University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Mali, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.113 (1999).



COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT


Vingt-deuxième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant


MALI

1. Le Comité a examiné le rapport initial du Mali (CRC/C/3/Add.53) à ses 570ème à 572ème séances (CRC/C/SR.570 à 572), tenues les 28 et 29 septembre 1999. Il a adopté les observations finales ci-après, à sa 586ème séance, tenue le 8 octobre 1999.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l'État partie, qui a été établi conformément aux directives fixées et qui contient des données statistiques de fond sur la situation des enfants. Il prend note des réponses fournies par écrit à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/MALI/1). Il est encouragé par le dialogue constructif, ouvert et franc qu'il a mené avec l'État partie et se félicite des réactions positives aux suggestions et recommandations faites au cours du débat. Il note que la présence d'une délégation de haut niveau dont les membres sont directement concernés par la mise en oeuvre de la Convention a permis de faire une évaluation plus complète de la situation des droits de l'enfant dans l'État partie.


B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite de la mise en oeuvre du Plan d'action national pour la survie, le développement et la protection de l'enfant (1992-2000). À cet égard, il se félicite également de l'établissement de la Commission interministérielle pour la mise en oeuvre du Plan d'action, qui est notamment chargée de veiller au suivi de l'exécution des activités au titre du plan et de favoriser la concertation entre les bailleurs de fonds et les services techniques responsables. Le Comité se félicite en outre de la création d'un Ministère de la promotion de la femme, de l'enfant et de la famille, qui facilite notamment les activités de la Commission, en particulier en ce qui concerne la coordination des programmes.

4. Le Comité note que la Convention a été traduite en bamanan et en soninké, les langues qui sont les plus parlées dans l'État partie, et a été diffusée sous la forme d'affiches, de manuels, de dépliants, de brochures et de bandes dessinées. Le Comité se félicite de l'utilisation par l'État partie de chansons populaires traditionnelles, de sketches et de pièces de théâtre pour promouvoir les principes de la Convention. Il se félicite également de l'introduction d'un programme de formation sur la Convention qui a permis jusqu'à présent d'établir un manuel destiné aux instructeurs, d'assurer la formation de 18 instructeurs et de constituer des équipes régionales et nationales d'instructeurs. Il a aussi pris note des efforts accomplis pour faire connaître la Convention aux fonctionnaires travaillant avec et pour les enfants et sensibiliser les médias aux droits de l'enfant. Le Comité se félicite que la Convention ait été inscrite au programme de l'institut de formation pédagogique et aux programmes éducation civique et morale de l'école primaire.

5. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l'État partie en vue d'encourager une plus large participation des enfants et promouvoir le respect de leurs opinions. Il se félicite en particulier de l'organisation du Parlement annuel des enfants et du "Forum public" qui donnent aux enfants la possibilité d'exprimer leurs opinions au sujet des droits de l'homme et d'autres questions qui les préoccupent, y compris le Plan d'action national pour la survie, le développement et la protection de l'enfant, et de participer à ces activités. Le Comité note avec satisfaction que le Parlement des enfants comprend des enfants handicapés. Le Comité note aussi avec satisfaction que les conseils de discipline des écoles comprennent aussi des enfants.

6. Le Comité se félicite des initiatives prises par l'État partie dans le milieu scolaire. À cet égard, il accueille avec satisfaction l'élaboration et la mise en oeuvre récemment du "Programme décennal pour le développement de l'éducation" (PRODEC) qui a notamment pour but d'établir la parité entre les garçons et les filles sur le plan du recrutement et de l'inscription dans les établissements d'enseignement, d'étendre l'utilisation des langues nationales dans l'éducation et d'améliorer la qualité générale de l'enseignement. Le Comité se félicite des initiatives prises récemment pour favoriser l'inscription des filles à tous les niveaux du système éducatif. En particulier, il prend note de la constitution d'une unité spéciale chargée de la promotion de l'éducation des filles au sein du Ministère de l'éducation de base et de la mise en oeuvre d'une politique visant à permettre aux écolières enceintes de poursuivre leurs études. Le Comité prend note en outre des efforts déployés pour établir ou remettre en service des cantines scolaires dans les communautés défavorisées sur le plan économique. Le Comité se félicite des efforts faits récemment pour améliorer les infrastructures par la construction de nouvelles écoles et de classes supplémentaires et la rénovation de celles qui existent déjà.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

