COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Vingt‑neuvième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité des droits de l’enfant: Gabon
1. Le Comité a examiné le rapport initial du Gabon (CRC/C/41/Add.10), reçu le 21 juin 2000, à ses 756e et 757e séances (voir CRC/C/SR.756 et 757), tenues le 17 janvier 2002, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 777e séance (CRC/C/SR.777), tenue le 1er février 2002.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l’État partie, qui a été établi conformément à ses directives. Il prend note d’autre part du fait que les réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/GAB/1) ont été présentées en temps utile, ce qui lui a permis de mieux appréhender la situation des enfants dans l’État partie. Il constate aussi qu’il a eu un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie. Le Comité relève que la présence d’une délégation de haut niveau et nombreuse, composée de personnes participant directement à la mise en œuvre de la Convention, l’a aidé à évaluer de façon plus détaillée la situation des droits de l’enfant dans l’État partie.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite de la mise en place des instruments et institutions suivants:
a) Ordonnance sur la politique de santé (ordonnance no 001/95 du 14 janvier 1995);
b) Loi sur la protection sociale des enfants handicapés (loi no 919/95 du 3 juillet 1996);
c) Loi portant organisation générale de l’enseignement (loi no 16/66 du 9 août 1996);
d) Loi sur le statut des réfugiés (loi no 005/98);
e) Loi sur les mesures générales en matière de santé et de protection sociale portant abrogation de l’ordonnance no 64/69 qui interdisait le recours aux contraceptifs (loi no 001/2000);
f) Loi portant incrimination de la traite d’enfants, promulguée en 2001;
g) Initiative budgétaire 20/20;
h) Plan d’action national contre la pauvreté; et
i) Parlement des enfants.
4. Le Comité se félicite par ailleurs de la ratification de la Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination.
C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention
5. Le Comité est conscient du fait que la dette extérieure et la faiblesse numérique de personnels qualifiés ont eu des effets fâcheux sur le bien‑être social et la situation des enfants et entravé la mise en œuvre pleine et entière de la Convention. Qui plus est, la coexistence d’un droit coutumier et d’un droit écrit ne sont pas sans effet sur l’application de la Convention dans l’État partie, où l’existence de pratiques traditionnelles n’est pas propice à la réalisation des droits de l’enfant.
D. Principaux sujets de
préoccupation et recommandations du Comité
1. Mesures d’application
générales
Législation
6. Le Comité relève que l’État partie a adopté de nouvelles lois pour aligner sa législation sur la Convention et se félicite de la réalisation en 1998 d’une étude comparative entre la législation nationale, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant. Il demeure cependant préoccupé par le fait que l’application des lois laisse à désirer et que le droit interne, en particulier le droit coutumier, ne reflète toujours pas pleinement les principes et les dispositions de la Convention.
7. Le Comité encourage l’État partie à
prendre toutes les mesures voulues pour rendre sa législation interne
pleinement conforme aux principes et aux dispositions de la Convention. À cet
égard, il lui recommande:
a) De prendre toutes mesures pour
harmoniser la législation existante, y compris le droit coutumier, avec la
Convention relative aux droits de l’enfant;
b) D’envisager d’adopter un code des
enfants complet qui reflète les principes généraux de la Convention relative
aux droits de l’enfant;
c) De veiller à l’application de sa
législation;
d) De ratifier la Charte africaine des
droits et du bien‑être de l’enfant.
Coordination
8. Le Comité, relevant que le Ministère des affaires familiales joue un rôle central dans la mise en œuvre de la Convention mais que divers autres services ministériels y prennent aussi leur part, se déclare préoccupé par l’absence de coordination des activités. Il se déclare également préoccupé par la carence dont pâtissent la coordination et l’exécution de programmes mis en place dans le cadre de la coopération internationale.
9. Le Comité recommande à l’État partie
de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en place un organe, ou un
mécanisme, efficace chargé de coordonner la mise en œuvre de la Convention
relative aux droits de l’enfant et doté de ressources humaines et autres
suffisantes et de pouvoirs appropriés, et pour élaborer un plan d’action
détaillé. Il lui recommande en outre de coordonner et d’appliquer les
programmes mis au point dans le cadre de la coopération internationale.
Structures de suivi indépendantes
10. Le Comité prend note du décret no 01037 du 7 novembre 2000 portant création de la Commission nationale des droits de l’homme. Il note par ailleurs que le Comité national de l’enfant, qui relève du Ministre de la justice, a notamment pour attributions de suivre la mise en œuvre de la Convention. Il déplore le fait que les rôles respectifs de la Commission et du Comité ne soient pas clairement définis, ce qui risque d’entraver l’efficacité du suivi de l’exécution de la Convention.
11. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’accélérer
la mise en place d’un service, par exemple au sein de la Commission nationale
des droits de l’homme, chargé de dûment suivre et évaluer les progrès accomplis
dans la mise en œuvre de la Convention aux niveaux national et local
conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales
(résolution 48/134 de l’Assemblée générale). Ce service devrait être accessible
aux enfants et habilité à recevoir des plaintes concernant des violations des
droits de l’enfant et à leur donner suite de manière efficace et en respectant
les besoins de l’enfant;
b) De
poursuivre ses efforts visant à élaborer une stratégie de bonne gouvernance et
à lutter contre la corruption, en particulier dans le secteur social;
c) De
demander une assistance technique, entre autres organisations, au Haut‑Commissariat
aux droits de l’homme et à l’UNICEF.
