University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Luxembourg, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.250 (2005).


 

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: Luxembourg

1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Luxembourg (CRC/C/104/Add.5) à ses 1005 e et 1006 e séances (CRC/C/SR.1005 et 1006), tenues le 13 janvier 2005, et a adopté, à sa 1025 e séance (CRC/C/SR.1025), tenue le 28 janvier 2005, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie, qui a été établi conformément à ses directives, ainsi que des réponses écrites détaillées à sa liste des points à traiter (CRC/C/Q/LUX/2), qui lui a permis de se faire une meilleure idée de la situation des enfants dans l’État partie. Il note aussi avec satisfaction la présence d’une délégation de haut niveau.

B. Mesures de suivi entreprises et progrès réalisés par l’État partie

3. Le Comité accueille avec satisfaction:

a) L’institution d’un médiateur par la loi du 22 août 2003;

b) La création, le 26 mai 2000, d’une institution indépendante chargée des droits de l’homme, la Commission consultative des droits de l’homme;

c) L’adoption de la loi du 25 juillet 2002 portant institution d’un comité luxembourgeois des droits de l’enfant, appelé «Ombuds-Comité» (ORK);

d) Les mesures législatives ci-après:

i) La loi du 24 avril 2000 introduisant le crime spécifique de torture dans le Code
pénal;

ii) La loi du 18 mars 2000 portant création d’un régime de protection temporaire
pour les demandeurs d’asile:

iii) La loi du 23 mars 2001 concernant la protection des jeunes travailleurs qui
transpose en droit luxembourgeois la directive européenne 94/33CE du Conseil relatif à la protection des jeunes au travail;

iv) La loi du 1 er août 2001 concernant la protection des travailleuses enceintes,
accouchées et allaitantes;

v) La loi du 31 mai 1999 ajoutant notamment un article 384 au Code pénal qui réprime expressément la pornographie enfantine et prévoit la confiscation de tous les objets s’y rapportant;

e) L’engagement de cinq médiateurs interculturels originaires de pays dont proviennent les enfants demandeurs d’asile, en vue de favoriser le dialogue entre les enseignants, les parents d’élèves et les enfants.

4. Le Comité accueille également avec intérêt la ratification par l’État partie:

a) Du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 4 août 2004;

b) De la Convention de La Haye n° 33 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, le 1 er septembre 2002;

c) De la Convention de l’OIT n° 182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, le 21 mars 2001;

d) Du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 8 septembre 2000.

5. Le Comité note avec satisfaction la contribution de l’État partie à la coopération économique internationale et le fait qu’il consacre plus de 0,7 % de son produit intérieur brut à l’aide publique au développement (dépassant ainsi l’objectif fixé en matière d’APD).

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales

Recommandations antérieures du Comité

6. Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a pris des mesures et des dispositions législatives comme suite aux divers sujets de préoccupation et recommandations (CRC/C/15/Add.92) qu’il avait exprimés au moment de l’examen de son rapport initial (CRC/C/41/Add.2). Il regrette toutefois que certains de ces sujets de préoccupation et de ces recommandations n’aient pas suffisamment été pris en compte, en particulier ceux figurant aux paragraphes 23 (réserves concernant les articles 2, 6, 7 et 15 de la Convention), 25 (absence de stratégie globale en faveur des enfants), 27 (emploi des expressions «enfant légitime» et «enfant illégitime» (naturel) dans le Code civil), 29 (application partielle des dispositions de l’article 7 de la Convention relatives au droit de l’enfant né par accouchement anonyme (sous x) de connaître ses parents ), 31 (absence de disposition interdisant les châtiments corporels au sein de la famille et dans les structures d’accueil) et 39 (absence d’infrastructures appropriées à la détention des enfants). Le Comité note que ces éléments sont réitérés dans le présent document.

7. Le Comité invite instamment l’État partie à tout mettre en œuvre pour donner suite aux recommandations antérieures sur le rapport initial qui n’ont pas encore été appliquées et pour apporter un suivi approprié aux recommandations exprimées dans les présentes observations finales concernant le deuxième rapport périodique.

Réserves

8. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas retiré ses réserves concernant les articles 2, 6, 7 et 15 de la Convention.

9. Le Comité estime que les réserves concernant les articles 2, 6 et 15 n’ont pas lieu d’être et que celle concernant l’article 7, qui paraît incompatible avec l’objet et le but de la Convention, pourrait également se révéler inutile si l’État partie appliquait la recommandation du Comité qui figure au paragraphe 29 du présent document. En conséquence, le Comité renouvelle sa recommandation antérieure à l’État partie (CRC/C/15/Add.92, par. 23) de réexaminer ses réserves en vue de leur retrait.

