University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Mauritanie, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.159 (2001).



COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant: Mauritanie *


1. Le Comité des droits de l'enfant a examiné le rapport initial de la Mauritanie (CRC/C/8/Add.42), reçu le 18 janvier 2000, à ses 723e et 724e séances (CRC/C/SR.723 et 724) et adopté les observations finales ci-après à sa 749e séance (CRC/C/SR.749), tenue le 12 octobre 2001.

A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l'État partie, qui a été établi dans l'ensemble conformément à ses directives en la matière, et de la communication en temps opportun des réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/MAU.1). Il déplore néanmoins que le rapport ait été présenté avec près de sept ans de retard. Par ailleurs, il note avec satisfaction que l'État partie a dépêché une délégation de haut niveau, avec laquelle il a eu un dialogue franc, et que ses suggestions et recommandations ont été accueillies favorablement.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite de l'adoption récente du Code sur le statut personnel, qui contient des dispositions visant à protéger l'enfant, dont l'interdiction du mariage précoce; de la loi rendant la scolarité obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 14 ans; et du Code du travail révisé conformément aux dispositions de la Convention interdisant le travail des enfants de moins de 16 ans.

4. Le Comité prend note avec satisfaction de la création en 1992 du Secrétariat d'État à la condition féminine et du Conseil national pour l'enfance, chargé de promouvoir les droits de l'enfant et d'élaborer des mesures et programmes en faveur des enfants, et de la mise en place de tribunaux pour enfants dans tous les chefs-lieux des wilayas (régions). Il se félicite par ailleurs de la création de l'association «Initiative des maires mauritaniens défenseurs des enfants», dont l'objectif est de traiter des problèmes de l'enfance au niveau local, du Groupe parlementaire pour les enfants et du Conseil municipal des enfants.

5. Le Comité prend note avec satisfaction du cycle de conférences visant à familiariser les agents de l'administration, le corps enseignant, les personnels de la justice et la société civile avec la Convention. Il se félicite également de la signature, le 22 août 2001, du projet conjoint de coopération technique PNUD/Haut-Commissariat aux droits de l'homme, dans le cadre du programme HURIST.

6. Le Comité se réjouit de la constitution d'une commission nationale composée de représentants des ministères participant à l'application de la Convention et de représentants de la société civile, afin de coordonner l'établissement du rapport initial.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

7. Le Comité constate avec préoccupation que les problèmes économiques et sociaux auxquels l'État partie se heurte se répercutent sur la situation des enfants et entravent la pleine application de la Convention, notamment dans les zones rurales et reculées. En particulier, il constate les effets néfastes de la désertification et de la sécheresse qui, en accélérant le phénomène d'urbanisation et en provoquant un exode rural anarchique, contribuent à l'augmentation de la pauvreté et au démantèlement des structures familiales.

8. Le Comité relève en outre la pénurie de personnel qualifié, notamment dans les zones rurales et reculées, qui entrave aussi la pleine application de la Convention.


D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d'application générale


Législation

9. Le Comité note que l'État partie envisage d'adopter un certain nombre de codes, dont un nouveau code pénal et un code de procédure pénale pour les mineurs, mais il regrette que la législation interne et le droit coutumier n'intègrent pas encore complètement les dispositions et les principes de la Convention.

10. Le Comité encourage l'État partie:

a) À prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que sa législation, y compris le droit coutumier, soit pleinement conforme aux principes et dispositions de la Convention;

b) À ratifier les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

c) À ratifier la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant;

d) À solliciter une assistance technique, notamment auprès de l'UNICEF et du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

Coordination

11. Le Comité prend acte de la création du Conseil national de l'enfance chargé d'assurer la coordination entre les départements et ministères, mais il est préoccupé par l'absence de mécanisme interinstitutions efficace pour coordonner l'application de la Convention aux niveaux tant national que local. Par ailleurs, il constate avec inquiétude que la plupart des objectifs du Plan d'action national pour la période 1992-2001 n'ont pas été atteints.

