University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Mexique, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.13 (1994).



COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Cinquième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité des droits de l'enfant : Mexique




1. Le Comité a examiné le rapport initial du Mexique (CRC/C/3/Add.11) àses 106ème et 107ème séances (CRC/C/SR.106 et 107), le 11 janvier 1994, et a adopté A la 130ème séance, le 28 janvier 1994.
les conclusions suivantes :


A. Introduction

2. Le Comité note avec satisfaction que le Mexique a ratifié promptement la Convention et présenté son rapport initial dans les délais. Le Comité se félicite en particulier du caractère complet du rapport, lequel contient des informations détaillées sur le cadre juridique dans lequel la Convention est appliquée. Le Comité note, toutefois, avec regret, l'absence de renseignements sur les facteurs et les difficultés entravant la mise en oeuvre des droits consacrés dans la Convention, ainsi que l'insuffisance d'information sur les effets concrets des mesures adoptées.

3. Le Comité remercie le gouvernement d'avoir répondu par écrit aux questions figurant sur la liste des points à traiter (CRC/C.4/WP.3), liste qui avait été communiquée au gouvernement peu avant la session. De plus, grâce au complément d'information apporté par la délégation et à sa connaissance des



questions en rapport avec la Convention, un dialogue ouvert et constructif
a été possible. En outre, le Comité note en l'appréciant que des réponses à un certain nombre de questions posées lors des débats ont été envoyées par écrit au Comité peu après l'examen du rapport.

B. Aspects positifs

4. Le Comité se félicite des efforts déployés par l'Etat partie pour aligner la législation nationale sur la Convention en promulguant de nouvelles lois, en amendant la Constitution et en adoptant des mesures spécifiquement destinées à promouvoir et à protéger les droits de l'enfant. Il convient également de saluer l'adoption, à la suite du Sommet mondial pour les enfants de 1990, du programme national d'action, qui prévoit des dispositions en matière de santé, d'éducation, de services sanitaires de base et d'aide aux mineurs en situation
particulièrement difficile ainsi qu'une évaluation périodique. Le Comité accueille également avec satisfaction d'autres initiatives telles que l'adoption de la loi relative aux mineurs délinquants et l'incorporation dans la Constitution, par l'amendement de ses articles 3 et 31, du droit de chacun à l'éducation. Le Comité note aussi avec intérêt les diverses activités menées par la Commission nationale des droits de l'homme dans le domaine des droits de l'enfant ainsi que l'adoption du plan national de développement et du programme de solidarité en vue de surmonter les problèmes économiques et sociaux graves auxquels le pays fait face.

5. Le Comité note aussi avec satisfaction les grands efforts entrepris pour informer les enfants au sujet de la Convention et les encourager à participer à sa mise en oeuvre par des moyens nouveaux.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

6. Le Comité prend note des disparités existant dans le pays et de la situation économique et sociale problématique du Mexique, avec une forte dette extérieure, des ressources budgétaires insuffisantes pour les services sociaux essentiels en faveur des enfants et une répartition inégale de la richesse nationale. Ces difficultés portent gravement préjudice aux enfants, surtout ceux dans le besoin ou appartenant à des minorités ou à des communautés autochtones. Le Comité note également le degré élevé de violence qui sévit dans la société, ainsi qu'au sein de la famille, ainsi que la violence politique ayant récemment marqué les insurrections dans la région de Chiapas, qui ont considérablement aggravé la situation des enfants.

D. Principaux sujets de préoccupation

7. Le Comité est préoccupé par le fait que les lois et réglementations visant à assurer la réalisation des droits de l'enfant ne sont pas toujours compatibles avec les dispositions de la Convention. Le Comité regrette qu'il n'existe dans la législation nationale aucune disposition qui fasse référence à l'intérêt supérieur de l'enfant ou qui interdise la discrimination à l'égard des enfants. Certes, il est dit dans le rapport qu'en vertu de l'article 133 de la Constitution, cet instrument a le statut de "loi suprême de l'Union" mais le gouvernement n'en devrait pas moins faire le nécessaire pour harmoniser entièrement la législation nationale avec les dispositions de la Convention, et plus précisément de son article 4. De même, le programme

national d'action adopté en 1990 et son mécanisme d'application, fondés sur les objectifs définis au Sommet mondial pour les enfants, ne prennent pas pleinement en compte les spécificités de la Convention. Parallèlement au programme national d'action adopté en 1990 et à son mécanisme d'application qui s'inspirent des objectifs définis par le Sommet mondial pour les enfants, il faudrait donc mettre en place un mécanisme de suivi pour contrôler l'application de la Convention.

8. Dans la législation et la pratique nationales, il faudrait prendre dûment en considération la capacité de l'enfant d'exercer ses droits, comme prévu àl'article 5 de la Convention, notamment en matière de citoyenneté.

