University of Minnesota



Comité relative aux droits de l'enfant, Observation générale No. 7, Mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance (Quarantième session 2006) U.N. Doc. CRC/C/GC/7/Rev.1 (2006).


 


Convention relative aux
droits de l’enfant
Distr.
GÉNÉRALE
CRC/C/GC/7/Rev.1
20 septembre 2006
FRANÇAIS
Original: ANGLAIS
COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Quarantième session
Genève, 12-30 septembre 2005
OBSERVATION GÉNÉRALE No 7 (2005)
Mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance

I. INTRODUCTION

1. La présente observation générale est inspirée par un constat que le Comité a souvent l’occasion de faire lors de l’examen des rapports présentés par les États parties. Dans de nombreux cas, les renseignements relatifs à la petite enfance sont très succincts et se limitent essentiellement à la mortalité infantile, à l’enregistrement des naissances et aux soins de santé. Le Comité a jugé nécessaire d’examiner les incidences au sens plus large de la Convention relative aux droits de l’enfant sur les jeunes enfants. C’est pour cette raison qu’en 2004 il a consacré sa journée de débat général au thème «Mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance». Ce débat a abouti à une série de recommandations (voir document CRC/C/143, sect. VII) ainsi qu’à la décision d’élaborer une observation générale sur cet important sujet. Par la présente observation générale, le Comité souhaite encourager les États parties à reconnaître que les jeunes enfants jouissent de tous les droits garantis par la Convention et que la petite enfance est une période déterminante pour la réalisation de ces droits. D’après la définition pratique établie par le Comité, l’expression «petite enfance» recouvre toutes les périodes de la vie du jeune enfant: naissance et première enfance; période préscolaire; et période de transition avec l’entrée à l’école (voir par. 4 ci-après).

II. OBJECTIFS DE LA PRÉSENTE OBSERVATION GÉNÉRALE

2. La présente observation générale a pour objectifs:

a) De mieux faire comprendre les droits fondamentaux de tous les jeunes enfants et d’appeler l’attention des États parties sur les obligations qui leur incombent à l’égard de cette catégorie d’enfants;

b) De décrire les caractéristiques spécifiques de la petite enfance qui ont des incidences sur la réalisation des droits;

c) D’inciter à considérer les jeunes enfants dès le début de leur vie comme des membres de la société ayant des intérêts, des capacités et des vulnérabilités spécifiques et à reconnaître qu’ils ont besoin d’être protégés, conseillés et soutenus pour exercer leurs droits;

d) De mettre en lumière les différentes situations des jeunes enfants à prendre en considération lors de la mise en œuvre de la Convention, pour ce qui est notamment des événements vécus par les jeunes enfants, de la qualité de leurs expériences et des influences qui déterminent leur développement;

e) De mettre en évidence le fait que les attentes et attitudes à l’égard des enfants varient suivant les cultures et, notamment, selon les coutumes et pratiques locales qui doivent être respectées, sauf si elles sont contraires aux droits de l’enfant;

f) De souligner la vulnérabilité des jeunes enfants face à la pauvreté, la discrimination, l’éclatement de la famille et diverses autres difficultés qui portent préjudice à leurs droits et à leur bien-être;

g) De contribuer à la réalisation des droits de tous les jeunes enfants par l’élaboration et la promotion d’un ensemble de politiques, de lois, de programmes, de pratiques, d’actions de formation et d’études axés spécifiquement sur les droits de l’enfant dans la petite enfance.

III. DROITS DE L’HOMME ET JEUNES ENFANTS

3. Les jeunes enfants ont des droits. Aux termes de la Convention relative aux droits de l’enfant, «un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable» (art. 1er). En conséquence, les jeunes enfants jouissent de tous les droits garantis par la Convention. Ils bénéficient de mesures spéciales de protection et, en fonction du développement de leurs capacités, ils exercent progressivement les droits qui sont les leurs. Le Comité est préoccupé par le fait que, lorsqu’il s’agit de remplir les obligations qui leur incombent en vertu de la Convention, les États parties n’accordent pas une place suffisante aux jeunes enfants en tant que titulaires de droits ni aux lois, politiques et programmes permettant de réaliser ces droits pendant cette période bien spécifique de l’enfance. Le Comité réaffirme que la Convention relative aux droits de l’enfant doit être appliquée dans une perspective holistique dans la petite enfance, en se fondant sur le principe de l’universalité, de l’indivisibilité et de l’interdépendance de tous les droits de l’homme.

4. Définition de la petite enfance. La définition de la petite enfance varie suivant les pays, les régions, les traditions locales et l’organisation du système d’enseignement primaire. Dans certains pays, les enfants passent de la période préscolaire à la période scolaire dès l’âge de 4 ans. Dans d’autres pays, ce passage a lieu vers l’âge de 7 ans. Pour le Comité, la notion de droits de l’enfant dans la petite enfance devrait couvrir toutes les périodes de la vie du jeune enfant: naissance et première enfance; période préscolaire; et période de transition avec l’entrée à l’école. Par conséquent, le Comité propose de retenir comme définition pratique de la petite enfance la tranche d’âge comprise entre la naissance et 8 ans et il engage les États parties à considérer leurs obligations à l’égard des jeunes enfants en tenant compte de cette définition.

5. Un programme constructif pour la petite enfance. Le Comité encourage les États parties à mettre au point un programme constructif de promotion des droits des jeunes enfants. Cela implique l’abandon des stéréotypes traditionnels selon lesquels la petite enfance n’est qu’une période de socialisation qui conduit un être humain immature à la maturité de l’adulte. La Convention dispose que les enfants, y compris les tout-petits, doivent être respectés en tant que personnes à part entière. Les jeunes enfants devraient être considérés comme des membres actifs de la famille, de la communauté et de la société, avec leurs préoccupations, leurs intérêts et leurs opinions propres. Pour exercer leurs droits, les jeunes enfants ont particulièrement besoin d’être réconfortés physiquement, entourés d’affection et encadrés avec sensibilité, et ils ont besoin aussi de temps et d’espace pour jouer avec les autres, découvrir et apprendre. Le meilleur moyen de satisfaire ces besoins passe par un ensemble de lois, de politiques et de programmes en faveur de la petite enfance, notamment un plan d’application et de suivi indépendant
prévoyant par exemple la nomination d’un commissaire aux droits de l’enfant, en déterminant aussi quelles sont les conséquences de ces lois et politiques pour les enfants (voir l’Observation générale no 2 (2002) sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme, par. 19).

6. Caractéristiques de la petite enfance. La petite enfance est une période critique pour la réalisation des droits de l’enfant. En effet:

a) La petite enfance correspond à la phase de croissance et de transformation plus rapide de l’existence humaine, pour ce qui est de la maturation du corps et du système nerveux, du développement de la mobilité, des facultés de communiquer et des capacités intellectuelles, ainsi que de l’évolution des intérêts et aptitudes;

b) Les jeunes enfants s’attachent fortement à leurs parents ou aux autres personnes qui s’occupent d’eux et ils ont besoin d’être entourés, soignés, encadrés et protégés, dans le respect de leur personnalité et de l’évolution de leurs capacités;

c) Les jeunes enfants nouent des liens importants avec d’autres enfants du même âge, ainsi qu’avec des enfants plus jeunes ou plus âgés qu’eux. Grâce à ces relations, ils apprennent à négocier et organiser des activités communes, résoudre des conflits, tenir des engagements et assumer des responsabilités pour d’autres enfants;

d) Les jeunes enfants s’efforcent activement de comprendre les aspects physiques, sociaux et culturels du monde dans lequel ils vivent, en tirant progressivement des enseignements de leurs activités et de leurs interactions avec d’autres personnes, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes;

e) Les premières années de la vie des jeunes enfants sont fondamentales pour leur santé physique et mentale, leur sécurité affective, leur identité culturelle et personnelle et leurs capacités de développement;

f) La croissance et le développement des jeunes enfants varient selon leur nature, leur sexe, leurs conditions de vie, leur structure familiale, le cadre de prise en charge et le système éducatif;

g) La croissance et le développement des jeunes enfants sont fortement influencés par les conceptions culturelles quant à leurs besoins, à la façon dont il convient de les traiter et à leur rôle actif au sein de la famille et de la communauté.

7. Le respect de la spécificité des intérêts, des expériences et des difficultés de chaque jeune enfant constitue le point de départ de la réalisation des droits de l’enfant pendant cette période cruciale de l’existence.