12. Le Comité recommande à l'État partie:

a) De prendre toutes les dispositions nécessaires pour confier à un seul organe ou mécanisme la responsabilité principale de la coordination de l'application de la Convention aux niveaux national et local;

b) D'allouer à cet effet les ressources humaines et financières nécessaires au bon fonctionnement d'un tel dispositif;

c) Pour établir le plan d'action national pour la période 2002-2012, de prendre en considération les obstacles rencontrés dans l'application du Plan d'action national pour la période 1992-2001 et les résultats de l'évaluation à mi-parcours et de l'analyse figurant dans le rapport de fin de décennie.

Crédits budgétaires alloués

13. Le Comité constate avec préoccupation que les crédits budgétaires consacrés aux enfants ne suffisent pas pour répondre aux priorités nationales et locales relatives à la protection et à la promotion des droits de l'enfant et éliminer les disparités entre les zones rurales et urbaines en matière de services destinés aux enfants.

14. À la lumière de l'article 4 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) De redoubler d'efforts pour réduire la pauvreté et en atténuer les effets sur les enfants;

b) De définir clairement ses priorités concernant les questions relatives aux droits de l'enfant, afin que des fonds soient consacrés «dans toutes les limites des fonds dont il dispose» à l'application des droits énoncés dans la Convention, y compris les droits économiques, sociaux et culturels de l'enfant, notamment au niveau local et en ce qui concerne les enfants appartenant aux groupes sociaux les plus vulnérables;

c) De faire le nécessaire pour savoir exactement le montant et la proportion des crédits budgétaires consacrés aux enfants aux niveaux national et local, y compris les ressources des programmes d'assistance internationaux, en vue d'évaluer correctement l'impact de ces crédits sur la situation de l'enfant.

Surveillance

15. Le Comité est préoccupé par l'absence de mécanisme indépendant – médiateur ou commission de protection de l'enfance – chargé de suivre le respect des droits de l'enfant et de recevoir et traiter les plaintes déposées personnellement par les enfants pour violation des droits que la Convention leur confère. Il note qu'un débat est en cours sur la mise en place d'un tel mécanisme.

16. Le Comité encourage l'État partie à poursuivre ses efforts en vue de mettre au point et de créer un mécanisme indépendant et efficace, doté de ressources humaines et financières suffisantes, aisément accessible aux enfants, et conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme (résolution 48/134 de l'Assemblée générale), pour:

a) Suivre l'application de la Convention;

b) Donner suite diligemment aux plaintes émanant d'enfants et en étant à leur écoute;

c) Instituer des recours en cas de violations des droits de l'enfant énoncés dans la Convention.

À ce propos, le Comité recommande aussi à l'État partie d'envisager de solliciter une assistance technique auprès, notamment, de l'UNICEF et du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

Collecte de données

17. Le Comité regrette l'absence de données et d'indicateurs désagrégés pour tous les domaines visés par la Convention et tous les groupes d'enfants, qui permettraient d'évaluer et de suivre les progrès réalisés et d'apprécier l'effet des mesures adoptées en faveur de l'enfance.

18. Le Comité recommande à l'État partie:

a) De mettre au point un système de collecte de données et d'établissement d'indicateurs – conforme à la Convention – désagrégés par sexe, âge, minorité et groupe ethnique et zone rurale et urbaine. Ce système devrait englober tous les enfants de moins de 18 ans, une attention particulière étant accordée aux groupes les plus vulnérables, dont les enfants victimes de violences, privés de soins et maltraités; les enfants handicapés, les enfants appartenant à des groupes ethniques, les enfants réfugiés et demandeurs d'asile; les enfants en situation de conflit avec la loi; les enfants qui travaillent; et les enfants qui vivent dans la rue et dans les zones rurales;

b) D'utiliser ces indicateurs et données pour formuler et évaluer des mesures et des programmes visant à assurer l'application effective de la Convention.

Diffusion et formation

19. Le Comité note que l'État partie a déployé un certain nombre d'efforts pour diffuser la Convention, mais il déplore que ces initiatives visent uniquement des groupes très spécifiques et non l'ensemble de la population. Par ailleurs, il constate avec préoccupation que la Convention n'est pas disponible dans les langues nationales utilisées en Mauritanie.

20. Le Comité recommande à l'État partie:

a) De traduire les matériels d'information dans les langues nationales, comme le poular, le soninké et le wolof, et d'en assurer une large diffusion;

b) De mettre au point des méthodes novatrices pour promouvoir la Convention, y compris des moyens audiovisuels tels qu'ouvrages illustrés et affiches, en particulier au niveau local;

c) D'assurer une formation appropriée et systématique aux groupes professionnels qui travaillent avec et pour les enfants (juges, avocats, agents des forces de l'ordre, enseignants, directeurs d'établissement scolaire et personnel de santé, notamment) et/ou de les sensibiliser aux droits de l'enfant;

d) D'intégrer pleinement la Convention dans tous les programmes d'éducation;

e) De solliciter une assistance technique auprès, notamment, de l'UNICEF, de l'UNESCO et du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.


2. Définition de l'enfant

21. Le Comité note que le Code sur le statut personnel qui vient d'être adopté fixe l'âge minimum du mariage à 18 ans, mais il s'inquiète de la disparité entre l'âge minimum d'admission à l'emploi (16 ans) et l'âge de la fin de la scolarité obligatoire (14 ans).

22. Eu égard aux articles 1er et 2 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de veiller à ce que l'âge minimum du mariage soit effectivement respecté dans la pratique et à ce que la population en soit informée, afin de mettre fin à la pratique du mariage précoce des filles. Il lui recommande également de redéfinir l'âge minimum de la fin de la scolarité obligatoire pour qu'il y ait correspondance avec celui de l'admission à l'emploi.


3. Principes généraux

Principes généraux

23. Le Comité regrette que les principes concernant la non-discrimination (art. 2 de la Convention), l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3), le droit à la vie et l'obligation d'assurer dans toute la mesure possible la survie et le développement de l'enfant (art. 6) et le respect des opinions de l'enfant (art. 12) ne sont pas intégralement pris en considération dans la législation et les décisions administratives et judiciaires, non plus que dans les politiques et les pratiques concernant les enfants aux niveaux tant national que local.

24. Le Comité recommande que les principes généraux de la Convention, en particulier les dispositions des articles 2, 3, 6 et 12:

a) Soient dûment intégrés dans tous les textes législatifs pertinents se rapportant aux enfants;

b) Soient appliqués dans toutes les décisions politiques, judiciaires et administratives, ainsi que dans la mise en œuvre des projets, des programmes et des services ayant une incidence sur la situation de tous les enfants;

c) Guident la planification et la définition des politiques à tous les niveaux, ainsi que les décisions prises par les organismes d'aide sociale et de santé, les tribunaux et les administrations.

Non-discrimination

25. Le Comité déplore la persistance de la discrimination dans l'État partie. En particulier, il est préoccupé par les cas de discrimination touchant les enfants appartenant à des minorités, les enfants handicapés et, du point de vue culturel, les fillettes. Par ailleurs, il considère préoccupant que les enfants appartenant à certains groupes vulnérables – enfants des zones rurales, enfants réfugiés, enfants des familles pauvres, enfants travaillant dans les rues et enfants nés hors mariage – ne puissent jouir de leurs droits dans des conditions d'égalité.

26. Eu égard à l'article 2 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) De mener une action concertée à tous les niveaux pour combattre la discrimination fondée notamment sur le sexe, l'origine nationale, ethnique ou sociale ou le handicap, en réexaminant et en réorientant les politiques, en particulier en augmentant le montant des crédits budgétaires alloués aux programmes destinés aux groupes les plus vulnérables;

b) De veiller à l'application effective des lois, d'entreprendre des études et d'organiser des campagnes générales de sensibilisation pour prévenir et combattre toutes les formes de discrimination;

c) D'inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures et programmes concernant la Convention relative aux droits de l'enfant qu'il aura mis en œuvre pour donner suite à la Déclaration et au Programme d'action adoptés à la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, en tenant compte également de l'Observation générale no 1 du Comité (sur les buts de l'éducation) concernant le paragraphe 1 de l'article 29 de la Convention.


4. Droits et libertés civils

Enregistrement des naissances

27. Le Comité prend note de la loi no 96/020 du 19 juin 1996 concernant l'obligation d'enregistrer toutes les naissances, et de la création d'un secrétariat d'État chargé de l'état civil, mais il reste préoccupé par les difficultés qui continuent d'entraver l'enregistrement des naissances et l'organisation et la tenue des registres d'état civil, dans les zones rurales en particulier.

28. À la lumière de l'article 7 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) De continuer à sensibiliser la population, notamment en organisant des campagnes d'information, à l'importance de l'enregistrement immédiat des naissances;

b) D'améliorer les procédures et le système d'enregistrement afin de toucher toutes les familles, en particulier dans les zones rurales et reculées, et de faciliter l'enregistrement des naissances.

Châtiments corporels

29. Le Comité déplore que la pratique des châtiments corporels soit répandue dans les familles. Il constate en outre qu'elle n'est pas expressément interdite dans les écoles et les institutions.

30. Eu égard aux articles 3, 19 et 28 (par. 2) de la Convention, le Comité encourage l'État partie:

a) À élaborer des mesures pour faire prendre conscience à la population des effets préjudiciables des châtiments corporels et à s'employer à promouvoir l'application d'autres formes de discipline, qui respectent la dignité de l'enfant et soient conformes à l'esprit de la Convention;

b) À interdire expressément les châtiments corporels dans la famille, à l'école et dans les autres institutions.


5. Milieu familial et protection de remplacement

Assistance aux familles défavorisées

31. Le Comité note avec préoccupation le nombre élevé de ménages dirigés par des femmes, en particulier dans la capitale, qui sont particulièrement vulnérables face à la pauvreté.

32. Eu égard à l'article 18 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'aider les femmes chefs de famille à s'acquitter de la responsabilité qui leur incombe d'élever leurs enfants, en ce qui concerne en particulier l'accès à la santé et à l'éducation, et de renforcer son programme de microcrédits.

Maltraitance et privation de soins

33. Le Comité constate avec préoccupation que les enfants maltraités et privés de soins par leur famille ne disposent d'aucun recours.

34. Eu égard à l'article 19 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) De mettre en place des procédures et mécanismes efficaces pour recevoir et suivre les plaintes faisant état de maltraitance et de défaut de soins et procéder à des enquêtes, en intervenant le cas échéant;

b) D'engager des poursuites pour mauvais traitement, en veillant à ce que l'enfant ne soit pas pénalisé par la procédure judiciaire;

c) De former les enseignants, les responsables de l'application des lois, le personnel chargé de la protection de l'enfance, les juges et les professionnels de la santé, afin qu'ils puissent déceler, signaler et prendre en charge les cas de maltraitance;

d) De prendre les mesures de placement qui conviennent, quand cela est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Recouvrement de la pension alimentaire de l'enfant

35. Le Comité déplore que la législation relative à la pension alimentaire ne soit pas appliquée, essentiellement par ignorance générale de la loi ou pour des raisons psychologiques, comme la fierté ou la honte.

36. Eu égard à l'article 27 (par. 4) de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) De diffuser largement, notamment auprès des femmes analphabètes, les dispositions du droit interne qui concernent l'obligation alimentaire;

b) De faire en sorte que les membres des catégories professionnelles concernées reçoivent une formation appropriée et que les tribunaux se montrent plus rigoureux quant au recouvrement de la pension due par les parents solvables qui refusent de payer.


