University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Finlande, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.53 (1996).


COMITE DES DROITS DE L'ENFANT


Onzième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Finlande


1. Le Comité a examiné le rapport initial de la Finlande (CRC/C/8/Add.22) à ses 282ème, 283ème et 284ème séances (CRC/C/SR.282 à 284), les 23 et 24 janvier 1996, et a adopté*/ les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité remercie le Gouvernement finlandais d'avoir soumis son rapport initial, établi selon ses directives, et de lui avoir adressé des réponses écrites à la liste des points à traiter qui lui avait été soumise (CRC/C.11/WP.6). Il note avec satisfaction que les renseignements complémentaires fournis par la délégation et sa connaissance active des questions se rapportant à la Convention ont permis d'engager un dialogue franc et constructif entre le Comité et l'Etat partie.

B. Aspects positifs

3. Le Comité prend note avec satisfaction du système de sécurité sociale complet assuré par l'Etat partie et de sa gamme étendue de services de protection sociale en faveur des enfants et de leurs parents, en particulier la gratuité des soins de santé, la gratuité de l'enseignement, l'octroi d'un congé de maternité de longue durée et un bon réseau de crèches et garderies.

4. Le Comité se félicite de ce que le Parlement finlandais ait été saisi d'un rapport sur la politique nationale relative à l'enfance, en vue de protéger les droits des enfants placés sous la juridiction de l'Etat partie en mettant pleinement en oeuvre les dispositions de la Convention et en cherchant à atténuer le plus possible les effets sur les enfants de la récession économique actuelle.

5. Le Comité prend note des efforts déployés par le Gouvernement finlandais en matière de réforme législative. Il se félicite de l'amendement apporté en 1995 à la Constitution, qui consacre désormais des principes relatifs aux droits de l'homme et aux droits fondamentaux des enfants. Il accueille avec satisfaction les débats en cours au Parlement au sujet de la création future du poste de médiateur pour les droits de l'enfant. Il prend aussi note de l'action entreprise pour réformer le Code pénal finlandais. Enfin, il se félicite de l'étude menée récemment par le Gouvernement sur les conséquences pour la vie des enfants des problèmes d'environnement et sur les mesures prises à ce sujet.

6. Le Comité se félicite également de ce que le Gouvernement finlandais ait soumis au Parlement, aux fins de ratification, la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

7. Le Comité note que l'Etat partie a toujours été actif dans le domaine de la coopération internationale, encore que, à cause de la crise économique, il ait été obligé depuis 1990 de diminuer provisoirement les crédits budgétaires affectés à l'aide au développement.

8. Enfin, le Comité note que l'Etat partie a l'intention de faire distribuer au Parlement les comptes rendus analytiques des séances consacrées à l'examen de son rapport périodique ainsi que les observations finales du Comité.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

9. Le Comité note les difficultés que la Finlande rencontre actuellement du fait des changements structurels et de la récession économique. La décentralisation et la privatisation, le ch_mage important et les réductions budgétaires ont sans nul doute eu des conséquences pour la situation des enfants, en particulier des groupes les plus vulnérables.

D. Principaux sujets de préoccupation

10. Le Comité s'inquiète des effets sur les enfants de la situation économique difficile que connaît le pays et qui oblige à des réductions budgétaires, ainsi que de la tendance à la décentralisation et à la privatisation. A ce sujet, il se demande plus particulièrement si les mesures voulues ont bien été prises pour protéger les enfants, surtout ceux qui appartiennent aux groupes les plus vulnérables, à la lumière des articles 3 et 4 de la Convention.

11. Le Comité est préoccupé par le fait qu'il ne soit pas accordé suffisamment d'attention à la nécessité de mettre en place un mécanisme de coordination efficace entre les divers ministères, ainsi qu'entre les autorités centrales et les autorités locales (municipalités), dans la mise en oeuvre des politiques générales de promotion et de protection des droits de l'enfant.

12. Le Comité s'inquiète de l'absence de mécanismes de surveillance intégrée conçus notamment pour contr_ler l'efficacité des politiques et des services sociaux municipaux qui sont décentralisés et parfois privatisés (santé, enseignement et protection sociale) assurés aux groupes les plus vulnérables de la société, en particulier aux parents seuls, aux familles pauvres, et aux enfants handicapés, réfugiés et appartenant à des minorités.

13. Le Comité est préoccupé de ce que l'Etat partie n'ait pas encore pris pleinement en considération, dans sa législation et dans ses politiques, les principes généraux de la Convention, en particulier la non-discrimination (art. 2), l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) et le respect des opinions de l'enfant (art. 12).

14. Le Comité s'inquiète de l'absence d'une stratégie globale d'information et de diffusion pour faire connaître la Convention relative aux droits de l'enfant dans le pays. Il est également préoccupé de ce que la Convention ne soit pas disponible dans toutes les langues parlées par les minorités présentes dans l'Etat partie.

15. Eu égard aux articles 2 et 3 de la Convention, le Comité s'inquiète de l'attitude négative à l'égard des étrangers, qui est de plus en plus forte dans la société.

16. Le Comité est inquiet de l'absence dans l'Etat partie d'installations et de services psychiatriques spécialisés dans le traitement des enfants, qui fait que les enfants ne sont pas séparés des adultes dans les établissements psychiatriques. Il est également préoccupé par le taux élevé de suicides et l'incidence croissante de la toxicomanie chez les jeunes.

17. Le Comité est préoccupé par la question de la formation des travailleurs sociaux, qu'il faut améliorer en organisant des programmes de recyclage, en particulier en ce qui concerne l'application sans réserve des droits relatifs à la participation des enfants, à la lumière des articles 3 et 12 de la Convention. Il est également préoccupé par l'insuffisance des mesures de détection et de prévention dans le domaine des abus sexuels et de la violence dans les familles.