7. Le Comité reconnaît que les difficultés économiques et sociales rencontrées par l'État partie ont eu une incidence négative sur la situation des enfants et ont entravé la pleine mise en oeuvre de la Convention. Il note en particulier les effets du programme d'ajustement structurel et du niveau croissant de ch_mage et de pauvreté. Il note en outre que l'insuffisance des ressources humaines spécialisées disponibles nuit également à la pleine mise en oeuvre de la Convention.


D. Sujets de préoccupation et recommandations du Comité

D.1 Mesures d'application générales

8. Le Comité prend note de l'engagement pris par la délégation d'encourager l'État partie à retirer sa réserve concernant l'article 16 de la Convention et recommande que toutes les mesures nécessaires soient adoptées pour faciliter ce processus dans les plus brefs délais, à la lumière de la Déclaration et Programme d'action de Vienne (1993).

9. Le Comité note qu'une étude a été entreprise pour déterminer les discordances entre la législation interne et la Convention. Le Comité note aussi qu'un Code de bien-être et de protection de l'enfant a été élaboré et incorporé au Code de protection sociale générale qui est actuellement examiné par le Ministère de la promotion de la femme, de l'enfant et de la famille en vue de son adoption finale par l'Assemblée nationale. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que la législation nationale, et en particulier le droit coutumier, n'est pas encore pleinement conforme aux principes et aux dispositions de la Convention. Le Comité encourage l'État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à l'adoption rapide du projet de code de protection sociale générale et de faire en sorte que sa législation interne soit pleinement conforme aux principes et aux dispositions de la Convention.

10. Le Comité prend note de la constitution de la Commission interministérielle pour la mise en oeuvre du Plan d'action national pour la survie, le développement et la protection de l'enfant, mais il constate avec préoccupation que des ressources insuffisantes ont été allouées pour permettre à la Commission de coordonner efficacement la mise en oeuvre des programmes en faveur des enfants. Le Comité constate aussi avec préoccupation qu'une grande partie des travaux de la Commission est centralisée dans les capitales régionales et dans le district de Bamako, et que très peu d'activités sont accomplies au niveau communautaire. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que des ressources humaines et financières suffisantes soient allouées pour faciliter la coordination et la mise en oeuvre du Plan d'action national, ainsi que la Convention, et pour que des programmes soient établis dans les zones rurales au niveau communautaire.

11. Le Comité note aussi avec préoccupation l'absence d'un mécanisme indépendant d'enregistrement et de traitement des plaintes des enfants concernant des violations des droits qui leur sont reconnus par la Convention. Le Comité suggère de mettre en place un mécanisme indépendant en faveur des enfants auquel ils pourraient recourir pour qu'il examine leurs plaintes concernant les violations de leurs droits et leur offre des voies de recours pour répondre à de telles violations. Le Comité suggère en outre que l'État partie lance une campagne de sensibilisation pour faciliter l'utilisation efficace par les enfants d'un tel mécanisme.

12. Le Comité note avec préoccupation que le système actuel de collecte de données ne permet pas de rassembler de façon systématique et globale des données quantitatives et qualitatives désagrégées dans tous les domaines visés par la Convention et concernant tous les groupes d'enfants, dans le but de suivre et d'évaluer les progrès accomplis et de mesurer l'impact des politiques adoptées concernant les enfants. Le Comité recommande que le système de rassemblement des données soit révisé afin qu'il porte sur tous les domaines visés par la Convention. Ce système devrait porter sur tous les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, une attention spéciale devant être accordée aux enfants particulièrement vulnérables, notamment les filles, les enfants handicapés, les enfants travailleurs, en particulier les enfants employés comme domestiques, les élèves "garibus", les enfants vivant dans des zones rurales isolées, les mariées impubères, les enfants qui travaillent et/ou vivent dans la rue, les enfants placés en institution et les enfants réfugiés. L'État partie est encouragé à demander une assistance technique dans ce domaine, notamment à l'UNICEF.