Plan d’action national

10. Le Comité constate le lancement, en 1996, du Plan national d’action contre l’exploitation sexuelle d’enfants et le fait que l’État partie ait défini des priorités et se soit doté d’objectifs pour ses politiques en faveur des enfants (sur des thèmes comme la participation des enfants, le droit de l’enfant d’être informé, la toxicomanie et la violence à l’égard des enfants), mais note avec préoccupation l’absence de plan d’action national général en faveur des enfants et/ou de stratégie globale en faveur des enfants.

11. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action national global en faveur des enfants visant à l’application des principes et des dispositions de la Convention et prenant en compte, en particulier, le document final de la session extraordinaire de l’Assemblée générale de mai 2002 consacrée aux enfants, intitulé «Un monde digne des enfants».

Coordination

12. Le Comité relève la réorganisation récente des ministères et la création d’une division chargée de la promotion des droits de l’enfant au sein du Ministère de la famille et de l’intégration, mais ne voit pas clairement si et dans quelle mesure cela a permis de coordonner comme il se doit toutes les activités publiques se rapportant à la mise en œuvre de la Convention.

13. Le Comité recommande à l’État partie de créer un organisme interministériel ou de mandater un organe administratif existant, qui aurait pour mission précise de coordonner toutes les activités liées à la mise en œuvre de la Convention, et de le doter des ressources humaines et financières nécessaires.

Structures de suivi indépendantes

14. Le Comité salue l’adoption de la loi du 25 juillet 2002 portant création du Comité luxembourgeois des droits de l’enfant appelé «Ombuds-Comité», mais s’inquiète de l’insuffisance présumée des moyens humains et financiers qui lui sont alloués.

15. Compte tenu de l’Observation générale n° 2 (2002) du Comité sur le rôle des institutions nationales des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant et des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale en date du 20 décembre 1993, annexe), le Comité recommande à l’État partie de renforcer l’appui politique, humain et financier qu’il apporte à l’Ombuds‑Comité afin de lui permettre de fonctionner efficacement.

Collecte de données

16. Le Comité considère les données statistiques comme essentielles pour le suivi et l’évaluation des progrès réalisés et des effets des politiques concernant les enfants. À cet égard, tout en notant que l’État partie a conscience de ce problème et de son effet négatif sur ses politiques, le Comité est préoccupé du peu de données statistiques disponibles sur la situation des enfants, spécialement sur les groupes les plus vulnérables, dont les enfants migrants non accompagnés, les réfugiés séparés de leurs parents et les enfants demandeurs d’asile, ainsi que sur l’application de la Convention en ce qui concerne les enfants ayant maille à partir avec la justice.

17. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer ses actions visant à mettre en place un système global de collecte de données comparatives et ventilées sur la Convention. Ces données devraient concerner tous les enfants âgés de moins de 18 ans et être ventilées par groupes d’enfants nécessitant une protection particulière. L’État partie devrait en outre mettre en place des indicateurs pour suivre et évaluer efficacement les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Convention et pour évaluer les effets des politiques touchant les enfants.

2. Principes généraux

Non-discrimination

18. Le Comité prend note avec satisfaction des divers programmes visant à lutter contre la discrimination, notamment l’engagement de médiateurs interculturels originaires de pays dont proviennent les enfants des demandeurs d’asile, mais est préoccupé par les disparités qui existent en ce qui concerne l’exercice de leurs droits par les enfants appartenant à des groupes vulnérables, comme les enfants handicapés, réfugiés et demandeurs d’asile.

19. Le Comité est également préoccupé par les attitudes discriminatoires et l’émergence de racisme, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée à l’égard de la communauté musulmane et d’autres minorités ainsi que par leurs effets sur les enfants appartenant à ces groupes.

20. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour veiller à l’application des lois existantes qui garantissent le principe de non-discrimination et le strict respect de l’article 2 de la Convention, et d’adopter une stratégie volontariste et globale pour éradiquer la discrimination pour quelque motif que ce soit à l’égard de tous les groupes vulnérables.

21. Le Comité demande en outre que dans le prochain rapport périodique figurent des renseignements précis sur les mesures et programmes en relation avec la Convention mis en chantier par l’État partie pour donner effet à la Déclaration et au Programme d’action adoptés en 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, compte tenu également de l’Observation générale n° 1 (2001) du Comité sur les buts de l’éducation.

