University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Pérou, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.8 (1993).




COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Quatrième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité des droits de l'enfant : Pérou


1. Le Comité a examiné le rapport initial du Pérou (CRC/C/3/Add.7) à ses 82ème, 83ème et 84ème séances (CRC/C/SR.82 à 84), les 23 et 24 septembre 1993, et a adopté */ les conclusions suivantes.

Introduction

2. Le Comité note avec satisfaction que le Pérou, qui a été l'un des premiers Etats à devenir partie à la Convention relative aux droits de l'enfant, a présenté son rapport initial dans les délais. Il déplore, toutefois, que les renseignements fournis dans ce rapport soient à maints égards vagues et incomplets et ne soient pas présentés conformément à ses directives. En outre, l'absence, dans ce rapport, d'information sur les facteurs et les difficultés qui font obstacle à l'application des divers droits reconnus par la Convention ne lui a pas permis de se faire une idée claire de la situation réelle dans le pays en ce qui concerne les droits des enfants.

3. Cependant, le dialogue avec la délégation de l'Etat partie a permis au Comité de mieux comprendre quelle était la situation des enfants au Pérou. Il la remercie donc pour les précieux renseignements qu'elle a apportés en complément du rapport.

Aspects positifs

4. Le Comité note avec satisfaction que l'alignement du droit interne sur la Convention a considérablement progressé au cours de la période considérée, de nouvelles lois et de nouveaux codes ayant été promulgués et un certain nombre d'institutions et de mécanismes visant à promouvoir et protéger les droits des enfants ayant été établis ou renforcés. Parmi les mesures législatives prises figurent l'adoption d'un Code relatif aux enfants et aux adolescents et l'approbation d'un Plan national d'action pour les enfants. Autres mesures bienvenues, la création d'un "Office pour la défense de l'enfant" et la possibilité pour les individus d'invoquer les dispositions de la Convention devant les tribunaux péruviens. Le Comité note également avec intérêt la décision du Gouvernement péruvien d'instituer une Semaine nationale des droits de l'enfant ainsi que des comités nationaux chargés de surveiller la situation en ce qui concerne ces droits. Ces mesures ont efficacement contribué à promouvoir la participation populaire à leur réalisation.

Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

5. Le Comité note que la violence politique et le terrorisme ont eu des conséquences néfastes considérables sur la situation des enfants au Pérou. Nombre d'entre eux ont fait l'objet de diverses formes de violations et ont été contraints de fuir les régions où ils étaient exposés à de telles violences.

6. Le Comité note en outre que des facteurs économiques, notamment une très lourde dette extérieure, ont eu des conséquences néfastes sur la situation des enfants.

Principaux sujets de préoccupation

7. Le Comité exprime la profonde préoccupation que lui inspire la violence continue qui a déjà causé des milliers de morts, de disparitions et de déplacements d'enfants et de parents. Il est nécessaire par conséquent que le Gouvernement péruvien et la société péruvienne réagissent de manière urgente pour protéger efficacement et équitablement les droits de l'enfant.

8. Le Comité est préoccupé de constater que par suite des troubles intérieurs, plusieurs centres d'enregistrement ont été détruits, ce qui a nui à la situation de milliers d'enfants, laissés souvent sans aucun papier d'identité, ce qui leur fait courir le risque d'être suspecté de participation à des activités terroristes.

9. Le Comité déplore qu'en vertu du décret-loi No 25564, les enfants âgés de 15 à 18 ans qui sont suspectés de participation à des activités terroristes ne bénéficient pas des sauvegardes et garanties qui sont normalement accordées dans le système judiciaire aux jeunes délinquants.

10. Le Comité est également préoccupé par les rigoureuses mesures budgétaires qui se traduisent par une diminution des ressources allouées aux dépenses sociales; ces mesures ont un coût social très élevé et ont été néfastes au regard des droits de l'enfant au Pérou. Les groupes vulnérables d'enfants, notamment les enfants vivant dans les régions en proie à des troubles internes, les enfants déplacés, les orphelins, les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté et les enfants placés en institutions sont particulièrement défavorisés et peuvent difficilement accéder à des services et installations appropriés en matière de santé et d'éducation; ils sont les premiers à être victimes de diverses formes d'exploitation, comme la prostitution enfantine. En outre, les besoins spécifiques des enfants n'ont pas été suffisamment pris en compte dans les considérations à long terme sur lesquelles se fondent les politiques d'ajustement structurel et, de ce fait, les dépenses ont dans de nombreux domaines fait l'objet, ces dernières années, de réductions spectaculaires au détriment des enfants. A cet égard, le Comité note avec préoccupation que le financement du Plan national d'action pour les enfants reste encore à assurer à 47 %.

