University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Suriname, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.130 (2000).



COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-quatrième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION


Observations finales du Comité des droits de l'enfant

Suriname


1. Le Comité a examiné le rapport initial de Suriname (CRC/C/28/Add.11), présenté le 13 février 1998, à ses 635ème et 636ème séances (voir CRC/C/SR.635-636), tenues le 29 mai 2000. Il a adopté, à sa 641ème séance, le 2 juin 2000, les observations finales ci-après :

A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l'État partie, établi conformément à ses directives générales. Il accueille avec satisfaction les réponses écrites à sa liste des points à traiter (CRC/C/Q/SUR/1), qui lui ont permis de se faire une meilleure idée de la situation des enfants dans l'État partie. Le Comité est encouragé par le dialogue qu'il a mené avec l'État partie et note que la présence d'une délégation participant à la mise en œuvre de la Convention a permis de mieux évaluer la situation des droits de l'enfant dans l'État partie.

B. Aspects positifs

3. Le Comité note les efforts de l'État partie pour adopter une législation visant à faciliter la mise en œuvre de la Convention, en particulier la promulgation en janvier 2000 d'une nouvelle législation qui élimine la discrimination à l'égard des enfants nés hors mariage, y compris pour ce qui est de leur droit à l'héritage.

4. Le Comité se félicite de la création du Comité directeur de la jeunesse (1997) qui a pour mandat de conseiller le Gouvernement sur toutes les questions concernant les enfants.

5. Le Comité prend acte avec satisfaction de la mise en place en novembre 1999 du Conseil national de la jeunesse et des efforts déployés pour favoriser la participation des enfants au niveau local grâce à l'organisation de congrès de la jeunesse dans toutes les régions du pays ainsi que d'un congrès national. Il note également avec appréciation l'engagement de l'État partie d'allouer des fonds adéquats pour assurer le fonctionnement efficace de l'Institut national de la jeunesse, par l'intermédiaire duquel agit le Conseil national de la jeunesse.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

6. Le Comité reconnaît que les difficultés économiques et sociales auxquelles l'État partie doit faire face ont eu une incidence négative sur la situation des enfants et entravé la pleine mise en œuvre de la Convention. Il note en particulier l'incidence du programme d'ajustement structurel et la montée du chômage et de la pauvreté. Le Comité prend note des difficultés qu'éprouve l'État partie à mettre en œuvre des programmes et services adéquats à l'intention des enfants vivant dans des communautés de l'arrière-pays, souvent isolées et difficiles d'accès. Il note en outre que la faiblesse des ressources humaines qualifiées, aggravée par un taux d'émigration élevé et l'exode des compétences, compromettent également la pleine mise en œuvre de la Convention.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations du Comité

1. Mesures d'application générales


Législation

7. Le Comité note que l'État partie a entrepris une étude visant à déterminer si sa législation était conforme aux dispositions de la Convention. Tout en prenant acte des efforts récents de l'État partie pour aligner cette législation sur la Convention, il constate avec préoccupation qu'elle ne reflète pas encore pleinement les principes et dispositions de la Convention et s'inquiète de ce que les projets de loi destinés à faciliter la mise en œuvre de la Convention n'aient pas encore été adoptés par l'Assemblée nationale.

8. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la conformité de sa législation avec les principes et dispositions de la Convention. Il l'encourage également à envisager la possibilité de promulguer un code général des droits de l'enfant. Il l'encourage en outre à prendre toutes les mesures appropriées pour adopter dès que possible la législation additionnelle prévue. Il lui recommande à cet égard de solliciter une assistance technique, notamment auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

Coordination

9. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie a dissous la Commission nationale pour les droits de l'enfant, créée en 1995 pour rédiger le rapport de l'État partie, coordonner et suivre la mise en œuvre de la Convention et élaborer un plan national d'action pour l'enfance. Tout en notant qu'un Comité directeur de la jeunesse a été nommé pour conseiller le Gouvernement sur tout ce qui touche à l'enfance, il juge préoccupant que les attributions de ce Comité aient été réduites par rapport à celles de la Commission nationale et qu'il ne dispose pas de ressources financières et humaines suffisantes pour s'acquitter de sa tâche. Le fait qu'il n'existe toujours pas de mécanisme efficace facilitant la coordination et la mise en œuvre systématique de la Convention et de suivre les progrès accomplis à cet égard est un autre motif de préoccupation.

10. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour mieux coordonner, notamment au niveau local et avec les ONG, la mise en œuvre de la Convention et pour suivre les progrès accomplis à cet égard en confiant cette tâche à un mécanisme gouvernemental existant ou en établissant un nouveau, doté de pouvoirs, de fonctions et de ressources adéquats. Il lui recommande de renforcer le Comité directeur de la jeunesse, notamment en lui allouant des ressources financières et humaines appropriées.

Collecte des données

11. Le Comité note les initiatives prises par l'État partie en 1999 pour améliorer la collecte des données, notamment la réalisation d'une enquête nationale sur les femmes et les enfants, la mise en place d'un système de suivi des indicateurs relatifs à l'enfance coordonné par le Bureau central de statistique, qui fournira périodiquement des données fiables concernant les enfants, ainsi que l'annonce d'un recensement, le premier depuis 20 ans, qui sera effectué en 2000. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par l'absence dans l'État partie d'un mécanisme adéquat permettant la collecte systématique et complète de données quantitatives et qualitatives désagrégées portant sur tous les domaines visés dans la Convention, et concernant tous les groupes d'enfants, de façon à pouvoir suivre et mesurer les progrès accomplis et évaluer l'effet des politiques adoptées en faveur des enfants.

12. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts en vue d'établir un registre central pour la collecte de données et de mettre en place un système complet de collecte de l'information qui porte sur tous les domaines visés par la Convention. Un tel système devrait englober tous les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, une attention particulière étant accordée aux enfants particulièrement vulnérables, dont les enfants vivant dans l'arrière-pays, en particulier les jeunes amérindiens et marrons, les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants en situation de conflit avec la loi, les enfants de famille monoparentale, les enfants victimes de sévices sexuels et les enfants vivant et/ou travaillant dans la rue. À cet égard, il est recommandé à l'État partie de faire appel à l'assistance technique, entre autres, du Fonds des Nations Unies pour la population et de l'UNICEF.

Structures indépendantes de suivi

13. Le Comité se déclare préoccupé par l'absence de mécanisme indépendant chargé de recevoir et d'instruire les plaintes des enfants concernant les violations des droits que leur reconnaît la Convention. Il déplore à cet égard que l'Institution nationale pour les droits de l'homme ait été supprimée et que la Cour constitutionnelle qui était supposée la remplacer n'ait jamais vu le jour.

14. Le Comité recommande que soit institué un mécanisme indépendant accessible aux enfants et adapté à leurs besoins pour examiner les allégations de violation de leurs droits et fournir des recours contre de telles violations. Il suggère en outre que l'État partie lance une campagne de sensibilisation afin de faciliter l'accès effectif des enfants à ce mécanisme.

Allocation de ressources budgétaires

15. Tout en notant que l'État partie soutient l'initiative 20/20, aux termes de laquelle 20 % du budget national et de l'aide internationale devraient être consacrés à des programmes en faveur des enfants, le Comité regrette que toute l'attention voulue n'ait pas été accordée à l'allocation de fonds budgétaires, aussi bien au niveau national qu'au niveau des districts, en faveur des enfants "dans toutes les limites des ressources disponibles", comme l'exige l'article 4 de la Convention.

16. Compte tenu des articles 2, 3 et 6 de la Convention, le Comité encourage l'État partie à accorder une attention particulière à la pleine application de l'article 4 de la Convention en accordant la priorité à l'octroi de crédits budgétaires en vue de mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels des enfants dans toutes les limites des ressources disponibles, y compris, le cas échéant, dans le cadre de la coopération internationale. Dans la répartition des ressources, l'État partie devrait accorder une attention particulière aux districts de l'arrière-pays et s'efforcer de mettre fin aux inégalités dont ils souffrent en matière de fourniture de services.

Diffusion de la Convention

17. Tout en notant les initiatives prises par l'État partie pour promouvoir la connaissance des principes et des dispositions de la Convention, le Comité demeure préoccupé par le fait que les groupes professionnels, les enfants, les parents et le grand public ne connaissent pas suffisamment la Convention et l'approche fondée sur les droits qui y est consacrée.