Ressources pour les enfants
12. Tout en prenant note que l’État partie accorde la priorité à l’accroissement des budgets de l’éducation et de la santé, le Comité s’inquiète du recul des crédits publics alloués aux services sociaux. Le Comité est préoccupé aussi par le fait que l’article 4 de la Convention, qui prévoit qu’aux fins de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, les États parties prennent des mesures «dans toutes les limites des ressources dont ils disposent», a été quelque peu négligé.
13. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De
mettre au point les moyens d’entreprendre une évaluation systématique de
l’impact des allocations budgétaires sur la mise en œuvre des droits de
l’enfant et de rassembler et de diffuser les informations correspondantes;
b) De
tout faire pour accroître la part du budget allouée à la mise en œuvre des
droits de l’enfant et, dans ce contexte, pour affecter des ressources humaines
suffisantes à ce domaine et faire de la mise en œuvre des politiques de
l’enfance une priorité.
Collecte de données
14. Tout en saluant la publication en mars 2001 de l’enquête démographique et sanitaire, le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’est pas procédé à une collecte systématique et générale de données ventilées couvrant tous les domaines visés dans la Convention et concernant tous les groupes d’enfants qui permettrait de suivre et d’évaluer les progrès accomplis et de prendre la mesure de l’impact des politiques concernant les enfants.
15. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De
mettre au point un système de collecte de données et des indicateurs conformes aux
dispositions de la Convention et ventilés par sexe, âge, groupe autochtone et
groupe minoritaire, zone urbaine et zone rurale. Les données collectées
devraient couvrir tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans, l’accent étant
mis en particulier sur ceux qui sont particulièrement vulnérables − notamment
les enfants victimes d’actes de violence, d’abandon ou de mauvais
traitements − les enfants handicapés, les enfants pygmées et
d’autres enfants ayant besoin d’une protection spéciale (voir la section 8 ci‑après);
b) D’utiliser
ces indicateurs et ces données pour élaborer des politiques et des programmes
axés sur l’application effective de la Convention et pour les évaluer.
Coopération
avec la société civile
16. Prenant acte de la loi sur les organisations non gouvernementales (loi no 35/62), le Comité est préoccupé par le fait que les efforts déployés pour associer la société civile à la mise en œuvre de la Convention ont été insuffisants.
17. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’associer
systématiquement les communautés et la société civile, notamment les
associations de protection de l’enfance, à tous les stades de la mise en œuvre
de la Convention, en ce qui concerne en particulier la formulation des
politiques et des programmes et les libertés et droits civils; et
b) De
veiller à ce que la législation régissant les organisations non
gouvernementales soit pleinement appliquée.
Diffusion de
la Convention et formation à ses dispositions
18. Tout en étant conscient des mesures prises pour sensibiliser le grand public aux principes et aux dispositions de la Convention (par des émissions de radio, des séminaires et des ateliers, par exemple), le Comité considère que ces mesures doivent vraiment être renforcées et généralisées. À cet égard, il s’inquiète de l’absence de plan systématique de formation et de sensibilisation des groupes professionnels qui travaillent pour et avec les enfants.
19. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De
redoubler d’efforts pour diffuser les principes et les dispositions de la
Convention à travers une mobilisation sociale destinée à sensibiliser la
société aux droits des enfants;
b) De
traduire la Convention dans les principales langues nationales écrites;
c) D’associer
systématiquement les personnalités locales à ses programmes afin de lutter
contre les coutumes et traditions qui entravent la mise en œuvre de la
Convention, et d’adopter des moyens de communication innovants pour les
analphabètes;
d) De
former et de sensibiliser systématiquement aux dispositions de la Convention
tous les groupes professionnels qui travaillent pour et avec les enfants,
notamment les parlementaires, les juges, les avocats, les responsables de
l’application des lois, les fonctionnaires, les employés municipaux et locaux,
le personnel des institutions et des lieux de détention pour enfants, les
enseignants, le personnel de santé, dont les psychologues, et les travailleurs
sociaux;
e) D’encourager
la Commission nationale des droits de l’homme à faire une place, dans sa
mission de pédagogie et de mobilisation, aux droits des enfants;
f) D’inscrire
l’enseignement des droits de l’homme, y compris les droits de l’enfant,
dans les programmes scolaires, dès le primaire;
g) De
demander une assistance technique, entre autres organisations, au Haut‑Commissariat
aux droits de l’homme et à l’UNICEF.
2.
Définition de l’enfant
20. Le Comité s’inquiète de la différence existant entre l’âge minimum légal du mariage des garçons (18 ans) et celui des filles (15 ans), qui constitue une discrimination fondée sur le sexe et favorise la pratique des mariages précoces.
21. Le Comité recommande à l’État partie de
fixer le même âge minimum du mariage pour les filles et les garçons, en
relevant l’âge minimum du mariage pour les filles, et de mettre au point des
programmes de sensibilisation associant les notables locaux et l’ensemble de la
société, en particulier les enfants eux‑mêmes, pour réduire la pratique
des mariages précoces.
3. Principes généraux
22. Le Comité s’inquiète de ce que les principes de non‑discrimination (art. 2 de la Convention), intérêt supérieur de l’enfant (art. 3), survie et développement (art. 6) et respect des opinions de l’enfant (art. 12) ne sont dûment reflétés ni dans la législation de l’État partie, ni dans les décisions administratives et judiciaires, non plus que dans les politiques et programmes, à vocation nationale et locale, s’adressant aux enfants.
