University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Italie, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.41 (1995).


COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Dixième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
AU TITRE DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Italie


1. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Italie (CRC/C/8/Add.18) de sa 235ème à sa 238ème séance (CRC/C/SR.235 à 238), tenues les 31 octobre et 1er novembre 1995 et a adopté*/ les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité exprime ses remerciements à l'Etat partie pour avoir engagé avec lui un dialogue franc et fructueux grâce à une délégation pluridisciplinaire de haut niveau. Il se félicite des renseignements écrits soumis par la délégation italienne en réponse à sa liste des points à traiter (CRC/C.10/WP.2), ainsi que des données statistiques fournies au cours du débat. Tout en notant avec satisfaction que ces renseignements supplémentaires lui ont permis d'avoir un dialogue constructif avec l'Etat partie, le Comité regrette que le gouvernement n'ait pas suivi ses directives pour l'établissement de son rapport et qu'un certain nombre de questions abordées dans la liste soient demeurées sans réponse.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite des mesures législatives et administratives prises par le Gouvernement italien depuis l'entrée en vigueur de la Convention en 1991, pour promouvoir et protéger les droits de l'enfant. Il a appris avec plaisir que la Convention était d'application automatique en Italie et qu'à ce titre, elle pouvait être, et l'avait été, appliquée directement par les tribunaux italiens et que l'Italie suivait le principe de la primauté des normes internationales relatives aux droits de l'homme sur la législation interne en cas de conflit de droit. Le Comité se félicite aussi des mesures préliminaires prises en vue de la ratification de la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

4. Le Comité se félicite de la mise en place d'institutions et de mécanismes pour la protection et le suivi des droits de l'enfant en Italie, y compris, en particulier, d'une Commission parlementaire spéciale pour l'enfance, du Département des affaires familiales et sociales au sein du Cabinet du Premier Ministre, du Centre national de protection de l'enfance, chargé de collecter des données sur les enfants et de l'Observatoire national des problèmes des mineurs, qui analyse les données recueillies par le Centre national et rédige des rapports annuels à l'intention du Parlement.

5. Le Comité note avec satisfaction les progrès réalisés dans le domaine de la santé et de la protection des enfants, notamment la baisse sensible de la mortalité périnatale.

C. Principaux sujets de préoccupation

6. Le Comité est préoccupé par l'absence d'un mécanisme intégré chargé de surveiller l'ensemble des activités tendant à promouvoir et à protéger les droits de l'enfant. Il souligne, d'une part, l'insuffisance de la coordination entre les différentes entités gouvernementales intéressées, ainsi qu'aux niveaux national, régional et local, et, d'autre part, la nécessité de mettre en place un vaste réseau de collecte de données, sur tous les domaines visés par la Convention et sur tous les enfants quels qu'ils soient, indispensable pour entreprendre des programmes ciblés sur les droits de l'enfant et évaluer l'efficacité des mesures législatives et administratives.

7. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour faire en sorte que les principes et les dispositions de la Convention soient largement connus des enfants comme des adultes et que les membres des différentes professions qui ont affaire aux enfants aient une formation adéquate.

8. Pour ce qui est de l'application de l'article 4 de la Convention, le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour assurer la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels au maximum des ressources disponibles. Le Comité a l'impression que les crédits consacrés au secteur social, tant au niveau national que dans le contexte de l'aide internationale au développement, sont insuffisants. Le Comité est aussi préoccupé par le peu d'empressement mis par la société civile à s'intéresser aux questions qui touchent les enfants.

9. Le Comité regrette que la législation interne et les décisions politiques ne tiennent pas toujours compte des principes fondamentaux de la Convention, à savoir les dispositions des articles 2, 3 et 12.

10. Les disparités économiques et sociales persistantes et flagrantes entre le sud et le nord du pays, qui ont des répercussions néfastes sur la situation des enfants, sont aussi une source de préoccupation pour le Comité.

11. En ce qui concerne l'article 2 de la Convention relatif à la non-discrimination, le Comité est préoccupé par le fait qu'il n'ait pas été pris de mesures suffisantes pour évaluer les besoins des enfants issus de groupes vulnérables et défavorisés, tels que les enfants de familles pauvres et de familles monoparentales, les enfants d'origine étrangère ou tsigane et les enfants nés hors mariage, ou pour répondre à leurs besoins. Il est aussi préoccupé par le fait que les enfants qui appartiennent à ces groupes défavorisés semblent courir davantage le risque de susciter une image défavorable dans l'opinion publique, d'abandonner leurs études, d'être employés à des tâches clandestines, voire à des activités illégales, y compris des activités criminelles organisées.

12. Le Comité s'inquiète des violences dont les enfants sont victimes, violences physiques et sexuelles et violences au sein de la famille, ainsi que de l'insuffisance de la protection offerte par le Code pénal à cet égard et de l'absence de mesures propres à faciliter le rétablissement psychosocial des enfants victimes de tels actes.