6. Santé et bien-être

Santé et services de santé

37. Le Comité est préoccupé par la situation déplorable en matière de santé maternelle, infantile et génésique et par l'accès limité de la population aux soins de santé. En particulier, il constate l'absence de personnel médical et paramédical qualifié et la pénurie de médicaments et d'équipements dans les zones rurales. Il note également que les taux de mortalité infantile, juvénile et maternelle, ainsi que les taux d'avortement et de malnutrition, sont particulièrement élevés dans les zones rurales et dans les zones urbaines pauvres. Il prend note en outre des faibles taux de vaccination et de la recrudescence de la tuberculose.

38. Eu égard à l'article 24 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) D'allouer des ressources suffisantes et d'élaborer des mesures et programmes exhaustifs visant à améliorer la situation sanitaire de tous les enfants, sans discrimination aucune, notamment en privilégiant les soins de santé primaires et en décentralisant encore le système de santé;

b) De réduire la mortalité et la morbidité infantiles, en assurant des services de soins de santé prénatale et postnatale;

c) D'organiser des campagnes d'information afin de donner aux parents des notions de base sur la santé et l'alimentation de l'enfant, les avantages de l'allaitement au sein, l'hygiène et la salubrité de l'environnement;

d) De rechercher une coopération internationale pour appliquer intégralement et rationnellement le programme de vaccination.

Enfants handicapés

39. Le Comité note que l'État partie a élaboré une stratégie de réadaptation communautaire pour favoriser l'intégration et l'épanouissement des enfants handicapés, mais il demeure préoccupé par le nombre considérable d'enfants placés dans des institutions, la pénurie généralisée de ressources et de personnel spécialisé et l'absence d'appui aux familles.

40. À la lumière de l'article 23 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) De prendre des dispositions pour suivre de façon appropriée la situation des enfants handicapés, afin d'en avoir une idée précise et d'évaluer efficacement les besoins;

b) D'allouer les ressources nécessaires aux programmes et structures destinés à tous les enfants handicapés, notamment à ceux qui vivent dans les zones rurales, et de renforcer les programmes communautaires, pour que les enfants puissent continuer à vivre avec leur famille;

c) D'apporter un appui professionnel et financier aux familles;

d) Eu égard aux Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l'Assemblée générale) et aux recommandations adoptées par le Comité pendant sa journée de débat général sur les droits des enfants handicapés (voir CRC/C/69), de favoriser l'insertion des enfants handicapés dans la société et dans le système d'éducation traditionnel, y compris en donnant une formation spécialisée aux enseignants et en rendant les écoles plus accessibles;

e) De solliciter une assistance technique auprès, notamment, de l'OMS et de l'UNICEF.

Santé des adolescents

41. Le Comité est préoccupé par les taux élevés de grossesse précoce, l'augmentation du nombre d'enfants et d'adolescents qui fument et qui se droguent et le nombre croissant de cas d'infection par le VIH/sida chez les jeunes. Par ailleurs, il note l'insuffisance des programmes et services spécialisés dans la santé des adolescents, y compris la santé mentale, en particulier des programmes de soins et de réadaptation des toxicomanes. Il constate en outre l'insuffisance des programmes scolaires de prévention et d'information, en matière de santé génésique notamment.

42. Le Comité recommande à l'État partie:

a) D'effectuer une étude exhaustive et pluridisciplinaire pour évaluer l'ampleur des problèmes de santé concernant les adolescents, y compris les incidences de l'infection par le VIH/sida, afin de définir des mesures et programmes appropriés;

b) De redoubler d'efforts pour promouvoir les mesures concernant la santé des adolescents, y compris la santé mentale, notamment en matière de santé génésique et de désintoxication, et de renforcer le programme d'éducation sanitaire à l'école;

c) De prendre des dispositions, dont l'allocation des ressources humaines et financières nécessaires, pour évaluer l'efficacité des programmes de formation en matière d'éducation sanitaire, pour ce qui est en particulier de la santé génésique;

d) De mettre en place des services de consultation, de soins et de réadaptation adaptés aux besoins des jeunes, auxquels ces derniers auraient accès sans avoir besoin du consentement de leurs parents, quand cela est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Pratiques traditionnelles préjudiciables

43. Tout en prenant acte des mesures prises par l'État partie pour combattre les pratiques traditionnelles de l'excision et du gavage, le Comité en déplore la persistance, en particulier dans les zones rurales.

