University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Yémen, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.47 (1996).


COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Onzième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Yémen


1. Le Comité a examiné le rapport initial du Yémen (CRC/C/8/Add.20) à ses 261ème, 262ème et 263ème séances (CRC/C/SR.261 à 263), les 9 et 10 janvier 1996, et a adopté */ les observations finales ci-après :

A. Introduction

2. Le Comité prend note avec satisfaction de la présentation du rapport initial par le Gouvernement du Yémen et l'attitude critique dont il a fait preuve en mettant en relief un certain nombre de sujets de préoccupation. Il regrette toutefois que le rapport n'ait pas été établi suivant les directives concernant l'établissement des rapports initiaux des Etats parties et que certaines questions visées par la Convention ne soient pas traitées dans ce rapport.

B. Aspects positifs

3. Le Comité a entendu avec satisfaction la délégation affirmer que l'Etat partie attachait une grande importance aux recommandations formulées par le Comité concernant les mesures à prendre pour mettre effectivement en oeuvre la Convention, notamment en vue de rendre la législation nationale conforme à la Convention.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

4. Le Comité note que, ces dernières années, le Yémen a eu à relever de sérieux défis d'ordre politique, économique et social, tenant en particulier à la réunification, au retour dans le pays d'un grand nombre d'expatriés yéménites après la guerre du Golfe, à la guerre de 1994 et à l'afflux considérable de réfugiés provenant de la corne de l'Afrique. Tous ces facteurs ont eu des incidences négatives pour la situation des enfants.

5. Le Comité note également la persistance de certaines traditions et coutumes contraires aux principes et aux dispositions de la Convention.

D. Principaux sujets de préoccupation

6. Le Comité s'inquiète de l'imprécision qui demeure quant à la place de la Convention dans le droit interne et de l'insuffisance des mesures prises pour rendre la législation pleinement conforme à la Convention, notamment à la lumière des principes généraux de la Convention, en particulier la non-discrimination (art. 2), l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) et le respect des opinions de l'enfant (art. 12).

7. Le Comité est également préoccupé par la non-conformité des dispositions législatives en ce qui concerne la définition juridique de l'enfant et notamment l'âge minimum pour contracter mariage et l'âge de la responsabilité pénale, fixés trop bas.

8. Le Comité est profondément préoccupé par la persistance d'attitudes discriminatoires à l'égard des filles, qui les empêchent d'exercer leurs droits fondamentaux, notamment dans le cas des mariages précoces. La différence concernant l'âge fixé pour contracter mariage, qui est plus bas pour les filles que pour les garçons, fait naître de sérieux doutes sur la compatibilité de la disposition de la loi nationale en la matière avec la Convention, en particulier avec l'article 2.

9. Le Comité s'inquiète également de l'insuffisance des mesures et des programmes pour la protection des droits des enfants les plus vulnérables - les filles, les enfants des zones rurales, les enfants victimes de violences, touchés par les conflits armés, handicapés, les enfants "akhdam" et les enfants contraints de vivre ou de travailler dans la rue, en particulier les enfants mendiants.

10. Le Comité est profondément préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour garantir la pleine application des dispositions et des principes de la Convention dans le domaine de l'administration de la justice des mineurs, notamment des articles 37, 39 et 40.

11. Le Comité regrette l'insuffisance des actions menées pour faire connaître la Convention et pour diffuser aux enfants et aux adultes une information sur les droits de l'enfant, ainsi que l'absence de formation à l'intention des groupes professionnels qui travaillent avec et pour les enfants : enseignants, travailleurs sociaux, personnels de santé, magistrats et responsables de l'application de la loi.

12. L'absence d'une politique globale relative aux enfants et d'une coordination systématique et soigneusement planifiée entre les divers mécanismes et programmes, en vue de suivre la situation des enfants, donne matière à préoccupation. Le Comité note également l'insuffisance de l'effort entrepris pour recueillir des données quantitatives et qualitatives dignes de foi permettant d'évaluer les progrès accomplis et les effets sur la situation des enfants des politiques adoptées.

13. En ce qui concerne l'application de l'article 4, le Comité est inquiet de l'insuffisance des mesures prises pour assurer l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans toutes les limites des ressources dont l'Etat dispose, en particulier pour ce qui est des groupes les plus vulnérables.

