University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Luxembourg, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.92 (1998).



COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Dix-huitième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Luxembourg

1. Le Comité des droits de l'enfant a examiné le rapport initial du Luxembourg (CRC/C/41/Add.2) de sa 471ème à sa 473ème séance (voir CRC/C/SR.471 à 473), tenues les 2 et 3 juin 1998, et a adopté les observations finales à sa 477ème séance, tenue le 5 juin 1998.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite du rapport initial détaillé présenté par l'Etat partie, établi en se conformant pleinement aux directives du Comité. Il prend en outre note des réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/LUX/1). Le Comité se félicite également du dialogue fécond et constructif qu'il a eu avec la délégation.


B. Aspects positifs

3. Le Comité prend acte de l'existence du Parlement des jeunes et se félicite de sa participation au débat relatif au projet de loi visant à instituer un comité exerçant des fonctions de médiateur.

4. Le Comité note en s'en félicitant la déclaration de la délégation selon laquelle le Gouvernement luxembourgeois entend porter sa contribution au titre de l'aide au développement international de 0,36 % à 0,7 % du produit intérieur brut d'ici à la fin de 1999 et atteindre ainsi l'objectif fixé par les Nations Unies.


C. Principaux sujets de préoccupation

5. Le Comité note avec préoccupation que l'Etat partie a formulé des réserves aux articles 2, 6, 7 et 15 de la Convention.

6. Le Comité note avec préoccupation que même si la loi de 1992 relative à la protection de la jeunesse couvre àplusieurs dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, il reste nécessaire de modifier la législation interne et d'adopter de nouveaux textes législatifs en vue d'assurer l'application intégrale des principes et dispositions de la Convention. A cet égard, le Comité est préoccupé par la lenteur du processus d'adoption des modifications pertinentes proposées.

7. Le Comité note avec préoccupation que l'Etat partie n'a pas adopté de politique globale tendant à promouvoir et protéger les droits de l'enfant. Il note également avec préoccupation qu'un mécanisme vigoureux de coordination et de surveillance fait défaut et que le comité luxembourgeois des droits de l'enfant envisagé n'a toujours pas été officiellement mis en place.

8. Tout en reconnaissant les efforts déployés par l'Etat partie à cet égard, le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises en vue de dispenser une formation appropriée concernant les droits de l'enfant à tous les groupes professionnels travaillant avec ou pour les enfants. Il estime en outre que la situation demeure préoccupante pour ce qui est de l'action systématique à mener auprès de tous les segments de la société - auprès des adultes comme des enfants - pour sensibiliser aux principes et dispositions de la Convention et les faire connaître.

9. Le Comité note avec préoccupation qu'aucune loi ne couvre toutes les éventualités envisagées dans l'article 2 de la Convention en matière de non-discrimination et que les enfants nés hors mariage risquent toujours d'être exposés à différentes formes de discrimination et de stigmatisation, du fait en particulier de l'emploi des termes "légitime" et "illégitime" dans le Code civil.

10. Le Comité exprime sa préoccupation face à la non-prise en compte intégrale dans les mesures législatives et autres intéressant les enfants, des principes généraux énoncés dans la Convention, en particulier dans ses articles 2 (non-discrimination), 3 (intérêt supérieur de l'enfant) et 12 (respect des opinions de l'enfant).

11. Le Comité note avec préoccupation que les droits énoncés à l'article 7.1 de la Convention, en particulier le droit pour un enfant de connaître ses parents, est dénié par l'Etat partie aux enfants nés par accouchement anonyme (ou sous x) alors qu'il est avéré que ce droit est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

12. Le Comité constate avec préoccupation qu'il n'existe aucun texte législatif destiné à protéger les enfants contre l'exposition à la violence et à la pornographie par le canal de cassettes vidéo et d'autres médias modernes, plus particulièrement le réseau Internet. En outre, il est préoccupant que la possession de matériel pornographique, même le matériel mettant en scène des enfants, ne constitue pas une infraction dans l'Etat partie.