44. Eu égard à l'article 24 (par. 3) de la Convention, le Comité engage l'État partie:

a) À interdire les pratiques de l'excision et du gavage et à prendre des mesures pour les éliminer;

b) À sensibiliser la population aux effets préjudiciables de ces pratiques;

c) À solliciter l'assistance de l'UNICEF et de l'OMS à cet égard;

d) À s'inspirer des efforts déployés dans ce domaine par d'autres États de la région.


7. Éducation, loisirs et activités culturelles

Éducation et loisirs

45. Le Comité prend acte de l'augmentation du nombre d'établissements scolaires et de salles de classe, mais il regrette que la proportion d'enfants scolarisés atteigne à peine 60 % et qu'il y ait d'importantes disparités entre les sexes et entre les régions dans ce domaine. Il note également avec préoccupation les taux élevés d'abandon scolaire et de redoublement; l'inadaptation des programmes scolaires; le nombre élevé d'élèves par enseignant, en particulier à Nouakchott, la capitale; le faible taux de scolarisation dans l'enseignement secondaire; l'insuffisance des équipements scolaires; et le faible nombre d'enfants bénéficiant d'une éducation préscolaire. En outre, le Comité est préoccupé par l'absence de terrains de jeu et d'équipements récréatifs pour les enfants, notamment dans les zones rurales.

46. Eu égard aux articles 28 et 29 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) D'appliquer la loi rendant l'éducation de base obligatoire pour tous les enfants de 6 à 14 ans;

b) De prendre les mesures voulues pour garantir que les enfants fréquentent régulièrement l'école et réduire les taux d'abandon scolaire, notamment chez les fillettes;

c) De poursuivre ses efforts pour développer l'enseignement préscolaire;

d) De prendre de nouvelles mesures pour que les enfants accèdent à l'enseignement secondaire;

e) D'améliorer la qualité de l'enseignement;

f) D'axer l'éducation sur les objectifs énoncés au paragraphe 1er de l'article 29 de la Convention et dans l'Observation générale du Comité sur les buts de l'éducation, en particulier en intégrant l'éducation relative aux droits de l'homme, et de l'enfant en particulier, dans tous les programmes d'enseignement, quel qu'en soit le niveau, y compris dans la formation des maîtres;

g) Eu égard à l'article 31 de la Convention, de s'employer à garantir le droit de l'enfant au repos et aux loisirs et celui de se livrer au jeu et à des activités récréatives, notamment en sensibilisant les parents à l'importance de ces activités pour l'épanouissement de l'enfant et en créant les structures appropriées, en particulier dans les zones rurales.


8. Mesures spéciales de protection

Enfants réfugiés

47. Le Comité constate avec préoccupation que l'État partie ne délivre pas de pièces d'identité aux réfugiés et à leurs enfants et que les droits des enfants réfugiés ne sont pas expressément protégés par la loi, quand bien même la Mauritanie a signé la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et adhéré au Protocole de 1967. Il constate également qu'aucune loi ou pratique ne garantit le droit à la réunification familiale.

48. Eu égard à l'article 22 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) D'incorporer dans sa législation les dispositions de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967;

b) De délivrer aux réfugiés les pièces d'identité officielles nécessaires pour qu'ils puissent se déplacer et faire valoir d'autres droits fondamentaux;

c) D'adopter des lois, des mesures et des programmes garantissant la réunification des familles chaque fois que cela est possible.

Exploitation économique

49. Le Comité est préoccupé par le nombre élevé d'enfants qui travaillent, notamment dans l'agriculture, le secteur non structuré et la rue, y compris les talibés qui sont exploités par leur maître. Il prend acte des efforts engagés par l'État partie pour mettre fin aux cas de traite d'enfants vers les pays arabes, mais il reste préoccupé par le fait que, souvent, les fillettes qui travaillent comme domestiques ne sont pas rémunérées, ou le sont insuffisamment, et par les cas de servitude forcée signalés dans certaines régions reculées.

