lence contre les femmes de ce groupe est utilisée comme moyen pour humilier le groupe tout entier (viol en temps de conflit armé ou de luttes ethniques).  Les femmes sont exposées à la violence dans la famille (coups, sévices sexuels infligés aux en­fants de sexe féminin, violences liées à la dot, inceste, privation de nourriture, viol conjugal, mutilations génitales), à la violence au sein de la collectivité (viol, sévices sexuels, harcèlement sexuel, traite des femmes, prostitution forcée) et à la violence attribuable à l’Etat (femmes en détention et viols en temps de conflit armé).

Parmi les rapports de force historiques auxquels la violence exercée à l’encontre des femmes est attribuable, il faut citer les forces économiques et sociales qui exploitent le travail féminin et le corps féminin.  Les femmes économiquement défavorisées sont plus exposées au harcèlement sexuel, à la traite et à l’esclavage sexuel.  Elles sont aussi employées comme main-d’oeuvre servile ou main-d’oeuvre peu rémunérée dans de nombreuses entreprises économiques du monde entier.  En tant que travail­leuses migrantes, elles se heurtent souvent à d’innombrables difficultés dans les pays étrangers.  L’exploitation économique est un aspect important du travail féminin mo­derne.  En outre, une étude portant sur la question des femmes battues dans 90 socié­tés a permis d’établir que l’égalité économique était un facteur majeur de la préven­tion de la violence contre les femmes.  Réciproquement, le fait de dénier aux femmes le pouvoir économique et l’indépendance économique est une cause majeure de la violence qui s’exerce contre elles, car il ajoute à leur vulnérabilité et à leur dépen­dance.  Aussi longtemps que les relations économiques, à l’intérieur d’une société, ne deviendront pas plus équitables à l’égard des femmes, le problème de la violence contre les femmes ne manquera pas de se poser.

Un autre aspect des rapports de force historiques entre hommes et femmes consiste en ce fait que les hommes ont la haute main sur les systèmes de savoir.  Que ce soit dans le domaine de la science, de la culture, de la religion ou de la langue, les hommes sont maîtres du discours d’accompagnement.  Les femmes ont été exclues de la création des systèmes symboliques comme de l’interprétation de l’expérience historique.   C’est cette exclusion par rapport à la maîtrise des systèmes de la connaissance qui fait que les femmes non seulement sont victimes de la violence, mais participent à un dis­cours qui souvent légitimise ou banalise la violence ainsi exercée contre elles.  Dès lors que l’on peut minimiser l’expérience de la violence subie par les femmes, il est certain que rien ne sera fait par les Etats ou par les individus pour y mettre fin.  La campagne visant à éliminer la violence contre les femmes doit consister aussi à contester les systèmes de savoir et le discours qui banalise l’expérience que font les femmes de la violence.  Les femmes se voient aussi refuser tout accès au savoir du fait que, dans de nombreuses parties du monde, elles se voient refuser toute éduca­tion.  Faire reconnaître le droit des fillettes et des femmes à l’éducation est donc né­cessairement le premier pas à accomplir si l’on veut pouvoir retracer de manière plus exacte l’histoire de la violence exercée contre les femmes.

La violence qui s’exerce contre les femmes tient non seulement aux rapports de force historiques mais aussi, en grande partie, à des questions de sexualité.  La violence est souvent un instrument employé pour réprimer le comportement sexuel des femmes.  C’est pourquoi la violence contre les femmes trouve souvent une expression sexuelle.  Le viol, le harcèlement sexuel, la traite des femmes, la mutilation génitale, tout cela implique des formes de violence qui constituent une agression contre la sexualité fé­minine.

Outre les facteurs liés à l’histoire et à la sexualité, l’existence d’idéologies fondées sur la subordination des femmes explique elle aussi la violence à l’égard des person­nes de sexe féminin.  Dans de nombreux contextes idéologiques, la tradition confère une légitimité à certaines pratiques de violence visant les femmes.  Dans les pays dé­veloppés comme dans les pays en développement, il n’est pas rare que le milieu culturel donne sa sanction au mari qui punit ou bat sa femme dans certaines circons­tances.  Dans le cas de certaines cultures, cette sanction figure même dans le code.

