University of Minnesota



Comité relative aux droits de l'enfant, Observation générale No. 6, traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d'origine (Trente-neuvième session 2003) U.N. Doc. CRC/GC/ 2005/6 (2005).


 

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Trente‑neuvième session
17 mai‑3 juin 2005

OBSERVATION GÉNÉRALE N o 6 (2005)

 

TRAITEMENT DES ENFANTS NON ACCOMPAGNÉS ET DES
ENFANTS SÉPARÉS EN DEHORS DE LEUR PAYS D’ORIGINE

 

I. OBJECTIFS DE L’OBSERVATION GÉNÉRALE

1. La présente observation générale a pour objectifs d’appeler l’attention sur la vulnérabilité particulière des enfants non accompagnés ou séparés, d’exposer dans leurs grandes lignes les diverses tâches auxquels les États et les autres acteurs sont confrontés pour faire en sorte que ces enfants puissent avoir accès à leurs droits et en jouir, ainsi que de fournir des orientations relatives à la protection, à la prise en charge et au traitement approprié des enfants non accompagnés ou séparés reposant sur l’ensemble du cadre juridique institué par la Convention relative aux droits de l’enfant (ci‑après dénommée la «Convention»), en se référant plus particulièrement aux principes de non‑discrimination, d’intérêt supérieur de l’enfant et de droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion.

2. C’est l’accroissement du nombre des enfants en pareilles situations que le Comité a constaté qui l’a amené à publier la présente observation générale. Un enfant peut être non accompagné ou séparé pour des raisons aussi diverses que nombreuses, dont les suivantes: persécution de l’enfant ou de ses parents; conflit international ou guerre civile; traite dans divers contextes et sous diverses formes, y compris la vente par les parents; recherche de meilleures possibilités économiques.

3. La publication de la présente observation générale est en outre motivée par le fait que le Comité a mis en évidence des carences en termes de protection dans le traitement réservé à ces catégories d’enfants, qui sont davantage exposés à certains risques, en particulier l’exploitation sexuelle et les abus sexuels, l’enrôlement dans les forces armées, le travail (y compris pour leur famille d’accueil) et la détention. Ces enfants sont souvent victimes de discrimination et se voient refuser l’accès à la nourriture, à un abri, au logement, aux services de santé et à l’éducation. Les filles non accompagnées ou séparées sont particulièrement vulnérables aux risques de violence sexiste, y compris de violence domestique. Dans certains cas, ces enfants sont dépourvus d’accès à un système adapté et adéquat d’identification, d’enregistrement et de détermination de l’âge, à des documents, à un mécanisme de recherche de leur famille, à un dispositif de tutelle ou à un conseil juridique. Dans de nombreux pays, les enfants non accompagnés ou séparés se voient fréquemment refuser l’entrée ou sont placés en détention par les fonctionnaires de la police aux frontières ou de l’immigration. Dans d’autres cas, ils sont admis sur le territoire mais se voient refuser l’accès à la procédure de demande d’asile ou bien leurs demandes d’asile ne sont pas traitées d’une manière tenant compte de leur âge et de leur sexe. Plusieurs pays interdisent aux enfants séparés admis au bénéfice du statut de réfugié de solliciter la réunification familiale; d’autres pays autorisent la réunification familiale mais en imposant des conditions si restrictives qu’elles la rendent pratiquement impossible. De nombreux enfants de ces catégories ne bénéficient que d’un statut temporaire qui prend fin lorsqu’ils ont 18 ans révolus, et il existe peu de programmes efficaces de rapatriement.

4. Les préoccupations de cet ordre ont conduit le Comité à aborder fréquemment les questions liées aux enfants non accompagnés ou séparés dans ses observations finales. La présente observation générale a pour objet de compiler et regrouper les diverses normes élaborées, notamment dans le cadre de l’effort de suivi du Comité, et tend donc à fournir des indications précises aux États concernant les obligations découlant de la Convention à l’égard de ce groupe particulièrement vulnérable d’enfants. Pour appliquer lesdites normes, les États parties doivent bien percevoir leur caractère évolutif et avoir donc conscience que leurs obligations pourraient finir par aller au‑delà des normes ici exposées. Ces normes ne sauraient en rien amoindrir les droits ou avantages de plus grande ampleur que reconnaissent aux enfants non accompagnés ou séparés les instruments régionaux relatifs aux droits de l’homme ou les systèmes nationaux, le droit international et régional des réfugiés ou le droit international humanitaire.

II. STRUCTURE ET CHAMP DE L’OBSERVATION GÉNÉRALE

5. La présente observation générale s’applique aux enfants non accompagnés ou séparés se trouvant en dehors du pays dont ils ont la nationalité (conformément à l’article 7) ou bien, s’ils sont apatrides, en dehors de leur pays de résidence habituelle. L’observation générale s’applique à tous ces enfants sans considération de leur statut en matière de résidence et des raisons pour lesquelles ils se trouvent à l’étranger − qu’ils soient non accompagnés ou séparés. Elle ne s’applique en revanche pas aux enfants qui n’ont pas franchi de frontière internationale, même si le Comité sait que les enfants non accompagnés ou séparés qui sont déplacés à l’intérieur de leur propre pays éprouvent de nombreuses difficultés similaires et a conscience que nombre des indications fournies ci‑après présentent également un grand intérêt dans l’optique de ces enfants; il encourage donc vigoureusement les États à s’inspirer des aspects pertinents de la présente observation générale pour les adapter à la protection, à la prise en charge et au traitement des enfants non accompagnés et séparés qui sont déplacés à l’intérieur de leur propre pays.

6. Le mandat du Comité se cantonne certes à sa fonction de supervision concernant la Convention, mais ses efforts d’interprétation doivent être menés en tenant compte de l’intégralité des normes internationales relatives aux droits de l’homme applicables, et l’observation générale participe donc d’une approche holistique de la question du traitement approprié des enfants non accompagnés ou séparés. Cette approche repose sur le constat selon lequel tous les droits de l’homme, dont ceux énoncés dans la Convention, sont indissociables et interdépendants. L’importance que les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme revêtent pour la protection des enfants est du reste soulignée dans le préambule de la Convention.

III. DÉFINITION

7. Par «enfant non accompagné» (également appelé mineur non accompagné), on entend un enfant, au sens de l’article premier de la Convention, qui a été séparé de ses deux parents et d’autres membres proches de sa famille et n’est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume.

8. Par «enfant séparé», on entend un enfant, au sens de l’article premier de la Convention, qui a été séparé de ses deux parents ou des personnes qui en avaient la charge à titre principal auparavant en vertu de la loi ou de la coutume, mais pas nécessairement d’autres membres de sa famille. Un enfant séparé peut donc être accompagné par un autre membre adulte de sa famille.

9. Par «enfant au sens de l’article premier de la Convention», on entend «tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable» − ce qui signifie qu’aucun instrument régissant les enfants dans le territoire d’un État ne peut donner une définition de l’enfant s’écartant des normes déterminant l’âge de la majorité dans ledit État.

10. Sauf indication contraire, les lignes directrices ci‑après s’appliquent aussi bien aux enfants non accompagnés qu’aux enfants séparés.

11. Par «pays d’origine», on entend le pays dont l’enfant a la nationalité ou, dans le cas d’un enfant apatride, son pays de résidence habituelle.

IV. PRINCIPES APPLICABLES

a) Obligations juridiques des États parties à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés se trouvant sur leur territoire et mesures de mise en œuvre de ces obligations

12. Les obligations qui incombent à un État partie en vertu de la Convention s’appliquent à tout enfant se trouvant sur son territoire et à tout enfant relevant de sa juridiction (art. 2). Ces obligations ne peuvent être restreintes arbitrairement et unilatéralement, que ce soit en excluant certaines zones ou régions du territoire de l’État ou en définissant des zones ou régions particulières comme ne relevant pas ou ne relevant que partiellement de la juridiction de l’État. En outre, les obligations qui incombent à un État en vertu de la Convention s’appliquent à l’intérieur de ses frontières, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en tentant de pénétrer sur son territoire. La jouissance des droits énoncés dans la Convention n’est donc pas limitée aux enfants de l’État partie et doit dès lors impérativement, sauf indication contraire expresse de la Convention, être accessible à tous les enfants − y compris les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants −, sans considération de leur nationalité, de leur statut au regard de l’immigration ou de leur apatridie.