22. Le Comité se félicite d’apprendre que l’État partie envisage de supprimer de sa législation toute description de l’enfant né hors mariage susceptible d’avoir une connotation négative ou discriminatoire.

23. Le Comité invite l’État partie à procéder à cette modification dès que possible.

Intérêt supérieur de l’enfant

24. En ce qui concerne les indications de l’État partie selon lesquelles la loi du 25 juillet 2002 constituait le premier texte législatif mentionnant expressément le principe du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, le Comité s’inquiète de l’intégration limitée de ce concept dans les politiques et la législation de l’État partie.

25. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses actions visant à faire en sorte que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit compris et intégré comme il se doit dans toutes les dispositions légales, dans les décisions judiciaires et administratives, ainsi que dans les projets, programmes et services touchant les enfants.

Respect des opinions de l’enfant

26. Le Comité note qu’à certains égards, les opinions de l’enfant ne sont pas pleinement prises en considération par l’État partie et que le principe général, tel qu’il est énoncé à l’article 12 de la Convention, n’est pas totalement respecté au sein de la famille, dans les établissements scolaires et autres institutions.

27. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts visant à promouvoir et à œuvrer, au sein de la famille, dans les établissements scolaires et autres institutions, ainsi que dans le cadre des procédures judiciaires et administratives, au respect des opinions de l’enfant et à sa participation dans tous les domaines qui ont un effet sur lui, conformément aux dispositions de l’article 12 de la Convention. Il encourage également l’État partie à donner des informations d’ordre éducatif aux parents, enseignants et directeurs d’établissement scolaire, ainsi qu’aux agents administratifs de l’État, aux autorités judiciaires, aux enfants eux-mêmes et à la société en général, afin de créer un environnement stimulant dans le cadre duquel l’enfant peut exprimer librement ses opinions.

3. Droits et libertés civils

Accouchement anonyme et préservation de l’identité

28. Le Comité demeure préoccupé par le fait que les enfants nés par accouchement anonyme (sous x) n’ont pas le droit, dans la mesure du possible, de connaître leurs parents et note avec intérêt la proposition de la Commission consultative nationale d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé qui semble proposer des améliorations importantes dans ce domaine.

29. Le Comité prie instamment l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher et éliminer la pratique de l’accouchement dit anonyme. Si cette pratique devait se poursuivre, il appartiendrait à l’État partie de prendre les mesures qui s’imposent pour que toutes les informations sur les parents soient enregistrées et archivées afin que l’enfant puisse, autant que possible et au moment opportun, connaître l’identité de son père et/ou de sa mère.

Accès à une information appropriée

30. Le Comité apprécie les mesures prises par l’État partie pour prévenir et combattre la pédopornographie sur Internet, ainsi que l’introduction dans le Code pénal de l’article 384 qui sanctionne la possession de matériel pornographique mettant en scène des enfants, mais demeure préoccupé par l’exposition des enfants à la violence, au racisme et à la pornographie, en particulier par le biais d’Internet.

31. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher efficacement les enfants d’être exposés à la violence, au racisme et à la pornographie par le truchement de la téléphonie mobile, des films et jeux vidéo et d’autres technologies, notamment d’Internet. Le Comité suggère également à l’État partie de mettre en place des programmes et des stratégies visant à faire de la téléphonie mobile, des publicités vidéo et d’Internet des moyens de sensibiliser les enfants comme les parents aux informations et aux matériels préjudiciables au bien-être de l’enfant.

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

32. Le Comité prend acte de l’adoption de la loi du 16 juin 2004 portant réorganisation du centre socioéducatif de l’État, qui réduit de 20 à 10 jours la durée maximum de la sanction disciplinaire qui consiste à placer en isolement une personne âgée de moins de 18 ans et permet à un mineur de faire appel à un juge pour enfants, mais demeure gravement préoccupé par le recours à l’isolement et sa durée et par les dispositions très dures qui privent l’enfant de presque tout contact avec le monde extérieur et d’activité de plein air.

33. Le Comité recommande à l’État partie de concevoir et d’appliquer des sanctions disciplinaires alternatives afin d’éviter le plus possible le recours à l’isolement, de réduire davantage la durée de cet isolement et d’améliorer les conditions de détention, en permettant notamment aux mineurs de rester à l’air libre au moins une heure par jour et en leur donnant accès à des équipements récréatifs. En outre, le Comité invite l’État partie à intégrer, dans son prochain rapport périodique, des informations spécifiques et détaillées sur le recours à l’isolement et sur les conditions dans lesquelles il est pratiqué.