8. Études sur la petite enfance. Le Comité note que de plus en plus d’études théoriques et de travaux de recherche confirment que les jeunes enfants doivent être considérés comme des acteurs sociaux dont la survie, le bien-être et le développement dépendent de liens affectifs étroits. Ces liens sont généralement noués avec un nombre restreint de personnes essentielles qui sont généralement les parents, les membres de la famille élargie et les enfants du même âge, ainsi que les personnes qui s’occupent des jeunes enfants et autres professionnels de la petite enfance. En outre, les études menées sur les dimensions sociales et culturelles de la petite enfance montrent que les façons de concevoir et de favoriser le développement du jeune enfant varient, notamment les attentes vis-à-vis de ce dernier et les systèmes de prise en charge et d’éducation. L’une des caractéristiques de la société actuelle est qu’un nombre croissant de jeunes enfants grandissent au sein de communautés multiculturelles et dans un contexte marqué par de rapides mutations sociales, qui entraînent avec elles une évolution des conceptions et des
attentes relatives aux jeunes enfants, avec notamment une plus grande reconnaissance de leurs droits. Les États parties sont encouragés à se fonder sur les croyances et les connaissances concernant la petite enfance, en tenant compte de la situation au plan local et de l’évolution des pratiques, et à respecter les valeurs traditionnelles pour autant que celles-ci ne soient pas discriminatoires (art. 2 de la Convention), ne portent pas préjudice à la santé et au bien-être des enfants (art. 24, par. 3) et ne soient pas contraires à leur intérêt supérieur (art. 3). Enfin, les études menées dans le domaine de la petite enfance mettent en lumière les risques particuliers que représentent pour les jeunes enfants la malnutrition, les maladies, la pauvreté, la négligence des parents, l’exclusion sociale et toute une série d’autres facteurs. Elles montrent que des stratégies adéquates de prévention et d’intervention dans la petite enfance peuvent avoir des retombées positives sur le bien-être actuel des jeunes enfants et sur leurs perspectives futures. La réalisation des droits de l’enfant dans la petite enfance constitue donc un moyen efficace de
prévenir l’apparition de problèmes d’ordre personnel, social et scolaire dans la moyenne enfance et à l’adolescence (voir l’Observation générale no 4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent).

III. PRINCIPES GÉNÉRAUX ET DROITS DU JEUNE ENFANT

9. Le Comité a établi que les articles 2, 3, 6 et 12 de la Convention contenaient des principes généraux (voir l’Observation générale no 5 (2003) sur les mesures d’application générales de la Convention). Chaque principe a des incidences sur les droits du jeune enfant.

10. Droit à la vie, à la survie et au développement. L’article 6 de la Convention porte sur le droit inhérent de tout enfant à la vie et l’obligation pour les États parties d’assurer dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant. Les États parties sont exhortés à prendre toutes les mesures possibles pour améliorer les soins périnatals aux mères et aux nourrissons, réduire la mortalité infanto-juvénile et créer des conditions propres à assurer le bien-être de tous les jeunes enfants pendant cette période décisive de leur vie. La malnutrition et les maladies évitables demeurent des obstacles majeurs à la concrétisation des droits des jeunes enfants. Assurer la survie et protéger la santé publique sont certes des priorités, mais les États parties doivent garder à l’esprit que l’article 6 englobe tous les aspects du développement et que la santé et le bien-être psychosocial du jeune enfant sont interdépendants à maints égards. L’une et l’autre peuvent être compromis par des conditions de vie difficiles, la négligence, l’indifférence, les mauvais traitements et des possibilités limitées d’épanouissement. Les jeunes enfants qui sont élevés dans des conditions particulièrement difficiles doivent bénéficier d’une attention spéciale (voir sect. VI ci-après). Le Comité rappelle aux États parties (et aux autres parties prenantes) que le droit à la survie et au développement ne peut être réalisé que de manière holistique, en mettant en œuvre toutes les autres dispositions de la Convention, notamment droits à la santé, à une alimentation adéquate, à la sécurité sociale, à un niveau de vie suffisant, à un
environnement sain et sûr et à l’éducation et aux loisirs (art. 24, 27, 28, 29 et 31), ainsi qu’en respectant les responsabilités des parents et en assurant une aide et des services de qualité (art. 5 et 18). Très tôt déjà, les enfants devraient participer à des activités tendant à promouvoir une alimentation correcte et un mode de vie sain favorisant la prévention des maladies.

11. Droit à la non-discrimination. L’article 2 de la Convention garantit des droits à tout enfant sans discrimination aucune. Le Comité prie instamment les États parties de tenir compte des incidences de ce principe sur la réalisation des droits du jeune enfant. En effet: a) L’article 2 de la Convention signifie que les jeunes enfants en général ne doivent pas faire l’objet de discrimination pour quelque motif que ce soit, ce qui serait par exemple le cas si une loi ne protégeait pas tous les enfants contre la violence et ne s’appliquait pas aux jeunes enfants. Les enfants en bas âge sont particulièrement vulnérables face à la discrimination car ils n’ont pratiquement aucun moyen de se défendre et dépendent d’autres personnes pour faire respecter leurs droits;

b) Cet article signifie aussi que certains groupes de jeunes enfants doivent être protégés contre la discrimination, qui peut se manifester sous diverses formes, notamment alimentation insuffisante, soins et encadrement inadéquats, possibilités limitées de loisirs, d’apprentissage et d’éducation; ou interdiction d’exprimer librement ses sentiments et ses opinions. La discrimination peut également se manifester sous la forme d’une sévérité et d’exigences exagérées, qui peuvent être assimilables à de l’exploitation ou à des sévices. Par exemple:

i) La discrimination contre les fillettes constitue une violation grave des droits de l’enfant en ce qu’elle affecte leur survie et tous les aspects de leur existence,
tout en limitant leur capacité d’apporter une contribution utile à la société. Ces fillettes sont susceptibles d’être victimes d’avortements sélectifs, de mutilations génitales, de négligence et d’infanticide, notamment en étant sous-alimentées pendant la petite enfance. Elles peuvent être chargées de responsabilités familiales excessives et privées d’accès à l’éducation préscolaire et primaire;

ii) La discrimination contre les enfants handicapés réduit les perspectives de survie de ces derniers et leur qualité de vie. Ces enfants ont droit à des soins,
à l’alimentation, à un soutien affectif et à des encouragements comme les autres enfants. Ils peuvent en outre avoir besoin d’une assistance spéciale favorisant leur intégration et la réalisation de leurs droits;

iii) La discrimination contre les enfants contaminés ou touchés par le VIH/sida les prive de l’aide et du soutien dont ils ont cruellement besoin. Cette forme de
discrimination peut être présente dans des politiques des pouvoirs publics, notamment s’agissant de la fourniture des services et de l’accès à ces derniers,
ainsi que dans des pratiques de la vie de tous les jours qui portent atteinte aux droits de ces enfants (voir aussi par. 27 ci-après);

iv) La discrimination fondée sur l’origine ethnique, l’appartenance à une classe sociale ou à une caste, la situation et le mode de vie personnels ou les
convictions politiques ou religieuses (de l’enfant ou de ses parents) empêche les enfants qui en sont victimes de participer pleinement à la vie sociale. Elle
empêche les parents d’assumer toutes leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants. Elle réduit les perspectives de ces derniers et leur confiance en eux,
tout en provoquant de l’animosité et des tensions entre enfants et adultes;

v) Les jeunes enfants qui sont victimes de multiples formes de discrimination (à cause de leur origine ethnique, de leur statut social et culturel, de leur sexe
ou d’un handicap) sont particulièrement vulnérables.

12. Les jeunes enfants peuvent également subir les conséquences d’une discrimination dirigée contre leurs parents, par exemple, s’ils sont nés hors mariage ou dans des circonstances qui ne correspondent pas aux valeurs traditionnelles de la société, ou si leurs parents sont des réfugiés ou des demandeurs d’asile. Les États parties ont pour responsabilité de surveiller et de combattre la discrimination sous quelque forme que ce soit et quel qu’en soit le contexte – au sein de la
famille ou de la communauté, à l’école ou dans le cadre d’autres institutions. La discrimination potentielle pour ce qui est de l’accès des jeunes enfants à des services de qualité est particulièrement préoccupante, en particulier lorsqu’on ne trouve pas partout des services de santé, des écoles, des services sociaux et d’autres services et que les services en question sont assurés conjointement par l’État, le secteur privé et des organisations caritatives. Le Comité encourage les États parties à vérifier dans un premier temps si des services de qualité favorisant la survie et le développement des jeunes enfants sont disponibles et accessibles, notamment en collectant systématiquement des données ventilées selon les principales variables se rapportant à l’origine et à la situation des enfants et de leur famille. Dans un deuxième temps, ils pourraient prendre des mesures afin de garantir à tous les enfants les mêmes possibilités d’accès aux services disponibles. De façon plus générale, les États parties devraient sensibiliser l’opinion au problème de la discrimination contre les jeunes enfants dans leur ensemble et, en particulier,
contre ceux qui appartiennent à un groupe vulnérable.