23. Le Comité recommande à l’État partie de
dûment incorporer les principes généraux de la Convention, en particulier les
dispositions des articles 2, 3, 6 et 12, dans tous les textes de loi
intéressant les enfants et de les appliquer dans toutes les décisions
politiques, judiciaires et administratives, ainsi que dans les projets,
programmes et services ayant une incidence sur les enfants. Ces principes
devraient guider l’élaboration des plans et des politiques à tous les niveaux,
de même que l’action des centres sociaux, des dispensaires, des tribunaux et
des instances administratives.
Non-discrimination
24. Le Comité, tout en notant que la discrimination est interdite par la Constitution (art. 2) et que l’État partie a pris des mesures pour éliminer la discrimination contre les enfants nés hors mariage (art. 671 du Code civil) et les enfants handicapés (loi n° 19/95 du 13 février 1996), s’inquiète de la persistance d’une discrimination de fait dans l’État partie. En particulier, il est préoccupé par les disparités quant à l’exercice des droits qui leur sont reconnus par les enfants appartenant aux groupes les plus vulnérables, comme les filles, les enfants handicapés, les enfants nés hors mariage, les enfants vivant dans les zones rurales et les enfants pygmées.
25. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De
redoubler d’efforts afin que tous les enfants relevant de sa juridiction
jouissent sans discrimination de tous les droits énoncés dans la Convention,
comme le prévoit l’article 2; et
b) De
s’intéresser en priorité aux services sociaux qui s’occupent des enfants
appartenant aux groupes les plus vulnérables.
26. Le Comité demande que le prochain
rapport périodique contienne des informations précises sur les mesures et
programmes s’inscrivant dans le cadre de la Convention relative aux droits de
l’enfant lancés par l’État partie pour donner suite à la Déclaration et au
Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme,
la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est
associée, compte tenu de l’Observation générale no 1 portant
sur le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (les buts
de l’éducation).
Respect des opinions de l’enfant
27. Tout en saluant l’existence du Parlement des enfants, le Comité se déclare préoccupé par les restrictions que la tradition impose au respect des opinions de l’enfant, que ce soit dans la famille, à l’école, devant les tribunaux et les instances administratives ou dans la société en général.
28. Le Comité encourage l’État partie à
poursuivre ses efforts:
a) Pour promouvoir et
faciliter, à travers l’adoption de textes de loi, le respect des opinions de
l’enfant au sein de la famille, à l’école, devant les tribunaux et les
instances administratives et sa participation à toutes les questions le
concernant, eu égard à son âge et à son degré de maturité et conformément à
l’article 12 de la Convention;
b) Pour donner notamment aux
parents, aux enseignants, aux fonctionnaires, aux membres du corps judiciaire,
aux dirigeants traditionnels et à la société dans son ensemble des informations
à but pédagogique sur les droits des enfants à participer et à faire valoir
leurs opinions;
c) Pour promouvoir les activités
et pour prendre dûment en considération les décisions du Parlement des enfants
et veiller à ce que tous les groupes d’enfants y soient représentés.
4. Liberté et droits civils
Enregistrement
des naissances
29. Tout en prenant acte de l’obligation de déclarer toutes les naissances et du processus d’informatisation des registres de l’état civil, le Comité demeure préoccupé par le grand nombre d’enfants dont la naissance n’est pas déclarée.
30. À la lumière de l’article 7 de la
Convention, le Comité demande instamment à l’État partie d’intensifier ses
efforts pour faire en sorte que tous les enfants soient enregistrés à la
naissance, en particulier en conduisant des campagnes de sensibilisation, et
d’envisager de faciliter les procédures d’enregistrement des naissances.
Torture et
maltraitance
31. Le Comité note avec une vive préoccupation que les responsables de l’application des lois continuent de recourir à la torture lors d’interrogatoires et dans les centres de détention, ainsi que le mentionne l’État partie dans son rapport (par. 159).
32. Le Comité prie
instamment l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires:
a) Pour mettre immédiatement
fin à ces formes de torture ou de violence contre les enfants et de s’attaquer
à leurs causes de manière à les prévenir dans l’avenir;
b) Pour prévenir les cas de
torture, notamment grâce à la présence de travailleurs sociaux au cours des
interrogatoires et dans les centres de détention;
c) Pour créer un mécanisme
indépendant chargé d’enquêter sur les cas de torture signalés et de déférer les
responsables à la justice;
d) Pour adopter des mesures
d’ordre législatif prévoyant l’indemnisation et la réadaptation les plus
complètes des enfants victimes d’actes de torture;
e) Pour créer des structures
accessibles et adaptées aux enfants chargées de recueillir leurs plaintes et
d’y donner suite; et
f) Pour former
systématiquement le personnel des forces de police, le personnel pénitentiaire
et le personnel judiciaire aux droits fondamentaux des enfants.
5. Milieu familial et protection de remplacement
Responsabilités
des parents
33. Le Comité est préoccupé par le grand nombre de familles monoparentales dont le chef est une femme − nombre de ces femmes n’étant pas en mesure, pour des raisons d’ordre financier, d’élever leurs enfants − et par l’existence de la polygamie qui risque, comme l’État partie le reconnaît (par. 178 de son rapport), d’avoir des effets préjudiciables sur l’éducation et l’épanouissement de l’enfant.
34. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De prendre toutes les
mesures voulues pour venir en aide aux familles monoparentales dont le chef est
une femme, afin de les aider à élever leurs enfants, conformément au
paragraphe 2 de l’article 18 de la Convention;
b) D’entreprendre une étude
approfondie et complète des effets de la polygamie pour déterminer si ce
phénomène a des conséquences fâcheuses sur l’éducation et l’épanouissement de
l’enfant et, à partir des résultats de l’étude, de mettre au point
des mesures pour s’attaquer à tous effets fâcheux sur la réalisation des
droits de l’enfant au sein de la famille.
Recouvrement
de la pension alimentaire
35. Le Comité constate avec préoccupation que, bien que la législation interne prévoie le versement de pensions alimentaires, les dispositions pertinentes ne sont guère appliquées, essentiellement en raison d’une ignorance généralisée de la loi, et qu’il n’existe pas de dispositions juridiques relatives à l’entretien des enfants nés hors mariage et des enfants appartenant aux familles monoparentales.
36. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De faire largement
connaître les dispositions de la législation nationale sur le versement de
pensions alimentaires, en particulier aux mères analphabètes, en les aidant, au
besoin, à comprendre le processus des actions en justice;
b) De veiller à ce que les
groupes professionnels concernés soient dûment formés et à ce que les tribunaux
se montrent plus rigoureux en cas de non‑versement des pensions
alimentaires par des parents solvables; et
c) De prendre les mesures
voulues pour faire en sorte que les parents, en particulier les pères,
entretiennent, dans la mesure du possible, les enfants nés hors mariage et les
enfants de familles monoparentales.
Enfants privés d’un milieu familial
37. Le Comité se dit fort préoccupé par le fait que les structures d’accueil pour enfants privés d’un milieu familial sont insuffisantes et que de nombreux enfants n’ont pas accès à ce type d’assistance. En outre, il s’inquiète de ce que le personnel n’a pas de formation appropriée et de ce qu’il n’existe pas de politique claire concernant l’examen des dossiers des enfants placés dans ce genre d’établissement. Il s’inquiète d’autre part de ce que les enfants eux‑mêmes n’ont pas leur mot à dire avant leur placement ou pendant leur séjour dans une structure d’accueil. Le Comité s’inquiète également de la complexité de la procédure d’adoption, qui risque de permettre des pratiques qui ne tiennent pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.
38. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’adopter
d’urgence un programme visant à renforcer et à accroître les moyens mis en
œuvre pour assurer la protection de remplacement des enfants, notamment à
travers la mise en place de lois efficaces, le renforcement des structures
existantes comme celle qu’offre la famille élargie, le perfectionnement du
personnel et l’octroi de ressources accrues aux organismes compétents;
b) De
faire en sorte que, systématiquement, l’enfant puisse faire connaître son
opinion à propos de son placement;
c) De
faire en sorte que le placement d’enfants en institution fasse l’objet de
contrôles périodiques;
d) De
passer en revue et, au besoin, de modifier la législation relative à l’adoption
de manière à garantir la prise en compte aussi bien de l’intérêt supérieur de
l’enfant que des autres articles pertinents de la Convention;
e) De
ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la
coopération en matière d’adoption internationale de 1993; et
f) De
demander à cette fin l’aide de l’UNICEF.
Protection contre les sévices et la négligence
39. Tout en notant que le Code pénal réprime les cas de violence contre les enfants, que la Direction générale des affaires sociales a pour mission de prendre en charge les cas d’enfants maltraités et qu’un projet de loi visant à criminaliser les violences sexuelles contre les enfants est en cours d’examen, le Comité est profondément préoccupé par le nombre élevé de cas de maltraitance dans l’État partie, aussi bien dans les foyers qu’à l’école, par l’absence de statistiques et de plan d’action global, ainsi que par l’insuffisance des infrastructures.
40. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De faire une étude sur la
violence, y compris les violences sexuelles, contre les enfants, au sein
de la famille, à l’école et dans d’autres institutions, pour en évaluer
l’ampleur, la nature et les causes, en vue d’adopter et de mettre en œuvre un
plan d’action général et des mesures et des politiques efficaces, conformément
à l’article 19 de la Convention, et de faire changer les attitudes;
b) De prendre toutes les
mesures voulues pour interdire par la loi le recours aux châtiments corporels
dans les écoles et autres institutions, et dans les foyers;
c) De dûment enquêter sur
les cas de violence, en mettant en œuvre une procédure judiciaire qui
corresponde aux besoins des enfants, en particulier en prenant dûment en
considération, tout au long de l’instance, les opinions des enfants, et de
punir les responsables, tout en veillant à dûment garantir le droit de l’enfant
à sa vie privée;
d) De fournir des services
aux fins de la réadaptation physique et psychologique et de la réinsertion
sociale des victimes de viol, sévices, négligence, mauvais traitement, violence
ou exploitation, conformément à l’article 39 de la Convention, et de
prendre des mesures pour empêcher la criminalisation et la stigmatisation des
victimes;
e) De prendre en
considération les recommandations que le Comité a adoptées lors de ses journées
de débat général sur la violence contre les enfants (CRC/C/100, par. 688,
et CRC/C/111, par. 701 à 745);
f) De demander une assistance technique, entre autres organisations, à l’UNICEF et à l’OMS.
6.