13. Le Comité note que les politiques économiques et le programme d'ajustement structurel ont eu des effets néfastes sur les investissements dans le domaine social. Il regrette que, compte tenu de l'article 4 de la Convention, toute l'attention voulue n'ait pas été accordée à l'attribution de ressources budgétaires en faveur des enfants dans toutes les limites des ressources dont dispose l'État partie. Compte tenu des articles 2, 3 et 6 de la Convention, le Comité encourage l'État partie à accorder une attention particulière à la pleine mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention, en donnant la priorité à l'octroi de crédits budgétaires visant à faire appliquer les droits économiques, sociaux et culturels des enfants, dans toutes les limites des ressources disponibles, et, le cas échéant, dans le cadre de la coopération internationale.

14. Tout en notant les efforts entrepris par l'État partie pour promouvoir la diffusion des principes et des dispositions de la Convention, le Comité reste préoccupé par le fait que les groupes de professionnels, les enfants, les parents et la population en général ne connaissent pas suffisamment la Convention et l'approche fondée sur les droits qui y est consacrée. Le Comité recommande que davantage d'efforts soient faits pour que les dispositions de la Convention soient largement connues et comprises des adultes comme des enfants, tant dans les zones rurales que dans les zones urbaines. À cet égard, il encourage l'État partie à poursuivre ses efforts visant à publier la Convention dans toutes les langues locales, et à promouvoir et diffuser ses principes et ses dispositions en faisant notamment appel à des méthodes traditionnelles de communication. Il recommande en outre de renforcer la formation et/ou la sensibilisation appropriée et systématique des dirigeants communautaires, des groupes de professionnels travaillant avec et pour les enfants, tels que les juges, les avocats, les agents chargés de l'application des lois, les personnels de santé, y compris les psychologues, les travailleurs sociaux, les fonctionnaires de l'administration centrale ou locale et le personnel des centres d'accueil des enfants. À cet égard, le Comité suggère à l'État partie de faire appel à l'assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, de l'UNICEF et de l'UNESCO, notamment.

D.2 Définition de l'enfant

15. Le Comité prend note de la proposition de l'État partie de remanier le Code du mariage et de la tutelle, mais il reste préoccupé par la disparité entre l'âge minimum légal du mariage pour les filles (15 ans) et celui des garçons (18 ans). Le Comité encourage l'État partie à modifier le Code du mariage et de la tutelle afin de le mettre en conformité avec les dispositions de la Convention.

D.3 Principes généraux

16. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie ne semble pas avoir pleinement tenu compte des dispositions de la Convention, en particulier de ses principes généraux, tels qu'ils sont énoncés aux articles 2 (non-discrimination), 3 (intérêt supérieur de l'enfant), 6 (droit à la vie, à la survie et au développement) et 12 (respect des opinions de l'enfant), dans sa législation, ses décisions administratives et judiciaires et ses politiques et programmes concernant les enfants. Le Comité encourage l'État partie à poursuivre ses efforts pour faire en sorte que les principes généraux énoncés dans la Convention non seulement orientent les débats de politique générale et les processus de prise de décisions, mais également qu'ils soient dûment incorporés dans toutes les révisions des textes de loi, dans toutes les décisions judiciaires et administratives et dans tous les projets, programmes et services qui ont une incidence sur les enfants.

17. Le Comité note que le principe de la non-discrimination (art. 2) est énoncé dans la législation nationale, mais il demeure préoccupé par l'insuffisance des mesures adoptées pour veiller à ce que tous les enfants aient la garantie de l'accès aux services d'éducation, de santé et aux autres services sociaux et soient protégés contre toutes les formes d'exploitation. Il est préoccupé en particulier par la situation de certains groupes vulnérables d'enfants, en particulier les filles, les enfants handicapés, les enfants qui travaillent, en particulier les enfants employés comme domestiques, les élèves "garibus", les enfants habitant dans des zones rurales, les mariées impubères, les enfants travaillant et/ou vivant dans la rue, les enfants confrontés au système de la justice pour mineurs, les enfants placés en institution et les enfants réfugiés. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts pour veiller à la mise en oeuvre du principe de non-discrimination et à la pleine application de l'article 2 de la Convention, en particulier en ce qui concerne les groupes vulnérables.