13. Intérêt supérieur de l’enfant. L’article 3 de la Convention consacre le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants. En raison de leur manque relatif de maturité, les jeunes enfants dépendent des autorités compétentes pour définir leurs droits et leur intérêt supérieur et les représenter lorsqu’elles prennent des décisions et des mesures affectant leur bien-être, tout en tenant compte de leur avis et du développement de leurs capacités. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est mentionné à de nombreuses reprises dans la Convention (notamment aux articles 9, 18, 20 et 21, qui sont les plus pertinents pour la petite enfance). Ce principe s’applique à toutes les décisions concernant les enfants et doit être accompagné de mesures efficaces tendant à protéger leurs droits et à promouvoir leur survie, leur croissance et leur bien-être ainsi que de mesures visant à soutenir et aider les parents et les autres personnes qui ont la responsabilité de concrétiser au jour le jour les droits de l’enfant:

a) Intérêt supérieur de l’enfant en tant qu’individu. Dans toute décision concernant notamment la garde, la santé ou l’éducation d’un enfant, dont les décisions prises par les parents, les professionnels qui s’occupent des enfants et autres personnes assumant des responsabilités à l’égard d’enfants, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en considération. Les États parties sont instamment priés de prendre des dispositions pour que les jeunes enfants soient représentés de manière indépendante, dans toute procédure légale, par une personne agissant dans leur intérêt et pour que les enfants soient entendus dans tous les cas où ils sont+6 capables d’exprimer leurs opinions ou leurs préférences;

b) Intérêt supérieur des jeunes enfants en tant que groupe ou partie prenante. Dans toute initiative concernant les enfants, telle qu’élaboration de lois et de politiques, prise de décisions administratives ou judiciaires et prestation de services, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en compte. Il s’agit notamment des mesures touchant directement les enfants (par exemple, services de santé, systèmes de prise en charge ou écoles) ainsi que des mesures ayant des conséquences indirectes pour les jeunes enfants (notamment celles prises dans le domaine de l’environnement, du logement et des transports).

14. Respect des opinions et de la sensibilité du jeune enfant. L’article 12 de la Convention dispose que l’enfant a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant et que ses opinions soient dûment prises en considération. Cette disposition renforce le statut du jeune enfant en tant que participant actif à la promotion, la protection et la surveillance de ses droits. Or, trop souvent, on néglige ou refuse de tenir compte du rôle que peuvent jouer les jeunes enfants − en tant que membres de la famille, de la communauté et de la société – au motif qu’ils sont trop petits et immatures. Dans beaucoup de pays et de régions, au nom des valeurs traditionnelles, on met l’accent sur le fait que le jeune enfant a besoin d’apprendre et de se socialiser. Il est considéré comme sous-développé et dépourvu des capacités élémentaires de compréhension, de communication et de décision. Il n’a aucun poids au sein de la famille et est souvent muet et invisible dans la société. Le Comité tient à souligner que l’article 12 s’applique aussi bien aux jeunes enfants qu’aux enfants plus âgés. Étant donné que tous les enfants ont des droits, même les tout-petits peuvent exprimer leur avis, «les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité» (art. 12, par. 1). Les jeunes enfants sont extrêmement sensibles à leur environnement et parviennent très rapidement à reconnaître les personnes, lieux et habitudes qui constituent leur cadre familier, tout en prenant conscience de leur identité propre. Ils font des choix et communiquent leurs émotions, idées et désirs de diverses manières bien avant d’être capables de communiquer par le langage conventionnel oral ou écrit. En conséquence:

a) Le Comité encourage les États parties à prendre toutes les mesures utiles pour assurer le respect du principe selon lequel l’enfant est un être doté de droits, jouissant notamment de la liberté d’exprimer ses opinions et du droit d’être consulté sur les questions l’intéressant et pour que ce principe soit appliqué très tôt déjà, compte dûment tenu des capacités du jeune enfant, de son intérêt supérieur et de son droit à une protection contre les expériences nuisibles;

b) Le droit d’exprimer ses opinions et ses émotions devrait être pleinement respecté dans la vie quotidienne de l’enfant à la maison (y compris, le cas échéant, au sein de la famille élargie) et au sein de sa communauté; dans l’ensemble des services de santé, garderies et établissements d’enseignement pour la petite enfance, ainsi que dans le cadre des procédures judiciaires; et lors de l’élaboration de politiques et de la mise en place de services, par le biais notamment d’études et de consultations;

c) Les États parties devraient prendre toutes les mesures voulues pour promouvoir la participation active des parents, des spécialistes et des autorités compétentes à la création de possibilités pour les jeunes enfants d’exercer activement et progressivement leurs droits dans leurs activités quotidiennes et dans tous les contextes pertinents, notamment en proposant des formations permettant d’acquérir les compétences nécessaires. Pour que les droits de l’enfant en matière de participation soient respectés, les adultes doivent se centrer sur les jeunes enfants, les écouter et respecter leur dignité et leur point de vue personnel. En outre, les adultes doivent faire preuve de patience et de créativité en adaptant leurs attentes aux intérêts, capacités de compréhension et modes de communication préférés des jeunes enfants.

IV. RESPONSABILITÉS PARENTALES ET AIDE ACCORDÉE PAR LES ÉTATS PARTIES

15. Le rôle crucial des parents et des autres personnes qui ont la charge d’un enfant à titre principal. Normalement, les parents du jeune enfant jouent un rôle crucial dans la réalisation de ses droits, de même que les autres membres de la famille, la famille élargie ou la communauté, y compris les tuteurs légaux, suivant les cas. Ce principe est pleinement reconnu dans la Convention (en particulier à l’article 5), ainsi que l’obligation incombant aux États parties d’accorder une aide aux parents, notamment en mettant en place des services de qualité chargés de veiller au bien-être des enfants (voir en particulier l’article 18). Dans le préambule de
la Convention, la famille est décrite comme l’«unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en particulier des enfants». Le Comité considère que le terme «famille» recouvre là toute une série de structures permettant d’assurer la prise en charge, l’éducation et le développement des jeunes enfants, dont la famille nucléaire, la famille élargie et d’autres systèmes traditionnels ou modernes fondés sur la communauté, pour autant qu’ils soient compatibles avec les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant.

16. Les parents et les autres personnes qui ont la charge d’un enfant à titre principal et l’intérêt supérieur de l’enfant. La responsabilité assumée par les parents et les autres personnes qui ont la charge d’un enfant à titre principal est liée à l’obligation d’agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant. L’article 5 de la Convention dispose que les parents ont pour rôle de donner à l’enfant l’orientation et les conseils appropriés à «l’exercice des droits que lui reconnaît la […] Convention». Cela vaut aussi bien pour les jeunes enfants que pour les autres. Les nourrissons et les enfants en bas âge dépendent complètement des autres, mais ils ne sont pas des bénéficiaires passifs de soins, d’orientations et de conseils. Ils sont des acteurs sociaux actifs qui ont besoin, pour leur survie, leur croissance et leur bien-être, d’être protégés, réconfortés et compris par leurs parents et les autres personnes qui s’occupent d’eux. Les nouveau-nés sont capables de reconnaître leurs parents (ou les autres personnes qui s’occupent d’eux) très peu de temps après la naissance et commencent à communiquer activement de façon non verbale. Normalement, les jeunes enfants créent des liens affectifs intenses et réciproques avec leurs parents ou les personnes qui en ont la charge à titre principal. Grâce à ces liens, ils bénéficient d’une sécurité physique et affective et reçoivent soins et attention constants. En outre, ces relations les aident à forger leur propre identité et à acquérir des capacités, des connaissances et des attitudes appréciées dans leur culture. Ainsi, les parents (et les autres personnes qui s’occupent de l’enfant) sont généralement les principaux intermédiaires grâce auxquels les jeunes enfants peuvent exercer leurs droits.

17. Le développement des capacités en tant que principe de base. Le concept de «développement des capacités» mentionné à l’article 5 de la Convention renvoie aux processus de maturation et d’apprentissage par lesquels passent les enfants pour acquérir progressivement des connaissances, des compétences et la capacité de comprendre, notamment la conscience de leurs droits et des meilleurs moyens de les exercer. Le respect du développement des capacités des jeunes enfants est déterminant pour la réalisation de leurs droits, particulièrement dans la petite enfance, étant donné la rapidité avec laquelle se transforment leur corps, leur appareil cognitif et leurs rapports sociaux et affectifs depuis le début de cette période jusqu’à leur entrée à l’école. L’article 5 consacre le principe selon lequel les parents (et les autres personnes concernées) doivent constamment adapter la façon dont ils aident et encadrent leur enfant. Ces ajustements prennent en compte les intérêts et les désirs de l’enfant ainsi que ses capacités à prendre des décisions de manière autonome et à comprendre quel est son intérêt supérieur. Bien qu’un jeune enfant ait généralement davantage besoin d’être encadré qu’un enfant plus âgé, les parents doivent également tenir compte des différences individuelles de capacités entre enfants du même âge et de leurs diverses manières de réagir dans des situations données. Le développement des capacités devrait être vu comme un processus constructif et qui favorise l’évolution de l’enfant, et non comme la justification de pratiques autoritaires limitant l’autonomie de l’enfant et ses possibilités d’expression, sous prétexte généralement de l’immaturité relative des enfants et de leur besoin d’apprendre à vivre en société. Les parents (et les autres personnes concernées) devraient être encouragés à donner «l’orientation et les conseils» en se centrant sur l’enfant, en utilisant le dialogue et l’exemple et en renforçant les capacités des jeunes enfants à exercer leurs droits, dont celui d’exprimer leur opinion sur toute question les intéressant (art. 12) et le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 14)1.