La violence à l’égard des femmes a des conséquences qui sont difficiles à évaluer, étant donné que les délits passent souvent inaperçus et que l’on possède peu de don­nées sur le sujet.  Cependant, il apparaît très clairement que la peur figure au nombre de ces conséquences, et elle est peut-être la plus importante.  La peur empêche un grand nombre de femmes de mener une vie indépendante.  Elle restreint leur liberté de circulation, de sorte que, dans de nombreuses régions du monde, les femmes ne s’aventurent pas seules dehors.  Elle les oblige à se vêtir d’une façon qui ne soit pas « provocante », afin que, si elles se font agresser, personne ne puisse leur rétorquer qu’« elles l’ont bien cherché ».  Elle les pousse à rechercher la protection d’un homme qui les préservera de la violence d’autrui.  Cette protection peut les mettre dans une situation de vulnérabilité et de dépendance qui ne contribue pas au renforcement de leur autonomie.  Le potentiel des femmes n’est pas exploité, et des énergies qui pourraient être employées à améliorer la société sont souvent réprimées. 

Dans certaines cultures, en particulier celles où l’on pratique la mutilation génitale sur les femmes, on nie l’existence de ces dernières en tant qu’êtres sexués ayant des be­soins et des attentes.  Ce déni de la sexualité féminine, qui se traduit par une mutila­tion corporelle, doit être considéré comme une violation d’un droit fondamental de l’être humain.

Les femmes qui ont été victimes de violences ont de graves problèmes de santé.  On a récemment mené des études sur l’incidence néfaste que peut avoir, du point de vue physique et émotionnel, la violence à l’égard des femmes, et notamment les effets pernicieux de la mutilation génitale sur la santé féminine.  Il y a également d’autres formes de sévices qui entraînent des lésions corporelles.  En outre, certains effets sont d’ordre psychologique.  Les femmes qui ont subi des violences sont sujettes à la dé­pression et à des troubles de la personnalité.  Elles manifestent une grande anxiété et présentent de nombreux troubles d’ordre somatique.  Ces réactions d’ordre psycholo­gique ont sur elles une incidence négative car elles les paralysent ou inhibent leur liberté d’action.

La violence au sein de la famille, en particulier, a des conséquences graves à la fois pour les femmes et pour les enfants.  Les enfants présentent souvent les signes d’un état réactionnel aigu et ont des troubles d’ordre comportemental et émotionnel. 

Du point de vue du développement, on fera observer que la violence empêche les femmes de participer pleinement à la vie de la famille, de la communauté et de la so­ciété en général.  Des énergies qui pourraient être employées pour le bien social et le développement sont réfrénées.  Le potentiel des femmes et la contribution qu’elles pourraient apporter au progrès et à la croissance sont un aspect important du proces­sus de développement.  La violence à l’égard des femmes empêche celles-ci, ainsi que la société, de réaliser pleinement leur potentiel

Ce que coûte à la société la violence à l’égard des femmes est phénoménal.  Les sta­tistiques dans ce domaine étant rares, la plus grande partie de ce coût reste méconnue.   En ce qui concerne les conséquences de la violence, cependant, le coût matériel n’est que secondaire par rapport au coût moins tangible que représentent la diminution de la qualité de la vie, la négation des droits fondamentaux et l’impossibilité où se trou­vent les femmes de participer pleinement à la vie de la société.11

Les droits de la femme—normes et standards

Le principe de non-discrimination est l’une des pierres angulaires des droits humains.  La discrimination fondée sur le sexe figure parmi les formes de discrimination interdites par la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Cet engagement envers la non-discrimination est réitéré par la communauté internationale dans l’article 2, commun aux deux Pactes inter­nationaux—celui relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et celui relatif aux droits éco­nomiques, sociaux et culturels (PIDESC).