18. Tout en prenant note avec intérêt des efforts déployés par l'État partie pour assurer le respect des opinions de l'enfant et encourager leur participation, le Comité constate avec préoccupation que les pratiques et les comportements traditionnels entravent toujours la pleine application de l'article 12 de la Convention. Le Comité encourage l'État partie à continuer à contribuer à sensibiliser davantage la population aux droits des enfants à la participation et à encourager le respect des opinions de l'enfant au sein des écoles, de la famille, des institutions sociales, des établissements de soins et des instances judiciaires.

D.4 Libertés et droits civils

19. Le Comité note que la législation interne de l'État partie prévoit l'enregistrement des enfants à la naissance et que des initiatives ont récemment été prises pour améliorer et faciliter le processus d'enregistrement des naissances, en particulier dans les zones rurales. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que de nombreux enfants ne sont toujours pas enregistrés. Compte tenu des articles 7 et 8 de la Convention, le Comité encourage l'État partie à poursuivre ses efforts pour faire en sorte que tous les parents d'enfants nés sur le territoire de l'État partie aient accès aux procédures d'enregistrement des naissances. Il recommande également que des efforts soient faits pour sensibiliser davantage les agents de l'État, les dirigeants communautaires et les parents à la nécessité d'enregistrer tous les enfants à la naissance.

20. Le Comité note avec préoccupation que des efforts suffisants n'ont pas été faits pour protéger les enfants contre les informations pernicieuses diffusées dans les cinémas, les foyers et les centres communautaires. Compte tenu de l'article 17 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de renforcer les mesures appropriées existantes ou d'adopter de nouvelles mesures pour protéger les enfants contre les informations pernicieuses.

21. Le Comité note avec préoccupation que des mesures suffisantes n'ont pas été prises pour prévenir et empêcher les brutalités policières et que la législation existante tendant à veiller à ce que les enfants soient traités avec le respect dû à leur intégrité physique et mentale et à leur dignité n'a pas été dûment appliquée. Le Comité recommande que toutes les mesures appropriées soient prises pour appliquer pleinement les dispositions des articles 37 a) et 39 de la Convention. À cet égard, le Comité recommande en outre que davantage d'efforts soient déployés pour empêcher les brutalités policières et veiller à ce que les enfants qui en sont victimes puissent bénéficier d'un traitement propre à faciliter leur réadaptation physique et psychologique et leur réinsertion sociale et pour que les auteurs de tels actes soient sanctionnés. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager de ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

D.5 Milieu familial et protection de remplacement

22. Pour ce qui est de la situation des enfants privés de milieu familial, le Comité se déclare préoccupé par le nombre insuffisant d'établissements de protection de remplacement et par l'absence de soutien aux établissements existants. Il est aussi préoccupé par les conditions de vie dans ces établissements, par le manque de suivi des placements et par l'insuffisance du personnel qualifié dans ce domaine. Le Comité note avec préoccupation que le régime du placement familial n'a pas encore été institutionnalisé ou normalisé et que les organisations qui y participent doivent généralement établir elles-mêmes leurs propres systèmes individuels de suivi et de recrutement. Le Comité recommande à l'État partie d'élaborer des programmes supplémentaires en vue de favoriser les solutions de protection de remplacement, d'assurer une meilleure formation aux travailleurs sociaux et de mettre en place des mécanismes indépendants chargés de superviser l'action des établissements d'accueil et de recevoir les plaintes à l'encontre de ceux-ci. Il est également recommandé à l'État partie d'intensifier ses efforts pour assurer une aide aux parents, notamment sous forme de formation, afin de les dissuader d'abandonner leurs enfants. Le Comité recommande en outre à l'État partie de définir une politique claire au sujet du placement familial et d'adopter des mesures en vue de mettre en place une approche normalisée concernant le recrutement, le suivi et l'évaluation dans le cadre des programmes existants de placement familial.