18. Le Comité recommande que davantage d'efforts soient faits pour que les dispositions de la Convention soient largement connues et comprises, des adultes comme des enfants. Il recommande à cet égard que soient assurées la formation et la sensibilisation appropriées et systématiques des groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants tels que les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, les enseignants, les autorités scolaires, le personnel de la santé, y compris les psychologues et les travailleurs sociaux, ainsi que le personnel des établissements assurant des soins aux enfants. Il recommande à l'État partie de faire en sorte que la Convention fasse pleinement partie des programmes d'enseignement à tous les niveaux du système éducatif. Il l'encourage à faire traduire la Convention dans les langues locales et à en promouvoir les principes en ayant notamment recours aux méthodes traditionnelles de communication. À cet égard, il engage l'État partie à faire appel à l'assistance technique, entre autres, du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'UNICEF.


2. Définition de l'enfant

Responsabilité pénale

19. Le Comité est préoccupé par le fait que l'âge de la responsabilité pénale (10 ans) est trop bas.

20. Le Comité recommande à l'État partie de relever l'âge de la responsabilité pénale de façon à le rendre plus conforme aux normes internationales en la matière, en modifiant sa législation sur ce point.

Âge minimum légal du mariage

21. Le Comité est préoccupé par le fait que l'âge minimum du mariage pour les filles est trop bas - 15 ans suivant le droit civil et 13 ans conformément à la loi sur le mariage asiatique. Il note avec préoccupation à cet égard la pratique des mariages précoces et forcés qui touche principalement les filles, notamment dans l'arrière-pays. L'âge minimum légal du mariage pour les garçons (15 ans) selon la loi sur le mariage asiatique est également jugé préoccupant, de même que la disparité, dans l'un et l'autre régimes, entre l'âge du mariage pour les garçons et pour les filles.

22. Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa législation concernant l'âge légal du mariage pour les deux sexes de façon à les rendre conformes aux dispositions de la Convention et d'éliminer toute discrimination. Il lui recommande en outre de prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser une prise de conscience des conséquences néfastes des mariages précoces et forcés, en particulier pour les filles.

Durée de la scolarité obligatoire/âge minimum d'entrée dans la vie professionnelle

23. Le Comité note que l'éducation est obligatoire pour les enfants de 7 à 12 ans et que l'âge minimum d'entrée dans la vie professionnelle est fixé à 14 ans. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures, juridiques et autres, visant à protéger efficacement les droits des enfants de 12 à 14 ans, qui ont dépassé l'âge de la scolarité obligatoire mais sont trop jeunes pour avoir légalement accès à un emploi.

24. Le Comité recommande à l'État partie de porter la durée de la scolarité obligatoire de 12 ans à 14 ans au moins de façon à protéger les droits des enfants âgés de 12 à 14 ans, auxquels l'obligation de scolarité ne s'applique plus, mais qui sont trop jeunes pour avoir légalement accès à un emploi.


3. Principes généraux

Non-discrimination

25. Le Comité note avec préoccupation que le principe de non-discrimination n'est pas pleinement respecté en ce qui concerne certains groupes vulnérables d'enfants, notamment les enfants et plus particulièrement les filles vivant dans l'arrière-pays; les enfants placés en établissement; les enfants handicapés; les enfants de famille monoparentale; les enfants, et en particulier les garçons, vivant dans des communautés urbaines pauvres; les enfants en situation de conflit avec la loi; les enfants vivant et/ou travaillant dans la rue; les enfants victimes de sévices; et les enfants appartenant à des groupes autochtones et minoritaires; leur accès limité à des services sanitaires, éducatifs et autres services sociaux adéquats est jugé particulièrement préoccupant.

26. Le Comité recommande à l'État partie d'accroître ses efforts pour mettre en œuvre des lois, politiques et programmes garantissant le principe de non-discrimination et la pleine application des dispositions de l'article 2 de la Convention, notamment pour ce qui est des groupes vulnérables.

