University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Allemagne, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.43 (1995).



COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Dixième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits
de l'enfant : Allemagne



1. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Allemagne (CRC/C/11/Add.5) de sa 243ème à sa 245ème séance (CRC/C/SR.243-245), tenues les 6 et 7 novembre 1995, et a adopté ** A sa 259ème séance, tenue le 17 novembre 1995. les observations finales suivantes :


A. Introduction

2. Le Comité note que le rapport de l'Etat partie expliquait de manière détaillée le cadre législatif de l'application de la Convention sans toutefois fournir suffisamment d'informations sur la mise en pratique des principes et dispositions de la Convention à travers le pays. Le Comité se félicite des réponses franches et critiques de la délégation aux questions soulevées par le Comité et des éclaircissements qu'elle a fournis sur les mesures introduites ou envisagées pour assurer l'application de la Convention. Le Comité se félicite aussi du dialogue et de l'échange de vues constructifs qu'il a eus avec la délégation.

B. Aspects positifs

3. C'est avec satisfaction que le Comité a appris que l'Etat partie envisageait de réexaminer les déclarations qu'il avait formulées à l'égard de la Convention en vue de leur retrait éventuel.

4. Le Comité accueille avec satisfaction la déclaration faite par l'Etat partie selon laquelle la participation d'adolescents de 15 ans aux opérations militaires est incompatible avec l'intérêt supérieur de l'enfant et aussi l'expression de sa volonté d'appuyer la rédaction d'un protocole facultatif se rapportant à la Convention sur cette question. Le soutien de l'Etat partie à l'appel de la communauté internationale en faveur de l'interdiction de la fabrication et du commerce des mines terrestres antipersonnel est aussi chaleureusement accueilli.

5. Le Comité note avec satisfaction la création d'un Comité d'experts chargé d'établir un rapport d'ensemble sur la situation des enfants en Allemagne qui a déjà commencé ses travaux en vue d'apporter sa contribution à l'étude sur l'enfance et la jeunesse qui doit être présentée au Parlement allemand (Bundestag et Bundesrat).

6. Le Comité prend note de la volonté manifestée par l'Etat partie de combattre les tendances xénophobes et les manifestations racistes. Il tient à féliciter le gouvernement des efforts qu'il déploie pour mobiliser les autorités aux niveaux de la Fédération, des Länder et des municipalités et s'assurer de leur coopération en vue du lancement, à l'échelle du pays, d'une campagne de lutte contre ces phénomènes et de promotion de l'harmonie ethnique et raciale dans le cadre général de la Campagne européenne de la jeunesse dont le Conseil de l'Europe a pris l'initiative.

7. Le Comité se félicite aussi de la volonté que manifeste l'Etat partie de se donner les moyens de prévenir les violences, notamment sexuelles, au sein de la famille et de les détecter dès leurs premières manifestations. Le Comité se félicite tout autant de la volonté de l'Etat partie de sensibiliser les moyens de communication de masse à la nécessité de protéger les enfants de toute influence préjudiciable.

8. Les mesures prises par le gouvernement pour préparer le terrain à la ratification par l'Allemagne de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale sont accueillies avec satisfaction.

9. Le Comité prend acte des initiatives prises par l'Etat partie pour être en mesure d'accueillir un assez grand nombre de réfugiés et de demandeurs d'asile, notamment en provenance de l'ex-Yougoslavie.

10. En ce qui concerne les efforts déployés par l'Etat partie pour lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants, le Comité note avec satisfaction que les violences sexuelles à l'encontre d'enfants commises à l'étranger relèvent désormais du droit pénal national. Il prend note aussi des mesures récemment prises pour faire de la possession de matériels pornographiques impliquant des enfants un délit pénal.

11. Le Comité prend note avec satisfaction de l'appui de l'Etat partie au programme axé sur l'élimination du travail des enfants de l'Organisation internationale du Travail.

12. C'est avec intérêt que le Comité note qu'en Allemagne, à compter de 1996, tout enfant aura légalement droit à une place dans un jardin d'enfants.