23. Le Comité se félicite de l'initiative prise récemment par l'État partie d'établir la Commission nationale de réflexion sur l'adoption internationale et de lutte contre le trafic d'enfants. Le Comité note que le rapport final de la Commission, devant être présenté en octobre 1999, comprendra des recommandations législatives et autres pour protéger les droits des enfants dans les cas d'adoption et prévenir et combattre le phénomène du trafic des enfants. Le Comité reste toutefois préoccupé par l'absence de législation, de politiques et d'institutions pour réglementer les adoptions internationales. Il est aussi préoccupé par l'absence de suivi concernant à la fois les adoptions nationales et internationales et par la pratique très répandue du kalifa (adoptions non formelles). Compte tenu de l'article 21 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de mettre en place des procédures appropriées de suivi des adoptions nationales et internationales et d'empêcher l'abus de la pratique du kalifa. Il recommande en outre à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris sur le plan juridique et administratif, pour réglementer les adoptions internationales. Le Comité encourage aussi l'État partie à envisager la possibilité d'adhérer à la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

24. L'absence de mesures et de mécanismes appropriés pour prévenir et combattre les mauvais traitements, les abandons et les sévices à enfants, y compris les sévices sexuels au sein de la famille, le manque de ressources adéquates (tant financières qu'humaines), le nombre insuffisant de professionnels assez qualifiés pour prévenir et combattre les abus, ainsi que le manque de connaissances et d'informations, y compris de données statistiques sur ces phénomènes, sont également des sujets de préoccupation. Compte tenu de l'article 19, le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre des études sur la violence dans la famille, les mauvais traitements et les sévices afin de mesurer l'ampleur et la nature de ces pratiques, d'adopter des mesures et des politiques appropriées et de contribuer à modifier les comportements. Il recommande également que les cas de violence dans la famille ainsi que de mauvais traitements et de sévices à enfants, y compris de sévices sexuels au sein de la famille, fassent l'objet d'enquêtes appropriées dans le cadre d'une procédure judiciaire adaptée aux enfants et que des sanctions soient imposées à leurs auteurs, compte dûment tenu du droit de l'enfant au respect de sa vie privée. Des mesures devraient être également prises pour veiller au soutien des enfants dans les procédures judiciaires, à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale des victimes de viol, de sévices, d'abandon, de mauvais traitements, de violence ou d'exploitation, conformément à l'article 39 de la Convention, et à la prévention de l'incrimination pénale et de la stigmatisation des victimes. Le Comité recommande à l'État partie de demander une assistance technique, notamment à l'UNICEF et à l'OMS.

25. Le Comité sait que les châtiments corporels sont interdits dans les écoles et dans les établissements d'accueil des enfants et d'autres institutions, y compris au Centre d'observation et de rééducation de Bollé, mais il reste préoccupé par le fait que les attitudes traditionnelles de la société continuent d'encourager le recours à de tels châtiments au sein de la famille et plus généralement de la société. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures appropriées pour interdire par la loi les châtiments corporels dans les établissements d'accueil des enfants. Le Comité recommande en outre à l'État partie de renforcer les mesures visant à accroître la sensibilisation aux effets néfastes des châtiments corporels et à modifier les attitudes culturelles afin de veiller à ce que la discipline soit appliquée par des moyens qui ne portent pas atteinte à la dignité de l'enfant et qui soient conformes à la Convention.

D.6 Santé et bien-être

26. Le Comité note que des efforts ont récemment été faits pour améliorer la situation générale de la santé, mais il constate avec préoccupation que la survie et le développement des enfants au sein de l'État partie continuent d'être menacés par des maladies telles que le paludisme, les affections aiguës des voies respiratoires et les maladies diarrhéiques. Le Comité est également préoccupé par les taux élevés de mortalité infantile et postinfantile, ainsi que de mortalité maternelle, le taux élevé de malnutrition, la mauvaise qualité des services d'assainissement et l'accès restreint à l'eau potable, en particulier dans les communautés rurales. Le Comité recommande à l'État partie d'allouer des ressources appropriées et de mettre en place des politiques et des programmes d'ensemble visant à améliorer la situation sanitaire des enfants, à faciliter l'accès aux soins de santé primaire, à réduire les taux de mortalité maternelle, infantile et postinfantile, à prévenir et à combattre la malnutrition, en particulier parmi les groupes d'enfants vulnérables et défavorisés, et à améliorer l'accès aux réseaux de distribution d'eau potable et d'assainissement. En outre, le Comité encourage l'État partie à envisager de demander une assistance technique, notamment à l'UNICEF et à l'OMS, dans le cadre du Programme de prise en charge intégrée des maladies de l'enfant et d'autres mesures visant à améliorer la santé des enfants.

27. Le Comité se déclare préoccupé par l'insuffisance des programmes et des services et par l'absence de données appropriées dans le domaine de la santé des adolescents, notamment en ce qui concerne les accidents, le suicide, la violence et l'avortement. Il note que l'État partie a entrepris des programmes nationaux de lutte contre le sida qui visent notamment à établir des centres de consultation et de traitement pour les personnes infectées par le VIH/sida ou les maladies sexuellement transmissibles (MST), mais il reste préoccupé par le nombre élevé et croissant de cas d'infection par le VIH/sida et de MST. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts de promotion des politiques de santé en faveur des adolescents, en particulier en ce qui concerne les accidents, le suicide et la violence, et de renforcer les services d'éducation et de consultation en matière de santé génésique. À cet égard, il recommande de mettre en place des programmes de formation sur la santé génésique. Le Comité suggère en outre d'entreprendre une étude générale et multidisciplinaire afin d'évaluer l'ampleur des problèmes de santé chez les adolescents, y compris l'incidence néfaste des grossesses précoces ainsi que la situation particulière des enfants séropositifs, atteints du sida ou de maladies sexuellement transmissibles ou exposés au risque d'infection de ce type. En outre, il est recommandé à l'État partie de prendre des mesures supplémentaires, notamment d'allouer des ressources humaines et financières suffisantes, en vue de mettre en place des services de consultation, de soins et de réadaptation répondant aux besoins des adolescents et accessibles sans autorisation parentale si l'intérêt supérieur de l'enfant l'exige.

28. Le Comité prend note des efforts déployés par l'État partie pour adopter des mesures visant à éliminer la pratique des mutilations génitales des femmes et les autres pratiques néfastes affectant la santé des filles, notamment les mariages précoces et forcés. Le Comité se félicite de la proposition tendant à établir un comité national sur les pratiques néfastes à la santé de la femme et de l'enfant et à mettre en oeuvre un plan d'action en vue de réduire cette pratique d'ici 2008. Le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que les pratiques traditionnelles nuisibles telles que l'excision et les mariages précoces et forcés continuent d'être largement répandues dans l'État partie. Le Comité note aussi avec préoccupation qu'environ 75 % des femmes dans l'État partie sont favorables au maintien de la pratique de l'excision. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts pour combattre et éliminer la pratique persistante des mutilations génitales des femmes et les autres pratiques traditionnelles néfastes affectant la santé des filles. Le Comité demande instamment à l'État partie de poursuivre ses efforts en vue de mettre en oeuvre des programmes de sensibilisation à l'intention des personnes pratiquant ce type de mutilation et de la population en général, afin de modifier les comportements traditionnels et de décourager les pratiques nuisibles. À cet égard, le Comité recommande également d'établir des programmes de formation professionnelle de substitution à l'intention des personnes pratiquant ce type de mutilation. Le Comité encourage l'État partie à poursuivre sa collaboration avec notamment les États voisins pour déterminer les méthodes les plus efficaces appliquées dans le cadre de la campagne visant à combattre et à éliminer la pratique des mutilations génitales des femmes et d'autres pratiques traditionnelles nuisibles affectant la santé des filles.

29. Le Comité se déclare préoccupé par l'absence de protection juridique et le nombre insuffisant de programmes, d'installations et de services appropriés en faveur des enfants handicapés, en particulier des enfants handicapés mentaux. Compte tenu des Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l'Assemblée générale) et des recommandations adoptées par le Comité lors de sa journée de débat général sur les droits des enfants handicapés (CRC/C/69), le Comité recommande à l'État partie de mettre au point des programmes de diagnostic précoce pour prévenir les handicaps, d'accroître ses efforts visant à adopter des solutions autres que le placement en institution, de mettre en place des programmes d'enseignement spécialisé à l'intention des enfants handicapés et d'encourager l'intégration de ces enfants dans la société. Le Comité recommande à l'État partie de demander une aide technique pour la formation du personnel professionnel travaillant avec et pour les enfants handicapés, notamment à l'UNICEF et à l'OMS.