13. Tous les organes − exécutifs, législatifs et judiciaires − de l’État sont liés par les obligations découlant de la Convention à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés, dont l’obligation de mettre en place une législation nationale et des structures administratives, ainsi que de mener les activités de recherche, d’information, de compilation des données et de formation exhaustives nécessaires à l’appui de ces mesures. Ces obligations juridiques comprennent des obligations de ne pas faire et des obligations de faire, requérant donc des États de prendre des mesures visant à garantir l’exercice de ces droits sans discrimination mais aussi de s’abstenir de prendre certaines mesures attentatoires aux droits de ces enfants. Le champ de ces responsabilités ne se limite pas à la fourniture d’une protection et d’une assistance aux enfants déjà non accompagnés ou séparés mais s’étend à une action de prévention de la séparation (notamment la mise en œuvre de mesures de sauvegarde en cas d’évacuation). Le versant positif de ces obligations en matière de protection englobe l’obligation pour l’État de prendre aussitôt que possible toutes les mesures nécessaires pour déterminer si un enfant est non accompagné ou est séparé, notamment à la frontière, de s’attacher à rechercher les parents de l’enfant et − si possible et si tel est l’intérêt supérieur de l’enfant − de regrouper dès que possible avec leur famille les enfants séparés ou non accompagnés.

14. Comme le Comité l’a réaffirmé dans son observation générale n o  5 (2003) (par. 18 à 23), les États parties à la Convention doivent veiller à ce que les dispositions et principes de cet instrument soient pleinement reflétés dans la législation interne pertinente et se voient conférer un effet juridique. En cas de conflit avec le droit interne, la primauté doit toujours être accordée à la Convention, conformément à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

15. Dans l’optique de la mise en place d’un environnement juridique propice, et eu égard à l’article 41 b) de la Convention, les États parties sont en outre encouragés à ratifier d’autres instruments internationaux traitant de questions liées aux enfants non accompagnés ou séparés, dont les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant (se rapportant respectivement à l’implication d’enfants dans les conflits armés et à la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants), la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative au statut des réfugiés («la Convention de 1951 relative aux réfugiés») et le Protocole se rapportant au statut des réfugiés, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, la Convention relative au statut des apatrides, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, la Convention de La Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) du 8 juin 1977, le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) du 8 juin 1997. Le Comité encourage de plus les États parties à la Convention et les autres à tenir compte des principes directeurs du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés concernant la protection et l’assistance (1994) et les principes directeurs interagences relatifs aux enfants non accompagnés ou séparés de leur famille1.

16. Eu égard au caractère absolu des obligations découlant de la Convention et de leur caractère de lex specialis, le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne saurait s’appliquer à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés. En application de l’article 4 de la Convention, la vulnérabilité particulière des enfants non accompagnés ou séparés, expressément reconnue à l’article 20 de la Convention, doit être prise en considération et se traduire par l’affectation à titre prioritaire des ressources disponibles à ces enfants. Il est attendu des États qu’ils acceptent et facilitent la fourniture de l’assistance proposée au titre de leurs mandats respectifs par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres organismes (par. 2 de l’article 22 de la Convention) dans le souci de répondre aux besoins des enfants non accompagnés ou séparés.

17. Le Comité estime que les réserves à la Convention formulées par les États parties ne devraient en rien limiter les droits des enfants non accompagnés ou séparés. Comme le Comité le recommande systématiquement aux États parties au cours du processus d’examen des rapports, eu égard à la Déclaration et au Programme d’action de Vienne adoptés lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme de 1993 2, les réserves tendant à limiter les droits des enfants non accompagnés ou séparés devraient faire l’objet d’un réexamen par les États parties en vue de leur retrait.

b) Non‑discrimination (art. 2)

18. Le principe de non‑discrimination, sous tous ses aspects, s’applique à tous les stades du traitement des enfants séparés ou non accompagnés. Ce principe interdit en particulier toute discrimination fondée sur le fait qu’un enfant est non accompagné ou séparé, réfugié, demandeur d’asile ou migrant. Ce principe, s’il est bien compris, n’exclut pas et requiert même une différenciation en fonction des besoins spécifiques en matière de protection, tels que ceux découlant de l’âge et/ou du sexe. En outre, des mesures devraient être prises pour remédier à tout préjugé défavorable à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés dans la société ou toute stigmatisation de ces enfants. Les mesures policières et autres en rapport avec l’ordre public visant les enfants non accompagnés ou séparés ne sont permises que si elles sont prescrites par la loi, reposent sur une évaluation individuelle plutôt que collective, respectent le principe de proportionnalité et constituent l’option la moins intrusive. Afin de ne pas violer l’interdiction de toute discrimination, pareilles mesures ne sauraient donc en aucun cas être appliquées à un groupe ou à titre collectif.

c) Intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale dans la recherche de solutions à court et à long terme (art. 3)

19. Le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention dispose: «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.». Dans le cas d’un enfant déplacé, le principe doit être respecté à tous les stades du cycle du déplacement. À chacun de ces stades, il convient de constituer un dossier permettant de déterminer quel est l’intérêt supérieur de l’enfant pour servir de support à toute décision aux conséquences cruciales pour la vie de l’enfant non accompagné ou séparé.

20. Déterminer quel est l’intérêt supérieur d’un enfant suppose d’avoir une idée précise et complète de l’identité de l’enfant, notamment de sa nationalité, de son éducation, de son origine ethnique, culturelle et linguistique, de ses éléments particuliers de vulnérabilité et de ses besoins en termes de protection. Autoriser un enfant à entrer sur le territoire constitue une condition préalable à ce processus initial d’évaluation. Ce processus d’évaluation devrait être mené dans une atmosphère amicale et sûre par des professionnels qualifiés maîtrisant des techniques d’entretien adaptées à l’âge et au sexe de l’enfant.

21. Les stades ultérieurs, tels que la désignation, aussitôt que possible, d’un tuteur compétent, constituent une garantie de procédure fondamentale allant dans le sens du respect de l’intérêt supérieur d’un enfant non accompagné ou séparé. Un tel enfant ne devrait donc être orienté vers une procédure d’asile ou autre qu’après la désignation d’un tuteur. Tout enfant séparé ou non accompagné dirigé vers une procédure d’asile ou toute autre procédure administrative ou judiciaire, devrait en outre être doté d’un représentant légal en plus de son tuteur.

22. Le respect de l’intérêt supérieur suppose également que les États parties reconnaissent à l’enfant qui a été placé par les autorités compétentes pour recevoir des soins, une protection ou un traitement physique ou mental le droit à un examen périodique dudit traitement et de toute autre circonstance relative à son placement (art. 25 de la Convention).

d) Droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6)

23. En vertu de l’article 6, un État partie est investi de l’obligation de protéger, dans la mesure du possible, l’enfant contre toute violence et toute exploitation susceptibles de compromettre son droit à la vie, à la survie et au développement. Les enfants séparés ou non accompagnés sont exposés à divers phénomènes susceptibles de porter atteinte à leur vie, à leur survie et à leur développement, comme la traite aux fins d’une exploitation sexuelle ou autre ou encore la participation à des activités criminelles susceptibles de mettre en danger l’enfant ou même, dans des cas extrêmes, de provoquer sa mort. L’article 6 requiert en conséquence des États parties de faire preuve de diligence en la matière, en particulier lorsque la criminalité organisée est en cause. La question de la traite d’enfants n’entre pas dans le champ de la présente observation générale, mais le Comité constate qu’il existe souvent un lien entre la traite et le fait qu’un enfant est séparé ou non accompagné.