Intérêt supérieur de l'enfant

27. Le Comité est préoccupé par le fait que le principe général de l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) n'est pas pleinement pris en compte dans les décisions d'ordre législatif, administratif et judiciaire de l'État partie, ou dans ses politiques et programmes concernant les enfants.

28. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour intégrer comme il convient le principe général de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes ses dispositions juridiques, dans toutes ses décisions judiciaires et administratives, ainsi que dans tous les projets, programmes et services intéressant les enfants.

Respect des opinions de l'enfant

29. Le Comité note que les enfants de plus de 12 ans peuvent être entendus dans les affaires d'adoption et qu'un projet de loi prévoit d'étendre cette règle aux affaires portant sur le droit de garde et de visite après divorce; il est néanmoins préoccupé par la portée limitée de ce projet de loi et le fait que les pratiques, la culture et les comportements traditionnels en vertu desquels les enfants qui expriment leurs opinions ou leurs vues sont considérés comme "insolents" et "impertinents" continuent d'entraver la pleine mise en œuvre de l'article 12 de la Convention.

30. Le Comité recommande à l'État partie de revoir et d'élargir la portée du projet de loi donnant aux enfants la possibilité d'être entendus dans les affaires portant sur le droit de garde et de visite, d'adopter une démarche systématique pour sensibiliser davantage la population aux droits des enfants à la participation et encourager le respect de l'opinion de l'enfant au sein de la famille, des collectivités, à l'école, ainsi que dans les établissements de soins et les instances judiciaires.


4. Droits et libertés civils

Enregistrement des naissances

31. Le Comité note que la législation surinamaise prévoit l'enregistrement des enfants à la naissance, mais demeure préoccupé par le fait que, notamment dans les communautés de l'arrière-pays, cette obligation n'est toujours pas respectée.

32. Compte tenu des articles 7 et 8 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre les mesures voulues, notamment au moyen d'une campagne de sensibilisation des fonctionnaires gouvernementaux, des dirigeants communautaires et des chefs religieux, ainsi que des parents eux-mêmes, pour garantir que tous les enfants soient enregistrés à la naissance.

Brutalités policières

33. Le Comité est préoccupé par les nombreux cas de brutalités policières et le fait que la législation existante garantissant le droit des enfants à un traitement respectueux de leur intégrité physique et mentale et de leur dignité inhérente n'est pas appliquée de façon suffisamment stricte.

34. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour appliquer pleinement les dispositions des articles 37 a) et 39 de la Convention. Il recommande en outre à cet égard que des efforts accrus soient faits pour empêcher les brutalités policières et garantir que les enfants qui en sont victimes bénéficient d'un traitement adéquat en vue de faciliter leur récupération physique et psychologique et leur réinsertion sociale et que les coupables soient sanctionnés.


5. Milieu familial et protection de remplacement

Protection des enfants privés de milieu familial

35. Le Comité note que l'État partie a soumis à l'Assemblée nationale un projet de loi réglementant les différentes catégories d'établissement de soins pour enfants; il demeure toutefois préoccupé par le fait que l'État partie n'a pas encore établi et mis en œuvre un ensemble de normes réglementaires applicables aux établissements de protection de remplacement. Il est également préoccupé par le manque de facilités et de services destinés aux filles privées de milieu familial, par l'absence d'un mécanisme indépendant habilité à recevoir les plaintes d'enfants placés en institution, l'insuffisance du contrôle dont fait l'objet leur placement, et le manque de personnel qualifié dans ce domaine.

36. Le Comité recommande à l'État partie d'accélérer dans toute la mesure possible l'adoption du projet de loi mentionné au paragraphe 30 ci-dessus et de fixer un ensemble de normes garantissant aux enfants privés de milieu familial des soins et une protection adéquats. Il lui recommande en outre d'assurer une formation supplémentaire, y compris aux droits de l'enfant, à l'intention des travailleurs et assistants sociaux, de veiller à ce que les placements en établissement fassent l'objet d'un contrôle périodique et d'instituer un mécanisme indépendant habilité à recevoir les plaintes d'enfants placés dans des établissements de protection de remplacement.

