COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Trente et unième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS
PARTIES
AU TITRE DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales: République de Moldova
1. Le Comité a examiné le rapport initial de la République de Moldova (CRC/C/28/Add.19) présenté le 5 février 2001 à ses 823e et 824e séances (voir CRC/C/SR.823 et 824), tenues le 27 septembre 2002, et a adopté à sa 833e séance (voir CRC/C/SR.833), tenue le 4 octobre 2002, les observations finales ci‑après.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l’État partie, qui a été établi conformément à ses directives, ainsi que des réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/RESP/MOL/1). Le Comité note aussi avec satisfaction la présence d’une délégation de haut niveau, qui a contribué à l’instauration d’un dialogue constructif et à une meilleure compréhension de la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie.
B. Aspects positifs
3. Le Comité note avec satisfaction l’adoption de la loi no 338‑XII de 1994 sur les droits de l’enfant, de la loi de 1999 sur la jeunesse et des diverses décisions du Gouvernement de la République de Moldova sur les questions relatives à l’enfance. Il note aussi avec satisfaction l’approbation en 2002 d’Orientations nationales pour la protection de l’enfance et de la famille ayant pour but d’harmoniser le cadre législatif existant.
4. Le Comité prend acte de la création en 1998 du Conseil national de la protection des droits de l’enfant qui a pour objectif de coordonner et de garantir le respect de la Convention, ainsi que de la création dans les comtés de conseils de la protection des droits de l’enfant visant à garantir le respect des droits de l’enfant au niveau local.
5. Le Comité accueille aussi favorablement la Stratégie préliminaire de réduction de la pauvreté, les décrets du Gouvernement instituant un programme de protection sociale et la modification apportée à la loi sur les enfants handicapés.
C.
Facteurs et difficultés entravant les progrès de la mise en œuvre
de la Convention
6. Le Comité reconnaît que l’État partie se heurte à de nombreuses difficultés dans la mise en œuvre de la Convention du fait des problèmes économiques et sociaux propres à la période de transition économique et politique qu’il traverse. Il note que les taux élevés de pauvreté et de migration, en particulier chez les femmes, ont de fortes répercussions sur les enfants.
7. Si, en vertu de la Convention, l’État partie est responsable de la mise en œuvre des droits de tous les enfants relevant de sa juridiction, le Comité reconnaît que la situation politique difficile qui touche à la République moldove autoproclamée du Dniestr (Transnistrie) est susceptible d’en entraver l’application aux enfants qui vivent dans cette région.
D. Principaux sujets de
préoccupation et recommandations
1. Mesures d’application
générales
Législation
8. Le Comité reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour faire en sorte que sa législation nationale soit conforme à la Convention, mais il demeure préoccupé par l’absence de stratégies et de ressources permettant d’appliquer effectivement ces lois.
9. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De mettre au point une
approche globale des questions relatives à l’enfance et de formuler une
stratégie intégrée à long terme;
b) D’assurer l’application
effective des Orientations nationales pour la protection de l’enfance et de la
famille et d’appliquer la loi de 1994 sur les droits de l’enfant et la loi de
1999 sur la jeunesse, en dégageant notamment les ressources humaines et
financières nécessaires à cette fin;
c) De créer un mécanisme
d’exécution du Plan national d’action;
d) De continuer à s’efforcer
de rendre la législation nationale relative à l’enfance compatible avec les
principes et dispositions de la Convention;
e) De continuer à solliciter
à cet égard l’assistance du Fond des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
Coordination/Plan national d’action
10. Tout en reconnaissant les efforts faits par l’État partie pour améliorer la coordination en créant le Conseil national pour la protection des droits de l’enfant, doté d’un secrétariat et de conseils répartis dans les différents comtés, le Comité se déclare préoccupé de ce que l’action coordinatrice de cet organisme ne produit que des effets limités en raison d’une fragmentation de la méthode d’application de la Convention à l’échelon ministériel. Il déplore aussi le faible niveau de coopération établi avec les organisations non gouvernementales à cet égard. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence de mécanismes d’exécution du Plan national d’action.
11. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De renforcer le rôle du
Conseil national pour la protection des droits de l’enfant afin qu’il puisse
effectivement coordonner les activités des autorités centrales et locales et
coopérer avec les organisations non gouvernementales et d’autres secteurs de la
société civile;
b) De doter le Conseil national
de ressources humaines et financières suffisantes, tant au niveau national qu’à
celui des comtés, afin qu’il puisse s’acquitter efficacement de ses fonctions.
Structures de
suivi indépendantes
12. Le Comité note l’existence d’un Centre national pour les droits de l’homme et l’information selon laquelle le Conseil national pour la protection des droits de l’enfant compte parmi ses membres un médiateur pour les enfants, mais il se demande si ces organes de contrôle sont efficaces, étant donné qu’ils n’ont pas de mandat légal précis pour connaître des plaintes du chef de violation des droits de l’enfant et qu’il n’existe pas de procédures transparentes et adaptées aux enfants pour donner suite à ces plaintes.
13. Le Comité recommande à l’État partie de
nommer, dans le cadre du Centre national pour les droits de l’homme ou
indépendamment, un médiateur ou commissaire chargé de suivre la mise en œuvre
de la Convention aux échelons national et local, conformément aux Principes
concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la
protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de
l’Assemblée générale, annexe) et en tenant pleinement compte de l’Observation
générale no 2 du Comité sur le rôle des institutions nationales
indépendantes de défense des droits de l’homme dans la promotion et la
protection des droits de l’enfant.
Ressources
consacrées aux enfants
14. Le Comité est préoccupé de ce que les crédits ouverts pour l’enfance, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, sont insuffisants et que, souvent, les crédits ouverts ne couvrent pas les besoins. Il note en outre que le processus de décentralisation commencé en 1999 est freiné par la pénurie de ressources financières et humaines.
15. Eu égard à l’article 4 de la Convention, le
Comité encourage l’État partie:
a) À appliquer effectivement
la stratégie préliminaire de réduction de la pauvreté;
b) À dégager clairement ses
priorités en ce qui concerne les questions relatives aux droits de l’enfant
pour faire en sorte que les fonds soient alloués «dans toute la limite des
ressources disponibles». Le Comité appuie pleinement l’État partie dans ses
efforts pour rechercher une coopération internationale en vue de la pleine
application des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, notamment
ceux qui appartiennent aux groupes sociaux les plus vulnérables;
c) À cerner le montant des
crédits et la proportion du budget consacrés aux enfants aux niveaux national
et local afin d’évaluer l’incidence des dépenses publiques sur la situation des
enfants.
Collecte de
données
16. Le Comité regrette que la collecte de données ne soit pas suffisamment développée et ne soit pas ventilée en fonction des domaines couverts par la Convention. Il note en outre que les données relatives à l’enfance ne sont pas utilisées comme il convient pour évaluer les progrès et comme base de l’élaboration de politiques dans le domaine des droits de l’enfant.
17. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De renforcer son mécanisme
de collecte et d’analyse de données ventilées systématiquement sur toutes les
personnes de moins de 18 ans dans tous les domaines couverts par la
Convention, en mettant particulièrement l’accent sur les groupes les plus
vulnérables, notamment les enfants de ménages économiquement défavorisés, les
enfants vivant dans les régions rurales, les enfants placés en institution, les
enfants handicapés, les enfants touchés par les conséquences de la catastrophe
de Tchernobyl, les enfants vivant en Transnistrie et les enfants ayant
besoin d’une protection spéciale, par exemple les enfants des rues;
b) D’utiliser efficacement
ces indicateurs et données en vue de formuler et d’évaluer des politiques et
programmes de mise en œuvre et de contrôle de l’application de la Convention;
c) De solliciter
l’assistance technique de l’UNICEF et du Fonds des Nations Unies pour la
population (FNUAP) à cet égard.
Diffusion et
formation
18. Le Comité, tout en reconnaissant les efforts qui ont été faits pour diffuser la Convention et former les spécialistes qui travaillent au service des enfants ou à leur contact, regrette que ces mesures n’aient pas été aussi efficaces que souhaitable.
19. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’élaborer des méthodes
plus créatives pour promouvoir la Convention, notamment par des moyens
audiovisuels, livres d’images et affiches, en particulier au niveau local et
par le biais des médias;
b) De continuer d’intensifier
ses efforts pour former suffisamment et systématiquement et/ou sensibiliser aux
droits de l’enfant les groupes de professionnels travaillant au service et au
contact d’enfants, tels que les juges, les avocats, les responsables de
l’application des lois et le personnel soignant, les enseignants, les
directeurs d’école et d’établissement d’accueil ainsi que les travailleurs
sociaux;
c) De solliciter une
assistance technique, entre autres de l’UNICEF, de l’Organisation des Nations
Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et du Haut‑Commissariat
des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).
Les ONG/la
société civile
20. Le Comité est préoccupé par l’absence de participation des organisations non gouvernementales à la mise en œuvre de la Convention et par la faible coopération qu’il constate entre les pouvoirs publics et les ONG, notamment les organisations de défense des droits de l’homme.
21. Le Comité recommande à l’État partie de
faciliter et d’appuyer l’activité des ONG nationales et internationales en
faveur de la mise en œuvre de la Convention et de resserrer les liens de
coopération avec ces organisations, en particulier celles qui défendent les
droits de l’homme.
2. Définition de l’enfant
22. Le Comité se déclare préoccupé par l’écart qu’il constate entre l’âge nubile des filles (16 ans) et l’âge nubile des garçons (18 ans).
23. Le Comité recommande à l’État partie de
réexaminer sa législation en vue de relever l’âge nubile des filles de telle
sorte qu’il soit le même que celui des garçons.
3.
Principes généraux
24. Le Comité déplore que les principes de la non‑discrimination, de l’intérêt supérieur de l’enfant, du droit à la vie, de la survie et du développement de l’enfant n’apparaissent pleinement ni dans la législation et les décisions administratives ou judiciaires de l’État partie ni dans les politiques et programmes relatifs à l’enfance, tant à l’échelon national qu’à l’échelon local.
25. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’intégrer
comme il convient les principes généraux de la Convention, à savoir les
articles 2, 3, 6 et 12, dans l’ensemble des textes de loi pertinents qui
concernent l’enfance;
b) De
les appliquer dans toutes les décisions politiques, judiciaires et
administratives ainsi que dans les projets, programmes et services qui ont une
incidence sur les enfants;
c) D’appliquer
ces principes dans la planification et l’élaboration des politiques à tous les
niveaux, ainsi que dans les mesures prises par les organismes sociaux,
sanitaires, caritatifs et éducatifs, les tribunaux et les autorités
administratives.
Non‑discrimination
26. Le Comité déplore que le principe de non‑discrimination ne soit pas pleinement appliqué en ce qui concerne les enfants placés en institution, les enfants handicapés, les enfants des rues, les enfants atteints du VIH/sida, les enfants d’origine rom ou appartenant à d’autres minorités ethniques, surtout en ce qui concerne leur accès à des établissements de soins de santé et d’enseignement adéquats.
27. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De
suivre la situation des enfants, singulièrement celle des enfants appartenant
aux groupes vulnérables susmentionnés, qui sont exposés à la discrimination;
b) D’élaborer,
sur la base des résultats de ce suivi, des stratégies globales comportant des
mesures spécifiques et bien ciblées, visant à éliminer toutes les formes de
discrimination.
28. Le Comité demande que figurent dans le
prochain rapport périodique des informations précises sur les mesures et
programmes concernant la Convention que l’État partie aura mis en œuvre pour
donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés à la Conférence
mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et
l’intolérance qui y est associée, en tenant compte également de l’Observation
générale no 1 du Comité concernant le paragraphe 1 de
l’article 29 de la Convention (buts de l’éducation).
4.
Milieu familial et protection de remplacement
Enfants privés d’un milieu familial
29. Le Comité prend note de l’élaboration d’une réforme des structures d’accueil des enfants et de la création du Groupe de travail des solutions alternatives au placement en établissement, mais il est profondément préoccupé par le grand nombre d’enfants qui sont placés dans des institutions au titre de mesure de protection sociale. Il note en outre avec préoccupation que les enfants ainsi placés sont négligés et maltraités, et que par manque de ressources, ils ne jouissent ni d’un logement et de soins convenables ni des services essentiels.