Déclarée Année de la Femme par les Nations Unies, 1975 fut aussi l’année de la première Conférence mondiale sur les femmes, à Mexico.  L’année fut étendue à une décennie, et d’autres conférences eurent lieu à Copenhague (1980) et Nairobi (1985).  La Quatrième Conférence mondiale sur les femmes s’est tenue en Chine en 1995.  Des milliers de femmes sont venues du monde entier pour prendre part au Forum des ONG de la conférence de Beijing.  Le Programme d’action adopté à Beijing identifie les droits de la femme comme un point critique.  La plupart des autres points abordés—pauvreté, enseignement et qualifications, santé, économie, pouvoir et prise de décision, média, environnement—sont directement liés aux droits économiques, sociaux et culturels. 

Les problèmes de la femme étaient aussi au cœur des Conférences sur l’environnement et le développement (Rio de Janeiro, 1992), sur les droits de l’homme (Vienne, 1993) et sur la population et le développement (Caire, 1994), et du Sommet mondial sur le développement social (Copenhague, 1995).

Deux conventions des Nations Unies s’adressent spécialement aux femmes: la Convention sur les droits politiques de la femme (1954)12 et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Convention sur les femmes, 1979).13  En novembre 1999, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté un protocole facultatif à la Convention sur les femmes qui permettra aux femmes de saisir individuellement le comité de surveillance—le Comité sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes, connu sous son acronyme anglais, CEDAW—en cas de violation des droits énoncés dans la Convention.  Le protocole facultatif entrera en application quand il aura été ratifié par dix pays.

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

La Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes peut être définie comme une véritable déclaration inter­nationale des droits de la femme.  En effet, elle décrit en détail les situations considérées comme discriminatoires à l’égard des femmes, et les mesures à prendre pour y remédier.  Les droits de la femme y sont appréhendés comme des droits humains et suivent un mo­dèle de « non-discrimi­nation » abso­lue, de sorte qu’il suffit de refuser aux femmes de disposer des mêmes droits que les hommes pour qu’il y ait viola­tion.

La Convention sur les femmes définit la discrimination à l’égard des femmes comme « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits humains et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel ou dans tout autre domaine ».

Il s’agit d’une définition relativement large, qui s’analyse comme suit:

  • Toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe constitue une forme de discrimination.
  • La convention couvre à la fois l’objectif et le résultat de ces distinctions, exclusions ou restrictions fondées sur le sexe compromettent l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux.
  • Elle couvre la discrimination dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou dans tout autre domaine.
  • Elle couvre la discrimination dans les actions publiques ou privées (« ou tout autre action »).
  • Elle interdit la discrimination intentionnelle ou non.
  • Les droits inscrits dans la Convention sur les femmes s’appliquent à toutes les femmes, quel que soit leur état matrimonial.

Parmi les traités de l’ONU, la Convention sur les femmes est celui qui réunit le plus explicitement les droits civils et politiques d’une part, et les droits économiques, sociaux et culturels d’autre part.  En outre, depuis sa mise en place, le CEDAW, comité établi selon les termes de la Convention, a formulé un certain nombre de Recommandations générales (RG) qui en précisent les différents articles.  Citons les plus importantes: RG 12 et 19, sur la violence contre les femmes (1989 et 1992), RG 13, appelant à l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale (1989), RG 14, sur l’excision (1990), RG 16, sur le travail non rémunéré des femmes dans les entreprises familiales en milieu rural ou urbain (1991), RG 21, sur l’égalité devant le mariage et dans les rapports familiaux (1994), et une RG sur la santé (1999) (voir les pages qui suivent ce module pour consulter des extraits des différentes RG).

Une égalité de fait

La Convention préconise un modèle d’égalité de fait.  Le concept d’égalité s’est de­puis toujours avéré problématique, parce que le terme d’« égalité pour la femme » est compris comme « le droit de la femme à être l’égale de l’homme ».  Il est certain que les femmes sont confrontées à des inégalités flagrantes vis-à-vis des opportunités d’emploi, des salaires, de l’accès et de la jouissance de la santé, des droits au sein de la famille, de la citoyenneté, etc.  Corriger ces inégalités signifie accorder aux fem­mes les mêmes droits que les hommes.  Ceci pose toutefois un problème si l’on considère que, pour accéder à l’égalité avec les hommes, les femmes doivent être traitées exactement comme eux.  Ainsi, le « droit de la femme à être l’égale de l’homme » semble ignorer un fait incontournable: les femmes sont différentes des hommes.