11. Le Comité est également préoccupé par l'ampleur du problème de la violence à l'intérieur de la famille; par le très grand nombre d'enfants abandonnés et placés en institutions par suite de la multiplicité des problèmes familiaux; et par le fait que le Code relatif aux enfants et aux adolescents n'est pas totalement en conformité avec les dispositions correspondantes de la Convention relative aux droits de l'enfant et des conventions pertinentes de l'Organisation internationale du Travail, spécialement en ce qui concerne l'âge minimum d'admission à l'emploi.

12. Le Comité est préoccupé par la grave situation des enfants qui, à cause de la pauvreté et d'une indigence croissante ou parce qu'ils ont été abandonnés ou ont fui la violence à l'intérieur de leur famille, sont forcés de vivre et de travailler dans les rues, même à l'âge le plus tendre. Ces enfants deviennent ainsi fréquemment victimes de différentes formes d'exploitation et d'abus.

13. Le Comité note avec préoccupation l'absence dans le Plan national d'action de stratégies et objectifs visant à garantir les droits civils des enfants.

Suggestions et recommandations

14. Le Comité est conscient que, puisque le Code relatif aux enfants et aux adolescents et le Plan national d'action pour les enfants n'ont été adoptés que récemment, le temps a manqué pour les mettre en oeuvre ou pour en évaluer l'efficacité. Dans ces conditions, il décide de demander au Gouvernement péruvien de lui communiquer des renseignements sur les mesures prises en réponse aux préoccupations exprimées et aux recommandations faites dans les présentes "conclusions". Il souhaite recevoir cette information d'ici la fin de 1994.

15. Le Comité suggère que la coordination entre les divers organismes gouvernementaux et les organisations non gouvernementales qui ont un r_le à jouer dans la mise en oeuvre de la Convention et le suivi des activités correspondantes soit renforcée.

16. Le Comité recommande que des enquêtes soient ouvertes sur les cas d'exécutions extrajudiciaires, de disparitions et de torture qui se produisent dans le climat de violence interne qui règne en diverses régions du pays. Ceux qui sont accusés de tels abus doivent être jugés et, s'ils sont reconnus coupables, punis. En outre, il faudrait prendre des mesures spéciales pour protéger les enfants et éviter qu'ils ne soient victimes de telles violations des droits de l'homme et faire en sorte qu'ils bénéficient de programmes de réadaptation et de réintégration dans un environnement qui leur permette de recouvrer leur dignité et de renforcer leur confiance en eux.

17. Il faudrait aussi prendre des mesures spéciales pour veiller à ce que les enfants sans papier qui fuient les zones en proie à des troubles intérieurs soient dûment pourvus de documents d'identité.

18. Le Comité recommande également que les dispositions du décret-loi No 25564, traitant de la responsabilité des enfants suspectés de participer à des activités terroristes, soient rapportées ou amendées de telle manière que les enfants n'ayant pas atteint 18 ans jouissent pleinement des droits énoncés aux articles 37, 39 et 40 de la Convention.

19. Le Comité prie instamment le Gouvernement péruvien de prendre toutes les mesures nécessaires pour minimiser les conséquences néfastes des politiques d'ajustement structurel sur la situation des enfants. Les autorités devraient, à la lumière des articles 3 et 4 de la Convention, faire tout ce qui est en leur pouvoir en usant pleinement des moyens dont elles disposent pour garantir que des ressources suffisantes soient allouées aux enfants. Il conviendrait, à cet égard, de se préoccuper en particulier de la protection des enfants vivant dans les régions en proie à des troubles internes, des enfants déplacés, des enfants handicapés, des enfants vivant dans la pauvreté et des enfants placés en institutions. Le Comité reconnaît, sur ce point, qu'une assistance internationale sera aussi nécessaire pour pouvoir effectivement relever le défi que pose l'amélioration de la situation de ces enfants.

20. Le Comité recommande que le Code relatif aux enfants et aux adolescents soit amendé dans le sens indiqué en mai 1993 par le Ministre péruvien du travail, à la suite des observations qui avaient été faites à cet effet par le Bureau international du Travail.

21. Le Comité souligne qu'il importe que les dispositions de la Convention soient largement diffusées dans le public et, en particulier, parmi les juges, les avocats, les professeurs et les membres de toutes autres professions qui ont un r_le à jouer dans la mise en oeuvre de la Convention. La formation des responsables de l'application de la loi et du personnel des établissements pénitentiaires revêt une importance particulière à cet égard. Compte tenu de l'ampleur des troubles internes que connaît le pays, une campagne consacrée spécialement à l'éducation pour la paix, la tolérance et le respect des droits de l'homme, pourrait également être envisagée.


____________________
*/ A la 103ème séance, tenue le 8 octobre 1993.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens