University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Maurice, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.64 (1996).


COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Treizième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Maurice


1. Le Comité a examiné le rapport initial de Maurice (CRC/C/3/Add.36) de sa 332ème à sa 334ème séance, les 3 et 4 octobre 1996 (voir CRC/C/SR.332 à 334), et a adopté les observations finales ci-après à sa 343ème séance, le 11 octobre 1996.


A. Introduction

2. Le Comité remercie le Gouvernement mauricien de son rapport initial et des informations supplémentaires détaillées qu'il lui a fournies dans ses réponses écrites aux questions figurant dans la liste des points à traiter (CRC/C.12/WP.6). Le Comité estime encourageante la franchise qui a marqué la discussion au cours de laquelle la délégation de haut niveau de l'Etat partie a reconnu que des améliorations étaient nécessaires dans certains domaines en ce qui concerne les enfants.


B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite de l'engagement du Gouvernement mauricien exprimé verbalement et par écrit de retirer la réserve émise à l'égard de l'article 22 de la Convention.

4. Le Comité prend note de la création en 1990, en vertu d'une loi promulguée par le Parlement, du Conseil national pour l'enfance sous l'égide du Ministère des droits de la femme, du développement de l'enfant et de la protection de la famille et se félicite de la mise en place récente d'un comité interministériel sur la prostitution des enfants.

5. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts faits par le Gouvernement mauricien pour réformer la législation, notamment la promulgation en novembre 1994 de la loi sur la protection de l'enfance, en vue d'assurer l'application de la Convention.

6. Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l'Etat partie de la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (1973).

7. Le Comité se félicite de la volonté de l'Etat partie d'instituer un médiateur pour les droits de l'enfant ou un mécanisme indépendant équivalent.

8. Le Comité note aussi avec satisfaction que le Gouvernement mauricien a élaboré et mis en oeuvre le Programme national d'action pour la survie, le développement et la protection des enfants conformément aux recommandations et aux objectifs énoncés dans la Déclaration et le Plan d'action adoptés lors du Sommet mondial pour les enfants, en septembre 1990.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre
de la Convention

9. Le Comité est conscient des particularités géographiques de Maurice. Il note en outre que la population de l'Etat partie est composée principalement d'immigrants venus de plusieurs continents et ayant des origines ethniques et culturelles différentes.


D. Principaux sujets de préoccupation

10. Le Comité constate avec préoccupation que la Convention ne fait pas partie intégrante de la législation nationale et que les lois et règlements nationaux ne sont pas entièrement conformes aux principes et aux dispositions de la Convention.

11. Le Comité s'inquiète de ce qu'une attention insuffisante soit accordée aux niveaux national et local à la nécessité de mettre en place un mécanisme de surveillance capable de fournir efficacement un ensemble de données et d'indicateurs systématiques et détaillés sur tous les domaines couverts par la Convention, en particulier le travail des enfants et l'administration de la justice pour mineurs et sur tous les groupes d'enfants, notamment ceux qui sont victimes d'abus ou de mauvais traitements, ainsi que les petites filles, les enfants élevés par un parent seul, les enfants nés hors mariage, les enfants abandonnés placés dans des établissements d'accueil et les enfants handicapés et les enfants qui tentent de survivre en vivant ou en travaillant dans les rues.

12. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention, le Comité relève avec inquiétude l'insuffisance des mesures prises pour assurer la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants dans toute la mesure des ressources disponibles. Il est particulièrement préoccupé par l'insuffisance des mesures et des programmes visant à protéger les droits des enfants les plus vulnérables, en particulier dans le cas des enfants victimes d'abus, des enfants élevés par un parent seul, des enfants nés hors mariage, des enfants abandonnés, des enfants handicapés, des enfants vivant dans la pauvreté et des enfants qui tentent de survivre en vivant ou en travaillant dans les rues. Il est également préoccupé par l'absence de données détaillées sur les crédits budgétaires alloués à l'enfance.

13. L'Etat partie n'a pas encore reflété pleinement dans sa législation et dans ses politiques les principes généraux de la Convention : non-discrimination (art. 2), intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) et respect des opinions de l'enfant (art. 12).

14. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour faire largement connaître les principes et les dispositions de la Convention aux adultes comme aux enfants, conformément à l'article 42.

15. Le Comité se demande si le système d'enseignement est bien conforme aux dispositions de la Convention relatives au droit à l'éducation. A ce sujet, il est vivement préoccupé par les taux élevés d'abandons scolaires, spécialement à la fin du cycle primaire, et par le taux d'analphabétisme. Il est également préoccupé par le fait que les établissements privés ne font l'objet d'aucune supervision. Il s'inquiète en outre des difficultés que les enfants handicapés rencontrent pour accéder aux écoles primaires ordinaires.

16. Le Comité constate avec préoccupation que les dispositions du Code pénal relatives à la protection contre les violences sexuelles, qui ne prévoient aucune protection pour les garçons, ne sont pas conformes aux principes et aux dispositions de la Convention.

17. Quoique l'emploi des enfants soit régi par la loi sur le travail de 1975 qui interdit l'emploi d'enfants âgés de moins de 15 ans, le Comité note avec une vive préoccupation que le recensement de 1990 a confirmé que l'on a recours au travail d'enfants, en particulier dans l'île de Rodrigues où le travail des enfants est courant.

18. Le Comité est préoccupé par l'augmentation du nombre de cas de sévices à enfants, notamment des cas d'infanticide, de violences au sein du foyer et de prostitution d'enfants et par l'absence de mesures propres à assurer la réadaptation psychosociale des enfants victimes de telles violences.

19. Tout en prenant note avec satisfaction de la mise en place du Conseil national de l'adoption, le Comité s'inquiète de l'insuffisance des dispositions prévues pour protéger les droits des enfants dans le cas de l'adoption internationale.

20. Le Comité juge préoccupante la situation dans le domaine de l'administration de la justice pour mineurs qu'il considère en particulier comme incompatible avec les articles 37, 39 et 40 de la Convention et avec d'autres normes internationales applicables.


D. Suggestions et recommandations

21. Dans l'esprit de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne adoptés en juin 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, qui a prié instamment les Etats de retirer les réserves qu'ils avaient formulées à l'égard de la Convention relative aux droits de l'enfant, le Comité encourage l'Etat partie à prendre des mesures en vue de retirer sa réserve concernant l'article 22 de la Convention.

22. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre des mesures législatives pour s'assurer que sa législation nationale soit conforme aux dispositions de la Convention. Il l'encourage en outre à poursuivre ses efforts visant à renforcer le cadre institutionnel prévu pour promouvoir et protéger les droits fondamentaux en général et les droits de l'enfant en particulier.

23. Le Comité recommande à l'Etat partie de renforcer la coordination entre les différents organes gouvernementaux qui s'occupent des droits de l'enfant aux niveaux national et local, en vue d'élaborer une politique nationale relative à l'enfance et d'évaluer efficacement la mise en oeuvre de la Convention dans le pays.

24. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie de s'attacher en priorité à mettre au point un système de collecte de données et à définir des indicateurs précis appropriés couvrant tous les aspects de la Convention et tous les groupes d'enfants de la société mauricienne. Ces mécanismes pourront jouer un rôle crucial dans la surveillance systématique de la situation des enfants et dans l'évaluation des progrès réalisés et des difficultés empêchant la réalisation des droits de tous les enfants. Ils pourront servir à concevoir des programmes propres à améliorer la situation des enfants, en particulier celle des enfants qui appartiennent aux groupes les plus défavorisés, notamment les enfants handicapés, les enfants nés hors mariage, les enfants maltraités et soumis à des violences au sein de la famille, les enfants victimes d'exploitation sexuelle et ceux qui, pour survivre, sont contraints de vivre ou de travailler dans les rues. Le Comité suggère en outre à l'Etat partie de faire appel à la coopération internationale à cet égard.

25. Le Comité encourage l'Etat partie à envisager de mettre en place un mécanisme indépendant, tel qu'un médiateur pour les droits de l'enfant.

26. Le Comité encourage le Gouvernement mauricien à s'attacher particulièrement à mettre pleinement en oeuvre l'article 4 de la Convention et à assurer une répartition adéquate des ressources aux niveaux central et local. Des crédits budgétaires devraient être alloués pour obtenir la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans toute la mesure des ressources disponibles et compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant.