Soins de santé de base et bien‑être
41. Le Comité prend note de l’adoption de l’ordonnance no 001/95 relative à la santé et à la mise en place d’un plan d’action national en matière de santé et juge encourageantes les données récentes sur les taux de mortalité, mais il n’en est pas moins vivement préoccupé par le taux de mortalité encore élevé parmi les nourrissons et les enfants de moins de 5 ans et par la courte durée de l’espérance de vie dans l’État partie. Il demeure par ailleurs préoccupé par le fait que les services de santé dans les districts et les régions continuent de manquer de ressources (tant financières qu’humaines) et que les médicaments sont trop onéreux et difficilement accessibles. De plus, le Comité s’inquiète de ce que la survie et le développement des enfants dans l’État partie continuent d’être menacés par des maladies de la petite enfance, telles qu’infections respiratoires aiguës et diarrhée, ainsi que par le paludisme, la tuberculose et la malnutrition. De même, le très faible pourcentage de nourrissons nourris au sein est préoccupant. Le Comité est en outre préoccupé par les épidémies comme la maladie à virus Ebola, qui se déclarent périodiquement.
42. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’intensifier ses efforts
pour affecter des ressources d’un montant suffisant à l’amélioration de la
situation sanitaire des enfants, en particulier dans les zones rurales et, dans
cette perspective, pour élaborer et mettre en œuvre des politiques et des
programmes d’envergure;
b) D’améliorer l’accès aux
services de soins de santé primaires; de réduire la mortalité maternelle
et infantile; de prévenir et de combattre la malnutrition, en particulier
parmi les groupes d’enfants vulnérables et défavorisés; et de promouvoir
des pratiques d’allaitement au sein appropriées;
c) De mettre en place des
soins de santé de qualité et à un coût abordable, à la lumière de l’Initiative
de Bamako;
d) De prendre les mesures
nécessaires pour faire face aux situations d’urgence, notamment pour combattre
les épidémies comme la maladie à virus Ebola;
e) De rechercher des moyens
supplémentaires de coopération et d’assistance pour améliorer la santé des
enfants avec, entre autres organisations, l’OMS et l’UNICEF.
Vaccination
43. Le Comité prend note de l’existence d’un programme élargi de vaccination, de même que des dispositions des articles 16 à 29 de l’ordonnance de 1995 sur la politique sanitaire qui traitent de la couverture vaccinale et du suivi, mais il demeure profondément préoccupé par l’insuffisance des ressources et par le fait que la couverture vaccinale s’est réduite au cours des dernières années.
44. Le Comité recommande à l’État partie de
poursuivre et d’intensifier ses efforts, notamment à travers l’affectation de
ressources financières, pour étendre la couverture vaccinale à tout le pays.
Il lui recommande aussi de rechercher une assistance supplémentaire
auprès, entre autres organisations, de l’OMS et de l’UNICEF.
Santé des adolescents
45. Le Comité prend note de l’adoption de la loi portant mesures générales en matière de santé et de protection sociale, qui abroge l’ordonnance no 64/69 (loi no 001/2000), mais il demeure préoccupé par le fait que des questions touchant la santé des adolescents, notamment les problèmes d’épanouissement, de santé mentale et de santé génésique (se reporter au pourcentage assez élevé de maladies sexuellement transmissibles parmi les adolescents dont il est question dans les réponses écrites) et l’abus de drogues, n’ont pas reçu toute l’attention qu’elles appellent. Le Comité est vivement préoccupé par l’absence d’information sur la contraception, qui se traduit par un pourcentage élevé de grossesses chez les adolescentes, avec les conséquences sociales et sanitaires que cela entraîne.
46. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De mener une étude
détaillée pour évaluer la nature et l’ampleur des problèmes de santé des
adolescents, avec la pleine participation de ceux‑ci, et, à partir de ses
conclusions, d’élaborer des politiques et des programmes axés sur la santé des
adolescents, en portant une attention particulière à la prévention des maladies
sexuellement transmissibles et des grossesses précoces, notamment en déployant
de nouveaux efforts pour éclairer les adolescents sur la contraception; et
b) De renforcer les services
psychopédagogiques prenant en compte les besoins des adolescents et de les leur
rendre accessibles.
VIH/sida
47. Tout en prenant note de l’existence du programme national de lutte contre le sida et des efforts déployés par l’État partie dans ce sens (comme l’accord conclu avec des laboratoires pharmaceutiques pour mettre sur le marché des médicaments contre le sida à bas prix), le Comité demeure extrêmement préoccupé par le nombre élevé et croissant d’adultes et d’enfants touchés par le VIH/sida et le grand nombre d’enfants que l’infection au VIH et le sida ont rendu orphelins. À cet égard, le Comité s’inquiète du manque de protection de remplacement pour ces enfants.
48. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’intensifier ses efforts
en vue de prévenir l’infection par le VIH et le sida, en prenant en
considération les recommandations que le Comité a adoptées à l’issue de
sa journée de débat général sur les enfants vivant dans un monde marqué
par le VIH/sida (CRC/C/80, par. 243);
b) D’explorer d’urgence les
moyens d’atténuer les répercussions du décès de parents, d’enseignants ou
d’autres personnes victimes du VIH/sida sur la vie familiale et affective
et l’éducation des enfants ainsi que sur leur accès à l’adoption;
c) D’associer les enfants à
la formulation et à la mise en œuvre de politiques et de programmes de
prévention; et
d) De demander une assistance
technique supplémentaire, entre autres organisations, à l’ONUSIDA.