30. Eu égard à l’article 20 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) De
mener à bonne fin la réforme du système de l’assistance à l’enfance en y
consacrant les ressources humaines et financières nécessaires;
b) De
prendre des mesures efficaces pour mettre au point des mesures de substitution
au placement en établissement, par exemple le placement nourricier, les foyers
d’adoption de type familial et autres formules parallèles, et de ne placer des
enfants en établissement qu’en dernier recours;
c) À
titre de mesure préventive, d’améliorer l’aide sociale et le soutien aux
familles pour les aider à s’acquitter de leurs responsabilités en matière
d’éducation, notamment grâce à des programmes d’éducation, d’assistance
sociopsychologique et d’aide communautaire spécialement conçus pour les
parents;
d) De
prendre toutes les mesures voulues pour améliorer les conditions de vie dans
les établissements d’accueil (art. 3, par. 3 de la Convention);
e) De
prendre toutes les mesures voulues pour prévenir l’abandon affectif et la
maltraitance des enfants dans les établissements d’accueil et assurer le
soutien et la formation du personnel de ces établissements, y compris les
travailleurs sociaux;
f) D’établir
des mécanismes efficaces pour accueillir les recours formés par les enfants
placés et leur donner suite, surveiller l’observation des normes régissant
l’accueil des enfants, et, eu égard à l’article 25 de la Convention,
procéder à un examen périodique des placements;
g) D’assurer
un suivi approprié, un soutien et des services en matière de réinsertion des
enfants au sortir de l’établissement d’accueil.
Sévices et défaut
de soins
31. Le Comité note la création d’un centre national de prévention de la maltraitance d’enfants, mais il est préoccupé par l’ampleur de la violence dans la famille, l’absence de cadre législatif, l’absence de procédures normalisées d’identification, de signalement, d’enquête et de poursuites en matière d’abandon moral, de maltraitance et de sévices, l’absence d’interdiction légale des châtiments corporels à l’école, dans les établissements et au foyer, ainsi que par la rareté des services qualifiés de soutien aux victimes.
32. Eu égard à l’article 19 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) De
consacrer des études au problème de la violence familiale, de la violence faite
aux enfants, de la maltraitance et des sévices, y compris les sévices sexuels,
de façon à pouvoir évaluer l’étendue, l’ampleur et la nature de ces pratiques;
b) De
prendre toutes les mesures qui s’imposent pour mettre en place l’interdiction
légale du recours aux châtiments corporels à l’école et dans les autres
établissements ainsi qu’au foyer;
c) D’adopter
et de mettre en œuvre de façon efficace des mesures et politiques
multidisciplinaires adéquates, notamment des campagnes de sensibilisation du
public, et de contribuer à faire évoluer les mentalités;
d) De faire dûment enquête
sur les cas de violence familiale ainsi que de mauvais traitements et de
sévices subis par des enfants, y compris de sévices sexuels au sein de la
famille, dans le cadre d’une procédure d’enquête judiciaire adaptée aux enfants
afin d’assurer une meilleure protection des jeunes victimes, notamment la
protection de leur droit au respect de la vie privée;
e) De
prendre des mesures pour fournir des services de soutien aux enfants dans les
procédures judiciaires et pour assurer la réadaptation physique et
psychologique et la réinsertion sociale des victimes de viol, de sévices, de
défaut de soins, de mauvais traitements et de violence, conformément à
l’article 39 de la Convention;
f) De
tenir compte des recommandations adoptées par le Comité lors de sa journée de
débat général sur la violence contre les enfants au sein de la famille et à
l’école (voir CRC/C/111).
5.
Santé et bien‑être
Santé et services médicaux
33. Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour réorganiser les services de soins de santé maternelle et infantile et diverses activités visant à améliorer la santé des enfants, le Comité demeure préoccupé par les taux relativement élevés de mortalité juvéno‑infantile: il note en particulier qu’environ 80 % des décès d’enfants de moins de 5 ans sont dus à des causes évitables et que l’État partie présente le taux d’accidents et d’empoisonnements le plus élevé de la région. Le Comité se déclare en outre préoccupé par l’accès limité, des ménages défavorisés en particulier, aux services de soins de santé. Il note aussi la forte incidence de la tuberculose, de la consommation d’alcool et de l’abus des drogues en général ainsi que des troubles dus à la carence en iode parmi les enfants scolarisés.
34. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’appliquer
la Politique nationale de santé et de mettre en œuvre la Stratégie
de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) visant à encourager des soins
périnatals efficaces afin d’abaisser encore la mortalité maternelle, périnatale
et infantile;
b) De
définir des mécanismes de financement viables du système de soins de santé,
assurant notamment des salaires convenables aux professionnels des soins de
santé infantile, pour faire en sorte que tous les enfants, en particulier ceux qui
appartiennent aux groupes les plus vulnérables, aient accès à des soins de
santé de base de bonne qualité;
c) En
vue de protéger les enfants des blessures, d’élaborer une législation
appropriée pour protéger les enfants des accidents et des traumatismes,
d’inclure la prévention des traumatismes dans les priorités et les objectifs de
la politique nationale et de mettre au point des programmes de prévention des
traumatismes;
d) De
lutter contre la consommation d’alcool et l’abus des drogues;
e) D’ioder
le sel;
f) De
continuer à demander une assistance technique, notamment à l’OMS et à l’UNICEF.
Santé des adolescents
35. Le Comité, tout en se félicitant du Programme national de lutte contre le VIH/sida avec l’appui des organisations internationales, note avec une profonde préoccupation le nombre croissant de cas de maladies sexuellement transmissibles (MST) et de VIH/sida chez les adolescents et le grand nombre de conceptions et d’avortements chez les adolescentes. Il note en outre que les services de santé fournis ne sont pas adaptés aux besoins des adolescents, ce qui les rend moins enclins à utiliser les services de soins de santé primaires.
36. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’exécuter
efficacement le programme national d’assistance à la planification et à la
protection de l’hygiène en matière de procréation pour la période 1999‑2003
et d’intensifier ses efforts pour promouvoir des politiques visant à protéger
la santé des adolescents;
b) De
renforcer encore le programme d’éducation sanitaire dans les écoles;
c) D’entreprendre
une étude globale et multidisciplinaire pour évaluer l’ampleur et la nature des
problèmes de santé des adolescents, notamment pour mesurer les incidences
négatives des MST et du VIH/sida, et de continuer à élaborer les politiques et
programmes voulus;
d) De
prendre de nouvelles mesures, notamment l’allocation de ressources humaines et
financières suffisantes, pour évaluer l’efficacité des programmes de formation
dans le domaine de l’éducation sanitaire, en particulier en ce qui concerne
l’hygiène en matière de procréation, et de mettre en place des services
d’assistance sociopsychologique confidentiels et adaptés aux jeunes, ainsi que
des structures de soins et de réadaptation accessibles sans le consentement des
parents lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant est en jeu;
e) De demander une coopération technique, notamment au FNUAP, à l’UNICEF, à l’OMS et à l’ONUSIDA.
Enfants handicapés
37. Le Comité se déclare profondément préoccupé par le nombre croissant d’enfants handicapés et l’aide insuffisante fournie à leur famille. Il note en outre que peu d’efforts sont déployés pour faciliter l’insertion de ces enfants dans le système scolaire normal et la société, y compris les activités culturelles et de loisirs. Le Comité est également préoccupé par le vocabulaire utilisé au cours du débat sur les enfants handicapés, par exemple le terme «invalide», qui risque d’être source de préjugés, de stigmatisation et d’effets psychologiques préjudiciables.