Culture et droits de la femme: l'excision

La plupart des communautés humaines ont leurs propres rites, élaborés en réponse aux besoins perçus du groupe, comme le besoin de protection, ou pour atteindre certains objectifs, comme l'impératif de pureté. Certains de ces rites sont liés à des âges ou des étapes spécifiques de la vie. Ainsi, l'excision est un rite très répandu, souvent considéré comme un " rite de passage ". Pratiquée pour marquer l'arrivée des jeunes filles parmi les femmes, l'excision consiste à modifier le corps de la femme comme un symbole, pour l'adapter aux normes sociales, aux valeurs et aux traditions dominantes en matière de sexualité féminine.

Ces rites sont en général liés à d'autres éléments de la culture considérée, comme la religion, qui leur prête un caractère sacré, de telle sorte qu'à long terme, la frontière entre le religieux et le rituel s'efface. Le rite devient un composant essentiel de l'identité culturelle des communautés qui le pratiquent.

L'excision, la mutilation génitale des femmes, n'est mentionnée dans aucun des textes sacrés qui composent la Bible et le Coran. Pourtant, les fidèles des religions correspondantes continuent de la pratiquer comme s'il s'agissait d'un impératif religieux. Par exemple, en Égypte, certains chefs spirituels défendent la pratique de l'excision sous prétexte qu'elle est admise par les enseignements de l'Islam, bien qu'elle soit inconnue dans la grande majorité des pays arabes et musulmans, et que de nombreux religieux musulmans la dénoncent comme contraire à ces mêmes enseignements. Des enquêtes conduites en Égypte ont démontré sa prévalence tant chez les Chrétiens que chez les Musulmans. La principale justification de ses partisans tient en peu de mots: " C'est notre tradition ".

Le combat pour l'abandon de cette pratique, engagé depuis plusieurs décennies, demeure sans effet notable. Cependant, au cours des années 1990, on a pu constater un certain progrès. Pendant cette période, les différentes campagnes contre l'excision ont modifié leur stratégie, abandonnant l'angle de la santé pour celui des droits fondamentaux. Ce changement est survenu à la suite de l'engagement dans la lutte de féministes et de militants des droits de l'homme. L'angle sanitaire, en insistant sur les dangers inhérents à l'excision, avait conduit à concentrer les efforts sur une amélioration des conditions dans lesquelles elle était pratiquée, pour minimiser la douleur, le saignement et les infections. Ainsi, de plus en plus, l'opération était exécutée dans des établissements publics ou privés par des professionnels de la médecine qui disposaient d'instruments stériles et d'anesthésiques. Cette évolution, en menant à la médicalisation de l'excision, avait eu pour effet de l'ancrer encore davantage. L'angle humanitaire, en revanche, présente l'excision comme une violation de nombreux droits fondamentaux de la femme, quels que soient l'exécuteur, les conditions, ou les complications éventuelles.

Par le passé, les instances des Nations Unies, influencées par l'argument de la " spécificité culturelle ", se gardaient souvent de condamner ouvertement cette pratique et se focalisaient sur ses conséquences sanitaires. Toutefois, à la suite de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993 et de la déclaration internationale sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, des organismes comme l'OMS et l'UNICEF ont pris fermement position contre l'excision, qu'ils considèrent désormais comme une violation des droits de la femme.15


Le modèle d’égalité de fait prôné par la Convention adopte une approche correctrice consciente des différences.  En particulier, la Convention reconnaît que la fonction de maternité est échue exclusivement aux femmes, et proclame que cette fonction ne peut servir de motif à une discrimination contre les femmes.

La Convention présume que les femmes, qu’elles soient confrontées à une discrimination actuelle ou qu’elles subissent les effets d’une discrimination passée, sont en position d’inégalité.  À cette présomption vient s’ajouter celle que l’environnement familial et la sphère publique demeurent hostiles à leur autonomie.  Cette approche évalue des dispositions ou des règles spécifiques pour déterminer si elles contribuent à la subordination de la femme à court ou à long terme, et si elles renforcent la subordination existante ou si elles permettent de la surmonter.

En outre, l’approche correctrice appelle au renversement des différences socialement construites—par exemple, les rôles traditionnellement dévolus aux hommes et aux femmes—ainsi que des pratiques culturelles qui traitent les femmes en inférieures.

Ainsi, le modèle d’égalité de fait cherche non seulement à obtenir une égalité des chances, mais aussi, et plus encore, une égalité des résultats.  Il insiste sur le fait que l’égalité d’accès et l’égalité des avantages doivent s’accompagner d’un traitement équitable.  Il reconnaît que les hommes et les femmes doivent être traités différemment pour tirer les mêmes avantages d’une situation.  Ceci peut prendre la forme de conditions habilitantes ou d’un programme d’action positive.14

Les normes relatives à  l’élimination de toutes les formes de violence contre les femmes

La Recommandation générale 19 du CEDAW est tout entière consacrée à la question de la violence contre les femmes.  Le comité y déclare que « la violence fondée sur le sexe est une forme de discrimination qui empêche sérieusement les femmes de jouir de leurs droits et libertés au même titre que les hommes », et conclut que la définition de la « discrimination à l’égard de la femme » citée à l’article 1 de la Convention sur les femmes englobe la violence fondée sur le sexe.  Ainsi, de tels actes de violence peuvent constituer des violations de dispositions particulières de la Convention, même si ces dispositions ne mentionnent pas expressément la violence.  Le comité définit la « violence fondée sur le sexe » comme, « . . . violence exercée contre une femme parce qu’elle est une femme ou qui touche spécialement la femme.  Elle englobe les actes qui infligent des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel, la menace de tels actes, la contrainte ou autres privations de liberté ».

En 1994, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.  Sur la base de cette Déclaration, la Commission des droits de l’homme a nommé un Rapporteur spécial chargé de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses conséquences.  Ce rapporteur soumet chaque année un rapport à la Commission.  Le rapporteur enquête principalement sur les causes économiques, sociales et culturelles de la vulnérabilité des femmes à la violence, ainsi que les conséquences sociales et économiques de leur exposition à la violence au sein de leur famille, dans leur communauté et dans la vie publique.

En 1995, une nouvelle convention régionale, intitulée Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre les femmes est entrée en vigueur.  Selon ses termes, la Commission interaméricaine des droits de l’homme est habilitée à enquêter sur les causes du ressort de la Convention.  Une Commission sur les femmes autorisée à recevoir des plaintes et à les résoudre en collaboration avec la Commission interaméricaine est crée.  Toute personne ou groupe de personnes ou ONG d’un État partie à la Convention peut saisir la Commission interaméricaine.  Les citoyens de pays n’ayant pas ratifié la Convention peuvent s’adresser à la Commission sur les femmes, pour une assistance.

Conventions de l’OIT et autres normes

D’autre part, l’Organisation internationale du travail a adopté une série de conventions sur l’emploi des femmes.  Parmi les sujets abordés figurent les prestations de maternité, l’égalité des salaires et le traitement équitable.  Par ailleurs, au cours des ans, l’Organisation mondiale de la santé, le Fonds des Nations Unies pour la population et UN/AIDS ont élaboré toute une série de directives concernant la santé des femmes qui tendent à se focaliser sur le problème des droits liés à la reproduction et à la sexualité.  Enfin, l’UNESCO dispose également de plusieurs documents qui traitent des droits de la femme à l’éducation et à la formation.

Conclusion—Les défis et les opportunités

La lutte pour l’avancement et la protection des droits économiques, sociaux et culturels de la femme offre une occasion unique d’élaborer des stratégies pour la défense des droits civils et politiques.  Elle pousse également à remettre en cause nombre de préjugés concernant le rôle de la femme dans la société, et peut mener à des changements notables dans les rapports de pouvoirs inégaux entre hommes et femmes.

L’un des aspects cruciaux de l’activisme en faveur des droits ESC de la femme consiste à établir des alliances entre les groupes travaillant aux droits de la femme et ceux qui se consacrent aux droits humains.  Il est également important de favoriser les liens avec les autres mouvements sociaux qui militent pour la justice économique et sociale.  Syndicats, coopératives agricoles, défenseurs de la liberté culturelle et de la presse, activistes écologistes, défenseurs des minorités et des communautés indigènes—tous représentent les alliés naturels du combat de la femme.  Toutefois, sensibiliser ces groupes au problème du sexisme peut s’avérer difficile.

L’élaboration de liens conceptuels entre certaines formes de discrimination fondée sur le sexe et d’autres fondées sur des différences comme la race, l’appartenance ethnique, la langue, la religion, l’âge ou l’orientation sexuelle revêt également une importance stratégique.  En effet, elle permet d’établir des relations non seulement dans la façon dont ces problèmes sont appréhendés, mais aussi dans notre activisme d’un domaine à l’autre, et à travers les frontières nationales et régionales.

Auteur: Ce module est tiré d’un document préparé par Sunila Abeyesekera à la suite de l’atelier de Phi Phi Island, et qui a été modifié pour y incorporer les commentaires des participants à l’atelier Yogyakarta.

NOTES


*     Genre est la traduction adoptée ici pour la notion anglo-saxonne de gender. Le genre se réfère non pas aux femmes et aux hommes en soi mais aux relations qui existent entre eux. Le genre n’est pas determiné biologiquement comme étant le résultat de caractéristiques sexuelles féminines ou masculines.  C’est un facteur social.  Il est au centre de l’organisation des sociétés et régit souvent les processus de production et de reproduction, de consommation et de distribution.


1.  Lincoln Kaye, « To Bear any Burden: Asia’s Women Pay a Disproportionately High Price for the Region’s Economic Boom », Far Eastern Economic Review 158 (1997): 42‑3.

2.  Rapport mondial sur le développement humain 1993, du PNUD, 28, cité dans International Human Rights in Context: Law, Politics and Morals, Henry J. Steiner et Philip Alston, (Oxford: Clarendon Press, 1996), 894.

3.  Programme des Nations Unies pour le développement, Rapport mondial sur le développement humain 1995 (New York: Oxford University Press, 1995), 1.

 4.  Extrait de Report of a Workshop on Integrating Women’s Rights in Human Rights Activism (Bangkok: Asian Forum for Human Rights and Development, 1998), 8.

 5.  Extrait de « Zimbabwe: Urgent Action Alert », sur le site Internet Sisterhood Is Global: www.sigi.org/Alert/zimb0699.html

6.. T.K. Sundari Ravindran, extrait de « Engendering Health », séminaire (New Delhi, 2000) (à venir).

7.. Charlotte Bunch, « Transforming Human Rights from a Feminist Perspective », extrait de Womens Rights, Human Rights: International Feminist Perspectives, éds. J.S. Peters et Andrea Wolper (New York: Routledge, 1995), 11‑17.

 8. Katarina Tomasevski, Women and Human Rights (Londres: Zed Books, 1993), 1‑4.

 9.  Raconté par Huma Khan, membre de Vanangana, février 2000.

10.  Windows to the World: Developing a Curriculum for Rural Women (New Delhi: NIRANTAR, 1997), 3‑6.

11. Commission des droits de l’homme, Rapport préliminaire présenté par le Rapporteur spécial chargé de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses conséquences,  Mme Radika Coomaraswamy, ONU Doc. E/CN.4/1995/42 (1995), 20‑21.

12. Convention sur les droits politiques de la femme, ouvert pour la signature le 31 mars 1953, 193 UNTS 135, entrée en vigueur le 7 juillet 1954.

13. Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adopté le 18 décembre 1979, AG Rés. 34/180, 34 UN GAOR Supp. (No. 46) à 193, ONU Doc. A/34/46, entrée en vigueur le 3 septembre 1981, réimprimé dans 19 ILM 33 (1980).

14. Cette section sur l’égalité de fait est extraite d’un projet de documents de formation de la section Asie-Pacifique de l’IWRAW (International Women’s Rights Action Watch), 1997.

15.  Adapté par Amal Abd El Hadi de « No Retreat: The Experience of an Egyptian Village » (Le Caire: Cairo Institute for Human Rights Studies, 1998).


  [SIM1] corrected date indicated in orginal as all official documents give 1993 as year of Vienna Conference & Declaration—see http://www.unhchr.ch/french/html/50th/50kit2_fr.htm

Droits résérves