24. Le Comité estime que, pour protéger les enfants des risques susmentionnés, des mesures pratiques s’imposent à tous les échelons, en particulier les suivantes: procédure prioritaire pour les enfants victimes de traite; désignation rapide d’un tuteur; communication d’informations à l’enfant sur les risques auxquels il est susceptible d’être confronté; adoption de mesures visant à assurer le suivi des enfants particulièrement exposés à un risque. Ces mesures devraient faire l’objet d’une évaluation régulière afin d’en assurer l’efficacité.

e) Droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion (art. 12)

25. Conformément à l’article 12 de la Convention, lors de la détermination des mesures à adopter à l’égard d’un enfant non accompagné ou séparé, il faut s’enquérir et tenir compte des opinions et souhaits de l’intéressé (par. 1 de l’article 12). Afin de permettre à l’enfant d’exprimer ses opinions et souhaits en connaissance de cause, il est impératif de lui fournir tous les renseignements pertinents concernant, entre autres, ses droits et les services disponibles − moyens de communication, procédure d’asile, recherche de la famille, situation dans le pays d’origine, etc. (art. 13 et 17 et par. 2 de l’article 22). Il faut également tenir compte de l’opinion de l’enfant dans les affaires de tutelle, de prise en charge et d’hébergement, ainsi que de représentation juridique. Les informations fournies à l’enfant doivent l’être d’une manière adaptée à son degré de maturité et à sa capacité de compréhension. La participation étant tributaire de la fiabilité des communications, un interprète devrait être au besoin mis à la disposition de l’intéressé à tous les stades de la procédure.

f) Respect du principe de non‑refoulement

26. Pour réserver un traitement approprié aux enfants non accompagnés ou séparés, les États doivent pleinement respecter leurs obligations en matière de non‑refoulement, découlant du droit international des droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit international des réfugiés; les États sont en particulier tenus de respecter les obligations codifiées dans l’article 33 de la Convention de 1951 relative aux réfugiés et l’article 3 de la Convention contre la torture.

27. Pour s’acquitter de leurs obligations découlant de la Convention, les États sont en outre tenus de ne pas renvoyer un enfant dans un pays s’il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant sera exposé à un risque réel de dommage irréparable, comme ceux, non limitativement, envisagés dans les articles 6 et 37 de la Convention, dans ledit pays ou dans tout autre pays vers lequel l’enfant est susceptible d’être transféré ultérieurement. Les obligations en matière de non‑refoulement s’appliquent également si les risques de violation grave des droits énoncés dans la Convention sont imputables à des acteurs non étatiques et que ces violations soient délibérées ou la conséquence indirecte d’une action ou d’une inaction. Le risque de violation grave devrait être apprécié eu égard à l’âge et au sexe de l’intéressé, par exemple en tenant compte des conséquences particulièrement graves pour les enfants d’une alimentation insuffisante ou d’une carence des services de santé.

28. Étant donné que le recrutement de mineurs et leur participation à des hostilités comportent un risque élevé de dommage irréparable attentatoire à leurs droits fondamentaux, en particulier le droit à la vie, les obligations des États découlant de l’article 38 de la Convention, lu en conjonction avec les articles 3 et 4 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, revêtent une dimension extraterritoriale et les États doivent s’abstenir de renvoyer de quelque manière que ce soit un enfant vers les frontières d’un État où il court le risque réel d’être recruté − en tant que combattant ou pour fournir des services sexuels à des militaires − ou d’être amené à participer directement ou indirectement aux hostilités − en tant que combattant ou en accomplissant d’autres tâches à caractère militaire.

g) Confidentialité

29. Les États parties sont tenus de protéger la confidentialité des informations reçues relatives à un enfant non accompagné ou séparé, ce en vertu de l’obligation qui est la leur de protéger les droits de l’enfant, y compris le droit à la vie privée (art. 16). Cette obligation s’applique à tous les domaines, dont la santé et la protection sociale. Des dispositions doivent être prises pour veiller à ce que les informations recueillies et légitimement mises en commun à une fin ne soient utilisées de façon inappropriée à une autre.

30. Le souci de confidentialité s’étend également au respect des droits d’autrui. Par exemple, il faut veiller tout particulièrement à ce que les informations obtenues, échangées et conservées au sujet d’un enfant non accompagné ou séparé ne compromettent le bien‑être de personnes se trouvant encore dans le pays d’origine de l’enfant, en particulier des membres de sa famille. Les informations relatives au lieu où se trouve l’enfant peuvent en outre ne pas être communiquées aux parents si la sécurité de l’enfant l’exige ou si tel est par ailleurs l’intérêt supérieur de l’enfant.

V. RÉPONSE AUX BESOINS GÉNÉRAUX ET PARTICULIERS EN MATIÈRE DE PROTECTION

a) Évaluation et mesures initiales

31. L’intérêt supérieur de l’enfant doit également être un principe directeur dans la détermination du degré de priorité des besoins en matière de protection et du calendrier des mesures à appliquer à l’enfant non accompagné ou séparé. Cet indispensable processus initial d’évaluation suppose en particulier ce qui suit:

i) Déterminer à titre prioritaire si un enfant est séparé ou non accompagné − à son arrivée à un point d’entrée ou dès que les autorités prennent connaissance de sa présence dans le pays (art. 8). Cette détermination requiert, entre autres, d’évaluer l’âge − opération qui ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique. Cette évaluation doit en outre être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité physique de l’enfant; cette évaluation doit en outre se faire avec tout le respect dû à la dignité humaine et, en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur;

ii) Procéder rapidement à l’enregistrement de l’enfant à l’issue d’un entretien initial mené dans une langue qu’il comprend selon des modalités appropriées à son âge et à son sexe − cet entretien étant confié à des professionnels qualifiés chargés de recueillir des données biographiques sur l’enfant et sur son milieu social afin d’établir son identité et, si possible, l’identité de ses deux parents et de ses frères et sœurs, ainsi que la nationalité de l’enfant, de ses frères et sœurs et de ses parents;

iii) Recueillir, dans le prolongement du processus d’enregistrement, des informations supplémentaires afin de répondre aux besoins particuliers de l’enfant, portant en particulier sur:

iv) Délivrer aussitôt que possible aux enfants non accompagnés ou séparés un titre individuel d’identité;

v) Engager aussitôt que possible la recherche des membres de la famille (art. 22 2), 9 3) et 10 2)).

32. Toutes les décisions ultérieures relatives à la résidence et à d’autres aspects de la situation de l’enfant sur le territoire de l’État concerné devraient reposer sur les conclusions d’une évaluation initiale réalisée dans l’optique de la protection conformément aux modalités exposées plus haut. Les États devraient s’abstenir d’orienter les enfants non accompagnés ou séparés vers la procédure d’asile si leur présence sur le territoire n’est pas liée à un besoin de protection internationale en qualité de réfugié − ce sans préjudice de l’obligation incombant aux États d’orienter les enfants non accompagnés ou séparés vers les procédures pertinentes de protection, dont celles instituées par la législation relative à la protection de l’enfance.

b) Désignation d’un tuteur ou conseiller et d’un représentant légal (art. 18 2) et 20 1))

33. Les États sont tenus d’instituer le cadre juridique fondamental requis et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la bonne représentation de tout enfant non accompagné ou séparé, dans le souci de son intérêt supérieur. Les États devraient donc désigner un tuteur ou un conseiller dès que l’enfant non accompagné ou séparé est identifié en tant que tel et reconduire ce dispositif jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de la majorité ou quitte le territoire et/ou cesse de relever de la juridiction de l’État à titre permanent, conformément à la Convention et à d’autres obligations internationales. Le tuteur devrait être consulté et informé au sujet de toutes les décisions prises en rapport avec l’enfant. Le tuteur devrait être habilité à participer en personne à tous les stades du processus de planification et de prise de décisions, notamment aux audiences devant les autorités de l’immigration ou les organes d’appel, à la définition des dispositions concernant la prise en charge et à tous les efforts en vue de la recherche d’une solution durable. Le tuteur ou conseiller devrait posséder les compétences nécessaires dans le domaine de la prise en charge des enfants afin de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit préservé et que ses besoins d’ordre juridique, social, sanitaire, psychologique, matériel et éducatif soient satisfaits de manière appropriée − le tuteur assurant, entre autres, la liaison entre l’enfant et les organismes spécialisés/les spécialistes fournissant toute la gamme de soins dont l’intéressé a besoin. Les organismes ou particuliers dont les intérêts sont susceptibles d’entrer en conflit avec ceux de l’enfant ne devraient pas être habilités à exercer une tutelle. Par exemple, un adulte n’ayant pas de lien de sang avec l’enfant et dont la relation principale avec lui est une relation d’employeur à employé ne devrait pas avoir la possibilité d’être nommé tuteur.