Enfants handicapés
49. Le Comité prend note de la loi no 19/95 relative à la protection des personnes handicapées, mais il est préoccupé par l’indigence dans l’État partie des statistiques sur les enfants handicapés et par la situation des enfants souffrant de handicaps physiques ou mentaux, et en particulier par l’insuffisance des services de soins de santé spécialisés et d’éducation et des possibilités d’emploi à leur disposition. Le Comité constate aussi avec préoccupation que les mauvaises conditions sanitaires et la pauvreté se traduisent par une augmentation du nombre d’enfants handicapés.
50. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De veiller à ce que des
données appropriées et détaillées soient utilisées pour élaborer les politiques
et les programmes en faveur des enfants handicapés;
b) De faire le point de la
situation en ce qui concerne l’accès des enfants handicapés à des services de
soins de santé, à des services éducatifs et à des emplois répondant à leur
condition;
c) D’affecter suffisamment
de ressources pour renforcer les services à l’intention des enfants handicapés,
venir en aide à leur famille et former du personnel spécialisé;
d) De renforcer les
politiques et les programmes visant à intégrer les enfants handicapés dans
l’enseignement ordinaire, de former des enseignants et de rendre les écoles
accessibles aux enfants handicapés;
e) De sensibiliser la
population aux droits fondamentaux des enfants handicapés;
f) De prendre note des
Règles pour l’égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de
l’Assemblée générale) et des recommandations que le Comité a adoptées lors
de sa journée de débat général sur les droits des enfants handicapés
(voir CRC/C/69); et
g) De demander une
assistance, entre autres organisations, à l’UNICEF et à l’OMS.
Niveau de vie
51. Le Comité prend note des difficultés d’ordre socioéconomique et du sixième plan de réaménagement de la dette conclue avec le Club de Paris (décembre 2000). Il s’inquiète toutefois de ce que les conditions d’hygiène sont médiocres, de ce que l’alimentation en eau potable salubre est insuffisante, notamment dans les communautés rurales et les zones périphériques, et de ce qu’un nombre de plus en plus grand d’enfants ne jouissent pas de leurs droits à un niveau de vie suffisant, en particulier les enfants des familles pauvres, les enfants de parents décédés du sida, les enfants des rues et les enfants qui vivent dans des zones rurales reculées. Le Comité s’inquiète en outre de la détérioration du système social, qui ne garantit plus l’accès gratuit des enfants aux services de soins de santé.
52. Eu égard à l’article 27 de la Convention,
le Comité recommande à l’État partie:
a) D’intensifier ses efforts
en vue d’apporter un soutien et une assistance matérielle aux familles
économiquement défavorisées, en particulier dans les zones périphériques et
rurales, et de garantir aux enfants le droit à un niveau de vie suffisant;
b) De coopérer avec la
société civile et les communautés locales et de coordonner ses efforts avec les
leurs;
c) D’octroyer au système de
sécurité sociale des ressources financières suffisantes pour rétablir l’accès
gratuit des enfants aux services de soins de santé;
d) De fournir aux familles des informations
sur leurs droits sociaux.
7.
Éducation, loisirs et activités culturelles
53. Le Comité prend note de l’adoption de la loi portant organisation générale de l’enseignement (loi no 16/66), du taux élevé de scolarisation dans le primaire, de la priorité accordée à l’éducation et de l’accroissement du budget de l’éducation. Il demeure cependant profondément préoccupé par le taux d’analphabétisme encore élevé dans l’État partie et qui frappe davantage les femmes que les hommes, par le faible taux de scolarisation dans les structures d’éducation préscolaire, par les taux très élevés de redoublement et d’abandon scolaire dans le primaire, par la piètre qualité de l’enseignement, par le nombre élevé d’élèves par maître, par le très faible pourcentage d’enfants qui achèvent leurs études primaires et par les écarts importants qui existent entre les régions.
54. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De prendre les mesures
nécessaires pour déterminer les causes des taux élevés de redoublement et
d’abandon scolaire en primaire et de remédier à cette situation;
b) D’établir des passerelles
entre l’éducation formelle et l’éducation non formelle;
c) De prendre les mesures
voulues pour remédier à la médiocrité de la qualité de l’enseignement et
améliorer l’efficacité interne de la gestion de l’enseignement;
d) De sensibiliser la
population à l’importance de l’éducation de la petite enfance et de mettre au
point des programmes destinés à améliorer la scolarisation dans l’éducation
préscolaire;
e) De fournir des ressources
pour aider les enfants à poursuivre leurs études dans l’enseignement
secondaire;
f) De prendre des mesures
pour permettre aux enfants handicapés de fréquenter les écoles ordinaires et
veiller à ce que ces enfants aient accès à l’éducation formelle et à
l’enseignement professionnel;
g) De veiller à ce que toutes
les filles et tous les garçons, où qu’ils vivent, y compris ceux vivant dans
les zones les moins développées, jouissent de l’égalité d’accès aux
possibilités d’éducation;
h) D’axer l’éducation sur les
buts visés au paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention et dans
l’observation générale no 1 du Comité sur les buts de
l’enseignement;
i) De faire respecter
l’interdiction des châtiments corporels dans les écoles et de sensibiliser les
enseignants à d’autres mesures de discipline;
j) D’encourager les enfants
à participer à tous les aspects de la vie scolaire;
k) De demander l’aide de
l’UNICEF et de l’UNESCO.
8.