Placement familial

37. Tout en notant que l'État partie a mis en place un programme de placement familial, le Comité est préoccupé par l'absence de surveillance et de suivi adéquats des placements auxquels il est procédé dans le cadre de ce programme, lequel est davantage utilisé comme un "premier jalon" sur la voie de l'adoption internationale que comme un programme de protection à vocation nationale. Il est également préoccupé par la pratique, en l'absence de toute réglementation, du "système kweekjes" qui permet aux parents connaissant des difficultés économiques d'abandonner leurs enfants au profit d'une autre famille ou d'une autre personne financièrement mieux à même de s'en occuper.

38. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures afin d'assurer le contrôle et le suivi efficaces des placements dans le cadre du programme de placement familial, de mettre en œuvre des programmes de sensibilisation et de promotion de ce genre de placement, et de prendre des mesures visant à réglementer le "système kweekjes" de façon à garantir que l'intérêt supérieur de l'enfant soit pris en compte. Il encourage en outre l'État partie à envisager la possibilité d'adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale de 1993.

Sévices/négligences/mauvais traitements/violences

39. Tout en notant que l'État partie a constitué un Comité chargé de revoir la législation relative aux sévices sexuels et de faire des recommandations en vue de son amélioration, le Comité est préoccupé par la forte incidence, qui ne cesse de croître, des sévices sexuels à l'égard des enfants, y compris au sein de la famille. Il est également préoccupé par l'absence de toute mesure de sensibilisation et d'information concernant la violence, les mauvais traitements et sévices (sexuels, physiques et psychologiques) à enfants dans la famille et par l'insuffisance des ressources financières et humaines mises en œuvre dans ce domaine, ainsi que par l'absence de programmes adéquats visant à prévenir et combattre toutes les formes de mauvais traitements à l'encontre des enfants.

40. Compte tenu de l'article 19, le Comité recommande à l'État partie de procéder à des études sur la violence, les mauvais traitements et les sévices (y compris les sévices sexuels) au sein de la famille dans la perspective de l'adoption de politiques adéquates visant à modifier les mentalités traditionnelles. Il recommande également que toutes les mesures voulues soient prises pour rendre obligatoire la dénonciation des mauvais traitements, y compris des sévices sexuels, dont sont victimes les enfants. Il recommande en outre que les cas de violence, de mauvais traitements et de sévices à enfants dans la famille fassent l'objet d'enquêtes appropriées dans le cadre d'une procédure judiciaire adaptée aux enfants, et que des sanctions, avec injonction de soins, soient prises à l'encontre des auteurs, compte dûment tenu du droit de l'enfant au respect de sa vie privée. Des mesures devraient également être prises pour assurer la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale des victimes, conformément à l'article 39 de la Convention, ainsi que la prévention de leur culpabilisation et stigmatisation. Le Comité recommande à l'État partie de faire appel à l'assistance technique de l'UNICEF, entre autres.

Châtiments corporels

41. Tout en notant que les châtiments corporels sont interdits à l'école, le Comité est préoccupé par le fait que cette pratique continue à avoir cours dans les établissements scolaires, les familles et les établissements de soins.

42. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures législatives interdisant toutes les formes de violence physique et mentale, y compris les châtiments corporels, au sein de la famille, dans les écoles et les établissements de soins. Il l'encourage à intensifier ses campagnes de sensibilisation afin de promouvoir le recours, à tous les niveaux de la société, à des formes positives et non violentes de discipline plutôt qu'aux châtiments corporels.


6. Santé et bien-être

Droit à la santé et à l'accès aux services de santé

43. Le Comité est préoccupé par la situation sanitaire des enfants, en particulier de ceux qui vivent dans l'arrière-pays. Il note en particulier leur accès limité aux soins de santé de base, l'insuffisance de personnel médical qualifié, la forte incidence du paludisme, les taux élevés de mortalité maternelle, infantile et juvénile, y compris du fait de suicides et d'accidents, les pratiques en matière d'allaitement et de sevrage qui laissent à désirer, les taux élevés de malnutrition, l'insuffisance des services d'assainissement et l'accès limité à l'eau potable, notamment dans les zones rurales.