34. La tutelle d’un enfant séparé devrait normalement être attribuée à un membre adulte de sa famille l’accompagnant ou à la personne non membre de sa famille chargée de subvenir à ses besoins, à moins que des éléments ne donnent à penser que tel ne serait pas l’intérêt supérieur de l’enfant − par exemple si l’adulte accompagnant l’enfant a abusé de lui. Si un enfant est accompagné par un adulte ou gardien n’appartenant pas à sa famille, son aptitude à exercer la tutelle doit être examinée d’encore plus près. Si une telle personne a la capacité et le désir d’assurer des soins au quotidien mais est incapable de représenter de manière adéquate l’intérêt supérieur de l’enfant dans tous les domaines et à tous les stades de la vie de l’enfant, des mesures supplémentaires (telles que la désignation d’un conseiller ou d’un représentant légal) doivent être prises.

35. Des mécanismes de réexamen doivent être institués pour veiller à la qualité de l’exercice de la tutelle en termes de prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’ensemble du processus décisionnel et, en particulier, pour éviter des abus.

36. Tout enfant partie à une procédure de demande d’asile ou à une procédure administrative ou judiciaire devrait bénéficier, outre des services d’un tuteur, d’une représentation légale.

37. L’enfant devrait être en tout temps informé des dispositions prises relatives à sa tutelle et à sa représentation légale et ses opinions devraient être prises en considération.

38. En cas de situation d’urgence à grande échelle, vu la difficulté de mettre en place un dispositif individualisé de tutelle, les droits et l’intérêt supérieur des enfants séparés devraient être protégés par l’État et les organisations œuvrant en faveur des enfants.

c) Dispositions en matière de prise en charge et d’hébergement (art. 20 et 22)

39. Les enfants non accompagnés ou séparés sont des mineurs privés à titre temporaire ou permanent de leur milieu familial et, en tant que tels, sont les bénéficiaires des obligations incombant aux États en vertu de l’article 20 de la Convention: ils ont donc droit à une protection et à une assistance spéciales de la part de l’État concerné.

40. Les mécanismes institués en application de la législation nationale en vue d’assurer une protection de remplacement aux enfants, conformément à l’article 22 de la Convention, doivent également couvrir les enfants non accompagnés ou séparés se trouvant en dehors de leur pays d’origine. Un large éventail d’options s’offrent en matière de prise en charge et d’hébergement et elles sont expressément mentionnées au paragraphe 3 de l’article 20 dans les termes suivants: «…peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié». Dans le choix d’une de ces options, il faut tenir compte des éléments de vulnérabilité particuliers de l’enfant considéré qui, outre le fait qu’il a perdu le contact avec sa famille, se trouve en dehors de son pays d’origine, ainsi que de son âge et de son sexe. En particulier, il faut tenir dûment compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique, telle que déterminée dans tout processus d’identification, d’enregistrement et d’établissement d’une pièce d’identité. Les dispositions en matière de prise en charge et d’hébergement devraient respecter les paramètres suivants:

d) Plein accès à l’éducation (art. 28, 29 1) c), 30 et 32)

41. Les États devraient veiller à assurer la continuité de l’accès à l’éducation durant toutes les phases du cycle de déplacement. Tout enfant non accompagné ou séparé, sans considération de son statut, doit avoir pleinement accès à l’éducation dans le pays dans lequel il est entré, conformément aux articles 28, 29 1) c), 30 et 32 de la Convention et aux principes généraux dégagés par le Comité. Cet accès devrait être accordé sans discrimination et, en particulier, les filles séparées ou non accompagnées doivent jouir de l’égalité d’accès à l’éducation formelle et informelle, y compris à tous les niveaux de la formation professionnelle. L’accès à une éducation de qualité devrait également être garanti aux enfants ayant des besoins spéciaux, en particulier aux enfants handicapés.

42. Les enfants non accompagnés ou séparés devraient être enregistrés auprès des autorités scolaires compétentes aussitôt que possible et bénéficier d’une assistance visant à maximiser leurs possibilités d’apprentissage. Tous les enfants non accompagnés ou séparés ont le droit de préserver leur identité et leurs valeurs culturelles, y compris le droit de conserver et de perfectionner leur langue maternelle. Tous les adolescents devraient être autorisés à suivre une formation ou un enseignement technique ou professionnel, et des possibilités d’apprentissage ou d’éducation et des programmes d’apprentissage préprimaire devraient être offerts aux enfants en bas âge. Les États devraient veiller à ce que les enfants non accompagnés ou séparés reçoivent des attestations scolaires ou d’autres documents indiquant leur degré d’instruction, notamment en prévision d’un changement de résidence, d’une réinstallation ou d’un rapatriement.

43. Les États, en particulier ceux dont le gouvernement ne dispose que de moyens réduits, doivent accepter et faciliter l’assistance offerte au titre de leurs mandats respectifs par l’UNICEF, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le HCR et d’autres organismes des Nations Unies , ainsi que, au besoin, par d’autres organisations intergouvernementales ou organisations non gouvernementales compétentes (art. 22 2)) dans le souci de répondre aux besoins éducatifs des enfants non accompagnés ou séparés.

e) Droit à un niveau de vie suffisant (art. 27)

44. Les États parties devraient veiller à ce que les enfants séparés ou non accompagnés jouissent d’un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel, moral et social. Comme l’indique le paragraphe 3 de l’article 27 de la Convention, les États parties doivent offrir une assistance matérielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement et le logement.

45. Les États, en particulier ceux dont le gouvernement ne dispose que de moyens réduits, doivent accepter et faciliter l’assistance offerte au titre de leurs mandats respectifs par l’UNICEF, l’UNESCO, le HCR et d’autres organismes des Nations Unies, ainsi que, au besoin, par d’autres organisations intergouvernementales ou organisations non gouvernementales compétentes (art. 22 2)) afin d’assurer un niveau de vie suffisant aux enfants non accompagnés ou séparés.

f) Droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation (art. 23, 24 et 39)

46. S’agissant de la mise en œuvre du droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation, les États parties sont tenus de veiller à ce que les enfants non accompagnés ou séparés bénéficient du même accès aux soins de santé que les enfants ressortissants.

47. Pour garantir cet accès, les États doivent tenir compte du sort et des éléments de vulnérabilité propres à ces enfants en vue d’y remédier. Les États parties devraient en particulier avoir conscience que les enfants non accompagnés souffrent du fait d’être séparés des membres de leur famille et ont, en outre, à des degrés divers, subi une perte, un traumatisme, des bouleversements et des violences. Nombre de ces enfants, en particulier les enfants réfugiés, ont en outre connu la violence diffuse et la tension régnant dans un pays en proie à la guerre. Ces éléments sont susceptibles de susciter un profond sentiment d’impuissance et d’amoindrir la confiance des enfants en autrui. En outre, les filles sont particulièrement exposées à la marginalisation, à la pauvreté et aux souffrances en temps de conflit armé et beaucoup d’entre elles ont été la cible d’une violence sexiste dans le contexte d’un conflit armé. Le traumatisme profond subi par de nombreux enfants de ces catégories appelle une prévenance et une attention spéciales dans leur prise en charge et leur réadaptation.

48. L’article 39 de la Convention énonce l’obligation pour les États parties de mettre des services de réadaptation à la disposition de tout enfant victime de toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflit armé. Afin de faciliter cette réadaptation et cette réinsertion, des soins de santé mentale adaptés et modulés en fonction du sexe devraient être mis au point et des conseillers psychosociaux qualifiés mis à disposition.