18. Respect du rôle parental. L’article 18 de la Convention dispose que la responsabilité d’assurer le développement et le bien-être de l’enfant incombe au premier chef aux parents ou à ses représentants légaux, qui doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 18, par. 1, et 27, par. 2). Les États parties devraient tenir compte du rôle primordial des parents (mère et père) de l’enfant, ce qui suppose le respect de l’obligation de ne pas séparer un enfant de ses parents, sauf si une telle mesure est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 9). Les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables au traumatisme des séparations en raison des liens de dépendance physique et affective qu’ils ont avec leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux à titre principal. Ils sont en outre moins à même de comprendre les causes d’une séparation. Les facteurs qui sont les plus susceptibles d’affecter les jeunes enfants sont la négligence et la privation de soins parentaux adéquats; le fait que les parents connaissent d’importantes difficultés matérielles ou psychologiques ou souffrent de déficience mentale; le fait que la personne qui élève l’enfant est livrée à elle-même; une éducation incohérente ou marquée par les conflits conjugaux ou de la violence contre les enfants; et les événements qui perturbent les relations (notamment les séparations forcées) ou la prise en charge de l’enfant en institution dans de mauvaises conditions. Le Comité demande instamment aux États parties de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer que les parents soient à même de s’acquitter au premier chef de leur devoir vis-à-vis de leurs enfants; d’aider les parents à accomplir leur devoir, notamment en atténuant les manques, perturbations et déséquilibres susceptibles d’affecter l’enfant et d’intervenir lorsque le bien-être de l’enfant pourrait être menacé. Les États parties devraient viser en général à faire diminuer le nombre des enfants abandonnés ou orphelins et celui des enfants nécessitant un placement en institution ou d’autres formes de prise en charge à long terme, sauf dans les cas où il en va de l’intérêt supérieur de l’enfant (voir également la section VI ci-après).

19. Tendances sociales et rôle de la famille. La Convention prévoit que «les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement», le même statut étant accordé au père et à la mère en matière d’éducation de l’enfant (art. 18, par. 1). Le Comité note que, dans la pratique, les schémas familiaux varient et évoluent dans bien des régions du monde, de même que la disponibilité de réseaux informels d’aide aux parents, la tendance globale étant à la diversification croissante de la taille des familles, des rôles parentaux et des systèmes d’éducation des enfants. Cette évolution revêt une importance particulière pour les jeunes enfants, dont l’épanouissement physique, personnel et psychologique est optimal lorsqu’ils peuvent entretenir des liens durables avec un certain nombre de personnes dévouées. Généralement, ces liens impliquent un groupe de personnes: mère, père, frères et sœurs, grands-parents et autres membres de la famille élargie, ainsi que des personnes spécialisées dans la prise en charge et l’éducation des enfants. Le Comité considère que chacun de ces liens peut contribuer à sa manière à la réalisation des droits énoncés dans la Convention et que différents schémas familiaux peuvent être compatibles avec la promotion du bien-être de l’enfant. Dans certains pays et certaines régions, l’évolution de l’attitude de la société en termes de famille, de mariage et d’éducation a des retombées sur la façon dont le jeune enfant vit la période de la petite enfance, notamment en cas de séparation ou de reconstitution d’une nouvelle cellule
familiale. Les problèmes économiques ne sont pas non plus sans conséquences sur la vie des jeunes enfants, par exemple, lorsque leurs parents sont contraints de travailler loin de leur famille et de leur communauté. Dans d’autres pays ou régions, la maladie et le décès dus au VIH/sida de l’un ou des deux parents ou d’autres membres de la famille sont désormais des événements qui font partie de la petite enfance. À cause de ces facteurs et de bien d’autres, les parents ne peuvent pas toujours assumer leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants. De manière plus générale, en cas d’évolution sociale accélérée, les pratiques traditionnelles ne peuvent plus être maintenues ni justifiées eu égard à la nouvelle situation et au nouveau mode de vie des parents, sans que par ailleurs suffisamment de temps se soit écoulé pour que de nouvelles pratiques puissent être assimilées et que de nouvelles compétences parentales soient comprises et reconnues à leur juste valeur.

20. Aide aux parents. Les États parties sont tenus d’accorder une aide appropriée aux parents, aux représentants légaux et aux membres de la famille élargie dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant (art. 18, par. 2 et 3), et notamment d’aider les parents à assurer les conditions de vie nécessaires au développement de l’enfant (art. 27, par. 2), et de garantir à l’enfant la protection et les soins nécessaires (art. 3, par. 2). Le Comité est préoccupé par le fait que les États parties ne prennent pas toute la mesure des ressources, des compétences et de l’engagement personnel exigés des parents et des autres personnes qui s’occupent de jeunes enfants, en particulier dans les pays où le mariage et la procréation précoces sont encore tolérés et où les jeunes mères/pères célibataires sont nombreux. La petite enfance est la période durant laquelle les responsabilités des parents sont les plus lourdes par rapport à tous les aspects du bien-être des enfants couverts par la Convention: survie, santé, sécurité physique et affective, niveau de vie et de soins, possibilités de jeu et d’apprentissage et liberté d’expression. Par conséquent, la réalisation des droits de l’enfant dépend dans une large mesure du bien-être et des ressources des personnes qui sont responsables de lui. La prise de conscience de ces rapports d’interdépendance constitue un bon point de départ pour planifier l’aide et les services à fournir
aux parents, aux tuteurs ou aux autres personnes qui s’occupent d’un enfant. Par exemple:

a) Une approche intégrée pourrait inclure des mesures renforçant indirectement les capacités des parents à promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant (impôts et prestations, logement adéquat, horaires de travail, etc.) ainsi que des mesures ayant des effets plus directs (par exemple, services de santé périnatals pour la mère et l’enfant, éducation des parents, visites à domicile d’assistants sociaux);

b) Pour accorder une aide adéquate aux parents, il convient de tenir compte des nouvelles responsabilités et compétences attendues d’eux ainsi que de l’évolution des exigences et des attentes au cours de la petite enfance, par exemple, lorsque l’enfant acquiert davantage de mobilité, se met à communiquer verbalement et a davantage de compétences sociales, et lorsqu’il commence à participer à des activités de prise en charge et d’éducation;

c) L’aide accordée aux parents devrait comporter une formation à l’art d’être parent, des services de conseil et d’autres services de qualité à l’intention des mères, pères, frères et sœurs, grands-parents et des autres personnes qui sont ponctuellement chargées de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant;

d) Il faudrait en outre offrir un soutien aux parents et aux autres membres de la famille en vue d’encourager la formation de relations constructives et respectueuses avec les jeunes enfants et de favoriser une meilleure compréhension des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

21. Le meilleur moyen d’apporter une aide aux parents est de le faire dans le cadre de politiques globales en faveur de la petite enfance (voir la section V ci-après), notamment en prévoyant des mesures dans le domaine de la santé, des soins et de l’éducation pour les tout-petits. Les États parties devraient veiller à ce que les parents reçoivent une aide adéquate qui leur permette de faire participer pleinement leurs enfants à ces programmes, en particulier lorsqu’ils appartiennent aux groupes les plus défavorisés et vulnérables. À ce propos, il est reconnu au paragraphe 3 de l’article 18 de la Convention que beaucoup de parents ont une
activité économique, dans un domaine souvent mal rémunéré, qu’ils doivent concilier avec leurs responsabilités parentales. En vertu dudit article, les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer aux enfants dont les parents travaillent le droit de bénéficier des services de garde d’enfants, des mesures de protection maternelle et des établissements pour lesquels ils remplissent les conditions requises. À cet égard, le Comité recommande aux États
parties de ratifier la Convention (no 183) sur la protection de la maternité adoptée en 2000 par l’Organisation internationale du Travail.