44. Le Comité recommande à l'État partie de dégager des ressources suffisantes et de mettre au point des politiques et programmes globaux pour améliorer la situation sanitaire des enfants, notamment ceux qui vivent dans l'arrière-pays, faciliter leur accès aux services de santé primaires, et former du personnel médico-sanitaire en plus grand nombre; de prendre des mesures pour réduire l'incidence de la mortalité maternelle, infantile et juvénile, promouvoir de meilleures pratiques en matière d'allaitement au sein et de sevrage, prévenir et combattre la malnutrition, notamment parmi les groupes d'enfants vulnérables et défavorisés, améliorer l'accès à l'eau potable et aux services d'assainissement et réduire l'incidence du paludisme. Il lui recommande également d'entreprendre une étude sur les cas de suicide et les accidents au sein de la population enfantine, afin d'en comprendre la nature et l'ampleur et de mettre en œuvre des politiques et mesures préventives appropriées. Le Comité encourage en outre l'État partie à envisager d'avoir recours à l'assistance technique, notamment de l'OMS, en vue de l'exécution du programme de prise en charge intégrée des maladies de l'enfant.

Santé des adolescents

45. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des programmes et des services et l'absence de données adéquates concernant la santé des adolescents, et portant notamment sur les accidents, la violence, les suicides, la santé mentale, les grossesses prématurées, l'avortement, le VIH/sida et les MST.

46. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts pour promouvoir des politiques et services de consultation en faveur de la santé des adolescents et renforcer les services d'éducation en matière de santé génésique, y compris pour encourager l'utilisation des contraceptifs par les hommes. Le Comité lui suggère en outre d'entreprendre une étude multidisciplinaire de portée générale visant à mieux évaluer l'ampleur des problèmes de santé chez les adolescents, notamment la situation particulière des enfants séropositifs, atteints du sida ou touchés par les maladies sexuellement transmissibles. Il lui recommande en outre de prendre des mesures supplémentaires, notamment de dégager des ressources humaines et financières suffisantes, pour accroître le nombre de travailleurs sociaux et de psychologues et mettre en place des services de soins, d'orientation et de réadaptation adaptés aux adolescents. Le Comité encourage l'État partie à redoubler d'efforts pour mettre en œuvre le programme régional pour les Caraïbes d'éducation des adolescents à la santé et à la vie familiale en consacrant notamment à cette fin des ressources financières et humaines adéquates. Il est recommandé en outre à l'État partie de solliciter l'assistance technique, entre autres, de l'UNICEF et de l'OMS.

Enfants handicapés

47. Le Comité est préoccupé par l'absence de protection juridique et d'équipements et services adéquats pour les enfants handicapés. Tout en notant les efforts déployés par le Service consultatif national pour la protection des handicapés, en collaboration avec le Gouvernement, pour élaborer une politique et une législation garantissant et facilitant l'insertion sociale des personnes handicapées, le Comité estime que l'on ne s'est pas suffisamment employé à faciliter l'intégration des enfants handicapés dans le système éducatif et, de façon générale, dans la société.

48. Compte tenu des Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l'Assemblée générale) et des recommandations adoptées par le Comité au cours de sa journée de débat général sur "les droits des enfants handicapés" (CRC/C/69), il est recommandé à l'État partie d'accroître ses efforts en vue de mettre au point des programmes de dépistage précoce pour prévenir les incapacités et de trouver des solutions autres que le placement en établissement, d'établir des programmes d'éducation spéciale pour les enfants handicapés et d'encourager leur intégration dans la société. Le Comité lui recommande en outre de lancer une campagne de sensibilisation du public aux droits et besoins spéciaux des enfants souffrant de handicaps physiques ou mentaux, et l'engage à solliciter une assistance technique pour la formation du personnel professionnel travaillant avec et pour les enfants handicapés, auprès notamment de l'OMS.

Droit à un niveau de vie adéquat

49. Le Comité est préoccupé par le nombre toujours croissant d'enfants appartenant à des foyers vivant en deçà du seuil de pauvreté. Il est également préoccupé par les mauvaises conditions dans lesquelles vivent et sont logées les familles qui, ayant fui l'intérieur du pays au cours des troubles civils des années 80, vivent actuellement dans des colonies urbaines de squatters. Le nombre important, et qui ne cesse de croître, d'enfants qui vivent et/ou travaillent dans la rue est également un sujet de préoccupation.