49. Les États, en particulier ceux dont le gouvernement ne dispose que de moyens réduits, doivent accepter et faciliter l’assistance offerte au titre de leurs mandats respectifs par l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme commun des Nations Unies contre le VIH/sida (ONUSIDA), le HCR et d’autres organismes (art. 22 2)), ainsi que, au besoin, par d’autres organisations intergouvernementales ou des organisations non gouvernementales compétentes, afin de répondre aux besoins des enfants non accompagnés ou séparés en matière de santé et de soins de santé.

g) Prévention de la traite et de l’exploitation sexuelle et des autres formes d’exploitation, de la maltraitance et de la violence (art. 34, 35 et 36)

50. Les enfants non accompagnés ou séparés se trouvant dans un pays autre que leur pays d’origine sont particulièrement vulnérables à l’exploitation et aux abus. Les filles sont particulièrement exposées au risque d’être victimes de traite, notamment aux fins d’exploitation sexuelle.

51. Les articles 34 à 36 de la Convention doivent être lus en conjonction avec son article 20, qui énonce les obligations en matière de protection et d’assistance spéciales, afin de protéger les enfants non accompagnés ou séparés contre la traite, l’exploitation sexuelle et les autres formes d’exploitation, les abus et la violence.

52. La traite, ou «la traite secondaire» pour ceux d’entre eux déjà victimes de traite, constitue un des nombreux dangers auxquels sont confrontés les enfants non accompagnés ou séparés. La traite des enfants menace l’exercice de leur droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6). Conformément à l’article 35 de la Convention, les États parties devraient prendre toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher la traite, notamment les suivantes: identifier les enfants non accompagnés ou séparés en tant que tels; s’enquérir régulièrement du lieu où ils se trouvent; mener des campagnes d’information adaptées à l’âge et au sexe des destinataires dans une langue et sur un support compréhensibles pour eux. Il faut en outre adopter une législation idoine et mettre en place des mécanismes efficaces pour assurer l’application de la réglementation relative au travail et au franchissement des frontières.

53. Les enfants qui ont déjà été victimes de traite et se sont ainsi retrouvés non accompagnés ou séparés courent de grands risques et ne devraient pas être traités comme des délinquants mais, au contraire, recevoir une assistance en tant que victimes d’une grave atteinte à leurs droits fondamentaux. Certains enfants victimes de traite pourraient être admissibles au bénéfice du statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 et les États devraient veiller à ce que les enfants séparés ou non accompagnés victimes de traite qui souhaitent demander l’asile, ou au sujet desquels on dispose d’indications selon lesquelles des besoins de protection internationale existent, aient accès à la procédure de demande d’asile. Les enfants qui risquent d’être à nouveau victimes de traite ne devraient pas être renvoyés dans leur pays d’origine, à moins que ce ne soit dans leur intérêt supérieur et que des mesures appropriées soient prises pour assurer leur protection. Les États devraient envisager des formes complémentaires de protection en faveur des enfants victimes de traite si leur rapatriement n’est pas dans leur intérêt supérieur.

h) Prévention de l’enrôlement dans les forces armées et protection contre les effets de la guerre (art. 38 et 39)

Prévention de l’enrôlement

54. Les obligations incombant aux États en vertu de l’article 38 de la Convention et des articles 3 et 4 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflit armés s’appliquent aux enfants non accompagnés ou séparés. Un État est tenu de prendre toutes les mesures voulues pour prévenir l’enrôlement de ces enfants ou leur emploi par toute partie à un conflit. Ces dispositions s’appliquent également aux anciens enfants soldats qui ont fait défection et ont besoin d’une protection contre un possible réenrôlement.

Dispositions en matière de prise en charge

55. Les dispositions en matière de prise en charge des enfants non accompagnés ou séparés doivent être prises de manière à prévenir leur enrôlement, réenrôlement ou emploi par toute partie à un conflit. La tutelle ne devrait pas être attribuée à une personne ou à une organisation directement ou indirectement liée à un conflit.

Anciens enfants soldats

56. Les enfants soldats devraient être considérés avant tout comme victimes d’un conflit armé. Les anciens enfants soldats, qui se retrouvent souvent non accompagnés ou séparés à la cessation d’un conflit ou suite à une défection, doivent bénéficier de tous les services d’appui nécessaires pour leur permettre de retourner à la vie normale, y compris les indispensables services de conseil psychosocial. Ces enfants doivent être recensés et démobilisés à titre prioritaire durant toute opération d’identification et de séparation. Les enfants soldats, en particulier non accompagnés ou séparés, ne devraient en principe pas être internés, mais bénéficier au contraire de mesures spéciales de protection et d’assistance, en particulier dans l’optique de leur démobilisation et de leur réadaptation. Des efforts particuliers s’imposent en vue de soutenir et de faciliter la réintégration des filles qui ont été associées à des unités militaires, en qualité de combattantes ou à tout autre titre.

57. L’internement à titre exceptionnel d’un enfant soldat âgé de plus de 15 ans est inévitable dans certaines circonstances, par exemple s’il fait peser une grave menace sur la sécurité, mais pareille mesure est compatible avec le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire si les conditions de son internement sont conformes aux normes internationales, dont l’article 37 de la Convention et les dispositions relatives à la justice pour mineurs; l’internement d’un tel enfant ne devrait en outre pas exclure un effort de recherche de sa famille ni sa participation à titre prioritaire aux programmes de réadaptation.

Non‑refoulement

58. Étant donné que le recrutement d’un mineur et sa participation à des hostilités lui font courir un grand risque de subir un dommage irréparable attentatoire à certains droits élémentaires de l’être humain, notamment le droit à la vie, les obligations incombant aux États parties en vertu de l’article 38 de la Convention, lues en conjonction avec les articles 3 et 4 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, revêtent un caractère extraterritorial, et les États doivent s’abstenir de renvoyer de quelque manière que ce soit un enfant vers la frontière d’un État où il court un risque réel d’être enrôlé bien qu’il soit mineur ou de participer directement ou indirectement à des hostilités.

Formes et manifestations de persécution visant spécifiquement les enfants3

59. Rappelant aux États la nécessité de se doter d’une procédure de demande d’asile adaptée à l’âge et au sexe des requérants et d’interpréter la définition du réfugié en tenant compte de l’âge et du sexe du requérant, le Comité souligne que l’enrôlement de mineurs (y compris de filles pour la fourniture de services sexuels à des militaires ou un mariage forcé avec un militaire) de même que la participation directe ou indirecte à des hostilités constituent une grave violation des droits de l’homme, et donc une persécution, et devraient amener à accorder le statut de réfugié lorsque la crainte éprouvée avec raison d’un tel enrôlement ou d’une telle participation à des hostilités repose sur un risque de persécution du fait de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (art. 1 A 2); Convention de 1951 relative aux réfugiés).

Réadaptation et rétablissement

60. Les États doivent, si nécessaire, élaborer, en coopération avec les organismes internationaux et les ONG, un système global de soutien psychologique et d’assistance qui soit adapté à l’âge et au sexe des destinataires en faveur des enfants non accompagnés ou séparés affectés par un conflit armé.

i) Prévention de la privation de liberté et traitement en cas de privation de liberté

61. En application de l’article 37 de la Convention et du principe d’intérêt supérieur de l’enfant, les enfants non accompagnés ou séparés ne devraient pas, en règle générale, être placés en détention. La détention ne saurait être justifiée par le seul fait que l’enfant est séparé ou non accompagné, ni par son seul statut au regard de la législation relative à l’immigration ou à la résidence ou l’absence d’un tel statut. Quand une détention se justifie à titre exceptionnel pour d’autres raisons, elle doit se dérouler conformément à l’article 37 b) de la Convention qui dispose que la détention doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible. En conséquence, aucun effort ne devrait être négligé, notamment en vue de l’accélération de la procédure pertinente, pour permettre la libération immédiate d’un enfant non accompagné ou séparé retenu en détention et le placer dans un lieu d’hébergement approprié.

62. S’ajoutant aux dispositions nationales, les obligations internationales font partie intégrante des dispositions juridiques régissant la détention. En ce qui concerne les enfants non accompagnés ou séparés demandeurs d’asile, les États sont tenus, plus particulièrement, de respecter les obligations leur incombant en vertu du paragraphe 1 de l’article 31 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Les États devraient en outre tenir compte du fait que l’entrée illégale ou le séjour illégal dans un pays d’un enfant non accompagné ou séparé est susceptible de se justifier au regard des principes généraux de droit − si cette entrée ou ce séjour constitue le seul moyen d’empêcher une violation des droits fondamentaux de l’intéressé. Plus généralement, lors de l’élaboration de mesures intéressant des enfants non accompagnés ou séparés, dont les enfants victimes de traite et d’exploitation, les États devraient veiller à ce que ces enfants ne soient pas traités comme des délinquants du seul fait de leur entrée ou présence illégale dans le pays.

63. En cas de détention, à titre de mesure exceptionnelle, les conditions de détention doivent être commandées par l’intérêt supérieur de l’enfant et respecter pleinement les alinéas a et c de l’article 37 de la Convention et les autres obligations internationales. Des dispositions spéciales doivent être prises pour mettre en place des quartiers adaptés aux enfants permettant de les séparer des adultes, à moins qu’il ne soit pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant de procéder de la sorte. La démarche sous‑jacente d’un tel programme devrait être la «prise en charge» et non la «détention». Les installations ne devraient pas être situées dans des zones isolées, ni être dépourvues d’accès à des ressources communautaires appropriées culturellement et d’accès à une assistance juridictionnelle. Les enfants devraient avoir la possibilité d’entretenir des contacts réguliers et de recevoir la visite d’amis, de parents, de leur conseiller religieux, social ou juridique et de leur tuteur. Ils devraient également avoir la possibilité de se procurer tous les articles de première nécessité, ainsi que de bénéficier, au besoin, d’un traitement médical et de conseils psychologiques appropriés. Durant leur détention, les enfants ont le droit à l’éducation, laquelle devrait dans l’idéal être dispensée en dehors des locaux de détention afin de faciliter la poursuite de l’éducation à la libération. Les enfants ont également le droit aux loisirs et au jeu, conformément à l’article 31 de la Convention. Afin d’assurer l’exercice effectif des droits consacrés par l’alinéa d de l’article 37 de la Convention, les enfants non accompagnés ou séparés privés de liberté doivent bénéficier d’un accès rapide et gratuit à une assistance juridique ou autre appropriée, notamment en se voyant désigner un représentant légal.

VI. ACCÈS À LA PROCÉDURE DE DEMANDE D’ASILE, GARANTIES JURIDIQUES ET DROITS EN MATIÈRE D’ASILE

a) Généralités

64. L’obligation découlant de l’article 22 de la Convention, c’est-à-dire de prendre «les mesures appropriées» pour qu’un enfant − accompagné ou non − qui cherche à obtenir le statut de réfugié bénéficie de la protection voulue, suppose, entre autres, l’existence d’un système opérationnel de demande d’asile et, plus particulièrement, l’adoption de dispositions législatives régissant le traitement particulier à réserver aux enfants non accompagnés ou séparés, ainsi que la mise en place des moyens nécessaires pour assurer ce traitement conformément aux dispositions juridiques applicables codifiées dans la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, les instruments relatifs à la protection des réfugiés et les instruments humanitaires auxquels l’État est partie. Les États éprouvant des difficultés à mobiliser les ressources nécessaires pour mener cet effort de développement des capacités sont vigoureusement encouragés à solliciter une assistance internationale, notamment celle du HCR.

65. Compte tenu de la complémentarité des obligations énoncées à l’article 22 et des obligations découlant du droit international des réfugiés, ainsi que du caractère souhaitable d’une consolidation des normes, les États devraient appliquer l’article 22 de la Convention en fonction de l’évolution des normes internationales relatives aux réfugiés.

b) Accès à la procédure de demande d’asile, sans considération de l’âge

66. Les enfants demandeurs d’asile, dont les enfants non accompagnés ou séparés, doivent avoir accès, sans considération de leur âge, à la procédure de demande d’asile et aux mécanismes complémentaires prestataires de protection internationale. Si au cours du processus d’identification et d’enregistrement les autorités prennent connaissance de faits donnant à penser que l’enfant pourrait éprouver une crainte fondée ou − si l’enfant est incapable d’exprimer expressément une crainte concrète − que l’enfant risque objectivement d’être persécuté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques, ou encore qu’il a besoin d’une protection internationale, cet enfant devrait être dirigé vers la procédure de demande d’asile et/ou, si besoin, vers un mécanisme prestataire d’une protection complémentaire en application du droit international et du droit interne.

67. Les enfants non accompagnés ou séparés dont aucun élément n’indique qu’ils ont besoin d’une protection internationale ne devraient pas être orientés automatiquement vers la procédure de demande d’asile, mais bénéficier de la protection offerte par un mécanisme pertinent de protection de l’enfance du type de ceux prévus par la législation relative à l’action sociale en faveur de la jeunesse.

c) Garanties de procédures et mesures d’appui (art. 3 3))

68. Les mesures appropriées préconisées au paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention doivent être prises en tenant compte des éléments de vulnérabilité particuliers des enfants non accompagnés ou séparés, ainsi que du cadre juridique et des conditions du pays. Ces mesures devraient être définies en se fondant sur les considérations ci-après.

69. Un enfant demandeur d’asile devrait être représenté par un adulte ayant une bonne connaissance des origines de l’enfant et possédant les compétences et les capacités voulues pour en préserver l’intérêt supérieur (voir section V b): «Désignation d’un tuteur ou conseiller et d’un représentant légal»). L’enfant non accompagné ou séparé devrait également, dans tous les cas, avoir accès gratuitement à un représentant légal qualifié, y compris lorsque la demande d’admission au bénéfice du statut de réfugié est examinée selon la procédure normalement applicable aux adultes.

70. La demande d’admission au statut de réfugié déposée par un enfant non accompagné ou séparé doit être traitée à titre prioritaire et tout devrait être fait pour rendre une décision rapide et équitable.

71. Parmi les garanties minimales de procédure devrait figurer l’examen de la demande par une autorité compétente pleinement qualifiée dans les affaires d’asile et de réfugiés. Quand l’âge et le degré de maturité de l’enfant l’autorisent, l’enfant devrait bénéficier de la possibilité d’un entretien personnel avec un fonctionnaire qualifié avant la prise de la décision finale. Si l’enfant est incapable de communiquer directement avec le fonctionnaire qualifié faute de langue commune, il doit être fait appel à un interprète qualifié. Un enfant devrait de plus avoir le droit au «bénéfice du doute» en cas de contestation de la véracité de son histoire, ainsi qu’à la possibilité de former un recours pour un réexamen officiel de la décision.

72. Les entretiens devraient être menés par des représentants de l’autorité chargée de se prononcer sur l’admission au statut de réfugié, laquelle devrait prendre en considération la situation particulière de l’enfant non accompagné lors de son examen de la demande d’admission au statut de réfugié et recueillir les éléments nécessaires pour comprendre l’histoire, la culture et les origines de l’intéressé. Le processus d’évaluation devrait comporter un examen au cas par cas de la combinaison unique de facteurs caractérisant chaque enfant, notamment ses origines personnelles, familiales et culturelles. Tous les entretiens devraient se dérouler en présence du tuteur et du représentant légal.

73. En cas de mouvement de réfugiés à grande échelle, phénomène durant lequel la détermination à titre individuel du statut de réfugié est impossible, les États pourraient accorder le statut de réfugié à tous les membres d’un groupe déterminé. En pareille éventualité, tous les enfants non accompagnés ou séparés sont habilités à se voir attribuer le même statut que les autres membres du groupe considéré.

d) Évaluation adaptée à la sensibilité de l’enfant des besoins en matière de protection, compte tenu des formes de persécution visant spécifiquement les enfants

74. Pour déterminer si un enfant non accompagné ou séparé qui affirme être un réfugié l’est effectivement, les États devraient tenir compte de l’évolution du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés et de la relation formative existant entre les deux, notamment des prises de position du HCR dans l’exercice des fonctions de supervision dont il est investi en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. En particulier, la définition du terme réfugié figurant dans cette convention doit être interprétée en étant attentif à l’âge et au sexe de l’intéressé, en tenant compte des raisons, formes et manifestations spécifiques de persécution visant les enfants, telles que persécution de membres de la famille, enrôlement de mineurs, trafic d’enfants à des fins de prostitution, exploitation sexuelle ou autre, imposition de mutilations génitales féminines − qui sont susceptibles de justifier l’attribution de statut de réfugié si elles se rattachent à l’un des motifs énumérés par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Les États devraient donc prêter la plus grande attention à ces formes et manifestations de persécution visant spécifiquement les enfants, ainsi qu’à la violence sexiste, dans la procédure nationale de détermination du statut de réfugié.