13. Eu égard aux articles 3, 5, 19 et 28.2 de la Convention, il est préoccupant de constater que les châtiments corporels dans ou hors de la famille ne sont pas expressément interdits par la loi.

14. Le Comité note avec préoccupation que la législation ne couvre pas toutes les formes existantes de placement. Il constate également avec préoccupation que les placements ne font pas systématiquement l'objet ni d'une surveillance régulière indépendante ni d'un réexamen périodique. Le Comité est en outre préoccupé par le placement d'enfants dans des institutions de pays voisins, faute d'installations et de personnel qualifié dans l'Etat partie.

15. S'agissant d'adoption, le Comité note avec préoccupation que la législation interne ne semble pas respecter intégralement l'ensemble des dispositions de l'article 21 de la Convention, en particulier pour ce qui est de la mise en oeuvre de mesures appropriées visant à empêcher que l'adoption internationale ne se traduise par un gain financier indu pour les parties prenantes.

16. Le Comité note avec préoccupation que les dispositions du Code pénal instituant une protection des enfants contre toutes les formes d'abus et de négligence ne concernent que les moins de 14 ans.

17. Tout en prenant acte de la loi de 1994 sur l'intégration scolaire des enfants handicapés, le Comité est préoccupé par le flou entourant l'état d'application de ce texte.

18. Le Comité est préoccupé par la diminution notable du taux d'allaitement au-delà des 30 jours suivant la naissance. Il est également préoccupé par la brièveté du congé de maternité et par l'application incomplète du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel.

19. Le Comité est préoccupé par le taux de suicide chez les jeunes dans l'Etat partie ainsi que par les suicides de jeunes en cours de détention. Le Comité note également avec préoccupation la montée de l'abus de drogue et d'alcool chez les jeunes.

20. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises par l'Etat partie pour faire systématiquement une place, conformément à l'article 29 de la Convention, à un enseignement aux droits de l'homme, en particulier aux droits de l'enfant, dans les programmes scolaires.

21. En ce qui concerne l'exploitation sexuelle des enfants, le Comité note avec préoccupation l'existence d'une prostitution d'enfants dans l'Etat partie et l'implication d'enfants dans des réseaux internationaux de prostitution. Il note également avec préoccupation que dans l'Etat partie il n'est pas illégal pour les enfants de plus de 16 ans de se livrer à la prostitution.

22. L'administration de la justice pour mineurs et, en particulier, sa compatibilité avec les articles 37, 39 et 40 de la Convention et diverses autres normes internationales pertinentes telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyadh et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté préoccupent le Comité. Le Comité constate avec une préoccupation particulière que les enfants âgés de 16 à 18 ans peuvent être traduits devant les tribunaux ordinaires et jugés comme des adultes. Il note également avec préoccupation que les mineurs peuvent être détenus avec des adultes dans les établissements pénitentiaires ordinaires, où les conditions sont extrêmement défavorables, avec notamment une limitation très stricte du temps consacré à l'exercice et aux loisirs, la quasi-absence de possibilités d'éducation et la longueur des périodes d'isolement en cellule. A cet égard, le Comité est préoccupé par la lenteur avec laquelle est mis en oeuvre l'ensemble de décisions pris par le groupe de travail interministériel visant à améliorer radicalement les conditions de détention des enfants.


E. Suggestions et recommandations

23. Eu égard à la Déclaration et au Programme d'action de Vienne de 1993, le Comité encourage l'Etat partie à étudier la possibilité de réexaminer ses réserves en vue de leur retrait.

24. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre à titre prioritaire toutes les mesures voulues pour mettre sa législation interne en totale conformité avec les dispositions et principes de la Convention.