27. Le Comité recommande à l'Etat partie de lancer, à l'intention des enfants et des adultes, une campagne permanente d'information portant sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Le gouvernement devrait envisager d'inscrire des cours sur la Convention dans les programmes d'enseignement et de prendre des mesures appropriées pour faciliter l'accès des enfants aux informations qui leur sont destinées. Le Comité suggère àl'Etat partie d'élaborer un vaste programme de formation à l'intention des spécialistes concernés tels que les enseignants, les travailleurs sociaux, les médecins, les responsables de l'application des lois et les fonctionnaires des services d'immigration. Les fonctionnaires de police doivent recevoir une formation spéciale portant sur les sévices à enfants et les abandons d'enfants.

28. Le Comité encourage l'Etat partie à entreprendre une étude approfondie des incidences de la malnutrition sur le développement de l'enfant en rapport avec les abandons scolaires et le travail des enfants, et à prendre toutes les mesures appropriées pour s'attaquer à ce problème. L'Etat partie pourrait faire appel à la coopération internationale pour mener à bien cette tâche et il devrait envisager de renforcer ses liens de coopération avec l'Organisation internationale du Travail et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Le Comité recommande en outre à l'Etat partie de promouvoir et d'appuyer la création de garderies sur le lieu de travail pour permettre aux enfants des femmes qui travaillent d'avoir un développement sain.

29. Le Comité recommande à l'Etat partie de faire une étude globale sur la qualité du système d'enseignement. A la lumière de l'article 2 de la Convention, il recommande en outre à l'Etat partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre l'abandon scolaire et empêcher le travail des enfants. Des mesures devraient être prises pour prévenir une multiplication des attitudes discriminatoires ou des préjugés visant les petites filles et les enfants appartenant à des groupes minoritaires. Le Comité suggère en outre à l'Etat partie d'inscrire l'éducation sexuelle aux programmes d'enseignement. Il lui recommande d'entreprendre des études approfondies de ces questions importantes pour permettre une meilleure compréhension de ces phénomènes et faciliter l'élaboration de politiques et de programmes efficaces en vue de les combattre.

30. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie, pour protéger pleinement les droits des enfants en cours d'adoption, d'envisager de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (1993).

31. Conformément aux articles 19, 34 et 35 de la Convention, le Comité encourage l'Etat partie à prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher et combattre la maltraitance à enfants, y compris les mauvais traitements infligés au sein de la famille, les châtiments corporels, le travail des enfants et l'exploitation sexuelle d'enfants, notamment dans le cadre du tourisme sexuel. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie d'envisager de modifier le Code pénal à la lumière de la Convention. De nouvelles mesures devraient être prises en vue d'assurer la réadaptation physique et psychologique des victimes de sévices, de négligence, de mauvais traitement, de violence ou d'exploitation conformément à l'article 39 de la Convention.

32. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager d'entreprendre une réforme générale de la loi sur les jeunes délinquants dans l'esprit de la Convention, en tenant compte en particulier des articles 37, 39 et 40 et d'autres normes applicables des Nations Unies, telles que les "Règles de Beijing", les "Règles de Ryiad" et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. L'Etat partie devrait veiller particulièrement à ce que la privation de liberté soit considérée comme une mesure de dernier recours, et soit d'une durée aussi brève que possible, et il devrait protéger les droits des enfants privés de liberté, faire respecter les garanties judiciaires, assurer l'indépendance totale et l'impartialité de la justice. Des programmes de formation portant sur les normes internationales applicables devraient être organisés à l'intention de tous les spécialistes concernés par le système de justice pour mineurs. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie de modifier les dispositions de la législation pénale à l'effet de criminaliser les agissements des adultes qui ont des relations sexuelles avec des garçons de moins de 16 ans. Le Comité suggère en outre à l'Etat partie d'envisager de solliciter à cette fin les services d'assistance technique du Haut Commissaire aux droits de l'homme (Centre pour les droits de l'homme) et de la Division de la prévention du crime et de la justice pénale des Nations Unies.

33. Enfin, à la lumière du paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie de veiller à ce que son rapport initial ainsi que ses réponses écrites soient mis à la disposition du public et d'envisager de publier le rapport ainsi que les comptes rendus analytiques pertinents et les observations finales du Comité. Il faudrait que ce document soit distribué largement en vue de susciter un débat sur la Convention, son application et sa surveillance au sein du gouvernement, au Parlement, dans l'opinion et chez les organisations non gouvernementales concernées et pour mieux la faire connaître.



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