Mesures spéciales de protection
Enfants réfugiés, demandeurs d’asile et non accompagnés
55. Le Comité prend note de l’adoption de la nouvelle loi sur le statut des réfugiés (loi no 005/98) et de la création de la Commission nationale pour les réfugiés, et salue la politique suivie par l’État partie à l’égard des réfugiés.
56. Le Comité recommande à l’État partie
d’appliquer la législation et d’envisager de ratifier la Convention de 1954 sur
le statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas
d’apatridie, et de poursuivre sa coopération avec des organisations
internationales comme le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés et l’UNICEF.
Exploitation économique, notamment travail des enfants
57. Le Comité prend note de la ratification récente (mars 2001) de la Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de les éliminer, ainsi que de l’adoption en juin 2001 d’une loi à même de renforcer l’application de la législation concernant le travail des enfants; il est toutefois profondément préoccupé par le fait que le travail des enfants est encore répandu dans l’État partie et que de jeunes enfants peuvent travailler de longues heures durant, ce qui a des effets préjudiciables sur leur développement et la fréquentation scolaire.
58. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’envisager de ratifier la
Convention no 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission
à l’emploi;
b) D’adopter et de mettre en
œuvre le plan d’action national pour la prévention du travail des enfants
et la lutte contre ce phénomène;
c) De fournir des ressources
humaines et autres aux services de l’inspection du travail et autres
services chargés d’appliquer la loi et de former leur personnel, afin
de renforcer encore leurs moyens de veiller efficacement à la pleine
application de la législation sur le travail des enfants;
d) De continuer de rechercher
l’aide de l’OIT/Programme international pour l’abolition du travail des
enfants.
Traite et enlèvement d’enfants
59. Tout en prenant note de la criminalisation
de la traite d’enfants aux termes d’une loi récente adoptée en 2001 et de la
constitution d’un comité national interministériel de lutte contre la traite
d’enfants, ainsi que de l’engagement ferme pris par l’État partie sur cette
question, le Comité se dit profondément préoccupé par le grand nombre d’enfants
faisant l’objet d’une traite, en particulier des enfants étrangers, qui
continuent d’être exploités, essentiellement sur le marché du travail non
organisé, ou d’être réduits en esclavage.
60. Le Comité encourage
l’État partie à poursuivre ses efforts en vue:
a) De mettre au point un
programme détaillé pour prévenir et combattre la vente et la traite d’enfants;
b) D’appliquer des politiques
et des programmes appropriés axés sur la réadaptation et la réinsertion des
enfants victimes et sur l’accès des enfants en attente de rapatriement aux
services de base;
c) De suivre la mise en
œuvre de l’accord bilatéral conclu avec le Bénin et d’élargir cette coopération
à d’autres pays d’où sont originaires des enfants ayant fait l’objet d’une
traite, et d’envisager de signer des accords avec ces pays;
d) De conduire une campagne
de sensibilisation pour prévenir ce phénomène.
61. En outre, le Comité recommande à l’État
partie de ratifier le Protocole additionnel à la Convention des
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant
à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des
femmes et des enfants, adopté en 2000, ainsi que la Convention de
La Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international
d’enfants.
Enfants vivant dans la rue
62. Le Comité s’inquiète de l’augmentation du nombre d’enfants vivant dans la rue et de l’absence de mécanismes et de mesures spécifiques destinés à lutter contre cet état de choses et à apporter à ces enfants l’aide dont ils ont besoin.
63. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De veiller à ce que les
enfants des rues aient accès à une nourriture, un vêtement, un logement,
des soins de santé et des possibilités d’éducation, y compris
des moyens de formation professionnelle et d’apprentissage de l’autonomie
fonctionnelle suffisants, afin de favoriser leur plein épanouissement;
b) De veiller à ce que ces
enfants aient accès à des services de réadaptation et de réinsertion
lorsqu’ils sont victimes de violences physiques ou sexuelles ou lorsqu’ils
consomment des drogues, à une protection contre les exactions policières et à
des services de nature à favoriser une réconciliation avec leur famille et la
communauté; et
c) D’entreprendre une étude
sur les causes et l’ampleur de ce phénomène et d’élaborer une stratégie
générale pour faire face au problème que constitue le nombre élevé et croissant
d’enfants vivant dans la rue, dans le but de prévenir et de réduire ce
phénomène.
Exploitation sexuelle à des fins commerciales et pornographie
64. Le Comité se déclare préoccupé par le nombre croissant d’enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, y compris la prostitution et la pornographie. Il est préoccupé également par la carence des programmes de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale destinés aux enfants victimes de ce genre de violences et d’exploitation.
65. Compte tenu de l’article 34 et
d’autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l’État
partie d’entreprendre des études visant à déterminer l’ampleur du phénomène de
l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, notamment la
prostitution et la pornographie, et de mettre en œuvre des politiques et des
programmes appropriés de prévention, de réadaptation et de réinsertion des
enfants qui en sont victimes, conformément à la Déclaration et au Programme
d’action adoptés en 1996 par le premier Congrès mondial contre
l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et à l’Engagement
mondial adopté en 2001 par le deuxième Congrès mondial.
Administration de la justice pour mineurs
66. Le Comité est préoccupé par l’absence de tribunaux pour enfant et de juges des enfants, ainsi que par le nombre limité de travailleurs sociaux et d’enseignants qui travaillent dans ce domaine. Il est de plus profondément préoccupé par le fait que dans les prisons, les enfants ne sont pas séparés des adultes (à l’exception de la prison centrale dans la capitale); par les mauvaises conditions de détention, dues essentiellement au surpeuplement carcéral; par le recours fréquent à la détention provisoire et par sa durée excessivement longue; par le long délai qui s’écoule avant que les affaires impliquant des mineurs soient jugées; par la rareté des moyens de réadaptation et de réinsertion mis à la disposition des mineurs à l’issue de la procédure judiciaire; et par le caractère sporadique de la formation des magistrats, procureurs et personnel pénitentiaire.