25. Le Comité encourage l'Etat partie à adopter une stratégie globale en faveur des enfants. Le Comité souhaite en outre suggérer à l'Etat partie d'envisager la mise en place d'un mécanisme permanent pour la coordination, l'évaluation, la surveillance et le suivi des actions destinées à protéger les enfants dans le souci d'assurer le respect et l'application de la Convention dans son intégralité aux échelons central et local. A cet égard et dans l'optique des efforts en cours de l'Etat partie visant à promouvoir et à protéger les droits de l'enfant, le Comité encourage l'Etat partie à instituer dans le cadre de ses efforts un organe de surveillance indépendant, du type médiateur.

26. Le Comité recommande que l'Etat partie continue à diffuser la Convention auprès des adultes comme des enfants dans les langues appropriées. Il recommande également que les autorités continuent à mettre en oeuvre des programmes de sensibilisation, d'éducation et de formation concernant la Convention relative aux droits de l'enfant à l'intention des groupes professionnels travaillant pour et avec les enfants, tels que les juges, les avocats, les personnels chargés de l'application des lois et les militaires, les fonctionnaires, y compris à l'échelon local, le personnel travaillant dans des institutions ou autres lieux de détention d'enfants, le personnel de santé et les travailleurs sociaux.

27. Le Comité recommande que l'Etat partie prenne pleinement en considération dans sa législation tous les motifs de discrimination contre lesquels une protection doit être assurée, tels qu'ils sont énumérés dans l'article 2 de la Convention. En particulier, le Comité recommande que l'Etat partie prenne toutes les mesures nécessaires pour que les enfants nés hors mariage ne fassent pas l'objet d'un traitement discriminatoire ou d'une stigmatisation, et pour que soient éliminés les termes "légitime" et "illégitime" actuellement employés dans le Code civil. Vu la dimension multinationale de la société, le Comité recommande de plus que l'Etat partie prenne toutes les mesures voulues, y compris d'ordre juridique, pour garantir à tous les enfants vivant sous sa juridiction la totalité des droits énoncés dans la Convention, eu égard aux articles 2, 3 et 22.

28. Le Comité estime que de nouveaux efforts s'imposent pour faire en sorte que les principes généraux de la Convention, en particulier la "non-discrimination" (art. 2), l'"intérêt supérieur de l'enfant" (art. 3) et le "respect des opinions de l'enfant" (art. 12), non seulement servent à orienter la formulation des politiques et la prise des décisions mais soient en outre pris en compte de manière appropriée dans toutes les décisions judiciaires et administratives ainsi que dans la définition et l'exécution de tous les projets et programmes ayant des incidences sur les enfants.

29. Afin de protéger pleinement les droits des enfants nés par accouchement anonyme (sous x), le Comité recommande que l'Etat partie prenne toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des dispositions de l'article 7, en particulier le droit de l'enfant à connaître ses parents, eu égard aux principes de "non-discrimination" (art. 2) et d'"intérêt supérieur de l'enfant" (art. 3).

30. Compte tenu de l'article 17 de la Convention, le Comité recommande que l'Etat partie prenne toutes les mesures d'ordre juridique et autres voulues pour protéger les enfants contre toute exposition à la violence et à la pornographie par le canal de cassettes vidéo et d'autres médias modernes, y compris le réseau Internet. Le Comité recommande également que l'Etat partie poursuive ses efforts en vue de l'adoption d'une législation interdisant effectivement la possession de matériel pornographique mettant en scène des enfants. Une coopération bilatérale devrait être engagée avec les pays voisins à cet effet.

31. Compte tenu des articles 3, 19 et 28.2, le Comité recommande que la loi interdise expressément les châtiments corporels au sein de la famille et dans les structures d'accueil.

32. Le Comité encourage l'Etat partie à prendre toutes les mesures voulues, y compris d'ordre législatif, pour donner à tout enfant placé dans un type ou un autre d'établissement la garantie de tous les droits qui lui sont reconnus par la Convention, en particulier le droit à un réexamen périodique du placement. Le Comité recommande également que l'Etat partie se dote d'un mécanisme de surveillance des établissements d'accueil et autres types d'établissements. Une attention particulière devrait être accordée à la surveillance des enfants placés dans des établissements étrangers, faute de connaissances spécialisées ou d'installations appropriées dans l'Etat partie. A cet égard, le Comité recommande de réaliser une étude visant à déterminer les effets du placement d'enfants dans des pays voisins.