V. POLITIQUES ET PROGRAMMES GLOBAUX EN FAVEUR DE LA PETITE ENFANCE, À L’INTENTION EN PARTICULIER DES ENFANTS VULNÉRABLES

22. Stratégies multisectorielles fondées sur les droits. Dans de nombreux pays et régions, le développement de services de qualité en faveur de la petite enfance bénéficie d’un faible degré de priorité. Ces services sont souvent fragmentés. Ils relèvent fréquemment de la responsabilité de plusieurs départements du gouvernement aux niveaux central et local, et leur planification est souvent parcellaire et sans coordination. Dans certains cas, ils sont aussi en grande partie fournis par le secteur privé et par des bénévoles, sans les ressources, la réglementation ou l’assurance qualité adéquates. Il est instamment demandé aux États parties d’élaborer des stratégies coordonnées et multisectorielles fondées sur les droits, afin de garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant est toujours au centre des activités de planification et de fourniture des services. Celles-ci devraient être fondées sur une approche systématique et intégrée pour élaborer des lois et des politiques couvrant tous les enfants jusqu’à l’âge de 8 ans, et il conviendrait de mettre en place un cadre global pour les structures, prestations et services en faveur de la petite enfance, complété par des systèmes d’information et de contrôle. Les services globaux seront coordonnés avec l’aide fournie aux parents et tiendront dûment compte de leurs responsabilités, de leur situation et de leurs obligations (conformément aux articles 5 et 18 de la Convention, voir la section IV plus haut). Les parents devraient également être consultés et participer à la planification des services globaux.

23. Normes applicables aux programmes et formation professionnelle appropriée en fonction de l’âge des enfants. Le Comité souligne qu’une stratégie globale en faveur de la petite enfance doit aussi tenir compte de la maturité et de la personnalité de chaque enfant, en reconnaissant en particulier les priorités de développement des différents groupes d’âge (par exemple, nourrissons, tout-petits, enfants d’âge préscolaire et enfants entrant à l’école primaire) et ce que cela implique en termes de normes applicables aux programmes et de critères de qualité. Les États parties doivent veiller à ce que les institutions, services et structures
responsables de la petite enfance se conforment aux normes de qualité, en particulier aux normes relatives à la santé et à la sécurité, et faire en sorte que les personnels concernés possèdent les qualités psychologiques appropriées et soient qualifiés, suffisamment nombreux et bien formés. La fourniture de services adaptés à la situation, à l’âge et à la personnalité des jeunes enfants nécessite que tous les personnels soient formés pour travailler avec ce groupe d’âge. Le travail
avec de jeunes enfants devrait être valorisé socialement et rémunéré convenablement, afin d’attirer une main-d’œuvre hautement qualifiée et des deux sexes. Il est essentiel que ces personnes aient une bonne compréhension théorique et pratique des questions relatives aux droits et au développement des enfants et de l’état des connaissances dans ce domaine (voir également par. 41); qu’elles adoptent des pratiques en matière de soins, des programmes et des pédagogies appropriés axés sur l’enfant; et qu’elles aient accès à des ressources professionnelles et à l’appui de spécialistes, notamment à un système de supervision et de contrôle des programmes, des institutions et des services publics et privés.

24. Accès aux services, en particulier pour les plus vulnérables. Le Comité appelle les États parties à veiller à ce que, pour tous les jeunes enfants (et ceux qui ont la responsabilité essentielle de leur bien-être), il soit garanti un accès à des services appropriés et efficaces, y compris des programmes de santé, de soins et d’éducation spécialement conçus pour assurer le bien-être de l’enfant. Une attention particulière devrait être accordée aux groupes de jeunes enfants les plus
vulnérables et à ceux qui risquent d’être l’objet d’une discrimination (art. 2), c’est-à-dire les filles, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants handicapés, les enfants appartenant à des groupes autochtones ou à des minorités, les enfants de familles de migrants, les orphelins ou les enfants privés de soins parentaux pour d’autres raisons, les enfants placés en institution, les enfants vivant avec leur mère en prison, les enfants réfugiés et les enfants demandeurs d’asile, les enfants infectés ou affectés par le VIH/sida, et les enfants dont les parents sont alcooliques ou toxicomanes (voir également la section VI).

25. Enregistrement des naissances. Les services globaux en faveur de la petite enfance commencent à la naissance. Le Comité note que l’enregistrement de tous les enfants à la naissance reste un défi majeur pour beaucoup de pays et de régions. Cette situation peut donner à l’enfant le sentiment qu’il ne possède pas d’identité personnelle, ou l’empêcher de bénéficier des prestations de base auxquelles il a droit en matière de santé, d’éducation et de protection sociale. Comme première étape pour garantir le droit à la survie, au développement et à l’accès à des services de qualité pour tous les enfants (art. 6), le Comité recommande que les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les enfants soient enregistrés à la naissance. Cet objectif peut être réalisé en mettant en place un système d’enregistrement universel bien géré et accessible à tous gratuitement. Pour être efficace, le système doit être flexible et adapté à la situation des familles, par exemple, en recourant à des équipes mobiles d’enregistrement en cas de besoin. Le Comité relève que, dans certaines régions, les enfants malades ou handicapés sont moins susceptibles d’être enregistrés et souligne que tous les enfants devraient être enregistrés à la naissance, sans distinction aucune (art. 2). Le Comité rappelle en outre aux États parties l’importance qu’il y a à faciliter l’enregistrement ultérieur des enfants non enregistrés à leur naissance et à faire en sorte que les enfants, y compris ceux qui n’ont pas été enregistrés, bénéficient d’un accès égal aux soins de santé, à l’éducation et autres services sociaux.

26. Niveau de vie et sécurité sociale. Les jeunes enfants ont droit à un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel, moral et social (art. 27). Le Comité note avec préoccupation que le niveau de vie même le plus élémentaire n’est pas garanti pour des millions de jeunes enfants, alors que les conséquences dommageables de la pauvreté sont largement reconnues. Pour l’enfant, grandir dans une pauvreté relative compromet son bien-être, nuit à son insertion sociale, amoindrit l’estime qu’il se porte et réduit ses chances d’apprentissage et de développement. Il est vivement demandé aux États parties de mettre en œuvre des stratégies systématiques de réduction de la pauvreté affectant la petite enfance, ainsi que de lutter contre les effets négatifs de la pauvreté sur le bien-être des enfants. Tous les moyens possibles devraient être employés, notamment «une assistance matérielle et des programmes d’appui» destinés aux enfants et aux familles (art. 27, par. 3), afin de garantir aux jeunes enfants un niveau de vie élémentaire conforme à leurs droits. La mise en vigueur du droit de l’enfant de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, est un élément important de cette stratégie (art. 26).

27. Fourniture de soins de santé. Les États parties devraient faire en sorte que tous les enfants jouissent du meilleur état de santé et de nutrition possible pendant leurs premières années, afin de réduire la mortalité infantile et de permettre aux enfants de prendre un bon départ dans la vie (art. 24). En particulier:

a) Les États parties ont la responsabilité de garantir l’accès à l’eau potable, à des installations sanitaires adéquates, à un programme de vaccination approprié, à une bonne alimentation et à des services médicaux de qualité, qui sont essentiels à la santé des jeunes enfants, de même que l’est un environnement dépourvu de stress. La malnutrition et la maladie ont un impact à long terme sur la santé et le développement physique des enfants. Elles affectent leur état mental, en inhibant l’apprentissage et la participation sociale et en réduisant leurs perspectives de se réaliser pleinement. Il en est de même de l’obésité et des modes de vie malsains;

b) Les États parties ont la responsabilité de réaliser le droit des enfants à la santé en favorisant l’éducation à la santé et au développement de l’enfant, y compris en informant la population sur les avantages de l’allaitement maternel, d’une bonne alimentation, de l’hygiène et des soins2. La priorité devrait également être donnée à la fourniture de soins prénatals et postnatals appropriés pour les mères et les nourrissons afin qu’il s’établisse des relations saines entre l’enfant et sa famille et en particulier entre l’enfant et sa mère (ou autre personne ayant la charge de l’enfant à titre principal) (art. 24, par. 2). Les jeunes enfants sont eux-mêmes capables
d’agir en faveur de leur propre santé et d’encourager des modes de vie sains parmi leurs pairs, par exemple, quand ils participent à des programmes appropriés d’éducation à la santé axés sur l’enfance;

c) Le Comité souhaite attirer l’attention des États parties sur les problèmes spécifiques liés au VIH/sida auxquels est confrontée la petite enfance. Toutes les mesures nécessaires devraient être prises pour: i) prévenir l’infection des parents et des jeunes enfants spécialement en intervenant dans les chaînes de transmission, en particulier d’un parent à l’autre et de la mère à son bébé; ii) fournir des diagnostics précis, des traitements efficaces et d’autres formes de soutien aux parents et aux jeunes enfants infectés par le virus (notamment en administrant des antirétroviraux); et iii) garantir une prise en charge extraparentale adéquate aux orphelins ayant perdu en raison du VIH/sida leurs parents ou autres personnes en ayant la charge à titre principal, qu’il s’agisse d’enfants en bonne santé ou infectés (voir également l’Observation générale no 3 (2003) sur le VIH/sida et les droits de l’enfant).