D. Principaux sujets de préoccupation

13. Le Comité regrette l'étendue des déclarations formulées à l'égard de la Convention par l'Etat partie. Le Comité considère que certaines de ces déclarations soulèvent des inquiétudes quant à leurs implications et aussi quant à leur compatibilité avec la pleine jouissance des droits reconnus par la Convention.

14. Le Comité note avec préoccupation que la question de l'établissement d'un mécanisme efficace de coordination et de surveillance de l'application de la Convention aux niveaux de la Fédération, des Länder et des municipalités ne semble pas avoir reçu toute l'attention voulue. Un tel mécanisme est essentiel pour l'évaluation et la promotion de politiques et de programmes en faveur des enfants dans le contexte de la Convention.

15. Le Comité s'inquiète du faible degré de sensibilisation aux principes et dispositions de la Convention parmi les adultes et les enfants et de leur manque de compréhension de cet instrument.

16. Le Comité a pris acte de l'engagement pris par l'Etat partie de faire de la Convention le cadre de son action en faveur des enfants mais s'inquiète du manque de réflexion sur l'enfant en tant que sujet de droits, conformément à la Convention, dans la législation, les politiques et les programmes nationaux. A cet égard, il s'inquiète du fait que l'intégration des principes généraux de la Convention, tels qu'énoncés entre autres dans les articles 2 et 3, semble avoir été négligée.

17. En ce qui concerne l'application des articles 12, 13 et 15 de la Convention, on ne s'est que peu préoccupé d'assurer à l'enfant la possibilité de participer aux décisions, y compris au sein de la famille, ou aux procédures judiciaires ou administratives l'intéressant.

18. Le Comité a pris acte des efforts considérables qui avaient été entrepris par le gouvernement, et des progrès sensibles réalisés, sur la voie de l'unité entre anciens et nouveaux Länder, mais constate que les objectifs de réalisation de conditions de vie égales et d'établissement de services pour l'enfance et la jeunesse comparables à l'échelle du pays restent à atteindre. La disparité des niveaux de vie et de la qualité des services entre les Länder et les difficultés auxquelles sont confrontés les groupes particulièrement vulnérables de la société, dont les enfants nés hors mariage et les familles monoparentales, continuent de préoccuper le Comité.

19. Le Comité s'inquiète de savoir dans quelle mesure il est tenu compte des besoins et des droits particuliers des enfants réfugiés ou demandeurs d'asile. Les procédures qui s'appliquent aux enfants demandeurs d'asile, en particulier en ce qui concerne la réunification familiale, l'expulsion des enfants vers des pays tiers sûrs et la "réglementation aéroportuaire" donnent matière à inquiétude. A cet égard, le Comité a l'impression que les garanties prévues par la Convention, en particulier dans ses articles 2, 3, 12, 22 et 37 d) ne sont pas respectées et que l'application des articles 9 et 10 a été négligée. Par ailleurs, le Comité note avec inquiétude que la garantie de soins et services médicaux aux enfants demandeurs d'asile ne semble pas être interprétée à la lumière des principes et dispositions des articles 2 et 3 de la Convention.

20. En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, le Comité s'inquiète de la déclaration formulée par l'Etat partie à l'égard du paragraphe 2 b) ii) de l'article 40 qui semble limiter le droit de l'enfant à ce que sa cause soit entendue par un tribunal compétent et son droit de bénéficier d'une assistance judiciaire et d'assurer sa défense.

E. Suggestions et recommandations

21. Le Comité a appris avec beaucoup de satisfaction que l'Etat partie envisageait d'incorporer la Convention relative aux droits de l'enfant dans la Constitution nationale et, dans cet esprit, l'encourage à poursuivre l'action qu'il mène pour faire en sorte que la Convention ait un statut constitutionnel.

22. Le Comité recommande à l'Etat partie de poursuivre l'examen des déclarations qu'il a formulées à l'égard de la Convention aux fins d'en envisager le retrait. De l'avis du Comité, ces déclarations ne semblent pas nécessaires dans le contexte des réformes que l'Etat partie envisage d'apporter à la législation, outre qu'elles semblent soulever des questions quant à leur compatibilité avec la Convention.