9. Le Comité est préoccupé par la répartition inégale de la richesse nationale et par les disparités et contradictions, dans l'application des droits consacrés par la Convention, entre les différentes régions du pays; cette situation porte préjudice aux enfants qui vivent en milieu rural et àceux qui appartiennent à des minorités ou à des communautés autochtones.

10. Le Comité se déclare troublé par le nombre important de cas de mauvais traitements d'enfants imputés aux forces de police ou de sécurité ou au personnel militaire et s'inquiète que des mesures effectives ne soient pas prises pour punir les personnes reconnues coupables de ces abus ou pour faire connaître les peines prononcées en fin de compte; cela pourrait donner aux gens l'impression que l'impunité règne et qu'il est donc inutile et dangereux de porter plainte devant les autorités compétentes. Le Comité est également préoccupé par les abus et les sévices dont les enfants sont souvent victimes au sein de la famille.

11. Le Comité constate avec inquiétude que dans les faits, les dispositions de la Convention et de la législation nationale relatives à l'administration de la justice pour mineurs et au traitement des jeunes délinquants ne sont pas appliquées.

12. Le Comité est alarmé aussi par le nombre élevé d'enfants qui, pour subsister, ont été contraints de vivre et/ou de travailler dans la rue. L'exploitation des enfants, en tant que travailleurs migrants est également fort préoccupante. La législation nationale et son application dans les faits ne semblent cadrer ni avec les dispositions de la Convention, ni avec celles des Conventions pertinentes de l'Organisation internationale du Travail relatives à l'emploi des mineurs.

13. Beaucoup d'enfants vivant dans des conditions difficiles, en particulier ceux qui appartiennent à des minorités ou communautés autochtones, quittent, semble-t-il, l'école avant la fin de leur scolarité primaire.

14. Le Comité est également préoccupé par le nombre élevé d'enfants mexicains qui sont adoptés à l'étranger.

E. Suggestions et recommandations

15. Le gouvernement doit faire le nécessaire, dans tous les domaines, pour assurer le respect et l'application effective des dispositions consacrées par la législation nationale en matière de droits de l'enfant. En outre, le Comité

recommande à l'Etat partie de prendre les mesures voulues pour harmoniser pleinement la législation fédérale et la législation des Etats avec les dispositions de la Convention. Les principes de l'intérêt supérieur de l'enfant et de l'interdiction de la discrimination à l'égard des enfants devraient être incorporés dans la législation nationale, et il devrait être possible de les invoquer devant les tribunaux. Il faudrait également instituer des mécanismes pertinents parallèlement à ceux qui procèdent du programme national d'action, afin de surveiller l'application de la Convention à tous les niveaux (fédéral, Etats, local). La coordination entre les divers niveaux de l'administration et avec les organisations non gouvernementales activement associées à la mise en oeuvre de la Convention et à son suivi devrait être renforcée.

16. Le Comité souligne que l'intérêt supérieur de l'enfant doit constituer le principe directeur régissant l'application de la Convention et que les autorités devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir, en usant pleinement des moyens dont elles disposent, pour garantir que des ressources suffisantes soient allouées aux enfants, en particulier ceux qui vivent et/ou travaillent dans les rues ou qui appartiennent à des minorités ou à des communautés autochtones, ainsi qu'aux autres enfants vulnérables.

17. Le Comité recommande à l'Etat partie de redoubler d'efforts pour lutter contre toutes les formes de violence qui se traduisent par des mauvais traitements infligés aux enfants, en particulier lorsque ces abus sont le fait de membres des forces de police, des services de sécurité ou de l'armée. L'Etat partie devrait veiller à ce que les cas de crimes commis contre des enfants par des membres des forces armées ou de la police soient portés devant les tribunaux civils.

18. Le Comité recommande l'adoption de mesures urgentes pour lutter contre la discrimination à l'égard des enfants appartenant aux groupes les plus vulnérables, en particulier les enfants victimes d'abus ou de violence au sein de leur famille, les enfants qui vivent et/ou qui travaillent dans les rues et ceux qui appartiennent à des communautés autochtones, y compris des mesures visant à prévenir et éliminer les attitudes discriminatoires et les préjugés en fonction, notamment, du sexe. Pour ce qui est de l'adoption, les dispositions de l'article 12 de la Convention doivent être dûment prises en compte. Quant à l'adoption à l'étranger, elle devrait être considérée au regard de l'article 21, c'est-à-dire en dernier recours.

19. Enfin, le Comité recommande que les dispositions de la Convention soient largement diffusées dans le public, en particulier auprès des enseignants, des travailleurs sociaux, des responsables de l'application des lois, du personnel des établissements de correction, des juges et des autres personnels associés à la mise en oeuvre de la Convention. Le Comité recommande en outre que, conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le rapport présenté par le gouvernement soit largement diffusé en général, y compris parmi les organisations non gouvernementales, et que soit aussi envisagée la publication du rapport, des comptes rendus analytiques pertinents et des conclusions du Comité.



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