38. Eu égard à l’article 23 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’entreprendre
des études pour déterminer les causes des handicaps dont les enfants souffrent
ainsi que les moyens de les prévenir;
b) De
prendre les mesures de suivi voulues pour bien évaluer la situation des enfants
handicapés et leurs besoins;
c) D’organiser
des campagnes de sensibilisation du public afin de favoriser une prise de
conscience accrue de la situation et des droits des enfants handicapés;
d) D’allouer
les ressources nécessaires en vue de la mise en place de programmes et de
services en faveur de tous les enfants handicapés, en particulier de ceux qui
vivent dans les zones rurales, et de renforcer les programmes axés sur la
collectivité pour que les enfants puissent vivre chez eux avec les membres de
leur famille;
e) D’aider
les parents d’enfants handicapés en leur fournissant une assistance
sociopsychologique et, si nécessaire, une aide financière;
f) Eu
égard aux Règles pour l’égalisation des chances des handicapés
(résolution 48/96 de l’Assemblée générale, annexe) et aux recommandations
adoptées par le Comité lors de la journée de débat général sur les droits des
enfants handicapés (voir CRC/C/69, par. 310 à 339), de continuer à
encourager l’intégration des enfants handicapés dans le système scolaire
ordinaire et leur insertion dans la société, notamment en dispensant une
formation spéciale aux enseignants et en rendant les établissements scolaires
et les bâtiments publics accessibles;
g) D’éviter d’employer des
termes tels que «invalide» et de s’en tenir à la terminologie acceptée au plan
international, par exemple «enfants handicapés».
Niveau de vie
39. Le Comité se félicite de l’adoption en avril 2002 de la Stratégie préliminaire de réduction de la pauvreté et des autres mesures adoptées en faveur des familles, mais il demeure préoccupé par la dégradation du niveau de vie qui touche en particulier les familles avec des enfants, l’insuffisance du système de sécurité sociale et le grand nombre de parents qui migrent pour trouver du travail.
40. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De prendre toutes les
mesures qui s’imposent pour venir en aide aux parents et aux familles,
notamment les familles monoparentales, et que celles‑ci puissent
s’acquitter de leurs responsabilités en matière d’éducation dans le cadre de la
pleine mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’enfance et la
famille;
b) D’appliquer intégralement
la Stratégie préliminaire de réduction de la pauvreté, afin notamment d’assurer
un niveau suffisant de sécurité alimentaire et de protection sociale aux
enfants vulnérables ainsi que d’améliorer et de rendre transparents les
versements d’allocations aux familles avec des enfants.
6. Éducation, loisirs et
activités culturelles
Éducation
41. Le Comité note avec préoccupation la diminution des dépenses consacrées à l’éducation, qui touche en particulier l’éducation préscolaire, notamment dans les régions rurales. Il se déclare en outre préoccupé par la baisse de qualité et d’accessibilité de l’éducation qui se traduit par une baisse du taux d’inscription à tous les niveaux du système d’éducation obligatoire et une élévation des taux d’abandon.
42. Eu égard aux articles 28 et 29 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) De mettre au point une
stratégie nationale d’éducation pour tous et un plan d’action clair, compte
tenu du Cadre d’action de Dakar;
b) De faire en sorte que les
élèves fréquentent régulièrement l’école et de réduire les taux d’abandon;
c) D’améliorer la qualité de
l’enseignement afin d’atteindre les buts visés au paragraphe 1 de
l’article 29 de la Convention, conformément à l’Observation générale no 1
du Comité (buts de l’éducation).
7. Mesures spéciales de
protection
Exploitation économique, y compris le travail des enfants
43. Le Comité se félicite de la récente ratification par l’État partie de la Convention OIT no 182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination mais demeure préoccupé par la fréquence élevée du travail des enfants dans l’État partie et par le fait que les enfants sont susceptibles de travailler pendant de longues heures à un âge tendre, ce qui a un effet préjudiciable sur leur développement et la fréquentation scolaire.
44. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De combattre et
d’éradiquer aussi efficacement que possible toutes les formes de travail
des enfants;
b) De demander l’assistance
de l’OIT en vue de participer au Programme international pour l’abolition du
travail des enfants (IPEC).
Traite et exploitation sexuelle
45. Le Comité note que certaines mesures ont été élaborées pour lutter contre la traite, mais il est néanmoins profondément préoccupé par l’ampleur considérable de la traite de filles originaires de Moldova. Il note avec préoccupation que l’on ne dispose d’aucune information précise sur l’ampleur réelle de ce phénomène et que très peu de services de réadaptation et de réinsertion sont offerts aux victimes de la traite.