D. Suggestions et recommandations

13. Le Comité recommande la mise au point, à l'échelle nationale, d'un mécanisme chargé de suivre en permanence l'application de la Convention et d'assurer la coordination, y compris entre les ministères et entre les autorités centrales, régionales et locales. Il suggère aussi au gouvernement d'inviter les organisations non gouvernementales qui oeuvrent en faveur des droits de l'enfant à coopérer plus étroitement et de façon plus active avec lui et de prévoir les moyens nécessaires à cette coopération. De telles mesures pourraient contribuer à promouvoir un dialogue suivi avec la société civile, laquelle pourrait exercer une surveillance sur l'action des pouvoirs publics dans le domaine de la promotion et de la protection des droits des enfants.

14. Le Comité recommande que des données sur les enfants soient systématiquement collectées et que des travaux de recherche soient entrepris sur tout ce qui touche aux enfants, y compris sur l'évolution des structures familiales, afin d'assurer l'adoption de mesures politiques adéquates dans le domaine des droits de l'enfant.

15. Le Comité encourage l'Etat partie dans la voie de la systématisation de la vulgarisation auprès des enfants et des adultes des principes et des dispositions de la Convention, afin de sensibiliser et mobiliser l'opinion publique et la société civile pour qu'elles participent davantage à la promotion des droits de l'enfant. Dans l'esprit de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, le Comité encourage aussi le gouvernement à envisager de faire des droits de l'enfant un sujet d'enseignement dans les programmes scolaires. De même, la formation aux questions traitées dans la Convention devrait faire partie des programmes d'enseignement destinés aux personnels qui ont affaire aux enfants (enseignants, travailleurs sociaux, agents des forces de l'ordre, magistrats et membres des contingents italiens des forces de maintien de la paix des Nations Unies).

16. L'Etat partie devrait poursuivre ses efforts en vue de refléter pleinement dans sa législation et sa pratique les dispositions et les principes de la Convention, en particulier les principes touchant à la non-discrimination, l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit d'exprimer librement son opinion. A cet égard, le Comité recommande de modifier la législation en vigueur pour assurer la pleine égalité de traitement entre enfants nés dans le mariage et enfants nés hors mariage.

17. Il faudrait prendre d'autres mesures pour empêcher l'aggravation des comportements et des préjugés qui favorisent la discrimination à l'encontre des enfants particulièrement vulnérables, dont ceux qui vivent dans la pauvreté, ceux résidant dans le sud du pays et les enfants tsiganes ou étrangers. Le gouvernement devrait envisager d'adopter une politique plus active et cohérente en ce qui concerne le traitement de ces enfants et créer un environnement propice à la meilleure insertion possible de ces enfants dans la société italienne. Tout un ensemble de mesures s'impose pour aider les parents à assumer leurs responsabilités et pour soutenir les familles nécessiteuses pour qu'elles puissent élever leurs enfants conformément aux dispositions des articles 18 et 27 de la Convention; ces mesures contribueraient à limiter la dislocation des familles, à réduire le nombre d'enfants placés en institution et à faire du placement en institution une mesure de dernier recours.

18. Le Comité encourage le Gouvernement italien à prêter particulièrement attention à la pleine application de l'article 4 à la lumière des principes généraux de la Convention en ce qui concerne en particulier l'intérêt supérieur de l'enfant. Le Comité souligne aussi la nécessité de répartir judicieusement les ressources aux niveaux central, régional et local afin d'éliminer les disparités économiques et sociales persistantes et de prêter particulièrement attention aux groupes les plus défavorisés de la société, notamment aux familles monoparentales.

19. Le Comité suggère par ailleurs à l'Etat partie de s'appuyer sur les principes de la Convention pour renforcer l'aide internationale au développement et d'envisager la possibilité de mettre davantage l'accent sur les priorités sociales en faveur des enfants.

20. Le Comité suggère aussi à l'Etat partie de faire le nécessaire pour que la lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants et leur interdiction, y compris les châtiments corporels au sein de la famille, ressortent clairement de la législation interne.

21. Le Comité recommande de prendre des mesures, y compris de soutien aux familles défavorisées, pour empêcher le travail illégal des enfants, la délinquance juvénile et l'utilisation d'enfants à des fins criminelles. A cet égard, le Comité suggère aussi d'adapter comme il convient les programmes scolaires pour y incorporer l'enseignement professionnel à la lumière de l'article 28 de la Convention, dans l'idée que cette mesure pourrait contribuer à réduire le taux d'abandon scolaire et limiter l'entrée illégale des enfants sur le marché du travail, voire leur participation à des activités criminelles.

22. Le Comité recommande à l'Etat partie de diffuser aussi largement que possible dans le pays son rapport initial et ses réponses écrites, les comptes rendus des séances auxquelles ces documents ont été examinés et les observations finales du Comité et de les transmettre au Parlement pour débat et suivi. A cet égard, le Comité invite aussi l'Etat partie à lui communiquer les rapports annuels que l'Observatoire national des problèmes des mineurs soumettra au Parlement. Ces rapports annuels ainsi que le Plan d'action - assorti de buts bien précis et d'un calendrier pour les cinq prochaines années - devraient tenir compte des domaines que le Comité a jugés prioritaires lors de l'examen du rapport initial de l'Italie, et qui apparaissent dans les comptes rendus de séances.


*/ A sa 259ème séance, tenue le 17 novembre 1995.



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