D.7 Éducation, loisirs et activités culturelles

30. Le Comité prend note des progrès importants accomplis dans le domaine de l'éducation, notamment dans le cadre de l'Initiative 20/20 adoptée au Sommet mondial pour le développement social à Copenhague en 1995. Le Comité constate avec préoccupation que de nombreux enfants, en particulier des filles, ne fréquentent pas l'école. En ce qui concerne la situation générale de l'éducation, il note avec préoccupation l'ampleur de la surcharge des établissements, les taux élevés d'abandon en cours d'études, d'analphabétisme et de redoublement, l'insuffisance des matériels de formation de base, le mauvais état des infrastructures et de l'équipement, la pénurie de manuels scolaires et d'autres matériels et le faible nombre d'enseignants qualifiés. L'État partie est encouragé à poursuivre ses efforts visant à promouvoir la scolarisation des filles. Le Comité recommande que toutes les mesures appropriées soient prises pour améliorer la qualité de l'éducation et en assurer l'accès à tous les enfants vivant sur le territoire de l'État partie. À cet égard, il est recommandé à l'État partie de renforcer son système d'éducation par le biais d'une coopération plus étroite avec l'UNICEF et l'UNESCO. L'État partie est prié en outre d'appliquer des mesures supplémentaires encourageant les enfants à ne pas abandonner leurs études, au moins au cours de la période de la scolarité obligatoire.

D.8 Mesures spéciales de protection

31. Tout en se félicitant de la bonne volonté manifestée par l'État partie pour accueillir des réfugiés des pays voisins, le Comité reste préoccupé par l'absence de dispositions juridiques, de politiques et de programmes appropriés permettant de garantir et de protéger les droits des enfants réfugiés et demandeurs d'asile. Le Comité recommande à l'État partie d'établir un cadre législatif pour la protection des enfants réfugiés et demandeurs d'asile et de mettre en oeuvre des politiques et des programmes garantissant l'accès dans des conditions satisfaisantes de ces enfants aux services de santé, d'éducation et de protection sociale.

32. Le Comité prend note des initiatives prises par l'État partie dans le domaine du travail et de l'exploitation économique des enfants et, en particulier, de l'étude récente et des activités de suivi menées à cet égard, y compris l'établissement du programme national de lutte contre le travail des enfants. Toutefois, le Comité reste préoccupé par la situation du travail des enfants, en particulier en ce qui concerne les enfants employés comme domestiques et dans l'agriculture, les enfants travaillant dans les mines et les exploitations d'orpaillage traditionnelles, ainsi que les enfants engagés comme apprentis dans le secteur non structuré. Le Comité encourage l'État partie à améliorer ses mécanismes de surveillance pour garantir l'application de la législation du travail et protéger les enfants contre l'exploitation économique. Le Comité suggère en outre à l'État partie d'intensifier ses efforts pour ratifier la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et la Convention No 182 de l'OIT concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants.

33. Le Comité note qu'un forum national sur la mendicité enfantine a été organisé en 1998 et a abouti à l'élaboration d'un plan tendant à faire participer les marabouts et d'autres maîtres coraniques à la campagne visant à éliminer la mendicité enfantine. Le Comité note en outre qu'un programme de formation professionnelle a été établi pour les enfants "garibus" à Mopti en vue de les dissuader de continuer à pratiquer la mendicité. Le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que les enfants, en particuliers les "garibus", continuent d'être exploités et incités à mendier. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à promouvoir les programmes visant à dissuader et empêcher les enfants de pratiquer la mendicité et à veiller à ce que de tels programmes soient mis en oeuvre dans toutes les régions où la mendicité des enfants est un sujet de préoccupation.