28. Éducation de la petite enfance. La Convention reconnaît le droit de l’enfant à l’éducation et il faudrait rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous (art. 28). Le Comité relève avec satisfaction que certains États parties prévoient l’accès gratuit pour tous les enfants à une année d’enseignement préscolaire. Le Comité considère que le droit à l’éducation durant la petite enfance commence à la naissance et qu’il est étroitement lié au droit des jeunes enfants à un développement maximal (art. 6, par. 2). Le lien entre éducation et développement est explicité à l’article 29, par. 1: «Les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à: a) favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités». Dans l’Observation générale no 1 sur les buts de l’éducation, il est expliqué que l’objectif est de «développer l’autonomie de l’enfant en stimulant ses compétences, ses capacités d’apprentissage et ses autres aptitudes, son sens de la dignité humaine, l’estime de soi et la confiance en soi» et de le faire d’une façon qui soit axée sur l’enfant, adaptée à ses besoins et qui reflète les droits et la dignité inhérente de l’enfant (par. 2). Il est rappelé aux États parties que le droit à l’éducation est reconnu pour tous les enfants et que les filles doivent pouvoir en bénéficier sans discrimination aucune (art. 2).

29. Responsabilité des parents et de l’État dans l’éducation de la petite enfance. Le principe selon lequel les parents (et autres personnes qui ont la charge d’un enfant à titre principal) sont les premiers éducateurs de l’enfant est bien établi et repris dans la Convention, qui souligne la responsabilité des parents (voir la section IV plus haut). Ces derniers doivent fournir des orientations et conseils avisés aux jeunes enfants dans l’exercice de leurs droits, et assurer un environnement de relations fiables et affectueuses fondées sur le respect et la compréhension (art. 5). Le Comité invite les États parties à inscrire ce principe au centre de leurs activités en matière de planification de l’éducation de la petite enfance, en veillant à deux aspects:

a) Pour fournir l’aide appropriée aux parents dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant (art. 18, par. 2), les États parties devraient prendre toutes les mesures voulues pour mieux faire comprendre aux parents leur rôle dans l’éducation de leurs jeunes enfants et encourager les pratiques éducatives axées sur l’enfant, sur le respect de sa dignité et sur les possibilités de développer la compréhension, l’estime de soi et la confiance en soi de l’enfant;

b) Pour élaborer des plans en faveur de la petite enfance, les États parties devraient systématiquement chercher à fournir des programmes qui complètent le rôle des parents et soient élaborés autant que possible en partenariat avec eux, y compris par une coopération active entre les parents, les professionnels et les autres parties prenantes en vue de développer la personnalité de l’enfant, ses dons et ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités (art. 29, par. 1 a)).

30. Le Comité appelle les États parties à faire en sorte que tous les jeunes enfants reçoivent une éducation au sens le plus large du terme (comme souligné plus haut au paragraphe 28), dans laquelle les parents, la famille élargie et la communauté jouent un rôle de premier plan et à laquelle contribuent les programmes éducatifs destinés à la petite enfance proposés par l’État, la communauté ou des institutions de la société civile. Les études démontrent l’impact positif que des programmes éducatifs de qualité peuvent avoir sur les jeunes enfants, en termes d’entrée réussie à l’école primaire, de résultats scolaires et d’insertion sociale sur le long terme. Aujourd’hui, de nombreux pays et régions dispensent aux jeunes enfants dès l’âge de 4 ans une éducation globale, intégrée dans certains pays à la prise en charge des enfants dont les parents travaillent. Partant du constat que les distinctions traditionnelles entre services de «soins» et d’«éducation» ne jouent pas toujours en faveur de l’intérêt supérieur de l’enfant, on se réfère parfois au concept de «soins éducatifs» pour rendre compte d’une évolution vers des services
intégrés et faire ressortir le besoin d’une approche multisectorielle, holistique et coordonnée de la petite enfance.

31. Programmes à assise communautaire. Le Comité recommande que les États parties soutiennent les programmes de développement de la petite enfance, y compris des programmes d’éducation préscolaire à domicile ou à assise communautaire, ayant pour principale caractéristique la capacitation et l’éducation des parents (et des autres personnes qui s’occupent de l’enfant). Les États parties ont un rôle clef à jouer s’agissant d’établir un cadre législatif pour la fourniture de services de qualité dotés de fonds suffisants, et de faire respecter des normes adaptées à la situation d’individus et de groupes spécifiques et aux priorités en matière de développement des différents groupes d’âge, des nourrissons jusqu’aux enfants qui entrent à l’école. Ils sont invités à élaborer des programmes de grande qualité, adaptés au développement et respectueux des spécificités culturelles, en collaborant avec les autorités locales plutôt qu’en imposant une approche standardisée en ce qui concerne les soins et l’éducation de la petite enfance. Le Comité recommande également que les États parties soient plus attentifs et apportent un soutien actif à une approche des programmes en faveur de la petite enfance fondée sur les droits, y compris à des initiatives visant à préparer l’entrée à l’école primaire propres à assurer la continuité et la progression et à renforcer la confiance des enfants, leur aptitude à communiquer et leur enthousiasme pour les études, à travers leur participation active, notamment, à l’organisation des activités.

32. Le secteur privé en tant que prestataire de services. Eu égard aux recommandations qu’il a adoptées lors de sa journée de débat général de 2002 consacrée au thème «Le secteur privé en tant que prestataire de services et son rôle dans la réalisation des droits de l’enfant» (voir CRC/C/121, par. 630 à 653), le Comité recommande que les États parties soutiennent les activités du secteur non gouvernemental en tant que vecteur de la mise en œuvre de programmes. Le Comité appelle en outre tous les prestataires de services non étatiques (à but lucratif ou non) à respecter les principes et dispositions de la Convention et, à ce propos, rappelle aux États parties l’obligation leur incombant au premier chef de veiller à son application. Les professionnels de la petite enfance − des secteurs public et non public − devraient bénéficier d’une préparation approfondie, d’une formation permanente et d’une rémunération adéquate. Dans ce contexte, il incombe aux États parties de fournir des services en faveur du développement de la petite enfance. Le rôle de la société civile devrait compléter celui de l’État et non s’y substituer. Quand les services non étatiques jouent un rôle majeur, le Comité rappelle aux États parties qu’ils ont l’obligation de contrôler et de réglementer la qualité des prestations pour garantir que les droits de l’enfant sont respectés et que son intérêt supérieur est pris en compte.

33. Éducation aux droits de l’homme dans la petite enfance. À la lumière de l’article 29 et de l’Observation générale no 1 du Comité (2001), le Comité recommande également que les États parties inscrivent un enseignement relatif aux droits de l’homme dans les programmes d’éducation de la petite enfance. Cet enseignement devrait être participatif et responsabilisant pour les enfants, c’est-à-dire leur offrir des occasions pratiques d’exercer leurs droits et leurs responsabilités d’une façon qui soit adaptée à leurs intérêts, à leurs préoccupations et au développement de leurs capacités. L’éducation aux droits fondamentaux devrait être ancrée dans le quotidien des jeunes enfants, c’est-à-dire à la maison, dans les garderies, dans les programmes d’éducation précoce et divers autres cadres communautaires.

34. Droit au repos, aux loisirs et au jeu. Le Comité note l’attention insuffisante que les États parties et autres parties concernées portent à la mise en œuvre des dispositions de l’article 31 de la Convention, qui reconnaît à l’enfant «le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique». Le jeu est l’une des caractéristiques les plus distinctives de la petite enfance. Par le jeu, les enfants se divertissent en mobilisant leurs capacités, qu’ils jouent seuls ou avec d’autres. La valeur des jeux créatifs et d’exploration est largement reconnue dans l’éducation des jeunes enfants. Cependant, l’exercice du droit au repos, aux loisirs et au jeu est souvent entravé faute de possibilités pour les jeunes enfants de se rencontrer, de jouer et d’interagir dans un environnement sécurisé, favorable, stimulant, dépourvu de stress et conçu pour eux. Les espaces de jeu où exercer ce droit présentent des risques certains dans de nombreux sites urbains où la conception et la densité des logements, des centres commerciaux et des systèmes de transport, ainsi que le bruit, la pollution et toutes sortes de risques, créent un environnement dangereux pour les jeunes enfants. Le droit des enfants au jeu peut également être compromis s’il leur est imposé trop de tâches domestiques (surtout pour les filles) ou de travail scolaire. Par conséquent, le Comité appelle les États parties, les organisations non gouvernementales et les opérateurs privés à identifier et à éliminer les obstacles potentiels à l’exercice de ces droits par les jeunes enfants, y compris dans le cadre de stratégies de réduction de la pauvreté. Dans l’aménagement urbain et la planification des infrastructures de loisirs et de jeu, on devrait prendre en compte le droit des enfants d’exprimer leur opinion (art. 12), par des consultations appropriées. Pour toutes ces questions, les États parties sont encouragés à porter une plus grande attention et à affecter davantage de ressources (humaines et financières) à la mise en œuvre du droit au repos, aux
loisirs et au jeu.