E. Suggestions et recommandations

14. Le Comité recommande à l'Etat partie de poursuivre ses efforts en vue de garantir la compatibilité sans réserve de sa législation nationale avec la Convention relative aux droits de l'enfant, en tenant dûment compte des principes généraux de la Convention, en particulier l'interdiction de la discrimination, l'intérêt supérieur de l'enfant et le respect des opinions de l'enfant. A ce sujet, il devrait s'attacher en particulier à relever l'âge minimum fixé pour contracter mariage en veillant à ce que ce soit le même pour les garçons et pour les filles. De même, l'âge de la responsabilité pénale ne doit pas être fixé trop bas et il faut garantir que, en dessous de cet âge, les enfants soient présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale, au sens du paragraphe 3 a) de l'article 40 de la Convention.

15. Le Comité encourage le Gouvernement yéménite à poursuivre ses efforts en vue de promouvoir la défense des principes et des dispositions de la Convention et de les faire connaître et comprendre d'un plus large public, à la lumière de l'article 42 de la Convention. Le gouvernement est engagé à continuer son action en coopération étroite avec les dirigeants communautaires et les dignitaires religieux ainsi qu'avec les organisations non gouvernementales, afin de faire évoluer les attitudes négatives à l'égard des enfants, en particulier de ceux qui appartiennent aux groupes les plus vulnérables.

16. Le Comité encourage l'Etat partie à accorder une attention particulière au renforcement du r_le de la famille dans la promotion des droits de l'enfant et souligne à ce sujet l'importance de la place de la femme dans la famille et dans la société. Le Comité reconnaît l'utilité de la mise en place de services de conseils familiaux, en zone rurale et en zone urbaine.

17. Le Comité recommande à l'Etat partie de veiller à assurer une formation spécifique consacrée à la Convention aux groupes professionnels qui travaillent avec et pour les enfants : enseignants, travailleurs sociaux, personnels de santé, magistrats et responsables de l'application de la loi. Il faudrait envisager d'incorporer un enseignement relatif à la Convention dans les programmes scolaires, comme l'ont recommandé l'Assemblée générale, en proclamant la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, et la Conférence mondiale sur les droits de l'homme.

18. Le Comité recommande aussi à l'Etat partie d'établir un mécanisme permanent et pluridisciplinaire pour assurer la coordination et la surveillance des activités visant à mettre en oeuvre la Convention relative aux droits de l'enfant, aux niveaux national et local, dans les zones rurales et urbaines, et permettant de mettre au point une politique globale en faveur des enfants. Une coopération plus étroite avec les organisations non gouvernementales devrait également être favorisée.

19. Le Comité encourage le gouvernement à améliorer le système de collecte des données statistiques et autres dans tous les domaines visés par la Convention, de façon à pouvoir évaluer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des droits de l'enfant. Des indicateurs désagrégés doivent être définis, afin d'accorder une attention particulière à tous les groupes d'enfants, notamment aux plus vulnérables : filles, enfants des zones rurales, enfants victimes de violences, touchés par les conflits armés, handicapés, enfants "akhdam" et enfants contraints de vivre ou de travailler dans la rue. Des activités de recherche devraient également être menées dans ces domaines, avec le concours d'institutions universitaires et d'organisations non gouvernementales.

20. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre, à la lumière de l'article 4 de la Convention et des principes de la non-discrimination et de l'intérêt supérieur de l'enfant, toutes les mesures dans les limites des ressources dont il dispose pour garantir que des crédits budgétaires soient alloués aux services en faveur des enfants, en particulier dans le secteur de l'éducation et de la santé, et pour accorder une attention prioritaire à la protection des droits des enfants des groupes les plus défavorisés : filles, enfants des zones rurales, enfants touchés par les conflits armés, handicapés, enfants "akhdam" et enfants contraints de vivre ou de travailler dans la rue.

21. Le Comité recommande l'adoption de mesures spéciales de protection en faveur des réfugiés, des enfants en conflit avec la justice, en particulier lorsqu'ils sont privés de liberté, des enfants qui travaillent et des enfants contraints de vivre ou de travailler dans la rue, y compris les mendiants. Il encourage l'Etat partie à prendre dûment en considération les recommandations qu'il a formulées à l'issue de ses journées de débat général, notamment sur l'exploitation économique de l'enfant et sur l'administration de la justice des mineurs.

22. Le Comité recommande à l'Etat partie de suivre ses directives pour l'établissement des rapports initiaux et de tenir compte des préoccupations exprimées au cours du dialogue qu'il a eu avec le gouvernement, quand il rédigera son prochain rapport, qui devrait être soumis en janvier 1997.

23. Le Comité recommande à l'Etat partie, conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, d'assurer une large diffusion à son rapport, aux comptes rendus analytiques des séances consacrées à l'examen dudit rapport et aux observations finales du Comité.


*/ A sa 287ème séance, le 26 janvier 1996.



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