75. Les agents intervenant dans le traitement des demandes d’admission au statut de réfugié émanant d’enfants, en particulier d’enfants non accompagnés ou séparés, devraient suivre une formation sur une mise en œuvre du droit international et national relatif aux réfugiés qui soit attentive à l’âge, à la culture et au sexe de l’intéressé. Afin d’évaluer de manière idoine les demandes d’asile soumises par des enfants, les gouvernements devraient faire une place à la collecte d’informations sur les enfants, dont ceux appartenant à des minorités ou à des groupes marginalisés, dans les efforts qu’ils déploient en vue de recueillir des informations sur les pays d’origine.

e) Plein exercice de tous les droits découlant du droit international des réfugiés et du droit international des droits de l’homme par les enfants admis au bénéfice du statut de réfugié (art. 22)

76. Les enfants non accompagnés ou séparés qui obtiennent le statut de réfugié et bénéficient de l’asile ne jouissent pas uniquement des droits énoncés dans la Convention de 1951 relative aux réfugiés; ils sont en outre habilités à bénéficier dans leur intégralité de tous les autres droits fondamentaux reconnus aux enfants vivant sur le territoire de l’État ou relevant de sa juridiction − y compris les droits conditionnés par la régularité du séjour sur le territoire.

f) Admission des enfants au bénéfice des formes complémentaires de protection

77. Si les conditions nécessaires pour obtenir le statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 relative aux réfugiés ne sont pas remplies, l’enfant non accompagné ou séparé doit bénéficier de toutes les formes disponibles de protection complémentaires à l’aune de ses besoins de protection. La mise en œuvre de ces formes complémentaires de protection n’exonère pas un État de l’obligation de répondre aux besoins particuliers de protection des enfants non accompagnés ou séparés. Les enfants bénéficiaires des formes complémentaires de protection sont donc habilités à jouir dans leur intégralité de tous les droits fondamentaux garantis aux enfants se trouvant sur le territoire de l’État ou relevant de sa juridiction − dont les droits conditionnés par la régularité du séjour sur le territoire.

78. Dans l’esprit des principes généraux applicables et, en particulier, des principes relatifs aux responsabilités de l’État à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés se trouvant sur leur territoire, les enfants n’ayant pas obtenu le statut de réfugié et non admis au bénéfice de formes complémentaires de protection jouissent néanmoins de la protection découlant de l’ensemble des normes consacrées par la Convention aussi longtemps qu’ils demeurent de fait sur le territoire de l’État ou continuent à relever de sa juridiction.

VII. RÉUNIFICATION FAMILIALE, RETOUR ET AUTRES FORMES DE SOLUTIONS DURABLES

a) Généralités

79. Le but ultime de la prise en charge d’un enfant non accompagné ou séparé est de définir une solution durable qui permette de répondre à tous ses besoins en matière de protection, tienne compte de l’opinion de l’intéressé et, si possible, mette un terme à la situation de non‑accompagnement ou de séparation. Les efforts tendant à définir une solution durable pour un enfant non accompagné ou séparé devraient être déployés sans retard, si possible immédiatement après le constat du fait qu’un enfant est non accompagné ou séparé. La recherche d’une solution durable, qui participe de l’approche fondée sur les droits, commence avec l’étude de la possibilité d’une réunification familiale.

80. La recherche de la famille constitue une composante essentielle de toute recherche d’une solution durable et elle devrait être prioritaire, sauf si la recherche de la famille ou la manière dont elle est menée risque d’être contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ou de compromettre les droits fondamentaux des personnes dont on recherche la trace. En tout état de cause, la recherche de la famille devrait être menée sans référence au statut de l’enfant en tant que demandeur d’asile ou réfugié. Sous réserve de toutes ces conditions, les efforts de recherche devraient se poursuivre tout au long de la procédure de demande d’asile. Une solution durable doit être trouvée pour tous les enfants de ces catégories se trouvant sur le territoire de l’État, que ce soit sur la base de l’asile, au titre de formes complémentaires de protection ou en raison de l’existence d’obstacles juridiques ou factuels divers s’opposant à leur renvoi.

b) Réunification familiale

81. Afin de s’acquitter pleinement de l’obligation qui leur incombe en vertu de l’article 9 de la Convention de veiller à ce qu’un enfant ne soit pas séparé de ses parents contre son gré, tout devrait être fait pour restituer à ses parents un enfant non accompagné ou séparé, sauf si la poursuite de la séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’intéressé, compte tenu du droit de l’enfant d’exprimer son opinion (art. 12) (voir également la section IV e): «Droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion»). Si les considérations énumérées dans la deuxième phrase du paragraphe 1 de l’article 9 (lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant) peuvent exclure une réunification en quelque lieu que ce soit, d’autres considérations touchant l’intérêt supérieur de l’enfant peuvent faire obstacle à une réunification mais seulement en un certain lieu.

82. La réunification familiale dans le pays d’origine de l’enfant n’est pas dans son intérêt supérieur et ne devrait pas être imposée s’il existe un «risque raisonnable» que ce retour débouche sur la violation de droits fondamentaux de l’enfant. Ce risque est établi de manière irréfutable par l’attribution du statut de réfugié ou par une décision de l’autorité compétente sur l’application des obligations en matière de non‑refoulement (y compris les obligations découlant de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et des articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). L’attribution du statut de réfugié constitue dès lors un obstacle juridiquement contraignant au retour dans le pays d’origine et, par conséquent, à la réunification familiale dans ledit pays. Si la situation dans le pays d’origine présente un degré moindre de risque mais que l’on craint, par exemple, que l’enfant ne soit affecté par les effets aveugles d’une violence généralisée, ce risque doit être examiné avec toute l’attention voulue et être mis en regard avec les autres considérations liées aux droits, y compris les conséquences d’une prolongation de la séparation. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la survie de l’enfant revêt une importance primordiale et constitue une condition préalable à l’exercice de tous les autres droits qui lui sont reconnus.

83. Quand la réunification familiale dans le pays d’origine est impossible, que cette situation soit imputable à des obstacles juridiques au retour ou au fait que la prise en considération de l’intérêt supérieur milite contre cette option, les obligations énoncées aux articles 9 et 10 de la Convention prennent effet et devraient guider les décisions du pays d’accueil concernant une réunification familiale dans ledit pays d’accueil. À ce propos, il est rappelé plus particulièrement aux États que «toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence» et que la présentation d’une telle demande «n’entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille» (art. 10 1)). Les pays d’origine doivent respecter «le droit qu’ont l’enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays» (art. 10 2)).

c) Retour dans le pays d’origine

84. Le retour dans le pays d’origine n’est pas une option s’il présente «un risque raisonnable» de déboucher sur une violation des droits fondamentaux de l’enfant et, en particulier, si le principe de non‑refoulement s’applique. Le retour dans le pays d’origine ne doit en principe être organisé que s’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour déterminer si tel est le cas, il faut notamment se baser sur les critères suivants:

85. En l’absence de possibilité de prise en charge par des proches parents ou des membres de la famille élargie, le retour d’un enfant dans son pays d’origine ne devrait en principe pas être organisé sans avoir au préalable mis en place un dispositif sûr et concret de prise en charge et défini les responsabilités en matière de garde à son retour dans le pays d’origine.