46. Eu égard aux articles 32 à 36 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’entreprendre une étude
sur la question de la traite afin d’en évaluer l’ampleur et les causes,
d’élaborer et de mettre en œuvre un suivi efficace et d’autres mesures pour
l’empêcher;
b) D’adopter des mesures
législatives pour réprimer la traite et de prendre toutes les mesures
nécessaires pour renforcer le Comité national de lutte contre la traite,
d’élaborer plus avant des stratégies et activités claires, notamment en matière
de prévention, de protection et de réinsertion sociales;
c) D’inscrire
l’apprentissage de l’autonomie fonctionnelle aux programmes scolaires;
d) De concevoir et d’adopter
un plan national d’action contre l’exploitation des enfants à des fins
sexuelles et commerciales, conformément à la Déclaration et au Programme
d’action adoptés par le Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des
enfants à des fins commerciales en 1996 et 2001;
e) D’envisager de ratifier la
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée et le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui complète cette
Convention.
Enfants des rues
47. Tout en prenant acte de la modification du Code pénal concernant les enfants mendiants, le Comité note que les conséquences préjudiciables de la crise économique actuelle et la dégradation consécutive du milieu familial se sont traduites par une augmentation du nombre d’enfants des rues à Chisinau et dans d’autres villes.
48. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De prendre les mesures
voulues pour garantir que les enfants des rues obtiennent en quantité
suffisante de la nourriture, des vêtements, un logement, des soins de santé et
des possibilité d’éducation, y compris une formation professionnelle et
l’apprentissage des compétences nécessaires dans la vie quotidienne, afin de
garantir leur plein développement;
b) De faire en sorte que les
enfants des rues qui ont été victimes de violences physiques ou sexuelles ou
qui sont toxicomanes bénéficient de services de réadaptation et de
réintégration ainsi que de services de médiation pour les réconcilier avec leur
famille;
c) De réaliser une autre
étude sur les causes et l’ampleur de ce phénomène et d’établir une stratégie
globale en collaboration avec la société civile dans le but de prévenir et de
réduire ce phénomène;
d) De solliciter l’assistance
de l’UNICEF, entre autres.
Enfants appartenant à des minorités
49. Le Comité regrette qu’en dépit des programmes pilotes visant à améliorer la situation des Roms dans certaines provinces, ces derniers souffrent toujours d’une discrimination répandue qui, dans certains cas, a porté atteinte aux droits des enfants roms à l’éducation, à la santé et à l’aide sociale.
50. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De lancer des campagnes à
tous les niveaux et dans toutes les provinces pour lutter contre les
comportements négatifs à l’égard des Roms dans la société en général et parmi
les autorités et les spécialistes qui dispensent des services sanitaires,
éducatifs et d’autres services sociaux en particulier;
b) D’élaborer et d’exécuter
un plan visant à intégrer tous les enfants roms dans le système scolaire normal
et à interdire leur ségrégation dans des classes spéciales, et qui comprendrait
des programmes préscolaires permettant aux enfants roms d’apprendre la langue
principale dans laquelle l’enseignement est donné dans leur communauté;
c) D’élaborer à l’intention
de toutes les écoles des matériels pédagogiques portant notamment sur
l’histoire et la culture roms afin de promouvoir la compréhension,
la tolérance et le respect de la communauté rom dans la société moldove.
Administration de la justice pour mineurs
51. Tout en se félicitant de l’adoption du nouveau Code pénal, le Comité se déclare préoccupé de ce qu’il n’existe aucun appareil distinct de justice pour mineurs ni de personnel ou de juges spécialement formés au traitement des mineurs, et que les dispositions législatives particulières concernant les mineurs ne prévoient aucun mécanisme d’application en raison de l’absence de capacités et de compétences techniques. En outre, le Comité note qu’il n’existe aucune disposition légale limitant la durée de la détention avant jugement, que, vu leur précarité, les conditions qui règnent dans les établissements de détention pour mineurs n’offrent guère de possibilités de rééducation et que les filles sont détenues dans les mêmes quartiers que les femmes adultes.