35. Technologies de communication modernes et petite enfance. L’article 17 reconnaît l’importance des médias traditionnels sur support imprimé et des médias modernes fondés sur les technologies de l’information s’agissant de contribuer à la réalisation des droits des enfants. La petite enfance représente un marché spécialisé pour les éditeurs et les producteurs de médias, qui devraient être encouragés à diffuser des matériels qui soient adaptés aux capacités et aux intérêts des jeunes enfants, favorisent leur bien-être social et culturel et reflètent les diversités nationales et régionales, en termes de situation, de culture et de langue, des enfants. Une importance particulière devrait être accordée aux besoins des groupes minoritaires pour qu’ils aient accès à des médias qui fassent progresser leur reconnaissance et leur insertion sociale. Dans l’article 17 e), il est aussi fait référence au rôle des États parties pour protéger les enfants contre les matériels inappropriés et potentiellement nuisibles. La diversification rapide et l’accessibilité grandissante des technologies modernes, y compris des médias fondés sur
l’Internet, sont une cause de préoccupation particulière. Les jeunes enfants sont particulièrement en danger s’ils sont exposés à des médias inappropriés ou nuisibles. Il est instamment demandé aux États parties de réglementer les activités de production et de diffusion des médias de façon à protéger les jeunes enfants et à aider les parents ou autres personnes qui s’occupent de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant (art. 18).

VI. JEUNES ENFANTS NÉCESSITANT UNE PROTECTION PARTICULIÈRE

36. Vulnérabilité des jeunes enfants. Tout au long de la présente observation générale, le Comité relève que de nombreux jeunes enfants grandissent dans des circonstances difficiles, dans lesquelles leurs droits sont fréquemment violés. Les jeunes enfants sont particulièrement affectés quand leurs relations avec leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux manquent de fiabilité et d’harmonie, quand ils grandissent dans une pauvreté et un dénuement extrêmes, lorsqu’ils se trouvent au cœur de conflits et de violences ou expulsés de leur foyer en tant que réfugiés, ou face à toute autre adversité préjudiciable à leur bien-être. Les jeunes enfants sont moins à même de comprendre ces difficultés ou d’en supporter les conséquences sur leur santé ou sur leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social. Ils sont particulièrement en danger quand leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux ne sont pas capables de leur offrir une protection adéquate pour cause de maladie, de décès ou de bouleversements dans la famille ou la communauté. Quelles que soient les situations difficiles, les jeunes enfants
nécessitent une attention particulière en raison de la rapidité de leur évolution; ils sont plus vulnérables face aux maladies, aux traumatismes ou autres facteurs pouvant perturber leur développement; ils sont relativement désarmés quand il s’agit d’éviter les difficultés ou de les affronter; enfin, ils dépendent d’autres personnes qui seules peuvent leur offrir une protection et préserver leurs intérêts. Dans les paragraphes suivants, le Comité attire l’attention des États parties sur les principales situations difficiles mentionnées dans la Convention et ayant des implications évidentes pour les droits des jeunes enfants. Cette liste n’est pas exhaustive et les enfants peuvent aussi être confrontés à des dangers multiples. En général, l’objectif des États parties devrait être de faire en sorte que tout enfant, dans toute situation, reçoive une protection adéquate conformément à ses droits:

a) Brutalités et abandon (art. 19). Les jeunes enfants sont fréquemment victimes d’abandon, de mauvais traitements et de brutalités, y compris des violences physiques ou mentales. Les brutalités surviennent très souvent au sein des familles, ce qui peut avoir un effet particulièrement destructeur. Les jeunes enfants sont les moins capables d’éviter ces difficultés ou d’y résister, d’appréhender les situations où ils se trouvent et de demander une protection. Il est clairement démontré que le traumatisme résultant de l’abandon et des brutalités a un impact négatif sur le développement et, notamment pour les plus jeunes, des effets mesurables sur les processus de maturation cérébrale. Compte tenu de la fréquence des brutalités et de l’abandon pendant la petite enfance et de leurs répercussions avérées à long terme, les États parties devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les jeunes enfants en situation de risque et offrir une protection aux enfants victimes de brutalités, en les aidant à surmonter leur traumatisme tout en évitant qu’ils soient montrés du doigt en raison des violences qu’ils ont subies;

b) Enfants sans famille (art. 20 et 21). Le droit de l’enfant au développement est sérieusement compromis quand l’enfant est orphelin, abandonné ou privé de soins familiaux, ou en cas de bouleversements ou de séparations durables affectant les relations (par exemple, en raison de catastrophes naturelles ou autres situations d’urgence, d’épidémies comme celle de VIH/sida, de l’incarcération des parents, de conflits armés, de guerres ou de migrations forcées). Ces situations d’adversité auront un impact différent sur les enfants selon leur capacité d’adaptation, leur âge, leur situation et leurs possibilités de bénéficier d’un autre soutien et d’une prise en charge extraparentale. Les études donnent à penser que le placement de l’enfant dans une institution de piètre qualité ne favorise pas son développement physique et psychologique harmonieux et peut rendre difficile son insertion à long terme dans la société, si l’enfant placé à moins de 5 ans, et encore plus s’il a moins de 3 ans. Dans la mesure où une prise en charge extraparentale est nécessaire, un placement rapide dans une structure familiale ou de même type sera généralement plus bénéfique pour les jeunes enfants. Les États parties sont encouragés à soutenir et à financer des formes de prise en charge extraparentale qui puissent garantir la sécurité et la continuité des soins et de l’affection et permettent aux jeunes enfants de nouer des liens durables fondés sur la confiance et le respect mutuels, par exemple, à travers le parrainage, l’adoption et le soutien à la famille élargie. Quand l’adoption est envisagée, «l’intérêt supérieur
de l’enfant est la considération primordiale en la matière» (art. 21) et pas seulement «une considération primordiale» (art. 3), ce qui implique la prise en compte et le respect systématiques de tous les droits de l’enfant et obligations des États parties pertinents énoncés dans d’autres dispositions de la Convention et rappelés dans la présente observation générale;

c) Réfugiés (art. 22). Les jeunes enfants réfugiés sont le plus souvent désorientés, car ayant perdu beaucoup de leurs points de repère dans leurs relations et leur environnement au quotidien. Ils ont droit, tout comme leurs parents, à un accès égal aux soins de santé, à l’éducation et aux autres services. Les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille sont particulièrement exposés. Le Comité a fourni des directives détaillées sur les soins et la protection à offrir à ces enfants dans son Observation générale no 6 (2005) sur le «traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine»;

d) Enfants handicapés (art. 23). La petite enfance est la période au cours de laquelle les handicaps sont généralement repérés et où leur impact sur le bien-être et le développement de l’enfant est reconnu. Les jeunes enfants ne devraient jamais être placés en institution au seul motif qu’ils sont handicapés. Il est essentiel de faire en sorte qu’ils aient des chances égales de participer pleinement aux activités éducatives et à la vie de la communauté, y compris en supprimant les obstacles à la réalisation de leurs droits. Les jeunes enfants handicapés ont droit à une assistance spécialisée appropriée, ce qui inclut un soutien à leurs parents (ou aux autres personnes qui s’occupent de l’enfant). Les enfants handicapés devraient en toutes circonstances être traités avec dignité et de façon à encourager leur autonomie (voir également les recommandations formulées par le Comité à l’issue de la journée de débat général tenue en 1997 sur le thème «Les droits des enfants handicapés», présentées dans le document CRC/C/69);

e) Travail nuisant à la santé (art. 32). Dans certains pays et régions, les enfants travaillent dès le plus jeune âge, exerçant même des activités potentiellement dangereuses dans lesquelles ils sont exploités et qui compromettent leur santé, leur éducation et leurs perspectives à long terme. Par exemple, les jeunes enfants peuvent être initiés aux travaux domestiques ou agricoles, ou aider leurs parents ou leurs frères et sœurs à accomplir des tâches comportant des risques. Même les tout-petits peuvent être victimes d’exploitation économique, par exemple, quand ils sont utilisés ou prêtés à des fins de mendicité. L’exploitation des jeunes enfants dans l’industrie du spectacle, notamment télévision, cinéma, publicité et autres médias modernes, suscite également des préoccupations. Les États parties ont des responsabilités particulières en ce qui concerne les formes extrêmes de travail comportant des risques pour les enfants au sens de la Convention de 1999 (no 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants;

f) Consommation de substances illicites (art. 33). Si les très jeunes enfants ne sont que rarement susceptibles de consommer des substances illicites, ils peuvent nécessiter des soins médicaux spécialisés s’ils sont nés d’une mère alcoolique ou toxicomane, et une protection quand des membres de leur famille consomment de telles substances et qu’ils risquent eux-mêmes d’y être exposés. Ils peuvent aussi souffrir des répercussions de l’alcoolisme ou de la toxicomanie sur le niveau de vie de la famille et la qualité de prise en charge qu’elle assure, et courent également le danger d’être amenés précocement à consommer de telles substances;