4. Milieu familial et protection de remplacement

Responsabilités parentales

34. Le Comité s’inquiète de ce que les parents perdent automatiquement leur autorité parentale sur leurs enfants dès lors que ces derniers sont placés en famille ou en foyer d’accueil par la justice, sans que semble véritablement se poser la question de savoir si l’automaticité d’une telle mesure sert l’intérêt supérieur de l’enfant.

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures possibles, y compris revoir sa législation actuelle, pour protéger comme il se doit les droits des parents et les relations parents-enfant et pour que le transfert de l’autorité parentale n’ait lieu que dans des circonstances exceptionnelles et dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Examen périodique du placement

36. Le Comité constate que les placements sont réexaminés tous les trois ans et que les juges de la jeunesse rendent fréquemment visite aux mineurs placés en institution, mais est préoccupé par le fait que les décisions visant à placer les jeunes dans des «centres ouverts» (centres socioéducatifs de l’État) ou dans des «centres fermés» (prison de Luxembourg) soient prises pour des périodes indéterminées et que les intervalles entre leurs réexamens soient très longs.

37. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une règle selon laquelle le placement des enfants en famille ou en foyer d’accueil ne peut être décidé que pour une période déterminée, par exemple pour un an, avec possibilité de prolongation pour une autre période déterminée, et qui prévoirait un examen périodique des conditions de placement et de sa nécessité.

Violence, sévices, abandon moral et maltraitance

38. Le Comité demeure toujours préoccupé par l’absence de législation interdisant expressément les châtiments corporels au sein de la famille et par le fait que cette pratique semble largement acceptée par la société.

39. Le Comité, réitérant ses recommandations antérieures, prie instamment l’État partie d’introduire dans sa législation une disposition interdisant expressément les châtiments corporels au sein de la famille et de renforcer ses actions visant à sensibiliser les parents et les personnes qui subviennent aux besoins des enfants à d’autres formes de discipline non violentes.

40. Le Comité s’inquiète du nombre de cas présumés de sévices sexuels sur enfant.

41. À la lumière de l’article 19 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de mener une étude sur la violence, plus particulièrement sur les sévices et la violence sexuels, afin d’évaluer l’étendue, les causes, la portée et la nature de ces pratiques. Le Comité recommande également à l’État partie de renforcer les mesures visant à s’attaquer au problème de la maltraitance des enfants au sein de la famille et de veiller à la prévention et à la dénonciation en temps utile des cas de violence à l’égard des enfants, et à ce que leurs auteurs soient poursuivis.

5. Santé et bien-être

42. Le Comité est vivement préoccupé par le nombre très élevé de décès d’enfants dans des accidents de la circulation malgré les mesures prises par l’État partie.

43. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer autant que faire se peut ses actions visant à réduire le nombre d’enfants victimes d’accidents de la circulation, notamment en sensibilisant le public par des campagnes d’éducation.

44. Le Comité constate avec préoccupation le nombre élevé de suicides d’adolescents dans l’État partie. Il se félicite de la création récente d’une unité psychiatrique pour enfants au sein d’une structure hospitalière, mais déplore que de nombreux enfants du Luxembourg soient pris en charge dans des institutions proposant une aide psychiatrique aux mineurs dans les pays limitrophes − en Allemagne, en France ou en Belgique − en raison de l’absence de système de soins approprié au Luxembourg dont il est fait état, en particulier en ce qui concerne la pédopsychiatrie.

45. Le Comité recommande à l’État partie de s’appuyer sur les résultats de l’étude globale entreprise récemment sur la question du suicide des jeunes pour élaborer des politiques et des programmes de santé pour les adolescents. Il recommande également à l’État partie de continuer à améliorer la qualité et à renforcer les capacités en matière de pédopsychiatrie dans le pays, en s’intéressant particulièrement aux dispositions concernant la santé mentale, tant préventives que curatives.

46. Le Comité prend note avec satisfaction des actions entreprises dans ce domaine par la Division de la médecine préventive, mais est très préoccupé par l’abus d’alcool chez les jeunes.

47. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts de promotion des politiques sanitaires au bénéfice des adolescents et de renforcer le programme d’éducation à la santé dans les écoles, en insistant particulièrement sur la consommation d’alcool par les jeunes.