52. Le comité recommande à
l’État partie:
a) De créer dès que possible
un système spécifique de justice pour mineurs;
b) De poursuivre l’examen des
lois et pratiques se rapportant à l’administration de la justice pour
mineurs, afin de les mettre le plus rapidement possible en conformité avec
la Convention, en particulier avec les articles 37, 40 et 39, ainsi
qu’avec les autres normes internationales applicables dans ce domaine, tels que
l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration
de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et les Principes directeurs
des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes
directeurs de Riyad);
c) De prendre des mesures
législatives pour fixer des durées courtes et limitées de détention avant
jugement, conformément aux dispositions et principes de la Convention;
d) De ne recourir à la
détention, y compris la détention avant jugement, qu’en dernier ressort,
pour la durée la plus courte possible et sans dépasser celle prescrite par
la loi, et de veiller à ce que les enfants soient toujours séparés des
adultes;
e) D’avoir recours aussi souvent
que possible à des mesures autres que toutes les formes de privation de
liberté et de renforcer le rôle et les capacités de la Commission des mineurs
au niveau de la municipalité et du district, tout en veillant à ce que ces
derniers agissent en pleine conformité avec la Convention;
f) De renforcer les mesures
de prévention, par exemple l’appui à la contribution des familles et des
collectivités, pour aider à éliminer les situations sociales qui engendrent des
problèmes tels que la délinquance, la criminalité et la toxicomanie;
g) D’intégrer dans sa
législation et sa pratique les dispositions des Règles des Nations Unies
pour la protection des mineurs privés de leur liberté en vue notamment de
garantir à ces derniers l’accès à des mécanismes efficaces d’examen des
plaintes portant sur tous les aspects de leur traitement;
h) De garantir aux filles et
garçons détenus l’accès à l’éducation;
i) Eu égard à
l’article 39, de prendre les mesures appropriées pour faciliter la
réadaptation et la réinsertion sociale des enfants qui ont eu maille à partir
avec la justice pour mineurs;
j) De demander une
assistance, notamment au HCDH, au Centre ONU de prévention de la criminalité
internationale, au Réseau international en matière de justice pour mineurs et à
l’UNICEF, par l’intermédiaire du Groupe de coordination des services
consultatifs et de l’assistance technique dans le domaine de la justice pour
mineurs.
8.
Protocoles facultatifs et acceptation de la modification
du paragraphe 2 de l’article 43 de la Convention
53. Le Comité note que l’État partie a signé mais pas encore ratifié les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’un la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie impliquant des enfants et l’autre l’implication d’enfants dans les conflits armés. Le Comité note aussi que l’État partie n’a pas encore accepté l’amendement du paragraphe 2 de l’article 43 de la Convention portant le nombre de membres du Comité de 10 à 18.
54. Le Comité recommande à l’État partie de
ratifier et d’appliquer les Protocoles facultatifs se rapportant à la
Convention relative aux droits de l’enfant et encourage l’État partie à
accepter l’amendement du paragraphe 2 de l’article 43 de la
Convention.
9.
Diffusion des rapports
55. Enfin, le Comité recommande à l’État
partie, conformément au paragraphe 6 de l’article 44 de la
Convention, d’assurer une large diffusion de son rapport initial et de ses
réponses écrites et d’envisager de publier le rapport ainsi que les comptes
rendus analytiques des séances consacrées à son examen et les observations
finales adoptées par le Comité. Le document ainsi produit devrait être
largement diffusé de façon à susciter un débat et contribuer à faire connaître
la Convention, sa mise en œuvre et son suivi aux pouvoirs publics, au Parlement
et au grand public, y compris aux organisations non gouvernementales
concernées.
10.
Périodicité de la présentation des rapports
56. Le Comité souligne que les rapports doivent
être présentés en pleine conformité avec les dispositions de l’article 44
de la Convention. Un aspect important des responsabilités incombant aux États
parties en vertu de cet instrument consiste à veiller à ce que le Comité des
droits de l’enfant puisse examiner régulièrement les progrès accomplis dans la
mise en œuvre de la Convention. Il est donc crucial que les États parties
présentent leurs rapports régulièrement et à temps. Le Comité a conscience que
certains États parties ont du mal à présenter leurs rapports dans les délais
impartis. À titre exceptionnel, et pour aider l’État partie à rattraper son
retard dans ce domaine et à se conformer à la Convention, le Comité l’invite à
présenter en un seul document ses deuxième et troisième rapports périodiques
d’ici au 24 février 2005, date fixée pour la présentation du
troisième rapport.
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