67. Le Comité recommande à l’État partie de
prendre des mesures supplémentaires pour réformer la législation
pertinente et l’administration de la justice pour mineurs en s’alignant
sur les dispositions de la Convention, en particulier les articles 37, 40
et 39, et sur d’autres normes des Nations Unies touchant la justice
pour mineurs, notamment l’Ensemble de règles minima des Nations Unies
concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les
Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la
délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des
Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les
Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale.
68. Dans le cadre de cette
réforme, le Comité recommande en particulier à l’État partie:
a) De prendre toutes les
mesures nécessaires pour que dans toutes les régions de l’État partie, des
tribunaux pour enfant soient créés et des juges des enfants dûment nommés;
b) De n’envisager une mesure
privative de liberté qu’en dernier ressort et pour la période la plus
courte possible et de limiter, par des dispositions législatives, la durée de
la détention provisoire, et de veiller à ce qu’un juge examine sans retard la
licéité de cette détention et à ce qu’il le fasse par la suite régulièrement;
c) De faire en sorte que les
enfants disposent d’une assistance juridique et autre dès le début de la
procédure judiciaire;
d) D’assurer aux enfants des
services de base (par exemple, des services d’éducation);
e) De protéger les droits des
enfants privés de leur liberté et d’améliorer leurs conditions de détention et
d’emprisonnement, en particulier en créant des prisons spéciales pour enfants
adaptées à leur âge et à leurs besoins et en dotant tous les centres de
détention du pays de services sociaux, et, dans l’intervalle, en faisant en
sorte que les enfants soient séparés des adultes dans toutes les prisons ainsi
que dans les centres de détention provisoire sur l’ensemble du territoire;
f) De veiller à ce que les
enfants confrontés au système de la justice pour mineurs restent en contact
avec les membres de leur famille;
g) De faire en sorte que les
enfants soient soumis périodiquement à des examens médicaux pratiqués par un
personnel médical indépendant;
h) De mettre à la disposition
des enfants un mécanisme de plainte indépendant, accessible et à leur écoute;
i) De mettre en place des
programmes de formation aux normes internationales pertinentes à l’intention de
l’ensemble des personnels opérant au sein du système de la justice pour
mineurs;
j) De s’efforcer de mettre
en place un programme de réadaptation et de réinsertion des mineurs après une
procédure judiciaire;
k) De prendre en
considération les recommandations que le Comité a faites lors de la
journée de débat général consacrée à l’administration de la justice pour
mineurs (CRC/C/46, par. 203 à 238);
l) De demander une
assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs et de la
formation des forces policières, entre autres organisations, au Haut‑Commissariat
des Nations Unies aux droits de l’homme, au Centre (ONU) de prévention de
la criminalité internationale, au Réseau international en matière de justice
pour mineurs et à l’UNICEF, par l’intermédiaire du Groupe de coordination des
services consultatifs et de l’assistance technique dans le domaine de la
justice pour mineurs.
Minorités
69. Le Comité est vivement préoccupé par le fait que les enfants pygmées vivent dans des conditions médiocres et qu’ils ont difficilement accès aux services sociaux, en ce qui concerne notamment les soins de santé, la vaccination et l’éducation, et que leur droit à la survie et au développement, leur droit de jouir de leur propre culture et leur droit d’être à l’abri de la discrimination sont violés.
70. Le Comité demande
instamment à l’État partie:
a) De faire une étude pour
évaluer la situation et les besoins des enfants pygmées et d’élaborer un
plan d’action, en y associant les chefs de la communauté pygmée, afin de
protéger les droits de ces enfants et de mettre à leur disposition des services
sociaux;
b) D’explorer les moyens
propres à faciliter l’enregistrement des naissances, les soins de santé,
etc.
9.
Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits
de l’enfant
et acceptation de l’amendement au paragraphe 2
de l’article 43 de la Convention
71. Le Comité note que l’État partie n’a pas ratifié les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant et concernant, l’un la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, et l’autre l’implication d’enfants dans les conflits armés. Le Comité note également que l’État partie n’a pas encore accepté l’amendement au paragraphe 2 de l’article 43 de la Convention portant de 10 à 18 le nombre des membres du Comité.
72. Le Comité recommande à l’État partie de
ratifier et d’appliquer les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la
Convention relative aux droits de l’enfant et encourage l’État partie à
accepter l’amendement au paragraphe 2 de l’article 43 de la Convention.
10.
Diffusion de la documentation
73. Enfin, compte tenu du paragraphe 6
de l’article 44 de la Convention, le Comité recommande que le rapport
initial et les réponses écrites présentés par l’État partie soient largement
diffusés dans le grand public et que soit envisagée la publication du rapport,
accompagné des comptes rendus analytiques des séances au cours desquelles il a
été examiné ainsi que des observations finales adoptées par le Comité. Ce
document devrait être largement diffusé de façon à susciter un débat et à
contribuer à faire connaître la Convention, son application et son suivi aux
pouvoirs publics et au grand public, y compris les organisations non
gouvernementales.
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