23. Le Comité engage l'Etat partie à réexaminer la question de l'institution d'un mécanisme permanent et efficace de coordination aux niveaux de la Fédération, des Länder et des municipalités en ce qui concerne les droits de l'enfant. Il l'engage aussi à envisager l'introduction d'un système d'évaluation et de surveillance, dans tous les domaines couverts par la Convention, qui s'appuierait sur la collecte généralisée et systématique de données, avec comme cibles prioritaires les groupes les plus vulnérables et aussi l'aplanissement des disparités économiques et sociales. Le Comité se félicite de l'engagement pris par l'Etat partie de continuer à promouvoir une coopération et un dialogue plus étroits avec les organisations non gouvernementales et les groupements dont la vocation est de veiller à l'application des droits de l'enfant. Le Comité encourage l'Etat partie à s'intéresser de plus près aux activités des médiateurs, notamment dans la perspective du rôle qu'ils pourraient jouer dans la surveillance du respect des droits de l'enfant.

24. Au sujet de l'article 4 de la Convention, le Comité souligne qu'il est important que l'Etat partie prenne des mesures dans toutes les limites des ressources dont il dispose pour mettre en oeuvre les droits économiques, sociaux et culturels de l'enfant aux niveaux de la Fédération, des Länder et des municipalités, à la lumière des principes de la Convention, en particulier ceux énoncés aux articles 2 et 3 concernant la non-discrimination et l'intérêt supérieur de l'enfant.

25. Le Comité est conscient de l'importante assistance structurelle fournie par l'Allemagne à des pays tiers. Il souhaiterait l'encourager dans ses efforts de contribution à l'assistance internationale aux pays en développement à hauteur de 0,7 % et l'engager à envisager des mesures de conversion et de remise de la dette en faveur de programmes destinés à améliorer la situation des enfants. A cet égard, le Comité souligne que l'étude de l'impact sur les enfants de programmes internationaux d'assistance au développement et de coopération d'un Etat partie s'est avérée très utile dans l'évaluation de l'efficacité de telles initiatives pour la mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant.

26. Le Comité note avec satisfaction la reconnaissance par l'Etat partie du caractère prioritaire de l'élaboration d'une stratégie globale et systématique de diffusion de l'information et de sensibilisation sur les droits de l'enfant. Le lancement de campagnes publiques faisant appel aux moyens de communication de masse et mobilisant la société civile, y compris les organisations non gouvernementales et les groupements s'occupant d'enfants, contribuerait efficacement à mieux faire comprendre les droits de l'enfant et à en promouvoir le respect.

27. Le Comité recommande à l'Etat partie de saisir l'occasion de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme pour concevoir et diffuser des matériels éducatifs sur les droits de l'enfant et les droits de l'homme et introduire l'enseignement des droits de l'homme, en particulier les droits de l'enfant, dans les programmes scolaires mais aussi dans les programmes de formation des groupes professionnels s'occupant d'enfants ou ayant affaire à eux, dont les enseignants, les magistrats, les avocats, les agents des services sociaux, les personnels des services de santé, de la police et de l'immigration.

28. Le Comité se félicite de la réforme de la législation nationale envisagée par l'Etat partie dans le contexte de l'article 2 de la Convention, notamment en vue d'éliminer toute discrimination à l'égard des enfants nés hors des liens du mariage. Le Comité recommande donc à l'Etat partie de poursuivre l'harmonisation de la législation nationale avec les dispositions et principes de la Convention et aussi de continuer à intégrer en priorité dans la législation et les politiques nationales les principes généraux de la Convention, notamment ceux figurant aux articles 2 (non-discrimination) et 3 (intérêt supérieur de l'enfant).

29. Le Comité considère que certaines des dispositions de la Convention relative à la participation des enfants, y compris les articles 12, 13 et 15, doivent être davantage prises en considération et encouragées. Des campagnes d'information et de sensibilisation devraient être organisées à cette fin. Le Comité recommande à cet égard qu'il soit envisagé d'élargir et d'étendre la participation des enfants aux décisions les concernant, dans la famille et dans la société, entre autres celles ayant trait à la réunification familiale et à l'adoption.