6. Éducation, loisirs et activités culturelles

48. Le Comité est préoccupé du fait que de nombreux enfants fréquentent des écoles dans les pays voisins, apparemment en raison de la faiblesse du système scolaire dans l’État partie. Le Comité s’inquiète également des informations selon lesquelles il n’existe au Luxembourg qu’un nombre limité d’établissements éducatifs pour les enfants qui présentent des troubles du comportement et/ou des difficultés d’apprentissage et qu’il soit arrivé que de tels enfants soient exclus du système scolaire ordinaire et placés dans des établissements destinés aux enfants handicapés mentaux et physiques.

49. Le Comité invite l’État partie à améliorer et/ou à développer les structures et les possibilités d’éducation sur son territoire. Il recommande en outre à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la pratique consistant à placer les enfants présentant des difficultés d’apprentissage et/ou des problèmes de comportement dans des établissements destinés aux enfants handicapés mentaux et physiques.

50. Le Comité constate avec satisfaction que les enfants réfugiés et demandeurs d’asile ont gratuitement accès au système éducatif au Luxembourg et que le Ministère de l’éducation a engagé des médiateurs interculturels pour faciliter l’intégration des étrangers dans ce système. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par le nombre élevé d’enfants étrangers (plus de 40 % de la population scolaire) souvent désavantagés par le programme éducatif et les méthodes d’enseignement au Luxembourg, notamment pour des problèmes de langue.

51. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager toutes les mesures possibles pour que les enfants étrangers et les enfants des demandeurs d’asile puissent bénéficier d’un accès égal au même niveau de prestations dans le domaine de l’éducation. Le Comité invite également l’État partie à veiller à ce que la langue ne devienne pas un obstacle dans l’éducation et recommande de prendre toute initiative, y compris des cours de soutien, susceptible d’aider les enfants à apprendre les langues qu’il leur est nécessaire de connaître.

7. Mesures de protection spéciales

Enfants demandeurs d’asile non accompagnés et séparés de leurs parents

52. Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants demandeurs d’asile non accompagnés et séparés de leurs parents sont essentiellement logés dans des centres d’accueil ordinaires avec les adultes demandeurs d’asile et par le manque de familles d’accueil, de centres d’accueil spécialisés et de personnel qualifié pour s’occuper des enfants demandeurs d’asile.

53. Le Comité s’inquiète en outre de la durée excessive des procédures d’asile et de ce que, en principe, les enfants séparés de leurs parents accueillis sur le territoire luxembourgeois ne bénéficient pas des possibilités de regroupement familial. Il note également avec préoccupation l’absence de données statistiques pertinentes en ce qui concerne l’enregistrement des enfants non accompagnés et séparés de leurs parents.

54. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour l’accueil approprié des enfants non accompagnés et séparés de leurs parents qui demandent l’asile au Luxembourg. En particulier, l’État partie devrait notamment:

a) Traiter la question des droits de ces enfants à une protection et à une assistance spéciales;

b) Organiser leur encadrement par des personnes qualifiées chargées de veiller à leur bien-être physique et psychologique;

c) Faire en sorte que puissent s’instaurer des relations de soins et d’attention appropriés, par exemple par le placement en famille d’accueil ou dans des structures d’accueil spécialement destinées aux enfants;

d) Réduire la durée des procédures de demande d’asile pour les enfants et traiter les demandes de regroupement familial présentées par un enfant ou par ses parents dans un esprit positif, avec humanité et rapidité, à la lumière de l’article 10 de la Convention;

e) Fournir des données statistiques sur l’enregistrement des enfants non accompagnés et séparés de leurs parents.

Abus de substances

55. Le Comité est préoccupé par l’importance de l’utilisation de drogues et de substances illicites par les adolescents et constate les difficultés qu’à l’État partie à faire face à ce phénomène.

56. Le Comité recommande à l’État partie de mener une étude pour analyser attentivement les causes et les conséquences de ce phénomène ainsi que ses liens éventuels avec les comportements violents et le taux élevé de suicide chez les adolescents dans le pays. Il recommande en outre à l’État partie d’utiliser les résultats de cette étude pour renforcer ces actions de prévention en matière d’utilisation de drogues et de substances illicites.

Exploitation à des fins sexuelles et traite

57. Le Comité se félicite des nombreuses mesures, notamment législatives, prises par l’État partie pour lutter contre le problème de l’exploitation à des fins sexuelles, de la traite des êtres humains et de la pornographie mettant en scène des enfants et sensibiliser le public, mais est préoccupé par les conditions de travail des femmes et des filles arrivant au Luxembourg pour travailler dans le monde du spectacle qui sont susceptibles de les exposer aux risques de prostitution et de traite.