50. À la lumière de l'article 32 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie:

a) De continuer à prendre des mesures pour prévenir et combattre toutes les formes d'exploitation économique des enfants;

b) De mener à bien le processus de ratification des Conventions de l'OIT no 138, concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, et no 182, concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, et de veiller à leur application;

c) De solliciter à cet égard l'assistance de l'OIT, dans le cadre de son Programme international pour l'abolition du travail des enfants.

Justice pour mineurs

51. Tout en notant que l'État partie élabore actuellement un nouveau code pénal et un code de procédure pénale applicable aux délinquants juvéniles, le Comité est préoccupé par le fait qu'un traitement uniforme est appliqué à tous les délinquants, adultes et jeunes, et par le montant insuffisant du budget alloué à la justice pour mineurs. Il note également que les juges ne sont pas informés des mesures de remplacement permettant d'éviter la détention et que les programmes de déjudiciarisation et autres procédures visant à soustraire l'enfant aux procédures pénales ne sont guère appliqués aux délinquants juvéniles. Se félicitant de la création à Nouakchott du Centre de Beyla pour la réadaptation et la réinsertion des enfants en conflit avec la loi, il demeure toutefois préoccupé par les taux élevés de récidive et note en outre qu'à l'intérieur du pays les enfants sont souvent détenus avec les adultes et soumis à des mauvais traitements.

52. Le Comité recommande à l'État partie:

a) De prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer l'adoption rapide d'un nouveau code pénal et d'un code de procédure pénale s'appliquant particulièrement aux délinquants juvéniles, c'est-à-dire aux personnes de moins de 18 ans, et d'allouer les ressources humaines et financières nécessaires à leur application;

b) De prendre des mesures supplémentaires pour réformer le système de la justice pour mineurs dans l'esprit de la Convention, compte tenu en particulier des articles 37, 40 et 39, ainsi que d'autres normes des Nations Unies applicables dans ce domaine, telles que l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté;

c) De n'envisager la privation de liberté que comme mesure de dernier ressort et pour la durée la plus courte possible; de protéger les droits des enfants privés de liberté, y compris en ce qui concerne les conditions de détention; et de veiller à ce que les enfants soient séparés des adultes et restent en contact avec les membres de leur famille lorsqu'ils sont pris en charge par le système de justice pour mineurs;

d) De recourir à d'autres mesures que la détention avant jugement et autres formes de privation de liberté chaque fois que cela est possible;

e) De mettre en place des programmes de formation concernant les normes internationales pertinentes à l'intention des professionnels qui exercent des fonctions dans le système de la justice pour mineurs;

f) De faire tout ce qui est en son pouvoir pour instituer un programme de réadaptation et de réinsertion des mineurs après la procédure judiciaire;

g) De solliciter une assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs et de la formation des membres de la police, notamment auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, du Centre de prévention de la criminalité internationale, du Réseau international en matière de justice pour mineurs et de l'UNICEF, par l'intermédiaire du Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.

Protocoles facultatifs

55. Le Comité encourage l'État partie à ratifier les Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant, d'une part, la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et d'autre part l'implication d'enfants dans les conflits armés.


9. Diffusion de la documentation

56. Enfin, compte tenu du paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de diffuser largement auprès du grand public son rapport initial et ses réponses écrites et d'envisager de faire publier ledit rapport et les observations finales du Comité, avec les comptes rendus analytiques pertinents. Ce document devrait faire l'objet d'une large diffusion afin de susciter le débat et de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi aux pouvoirs publics et au grand public, y compris les organisations non gouvernementales et les enfants.


________________

*/ Veuillez trouver ci-après un rectificatif à ce document :

- CRC/C/15/Add.159/Corr.1, paru le 8 janvier 2002


Paragraphe 49, dernière ligne

Pour servitude forcée, lire servitude involontaire.



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