33. Le Comité recommande que l'Etat partie mette pleinement en conformité sa législation, ses procédures, ses politiques et pratiques avec les dispositions de l'article 21 de la Convention. Il encourage l'Etat partie à étudier la possibilité de ratifier la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

34. En ce qui concerne les droits des enfants handicapés, compte tenu notamment des dispositions de l'article 23 de la Convention, le Comité encourage l'Etat partie à prendre toutes les mesures voulues pour mettre en oeuvre dans son intégralité la loi de 1994 sur l'intégration scolaire.

35. Le Comité encourage l'Etat partie à incorporer un enseignement spécifique relatif aux droits de l'homme, y compris aux droits de l'enfant, dans les programmes scolaires.

36. Le Comité recommande que l'Etat partie réalise une étude globale visant à identifier les raisons pour lesquelles le taux d'allaitement chute au-delà du premier mois après la naissance. Il recommande également d'allonger la durée du congé de maternité, d'entreprendre des efforts soutenus tendant à faire connaître au public - en particulier aux nouveaux parents - les avantages de l'allaitement, et d'adopter, au besoin, diverses autres mesures pour contrebalancer toute incidence négative sur le plan de l'emploi pour les femmes souhaitant continuer à allaiter leurs enfants plus longtemps. Enfin, le Comité recommande que l'Etat partie intensifie ses efforts visant à promouvoir le respect du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel.

37. Le Comité encourage l'Etat partie à consacrer des études aux causes du suicide et de divers autres problèmes de santé mentale chez les jeunes et à adopter des mesures pour lutter contre ce phénomène. Il recommande en outre que l'Etat partie mette en oeuvre des mesures "adaptées aux jeunes" dans les domaines de la prévention, du traitement et de la réadaptation en vue de faire face aux problèmes grandissants que constitue l'abus par les jeunes adolescents de drogues et autres substances.

38. Le Comité recommande que l'Etat partie renforce sa législation, ses politiques et ses programmes destinés à prévenir et à combattre toutes les formes d'exploitation et d'abus sexuels, en particulier la prostitution d'enfants, la pornographie mettant en scène des enfants et le trafic d'enfants. A cet égard, le Comité recommande à l'Etat partie se doter d'un plan d'action national global et de mettre en oeuvre les recommandations du Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales tenu à Stockholm en 1996.

39. Pour ce qui a trait à l'administration de la justice pour mineurs, le Comité recommande que l'Etat partie prenne toutes les mesures voulues pour assurer la prise en compte dans leur intégralité des dispositions de la Convention, en particulier des articles 37, 40 et 39, ainsi que des autres normes internationales pertinentes dans ce domaine, telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, dans sa législation, ses politiques et sa pratique. Une attention spéciale devrait être portée aux solutions autres que la détention, à la prévention du suicide en détention, à la mise en place d'infrastructures appropriées à l'intention des enfants détenus afin d'assurer leur séparation totale des adultes et leur garantir des contacts réguliers avec leur famille. Le droit des enfants détenus à l'éducation, notamment à la formation professionnelle, devrait être pleinement pris en compte. Le Comité recommande vigoureusement que l'Etat partie prenne toutes les mesures voulues pour mettre en oeuvre toutes les recommandations pertinentes adoptées par le Groupe de travail interministériel tendant à améliorer radicalement les conditions de détention des enfants.

40. Enfin, eu égard au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie de diffuser largement auprès du public son rapport initial et ses réponses écrites ainsi que les comptes rendus analytiques des séances pertinentes et les observations finales adoptées par le Comité. Pareille diffusion devrait permettre de susciter un débat et de faire connaître la Convention et l'état de son application, en particulier aux pouvoirs publics, aux ministères compétents, au Parlement et aux organisations gouvernementales.



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