58. À la lumière de l’article 34 et d’autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer ses actions visant à repérer, prévenir et combattre la traite des enfants aux fins notamment d’exploitation sexuelle, en procédant entre autres à des études pour évaluer la nature et l’ampleur du problème et en consacrant suffisamment de ressources à le résoudre.

59. L’État partie est invité à ratifier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses deux protocoles additionnels: le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer. L’État partie est invité en outre à devenir partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Administration de la justice pour mineurs

60. Le Comité prend acte des mesures positives prises par l’État partie grâce à l’adoption récente de la loi du 16 juin 2004, mais demeure néanmoins préoccupé par:

a) Le placement des mineurs dans des centres de détention pour adultes, qui engendre de fréquents contacts entre les deux groupes (même s’ils occupent des cellules séparées);

b) Le fait que les mineurs en situation de conflit avec la loi et ceux qui présentent des problèmes sociaux ou des troubles comportementaux soient placés dans les mêmes structures;

c) Le fait que les mineurs âgés de 16 à 18 ans puissent être présentés devant des juridictions ordinaires et jugés comme des adultes pour des infractions particulièrement graves;

d) Le placement à l’isolement de mineurs (voir par. 32 et 33 ci-dessus).

61. Le Comité réitère à l’État partie sa recommandation antérieure de mettre pleinement en place un système d’administration de la justice pour mineurs qui soit conforme aux dispositions de la Convention, en particulier ses articles 37, 39 et 40 ainsi qu’à d’autres normes adoptées par les Nations Unies dans ce domaine, notamment l’Ensemble de Règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale, ainsi que les recommandations qu’il avait faites lors de sa journée de débat général sur l’administration de la justice des mineurs (CRC/C/46, par. 203 à 238). À cet égard, le Comité recommande à l’État partie, en particulier:

a) De créer des structures de détention séparées pour les mineurs;

b) De prendre des mesures pour prévenir et réduire le recours à la détention provisoire et à d’autres formes de détention et de faire en sorte que cette détention soit la plus brève possible, notamment en concevant et en retenant d’autres solutions, comme par exemple les peines de travail d’intérêt général ou encore des mécanismes de justice réparatrice;

c) De bien séparer les mineurs en situation de conflit avec la loi des mineurs présentant des problèmes sociaux ou des troubles comportementaux;

d) D’éviter à tout prix que les mineurs soient jugés comme des adultes;

e) De mettre en place un organe de surveillance indépendant chargé d’inspecter périodiquement les établissements pour mineurs.

8. Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention

62. Le Comité se réjouit d’apprendre que l’État partie prend les mesures nécessaires pour ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

63. Le Comité recommande à l’État partie d’achever cette procédure dès que possible afin qu’il devienne partie au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

9. Suivi et diffusion de la documentation

Suivi

64. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les faisant parvenir aux membres du Conseil des ministres, du Cabinet ou de tout autre organe analogue, au Parlement et aux autorités et au Parlement des provinces ou des États, le cas échéant, afin qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

Diffusion de la documentation

65. Le Comité recommande également à l’État partie de diffuser largement, y compris mais non exclusivement par Internet, son deuxième rapport périodique et ses réponses écrites, ainsi que les recommandations du Comité s’y rapportant (observations finales) auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes et des enfants, afin de créer des échanges et de les sensibiliser aux dispositions de la Convention, à son application et à son suivi.

10. Prochain rapport

66. Le Comité souligne l’importance d’une pratique en matière de présentation des rapports qui soit pleinement conforme avec les dispositions de l’article 44 de la Convention. Un aspect important des responsabilités des États parties envers les enfants qui découlent de la Convention est de veiller à ce que le Comité des droits de l’enfant ait régulièrement la possibilité d’examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre de cet instrument. À cet égard, le Comité rappelle combien il est important que les États parties présentent périodiquement des rapports, en temps opportun. Le Comité reconnaît les difficultés qu’éprouvent certains États parties à ce faire. À titre exceptionnel, pour aider l’État partie à se mettre à jour avec ses obligations de présentation de rapports et respecter totalement la Convention, le Comité invite l’État partie à lui présenter ses troisième et quatrième rapports en un seul pour le 5 avril 2010, soit 18 mois avant la date d’échéance du quatrième rapport. Ce rapport ne devra pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118). Le Comité attend de l’État partie qu’il présente ensuite un rapport tous les cinq ans, comme la Convention le prévoit.

 



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