30. Le Comité félicite l'Etat partie de son intention de se servir de la Convention relative aux droits de l'enfant pour aiguiser le sens des responsabilités des personnes qui prennent soin d'enfants et équilibrer les responsabilités incombant aux parents dans l'éducation de leurs enfants. Le Comité encourage l'Etat partie des initiatives qu'il a prises pour faire évoluer les mentalités aux fins d'éliminer toutes les formes de violence contre les enfants, y compris les châtiments corporels au sein des familles.
A cet égard, le Comité suggère à l'Etat partie de profiter du processus de réforme du Code civil pour y introduire l'interdiction de tout châtiment corporel.

31. Tout en prenant acte de l'allocation de ressources supplémentaires au système de prestations familiales et de la volonté de prendre d'autres mesures en faveur des familles monoparentales, et reconnaissant la volonté manifestée par l'Etat partie de prendre des mesures pour faciliter aux enfants nécessiteux l'accès à des activités extrascolaires, y compris les loisirs, le Comité est d'avis qu'une plus grande priorité devrait être accordée à l'analyse de l'étendue de la pauvreté parmi les enfants. Cette analyse devrait être abordée dans une perspective globale pour tenir compte de facteurs tels que les conditions de logement, le soutien apporté à l'enfant, à la maison et à l'école, et le risque d'abandon scolaire. Les résultats d'une telle étude pourraient servir de base à des débats parlementaires et à des consultations avec les autorités compétentes ainsi qu'à la conception de solutions plus globales et mieux adaptées aux problèmes détectés. Le Comité suggère que l'Etat partie entreprenne une étude plus détaillée de l'impact éventuel de la pollution de l'environnement sur la santé des enfants.

33. Le Comité est d'avis que la question des enfants demandeurs d'asile et réfugiés mérite un examen plus approfondi en vue de l'introduction de réformes dans le contexte de la Convention et compte tenu des inquiétudes exprimées lors des échanges de vues. Ces réformes devraient notamment porter sur les procédures, en particulier celles qui concernent les mineurs de 16 à 18 ans, qui régissent l'expulsion d'enfants vers un pays tiers sûr, la réunification familiale et la "réglementation aéroportuaire", et viser à les rendre compatibles avec les dispositions et principes de la Convention, en particulier des articles 2, 3, 5, 9 (par. 3), 10, 12, 22 et 37 d).

34. Le Comité a pris acte de l'intention du gouvernement de réformer le système d'administration de la justice pour mineurs, et notamment d'introduire ou de renforcer les services d'accueil et de protection des enfants victimes ou témoins. Le Comité note aussi qu'il est envisagé dans le cadre de cette réforme de supprimer la possibilité d'infliger des peines de durée indéterminée aux mineurs. A ce propos, le Comité formule l'espoir que les déclarations formulées par l'Etat partie à l'égard de l'article 40 (2) b) ii) et v)) seront revues dans l'optique de leur retrait éventuel.

35. Le Comité recommande aussi l'établissement d'un calendrier dans le cadre duquel devront être introduites les réformes législatives, les politiques et les mesures destinées à pleinement assurer l'application des dispositions et principes de la Convention. Le Comité suggère que la présentation au Parlement par le gouvernement fédéral du rapport sur l'enfance et la jeunesse soit l'occasion pour les parlementaires d'engager un débat sur la situation des enfants dans l'Etat partie et de décider des politiques à adopter pour traiter des problèmes qui se posent.

36. Il est recommandé à l'Etat partie que le rapport qu'il a présenté au Comité ainsi que les comptes rendus des débats sur ce rapport et les observations finales du Comité soient largement diffusés dans le pays avec pour objectif de mieux faire connaître les droits des enfants, également aux niveaux des Länder et des municipalités, des organisations non gouvernementales, des groupes professionnels concernés et de la population dans son ensemble, y compris les enfants.





Page Principale || Traités || Recherche || Liens