86. Le retour dans le pays d’origine peut être organisé, à titre exceptionnel, après avoir mis en regard avec soin l’intérêt supérieur de l’enfant et d’autres considérations − si lesdites considérations sont en rapport avec les droits et priment sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Tel peut être le cas si un enfant représente un risque grave pour la sécurité de l’État ou de la société. Les arguments non liés aux droits, tels que ceux relatifs au contrôle général des migrations, ne peuvent l’emporter sur les considérations en rapport avec l’intérêt supérieur de l’enfant.

87. Dans tous les cas, les mesures de retour doivent être mises en œuvre dans la sûreté et d’une manière adaptée à l’enfant et tenant compte de son sexe.

88. Dans ce contexte, les pays d’origine doivent avoir à l’esprit les obligations leur incombant en vertu de l’article 10 de la Convention, en particulier l’obligation de respecter «le droit qu’ont l’enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays».

d) Intégration locale

89. L’intégration locale est l’option première si le retour dans le pays d’origine est impossible pour des raisons d’ordre juridique ou factuel. L’intégration locale doit reposer sur un statut juridique sûr ( y compris le statut de résidence) et être régie par les droits que consacre la Convention, qui sont pleinement applicables à tous les enfants restant dans le pays − parce qu’ils ont obtenu le statut de réfugié, parce que des obstacles d’ordre juridique s’opposent à un retour dans leur pays d’origine ou parce que la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant a fait pencher la balance contre un retour.

90. Une fois établi qu’un enfant séparé ou non accompagné est appelé à rester dans la communauté, les autorités compétentes devraient procéder à une évaluation de la situation, puis, en consultation avec l’enfant et son tuteur, déterminer les dispositions à long terme requises avec la communauté locale et définir les autres mesures nécessaires pour faciliter l’intégration. Le placement à long terme devrait être décidé dans l’intérêt supérieur de l’enfant et, à ce stade, le placement en institution devrait, si possible, ne constituer qu’une option de dernier recours. L’enfant séparé ou non accompagné devrait bénéficier du même accès aux droits (dont les droits à l’éducation, à la formation, à l’emploi et aux soins de santé) que les enfants ressortissants du pays d’accueil. Afin de garantir le plein exercice de ses droits par un enfant non accompagné ou séparé, le pays d’accueil peut être amené à porter une attention spéciale aux mesures supplémentaires nécessaires pour remédier à la vulnérabilité particulière de l’enfant, notamment, par exemple, en le faisant bénéficier de cours de soutien pour acquérir la maîtrise de la langue du pays.

e) Adoption internationale (art. 21)

91. Dans les affaires d’adoption d’un enfant non accompagné ou séparé, les États sont tenus de respecter pleinement les conditions préalables énumérées à l’article 21 de la Convention, ainsi que les divers instruments internationaux pertinents, en particulier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et la recommandation de 1994 concernant son application aux enfants réfugiés et aux autres enfants déplacés internationalement. Les États devraient en particulier être guidés par les critères suivants:

f) Réinstallation dans un pays tiers

92. La réinstallation dans un pays tiers peut constituer une solution durable pour un enfant non accompagné ou séparé dans l’incapacité de retourner dans son pays d’origine ou pour lequel aucune solution durable n’est envisageable dans le pays d’accueil. La décision de réinstaller un enfant non accompagné ou séparé doit reposer sur une évaluation à jour, globale et approfondie de l’intérêt supérieur de l’intéressé, compte tenu, en particulier, de ses besoins présents en matière de protection internationale ou autre. La réinstallation est particulièrement indiquée s’il s’agit du seul moyen de protéger efficacement et durablement un enfant contre le refoulement ou contre des persécutions ou d’autres violations des droits de l’homme dans le pays de séjour. La réinstallation est également dans l’intérêt supérieur d’un enfant non accompagné ou séparé si elle permet une réunification familiale dans le pays de réinstallation.

93. Pour déterminer l’intérêt supérieur d’un enfant avant de prendre une décision de réinstallation, il convient également de tenir compte d’autres facteurs, tels que: le temps raisonnablement nécessaire pour surmonter les obstacles juridiques ou autres au retour de l’enfant dans son pays d’origine; le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité et son nom (art. 8); l’âge, le sexe, l’état affectif, l’éducation et l’origine familiale de l’enfant; la continuité/discontinuité de la prise en charge dans le pays d’accueil; la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique (art. 20); le droit de l’enfant de préserver ses relations familiales (art. 8) et les possibilités connexes à court, moyen et long terme de réunification familiale dans le pays d’origine, dans le pays d’accueil ou dans le pays de réinstallation. Les enfants non accompagnés ou séparés ne devraient jamais être réinstallés dans un pays tiers si cette mesure est de nature à contrarier ou gravement entraver la possibilité d’une réunification familiale ultérieure.

94. Les États sont encouragés à offrir des possibilités de réinstallation afin de répondre à tous les besoins en matière de réinstallation d’enfants non accompagnés ou séparés.

VIII. FORMATION, DONNÉES ET STATISTIQUES

a) Formation du personnel s’occupant d’enfants non accompagnés ou séparés

95. Une attention particulière devrait être portée à la formation des fonctionnaires travaillant avec des enfants séparés ou non accompagnés et traitant leurs dossiers. Une formation spécialisée est tout aussi importante pour les représentants légaux, les tuteurs, les interprètes et autres agents s’occupant d’enfants séparés ou non accompagnés.

96. Cette formation devrait être adaptée spécialement aux besoins et aux droits des groupes concernés. Certains éléments clefs devraient toutefois figurer dans tous les programmes de formation, en particulier les suivants:

97. Les programmes de formation initiale devraient être complétés régulièrement par des activités de recyclage, notamment par le canal de la formation en cours d’emploi et de réseaux professionnels.

b) Données et statistiques relatives aux enfants séparés ou non accompagnés

98. Le Comité a constaté d’expérience que les données et statistiques recueillies au sujet des enfants non accompagnés ou séparés tendent à se borner au nombre d’arrivées et/ou au nombre de demandes d’asile. Pareilles données sont insuffisantes pour une analyse détaillée de l’exercice de leurs droits par les enfants de ces catégories. De plus, les données et les statistiques sont souvent recueillies par différents ministères ou organismes − ce qui peut entraver toute analyse ultérieure tout en suscitant des inquiétudes quant à la confidentialité et au droit de l’enfant à la vie privée.

99. L’élaboration d’un système intégré de collecte de données détaillées sur les enfants non accompagnés ou séparés constitue donc un préalable à la mise au point de mesures efficaces en faveur de la mise en œuvre des droits des enfants de ces catégories.

100. Dans l’idéal, les données recueillies grâce à un tel système devraient notamment être les suivantes: données biographiques de base relatives à chaque enfant (âge, sexe, pays d’origine et nationalité, groupe ethnique, etc.); nombre total d’enfants non accompagnés ou séparés essayant d’entrer dans le pays et nombre d’entre eux auxquels l’entrée a été refusée; nombre de demandes d’asile; nombre de représentants légaux et de tuteurs attribués aux enfants de cette catégorie; statut juridique au regard de l’immigration (demandeurs d’asile, réfugiés, titulaires d’un permis de résidence temporaire); cadre de vie (placement en institution, placement familial ou autonomie de vie); inscription dans une école ou un établissement de formation; réunification familiale; nombre d’enfants retournés dans leur pays d’origine. Les États parties devraient de surcroît envisager de recueillir des données qualitatives qui leur permettraient d’analyser certains points encore insuffisamment traités, par exemple les disparitions d’enfants non accompagnés ou séparés et l’impact de la traite.

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Notes

1Ces Principes directeurs ont été approuvés conjointement par le Comité international de la Croix-Rouge, l’UNICEF, le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Comité international de secours, Save the Children Royaume-Uni et l’Organisation internationale de perspective mondiale. Ils ont pour objet de guider les travaux de tous les membres du Comité permanent interorganisations intéressant les enfants non accompagnés ou séparés.

2 Déclaration et Programme d’action de Vienne (A/CONF.157/23) adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993.

3 S’agissant des formes et manifestations de persécution spécifiques aux enfants en général, voir plus loin la section VI d) «Évaluation adaptée à la sensibilité de l’enfant des besoins de protection, compte tenu des formes de persécution visant spécifiquement les enfants».

 

 



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