18. Le Comité est préoccupé par l'augmentation récente du taux d'abandon scolaire. Eu égard à l'article 30 de la Convention, il s'inquiète également du nombre insuffisant d'enseignants formés à travailler avec des enfants appartenant à des minorités.

19. Le Comité est profondément préoccupé de ce que des mesures appropriées, en particulier d'ordre législatif, n'aient pas encore été prises pour interdire la possession de matériel pornographique impliquant des enfants et l'achat de services sexuels à des enfants prostitués. Il est également gravement préoccupé de l'existence de services téléphoniques à caractère pornographique accessibles aux enfants.

20. Le Comité s'inquiète de ce que la législation du travail n'assure pas une protection suffisante des mineurs âgés de 15 à 18 ans.

E. Suggestions et recommandations

21. En ce qui concerne l'article 4 de la Convention et compte tenu des difficultés économiques actuelles, le Comité souligne combien il importe d'affecter le maximum de ressources possible à la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, au niveau central comme au niveau local, à la lumière des principes de la Convention et en particulier des principes de la non-discrimination et de l'intérêt supérieur de l'enfant consacrés dans les articles 2 et 3.

22. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre de nouvelles mesures pour renforcer la coordination entre les différents mécanismes gouvernementaux s'occupant des droits de l'homme et des droits de l'enfant, aux niveaux central et local, et d'envisager de mettre en place un organe ou un mécanisme de coordination en vue d'harmoniser les activités et les politiques sectorielles. Il recommande en outre à l'Etat partie de renforcer sa coopération avec les organisations non gouvernementales, en particulier pour donner effet aux présentes recommandations.

23. Le Comité recommande la création d'un système ou mécanisme de contr_le intégré visant à garantir que les enfants de toutes les municipalités bénéficient dans la même mesure des services sociaux essentiels. La création d'un mécanisme de surveillance indépendant, par exemple un médiateur pour les enfants, est également recommandée.

24. Le Comité est d'avis qu'il faut engager davantage d'efforts pour faire largement connaître les dispositions et les principes de la Convention et veiller à ce qu'ils soient compris des adultes comme des enfants, conformément à l'article 42 de la Convention. Le Comité recommande de traduire la Convention dans toutes les langues parlées par les minorités présentes dans l'Etat partie. Il souhaite encourager celui-ci à concevoir un mode d'approche plus systématique visant à sensibiliser davantage la population aux droits relatifs à la participation des enfants, tels qu'ils sont énoncés à l'article 12 de la Convention.

25. Pour inverser la tendance actuelle à la montée des sentiments négatifs à l'égard des étrangers et du racisme, le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en lançant des campagnes d'information dans les établissements scolaires et dans la société en général. Quand ils arrivent en Finlande, tous les enfants non accompagnés qui demandent le statut de réfugié devraient être informés sans délai de leurs droits, dans leur langue.

26. Le Comité recommande l'organisation périodique de cours de formation et de recyclage sur les droits de l'enfant à l'intention des groupes professionnels qui travaillent avec et pour les enfants, en particulier les travailleurs sociaux, mais aussi les enseignants, les responsables de l'application de la loi et les magistrats, et l'inclusion d'un enseignement sur les droits de l'homme et les droits de l'enfant dans leurs programmes de formation. Il recommande aussi de s'occuper systématiquement d'élaborer des mesures de détection et des politiques de prévention pour lutter contre les abus sexuels et les violences dans la famille.

27. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures voulues pour empêcher que les enfants souffrant d'une maladie mentale soient placés dans les mêmes services que les adultes. Il suggère en outre d'entreprendre des recherches plus poussées sur la question du suicide et de la toxicomanie en vue de mieux comprendre ces phénomènes et, par conséquent, de concevoir les mesures appropriées pour les combattre efficacement.

28. Le Comité encourage l'Etat partie à prendre toutes les mesures voulues pour lutter contre l'abandon scolaire et engage les autorités compétentes à mettre en oeuvre toutes les actions propres à former et recruter un nombre suffisant d'enseignants pour les enfants appartenant à des minorités dans toutes les régions du pays. Dans l'esprit de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, le Comité engage le Gouvernement de l'Etat partie à envisager d'inclure la question des droits de l'homme dans les programmes scolaires.

29. Dans le cadre de la réforme du Code pénal, le Comité recommande fermement que la possession de matériel pornographique impliquant des enfants et l'achat de services sexuels aux enfants prostitués soient qualifiés d'infractions à la loi. Il recommande aussi à l'Etat partie de prendre toutes les mesures voulues pour empêcher que les enfants n'aient accès aux services téléphoniques à caractère pornographique et pour les protéger contre le risque d'être exploités sexuellement par des pédophiles utilisant ces lignes téléphoniques qui sont librement accessibles. Enfin, il recommande l'adoption de mesures pour assurer une bonne protection aux professionnels qui dénoncent les abus sexuels aux autorités compétentes.

30. Le Comité encourage l'Etat partie à revoir sa législation du travail en ce qui concerne les mineurs âgés de 15 à 18 ans, à la lumière des normes internationales en vigueur, en particulier la Convention No 138 et la Recommandation No 146 de l'OIT.

31. Le Comité encourage l'Etat partie à assurer une large diffusion du rapport périodique, des comptes rendus analytiques des séances consacrées à l'examen de ce rapport et des observations finales adoptées par le Comité à la suite de l'examen. Il suggère que ces documents soient portés à l'attention du Parlement et qu'il soit donné effet aux propositions et recommandations d'action contenues dans les présentes observations, en collaboration étroite avec les organisations non gouvernementales.


*/ A la 287ème séance, le 26 janvier 1996.



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