34. Le Comité est préoccupé par le nombre élevé et croissant de cas d'abus de drogues et de substances toxiques parmi les jeunes et par l'insuffisance des programmes et des services psychosociaux et médicaux existant dans ce domaine. Compte tenu de l'article 33 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées, y compris dans le domaine de l'éducation, pour protéger les enfants contre l'usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et pour empêcher que les enfants ne soient utilisés dans la production et le trafic illicites de ces substances. À cet égard, le Comité recommande en outre que des programmes soient mis en place dans le cadre du système scolaire pour sensibiliser les enfants aux effets néfastes des stupéfiants et des substances psychotropes. Le Comité encourage également l'État partie à appuyer les programmes de réadaptation à l'intention des enfants victimes d'abus de drogues et de substances toxiques. Il encourage l'État partie à demander l'assistance technique de l'UNICEF et de l'OMS dans ce domaine.

35. L'absence de renseignements appropriés, y compris de données statistiques désagrégées, sur la situation en ce qui concerne l'exploitation sexuelle des enfants est un sujet de préoccupation. Compte tenu de l'article 34 et des autres articles pertinents de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre des études afin d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques et des mesures appropriées, notamment en matière de soins et de réadaptation, pour prévenir et combattre l'exploitation sexuelle des enfants. Il recommande aussi à l'État partie de renforcer le cadre législatif national pour protéger pleinement les enfants contre toutes les formes d'exploitation ou de violences sexuelles.

36. Tout en prenant note des efforts faits par l'État partie, le Comité reste préoccupé par le nombre croissant de cas de vente et de trafic d'enfants, en particulier de filles, et par l'absence de mesures juridiques et autres appropriées pour prévenir et combattre ce phénomène. Compte tenu de l'article 35 et des autres articles pertinents de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'examiner le cadre juridique national, de renforcer les mesures d'application de la loi et d'intensifier ses efforts pour susciter une prise de conscience parmi les collectivités, d'une manière générale dans les zones rurales et plus particulièrement dans la région de Sikasso. Il encourage en outre l'État partie à poursuivre sa coopération avec les pays voisins pour éliminer le trafic des enfants dans les zones frontières.

37. Le Comité prend note des efforts déployés récemment dans le domaine de la justice pour mineurs, mais il constate avec préoccupation que le système de justice pour mineurs ne s'applique pas dans toutes les régions de l'État partie. Le Comité est préoccupé par :

a) La situation générale de l'administration de la justice pour mineurs et, en particulier, par son manque de compatibilité avec les dispositions de la Convention et d'autres normes internationales reconnues;

b) L'absence de tribunaux pour mineurs dans certaines régions;

c) Le surpeuplement des centres de détention;

d) L'incarcération de mineurs dans des centres de détention pour adultes dans certaines régions;

e) Le manque de données statistiques fiables sur le nombre d'enfants confrontés au système de la justice pour mineurs;

f) Les carences de la réglementation garantissant que les enfants confrontés au système de la justice pour mineurs restent en contact avec les membres de leur famille; et

g) L'insuffisance des établissements et des programmes de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale des jeunes.

Le Comité recommande à l'État partie :

a) De prendre des mesures supplémentaires pour réformer le système de la justice pour mineurs dans l'esprit de la Convention, compte tenu en particulier des articles 37, 40 et 39, ainsi que d'autres normes des Nations Unies applicables dans ce domaine, telles que l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Ryad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté;

b) D'adopter toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les tribunaux pour enfants soient accessibles aux enfants dans toutes les régions de l'État partie;

c) De n'envisager la privation de liberté que comme mesure de dernier ressort et pour la durée la plus courte possible, de protéger les droits des enfants privés de liberté et de veiller à ce que les enfants confrontés au système de la justice pour mineurs restent en contact avec les membres de leur famille;

d) De mettre en place des programmes de formation concernant les normes internationales pertinentes à l'intention des professionnels qui exercent des fonctions dans le système de la justice pour mineurs;

e) De demander une assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs et de la formation des membres de la police, notamment au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, au Centre de prévention de la criminalité internationale, au Réseau international en matière de justice pour mineurs, à l'UNICEF et au Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.

38. Enfin, le Comité recommande que, conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, l'État partie assure à son rapport initial et à ses réponses écrites une large diffusion auprès de la population en général et envisage de publier le rapport, les comptes rendus analytiques des séances pertinentes et les observations finales adoptées par le Comité. Un tel document devrait être largement diffusé pour susciter des débats et faire connaître la Convention, sa mise en oeuvre et son suivi auprès du Gouvernement, de la population et des organisations non gouvernementales.



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