50. Compte tenu de l'article 27 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'accroître ses efforts pour fournir une assistance et un appui matériels aux familles économiquement défavorisées et garantir le droit des enfants à un niveau de vie suffisant. Il lui recommande en outre de mettre en place des mécanismes assurant que les enfants vivant et/ou travaillant dans la rue disposent de papiers d'identité, soient nourris, vêtus et logés. L'État partie devrait en outre veiller à ce que ces enfants aient accès aux soins de santé, à des services de réadaptation des victimes de mauvais traitements physiques, de sévices sexuels et de consommation de drogues, à des services de réconciliation avec les familles et qu'ils aient également accès à l'éducation, y compris à la formation professionnelle et à une préparation à la vie active. Le Comité recommande à l'État partie de coopérer et de coordonner ses efforts à cet égard avec la société civile.


7. Éducation, loisirs et activités culturelles

Droit à l'éducation et but de l'éducation

51. Le Comité note les efforts faits par l'État partie dans le domaine de l'enseignement, notamment la création d'un programme de nutrition scolaire, la mise en place de transports scolaires dans certaines régions du pays, la mise en œuvre, en faveur des enfants économiquement désavantagés, d'un programme d'allocations pour la location de manuels et de subventions pour l'achat d'uniformes et autres matériels scolaires; la mise en place d'un programme permettant aux mères adolescentes de poursuivre leur éducation, et la décision d'organiser en décembre 2000 un congrès national sur l'éducation. Le Comité n'en demeure pas moins préoccupé par la situation en matière d'éducation, en particulier dans l'arrière-pays. Il note à cet égard que l'accès à l'éducation demeure limité, que les taux d'abandon et de redoublement demeurent élevés, que le nombre d'enseignants qualifiés en exercice est insuffisant, de même que celui des établissements scolaires et des salles de classe et que, de façon générale, les matériels didactiques font défaut. La réduction progressive au cours des deux dernières années des crédits alloués à l'éducation et l'insuffisance des efforts de l'État partie pour inclure l'utilisation des langues locales dans les programmes scolaires sont également des sujets de préoccupation pour le Comité.

52. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures voulues, notamment en dégageant les ressources financières, humaines et techniques nécessaires, pour améliorer la situation en matière d'éducation et garantir à tous les enfants le droit à l'éducation. Il lui recommande en outre de prendre toutes les mesures appropriées pour améliorer l'accès à l'éducation, en particulier des enfants vivant dans l'arrière-pays, et encourager les enseignants qualifiés à rester en exercice. Le Comité recommande par ailleurs à l'État partie de s'efforcer de prendre des mesures additionnelles pour encourager les enfants, en particulier les filles vivant dans l'arrière-pays et les garçons des communautés urbaines, à rester à l'école, spécialement pendant la durée de la scolarité obligatoire. Il l'encourage à redoubler d'efforts pour inclure l'utilisation des langues traditionnelles dans les programmes scolaires et à donner suite à son projet d'organiser un congrès national de l'éducation afin d'améliorer globalement la situation en matière d'éducation dans toutes les régions du pays; ledit congrès national est vivement encouragé à tenir compte, dans ses débats et ses recommandations à l'État partie, des principes généraux énoncés par la Convention, ainsi que de ses articles 28, 29 et 31. Le Comité recommande à l'État partie d'encourager la participation des enfants à la vie scolaire, y compris pour ce qui est des questions de discipline, et de s'employer à renforcer son système éducatif en coopérant plus étroitement avec l'UNICEF et l'UNESCO.


8. Mesures spéciales de protection

Exploitation économique

53. Compte tenu de la situation économique actuelle et du nombre croissant d'enfants qui abandonnent leurs études et qui vivent et/ou travaillent dans la rue, le Comité juge préoccupant le manque d'informations et de données suffisantes sur la situation en ce qui concerne le travail et l'exploitation économique des enfants.