g) Violence sexuelle et exploitation sexuelle (art. 34). Les jeunes enfants, en particulier les filles, sont très tôt susceptibles d’être victimes de violence sexuelle et d’exploitation sexuelle au sein et à l’extérieur de la famille. Les jeunes enfants en situation précaire, par exemple, les filles employées comme domestiques, sont particulièrement exposés. Les jeunes enfants peuvent également être victimes de producteurs de matériels pornographiques; cette question est traitée dans le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants de 2002;

h) Vente, traite et enlèvement d’enfants (art. 35). Le Comité s’est fréquemment alarmé de la pratique avérée, à des fins diverses, de la vente et de la traite des enfants abandonnés ou séparés. Pour les plus jeunes, la finalité peut être entre autres l’adoption, en particulier par des étrangers (mais pas uniquement). Outre le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, de 1993 fournit un cadre et un mécanisme visant à prévenir les abus dans ce domaine, et le Comité a toujours encouragé vivement tous les États parties reconnaissant et/ou permettant l’adoption à ratifier ce traité ou à y adhérer. L’enregistrement universel des naissances, en plus de la coopération internationale, peut contribuer à lutter contre cette violation des droits;

i) Comportements déviants et infractions à la loi (art. 40). En aucun cas les jeunes enfants (c’est-à-dire les enfants âgés de moins de 8 ans, voir par. 4), ne devraient être visés dans les définitions légales de l’âge minimum de la responsabilité pénale. Les jeunes enfants qui se comportent mal ou violent la loi ont besoin d’aide et de compréhension, dans l’objectif d’augmenter leurs capacités d’autocontrôle, d’empathie sociale et de résolution des conflits. Les États parties devraient faire en sorte que les parents ou autres personnes qui s’occupent de l’enfant bénéficient d’une formation et d’un soutien à la mesure de leurs responsabilités (art. 18) et que les jeunes enfants aient accès à une éducation et à des soins de qualité et (si nécessaire) à un suivi ou à des thérapies spécifiques.

37. Dans chacune de ces situations et face à toutes les autres formes d’exploitation (art. 36), le Comité exhorte les États parties à prendre en compte la situation particulière des jeunes enfants dans l’ensemble de leurs textes de loi, politiques et interventions pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale dans des conditions qui favorisent la dignité et le respect de soi (art. 39).

VII. RENFORCEMENT DES CAPACITÉS EN FAVEUR DE LA PETITE ENFANCE

38. Affectation de ressources en faveur de la petite enfance. Afin de garantir le plein respect des droits des jeunes enfants pendant cette période cruciale de leur vie (et considérant l’impact des expériences vécues dans la petite enfance pour l’avenir à long terme), les États parties sont invités à adopter en faveur de la petite enfance des plans d’ensemble et des plans stratégiques avec un calendrier précis, dans le cadre d’une approche fondée sur les droits. Il est nécessaire pour cela d’accroître les ressources humaines et financières affectées aux services et programmes en faveur de la petite enfance (art. 4). Le Comité reconnaît que les États parties qui mettent en œuvre les droits de la petite enfance le font à partir de situations très différentes si l’on considère les infrastructures existantes en matière de politiques, de services et de formation professionnelle concernant la petite enfance, ainsi que le niveau des ressources potentiellement disponibles en faveur de la petite enfance. Le Comité reconnaît également que les États parties doivent parfois choisir entre différentes priorités quand il s’agit de mettre en œuvre les droits reconnus tout au long de l’enfance, par exemple, quand il n’existe pas encore de services de santé et d’instruction primaire pour tous. Il importe toutefois de réaliser des investissements publics d’un montant adéquat dans les services, les infrastructures et les ressources globales en faveur de la petite enfance, pour les nombreuses raisons évoquées dans la présente observation générale. À ce propos, les États parties sont encouragés à établir des partenariats énergiques et équitables entre gouvernements, services d’utilité publique, organisations non gouvernementales, secteur privé et familles en vue de financer un ensemble de services pour promouvoir les droits de la petite enfance. Enfin, le Comité souligne que s’il y a décentralisation des services, elle ne doit pas se faire au détriment des jeunes enfants.

39. Collecte et gestion de données. Le Comité rappelle l’importance que revêtent des données quantitatives et qualitatives globales et actualisées concernant tous les aspects de la petite enfance aux fins de la formulation, de la surveillance et de l’évaluation des progrès accomplis ainsi que de la détermination des retombées des politiques mises en œuvre. Le Comité sait qu’il manque, dans de nombreux États parties, un système national adapté de collecte de données relatives à la petite enfance portant sur de nombreux domaines couverts par la Convention et, en particulier, qu’il est difficile d’obtenir des renseignements désagrégés sur les jeunes enfants. Le Comité demande instamment à tous les États parties de se doter d’un système de collecte de données et d’indicateurs répondant aux impératifs de la Convention et désagrégés, par sexe, âge, structure familiale, lieu de résidence urbain ou rural, et autres catégories pertinentes. Ce système devrait couvrir toutes les personnes jusqu’à l’âge de 18 ans, un accent particulier étant mis sur les jeunes enfants, en particulier les enfants appartenant aux groupes vulnérables.

40. Renforcement des capacités de recherche dans le domaine de la petite enfance. Le Comité a noté plus haut dans la présente observation générale que des travaux de recherche approfondis avaient été menés sur des aspects de la santé, de la croissance et du développement cognitif, social et culturel des enfants, sur l’influence de facteurs positifs et négatifs sur leur bien-être, et sur l’impact potentiel des programmes de soins et d’éducation en faveur de la petite enfance. Il est aussi consacré de plus en plus d’études à la question de la petite enfance dans l’optique des droits de l’homme et notamment aux moyens de faire respecter le droit de l’enfant à la participation, y compris au processus de recherche. Les théories et les résultats issus des travaux de recherche sur la petite enfance peuvent apporter beaucoup pour l’élaboration des politiques et des pratiques, le suivi et l’évaluation des initiatives, et l’éducation et la formation de toutes les personnes responsables du bien-être des jeunes enfants. Mais le Comité attire également l’attention sur les limites de la recherche actuelle, axée sur la petite enfance, qui est
essentiellement limitée à un certain nombre de contextes et de régions du monde. Lors de l’élaboration de plans en faveur de la petite enfance, le Comité encourage les États parties à renforcer les capacités de recherche nationales et locales sur la petite enfance, en particulier dans une optique fondée sur les droits.

41. Formation aux droits de la petite enfance. Les connaissances et les compétences dans le domaine de la petite enfance ne sont pas figées, mais évoluent dans le temps. Cela est dû à la fois aux tendances sociales ayant un impact sur la vie des jeunes enfants, de leurs parents ou des autres personnes qui s’occupent d’eux, à l’évolution des politiques et des priorités en matière de soins et d’éducation, aux innovations concernant la pédagogie, les programmes et la prise en charge des enfants, ainsi qu’aux résultats de nouveaux travaux de recherche. La mise en œuvre des droits de l’enfant au cours de la petite enfance représente un défi pour toutes les parties prenantes responsables des enfants et aussi pour les enfants eux-mêmes, qui prennent alors conscience de leur rôle au sein de la famille, à l’école et dans la communauté. Les États parties sont encouragés à mener des actions systématiques de formation aux droits de l’enfant à l’intention des enfants et de leurs parents, ainsi qu’en direction de tous les professionnels travaillant pour ou avec les enfants, en particulier les parlementaires, les juges, les procureurs, les avocats, les responsables de l’application des lois, les fonctionnaires, les membres du personnel des établissements et lieux de détention pour enfants, les enseignants, les personnels de santé, les travailleurs sociaux et les dirigeants locaux. En outre, le Comité demande instamment aux États parties de mener des campagnes de sensibilisation en direction du grand public.

42. Aide internationale. Constatant le manque de ressources auquel sont confrontés de nombreux États parties qui s’efforcent de mettre en œuvre les dispositions générales évoquées dans la présente observation générale, le Comité recommande que les institutions et les organismes donateurs, dont la Banque mondiale, d’autres organismes des Nations Unies et les donateurs bilatéraux, apportent un soutien financier et technique aux programmes en faveur du développement de la petite enfance et en fassent un des objectifs principaux de l’aide au développement durable dans les pays bénéficiant d’une aide internationale. Une coopération
internationale efficace permettra également de renforcer les capacités en faveur de la petite enfance, en termes d’élaboration de politiques et de programmes, de travaux de recherche et de formation professionnelle.

43. Perspectives. Le Comité engage tous les États parties, les organisations intergouvernementales, les ONG, les universitaires, les groupes professionnels et les
communautés de base à continuer de plaider pour l’établissement d’institutions indépendantes pour les droits de l’enfant et à poursuivre un dialogue au niveau décisionnel le plus élevé et des travaux de recherche, aux niveaux international, national, régional et local, sur l’importance déterminante des aspects qualitatifs du développement de la petite enfance.
-----

1 Voir G. Lansdown, Les capacités évolutives de l’enfant (Florence: Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, 2005).

2 Voir Stratégie mondiale pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, Organisation mondiale de la santé, 2003.

 



Page Principale || Traités || Recherche || Liens