54. Le Comité encourage l'État partie à mettre en place des mécanismes de surveillance de façon à faire appliquer la législation du travail et à protéger les enfants contre l'exploitation économique, notamment dans le secteur non structuré. Il lui recommande en outre d'entreprendre une étude exhaustive de la situation en ce qui concerne le travail des enfants. Il encourage l'État partie à envisager de ratifier les Conventions Nos 138 et 182 de l'OIT concernant respectivement l'âge minimum d'admission à l'emploi et l'interdiction des pires formes de travail des enfants.

Abus de drogues

55. Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de cas d'abus de drogues, d'alcool et de substances toxiques parmi les jeunes et par le nombre limité de programmes et services psychologiques, sociaux et médicaux disponibles dans ce domaine.

56. Compte tenu de l'article 33 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment d'ordre législatif, administratif, social et éducatif, pour protéger les enfants contre l'usage illicite de l'alcool, de stupéfiants et de substances psychotropes et pour empêcher que des enfants ne soient utilisés pour la production et le trafic illicites de ces substances. Il encourage l'État partie à soutenir des programmes de réadaptation à l'intention des enfants victimes de l'abus de drogues et de substances toxiques. Il l'engage à envisager de solliciter une assistance technique, notamment auprès de l'UNICEF, de l'OMS et de l'Organe international de contrôle des stupéfiants de l'ONU.

Exploitation et sévices sexuels

57. Le Comité est préoccupé par le nombre croissant d'enfants, garçons et filles, qui sont victimes d'une exploitation sexuelle à des fins commerciales, comprenant la prostitution et la pornographie. L'insuffisance des programmes de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale de ces enfants est également un motif de préoccupation.

58. Compte tenu de l'article 34 et d'autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de mener des études visant à mettre en évidence l'ampleur du problème et à mettre en œuvre des politiques et mesures appropriées, y compris en faveur de la réadaptation physique et psychologique et de la réintégration sociale des victimes.

Il lui recommande de tenir compte des recommandations formulées dans le Programme d'action adopté au Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales tenu à Stockholm en 1996.

Administration de la justice pour mineurs

59. Le Comité se déclare préoccupé par :

a) L'inefficience et l'inefficacité de l'administration de la justice pour mineurs et en particulier son incompatibilité avec les dispositions de la Convention ainsi qu'avec d'autres normes pertinentes des Nations Unies;

b) La durée de la détention provisoire;

c) La détention de mineurs dans des établissements pour adultes; les mauvaises conditions dans les centres de détention; le manque de services appropriés pour les enfants, et en particulier les filles, en situation de conflit avec la loi; le nombre limité de personnes qualifiées pour s'occuper des enfants dans ce contexte, et l'absence de mécanisme pour l'examen des plaintes émanant d'enfants dont les droits ont été violés.

60. Le Comité, tout en notant qu'une étude sur la justice pour mineurs a été menée à bien, recommande à l'État partie :

a) De prendre toutes les mesures voulues pour mettre en place un système de justice pour mineurs conforme à la Convention, en particulier à ses articles 37, 40 et 39, et à d'autres normes des Nations Unies applicables en la matière, telles que l'Ensemble de règles minima concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de leur liberté;

b) De n'envisager une mesure privative de liberté qu'en dernier ressort et pour la période la plus courte possible; d'améliorer les conditions dans les centres de détention; de protéger les droits des enfants privés de leur liberté, y compris leur droit à l'intimité, et de faire en sorte que les enfants restent en contact avec leur famille lorsqu'ils sont confrontés au système de justice pour mineurs;

c) De lancer des programmes de formation aux normes internationales applicables en la matière à l'intention de tous les professionnels concernés par le système de justice pour mineurs;

d) D'envisager de solliciter une assistance technique, notamment auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, du Centre de la prévention de la criminalité internationale, du Réseau international en matière de justice pour mineurs et de l'UNICEF, par l'intermédiaire du Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.


9. Diffusion des rapports

61. Enfin, le Comité recommande que, conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, l'État partie assure à son rapport initial et à ses réponses écrites une large diffusion auprès du public, et envisage la possibilité de publier ledit rapport, ainsi que le compte rendu des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. Le document ainsi produit devrait être largement diffusé de façon à susciter un débat et contribuer à faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi auprès des pouvoirs publics et dans la population en général, y compris les organisations non gouvernementales.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens