University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant,
Éthiopie, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.144 (2001).




COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT
Vingt-sixième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION


Observations finales du Comité des droits de l'enfant

Éthiopie


1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Éthiopie (CRC/C/70/Add.7), reçu le 28 septembre 1998, à ses 675ème et 676ème séances (voir CRC/C/SR.675 et 676), tenues le 11 janvier 2001. Il a adopté à sa 697ème séance, le 26 janvier 2001 les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la rapidité avec laquelle l'État partie a présenté son deuxième rapport périodique et fait parvenir ses réponses écrites aux questions de la liste des points à traiter (CRC/C/Q/ETH/2) ainsi que des informations complémentaires. Le Comité prend note avec satisfaction des renseignements statistiques utiles qui figurent dans le rapport et se félicite des efforts francs et constructifs que la délégation, dirigée par un représentant de haut niveau, a déployés pour fournir des renseignements complémentaires au cours d'un dialogue de grande qualité.

B. Mesures de suivi mises en œuvre et progrès accomplis par l'État partie

3. Le Comité prend note de la création de l'Institut de recherche sur les systèmes judiciaires et juridiques, qui participe à l'examen de la législation nationale en vigueur compte tenu des normes établies par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant. Il note également que l'État partie a ratifié récemment les Conventions Nos 138 et 182 de l'OIT concernant respectivement l'âge minimum d'admission à l'emploi et l'interdiction des pires formes de travail des enfants ainsi que l'action immédiate en vue de leur élimination (1999).

4. Le Comité note que l'État partie a adopté un nouveau code de la famille dans lequel ont été incorporés de nombreux principes et dispositions de la Convention. Ce code par ailleurs modifie certains aspects de la législation existante qui sont en contradiction avec la Convention en ce qui concerne, par exemple, la discrimination à l'égard des femmes et des petites filles.

5. Le Comité félicite l'État partie d'avoir créé une commission des droits de l'homme indépendante et un bureau de médiateur qui s'occuperont, entre autres, des droits de l'enfant.

6. Le Comité prend note de l'interdiction provisoire du Ministère de l'éducation portant sur les châtiments corporels à l'école. Il prend note également de la création de clubs de sensibilisation au sida dans les écoles secondaires et de la création d'unités de protection de l'enfance dans 10 commissariats de police à Addis-Abeba.

7. Le Comité prend note des efforts déployés par l'État partie pour introduire, comme mesure de politique générale, une forme d'enseignement prévoyant la participation systématique des enfants et constate que les droits de l'enfant sont inscrits au programme des écoles.

8. Le Comité se félicite des efforts déployés pour faire connaître la Convention, et en particulier de ce que la Convention a été traduite par l'État partie et des organisations non gouvernementales en 11 langues locales. Il prend note des nombreux efforts de sensibilisation qui ont été faits, notamment par le biais de programmes de formation à l'intention des policiers, d'émissions de radio et de publications.

9. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts considérables qui ont été faits par l'État partie pour accueillir et aider de nombreux réfugiés venus de pays voisins. Il prend note par ailleurs de l'accord de paix que l'État partie et l'Érythrée ont conclu récemment.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

10. Le Comité note que des catastrophes naturelles, notamment des sécheresses et des inondations, ont continué de se produire pendant la période sur laquelle porte le rapport. Il prend note également des répercussions négatives que la période de conflits armés avec l'Érythrée a eues sur le respect des droits de l'enfant.

11. Le Comité note en outre que l'État partie continue d'avoir de graves problèmes socioéconomiques et exprime les préoccupations que lui inspire la situation des droits de l'homme en général.


D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations du Comité

D.1. Mesures d'application générales (art. 4, art. 42 et par. 6 de l'article 44
de la Convention)

12. Le Comité déplore que les préoccupations qu'il a exprimées et les recommandations qu'il a faites (CRC/C/15/Add.67) après avoir examiné le rapport initial de l'État partie (CRC/C/8/Add.27) n'ont pas été suffisamment prises en compte. Il formule un grand nombre de ces préoccupations et recommandations de nouveau dans le présent document.

13. Le Comité invite instamment l'État partie à n'épargner aucun effort pour donner suite aux recommandations contenues dans les observations finales qu'il a formulées au sujet de son rapport initial et qui n'ont pas encore été appliquées et pour répondre aux nombreuses préoccupations exprimées dans les présentes observations finales portant sur son deuxième rapport périodique.

Législation

14. Le Comité est préoccupé de ce que les lois qui serviraient à protéger les droits de l'enfant, et notamment celles qui ont trait aux pratiques traditionnelles préjudiciables, telles que les mutilations génitales des femmes et des fillettes, le mariage précoce et forcé et la discrimination à l'égard des enfants handicapés ne sont pas appliquées. Il est préoccupé en outre par le fait que la législation nationale n'est pas encore pleinement compatible avec les dispositions et les principes de la Convention, que le processus d'élaboration et d'adoption de nouvelles lois est lent et que certaines pratiques coutumières préjudiciables aux droits de l'enfant peuvent toujours être appliquées au lieu des dispositions juridiques nationales modernes. Le Comité constate, par ailleurs, avec préoccupation, que la Convention n'a toujours pas été publiée au Journal officiel et rappelle qu'il avait recommandé qu'elle le soit dans ses observations finales sur le rapport initial de l'État partie.

15. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts en vue d'appliquer et de mettre en œuvre les aspects de la législation nationale qui visent à protéger les droits de l'enfant, en accordant une attention particulière aux problèmes de pratiques traditionnelles préjudiciables, de mariage précoce et forcé et de discrimination à l'égard des enfants handicapés. Il lui recommande en outre de prendre des mesures, notamment en adoptant des amendements ou en promulguant des textes, de manière que la législation nationale soit pleinement compatible avec les principes et dispositions de la Convention et de faire en sorte que les nouvelles lois parviennent rapidement au stade de l'adoption. Il lui recommande par ailleurs de faire des efforts supplémentaires pour garantir l'application de la législation nationale de préférence aux pratiques coutumières susceptibles de porter atteinte aux droits de l'enfant et de publier la Convention au Journal officiel.

Mécanismes de coordination

16. Le Comité constate qu'il n'existe pas d'organisme gouvernemental ayant les capacités et le profil nécessaires pour coordonner et développer la politique nationale s'appliquant aux droits de l'enfant. Il note en particulier que l'actuel Département chargé de la protection de l'enfance, de la jeunesse et de la famille, au sein du Ministère du travail et des affaires sociales, n'a pas les ressources financières et humaines suffisantes pour mener à bien sa tâche.

17. Le Comité recommande à l'État partie de renforcer sa capacité institutionnelle afin de coordonner et d'appliquer efficacement les politiques relatives aux droits de l'enfant. Il lui recommande en particulier de doter de ressources suffisantes le mécanisme national chargé de coordonner et de mettre en œuvre la politique relative aux droits de l'enfant, à savoir actuellement le Département chargé de la protection de l'enfance, de la jeunesse et de la famille, au sein du Ministère du travail et des affaires sociales, pour lui permettre de mener à bien sa tâche. Il lui recommande en outre de renforcer les comités pour les droits de l'enfant au niveau des régions, des zones et des "woreda".

Mise en œuvre des études et des politiques/affectation de crédits budgétaires

18. Le Comité constate avec préoccupation que l'État partie a insuffisamment appliqué les nombreuses recommandations qui lui ont été faites quant à des études, plans d'action et politiques axés sur les enfants et leurs droits. Il considère préoccupant notamment que l'État partie n'ait pas prévu au budget de ressources suffisantes pour la mise en œuvre de la Convention et que certains postes budgétaires s'y rapportant aient été revus à la baisse depuis que l'État partie a présenté son rapport initial. Il constate par exemple que certains aspects de la politique sociale adoptée par l'État partie en mars 1994 pour répondre à des besoins en matière de protection spéciale concernant les enfants, entre autres, n'ont toujours pas été mis en œuvre. Il note en outre que l'État partie a fait peu de progrès en ce qui concerne la mise en œuvre du plan d'action national en faveur des femmes et des enfants. En outre, le Comité déplore, si l'on considère notamment le montant élevé des dépenses militaires, que l'État partie ne se soit pas efforcé d'appliquer la Convention dans toute la mesure des ressources disponibles.

19. Le Comité invite instamment l'État partie à mettre en œuvre les recommandations récentes et actuelles concernant les études, les plans d'action et les politiques de nature à renforcer la protection des droits de l'enfant. En outre, compte tenu de l'article 4, le Comité engage vivement l'État partie à allouer le maximum de ressources disponibles à la mise en œuvre de la Convention.

Mécanismes de surveillance

20. Bien que l'État partie ait créé un poste de commissaire indépendant aux droits de l'homme, un poste de commissaire adjoint aux droits de l'enfant et de la femme et un bureau de médiateur pour les droits de l'homme, le Comité demeure préoccupé par le fait que ces mécanismes ne sont pas encore opérationnels.

21. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre la mise en place de mécanismes de surveillance indépendants et de les doter de compétences et de ressources suffisantes pour répondre aux besoins dans le domaine des droits de l'enfant. Il lui recommande en particulier de poursuivre ses efforts en vue de nommer un commissaire aux droits de l'homme indépendant, un commissaire adjoint aux droits de l'enfant et de la femme et de créer un bureau de médiateur pour les droits de l'homme, avec une cellule qui s'occupe spécifiquement des droits de l'enfant.

Collecte de données

22. Le Comité s'inquiète de l'absence de données essentielles sur l'application de la Convention et la situation des enfants et de l'insuffisance des progrès réalisés dans l'application des recommandations figurant au paragraphe 26 de ses observations finales sur le rapport initial de l'État partie.

23. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts en vue de mettre au point un projet de base de données, afin de recueillir des données relatives à la mise en œuvre de la Convention dans l'ensemble du pays. Il lui recommande en outre de veiller à ce que les données recueillies portent sur tous les enfants de moins de 18 ans et à ce qu'elles soient analysées et utilisées à des fins d'élaboration de politiques et de programmes, de suivi et d'évaluation.

Formation dans les domaines relevant de la Convention

24. Le Comité est préoccupé de constater qu'en dépit des efforts déployés par l'État partie, les recommandations qu'il a exprimées au paragraphe 10 de ses observations finales sur le rapport initial de l'État partie n'ont pas été suffisamment prises en compte et que les fonctionnaires travaillant avec ou pour des enfants et ayant un rôle dans la protection de l'enfance, ont une formation insuffisante dans le domaine des droits de l'enfant.

25. Compte tenu de l'article 42, le Comité exhorte l'État partie à faire davantage d'efforts pour dispenser une formation sur les dispositions de la Convention à des professionnels tels que juristes, enseignants, fonctionnaires des ministères dont les activités ont des répercussions importantes sur les enfants, professionnels de la protection et du développement de l'enfance et agents sanitaires. Le Comité recommande à l'État partie de faire des efforts supplémentaires pour diffuser la Convention, notamment par le biais des médias, dans les écoles, par des campagnes d'information et par l'emploi de méthodes et de structures traditionnelles au niveau des "woreda", en accordant une attention particulière aux personnes peu instruites ainsi qu'à celles qui n'ont pas accès au programme radiophonique. Il lui recommande de solliciter l'assistance technique de l'UNICEF et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme à cet égard.

Coopération avec des organisations non gouvernementales

26. Le Comité constate avec préoccupation que la législation régissant les activités des ONG est dépassée et que la coopération avec ces organisations est insuffisante.

27. Saluant les progrès qui ont déjà été faits, le Comité recommande à l'État partie de mettre à jour le cadre législatif au sein duquel les organisations non gouvernementales sont enregistrées et fonctionnent. Il lui recommande également de redoubler d'efforts pour renforcer les liens de coopération avec celles-ci.


D.2. Définition de l'enfant (art. premier)

28. Le Comité constate avec inquiétude que l'âge minimum légal de la responsabilité pénale est très bas (9 ans) et que les enfants âgés de 15 à 18 ans ont la même responsabilité pénale que les adultes, même si des peines moins sévères leur sont appliquées.

29. Le Comité invite instamment l'État partie à relever l'âge minimum de la responsabilité pénale et à veiller à ce que les enfants, âgés de 15 à 18 ans, bénéficient de la protection prévue par les dispositions relatives à la justice pour mineurs et ne soient pas traités comme des adultes. Il lui recommande de profiter de l'actuelle révision du Code pénal pour introduire dans la législation des changements en ce sens.


D.3. Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

30. Le Comité constate avec préoccupation que, bien que la Constitution de l'État partie contienne des dispositions antidiscriminatoires, les enfants et les familles des enfants qui font partie de groupes ethniques minoritaires dans une région donnée ou qui ne relèvent pas de l'administration de la région concernée, sont victimes de discrimination. Il est en outre préoccupé par le fait que les petites filles et les enfants handicapés sont l'objet d'une discrimination importante, en ce qui concerne notamment l'accès à l'éducation. Il est préoccupé aussi par la discrimination que la société exerce à l'égard des femmes et des adultes handicapés et qui limite la possibilité pour les petites filles et les enfants handicapés de jouir du plein respect de leurs droits.

31. Le Comité recommande à l'État partie de faire des efforts supplémentaires pour renforcer la mise en œuvre des dispositions antidiscriminatoires de la Constitution, en accordant une attention particulière à la situation des enfants des groupes ethniques dans les régions où ils sont minoritaires, aux petites filles, aux enfants handicapés et à la discrimination dont les femmes sont victimes. Il lui recommande de solliciter l'aide de l'UNICEF à cet égard.

Vie, survie et développement

32. Le Comité rejoint l'État partie en déplorant l'insuffisance du respect des droits de l'enfant à la vie, à la survie et au développement (voir par. 39 du rapport de l'État partie).

33. Le Comité exhorte l'État partie à poursuivre ses efforts en vue d'assurer le respect des droits de l'enfant à la vie, à la survie et au développement, notamment en stimulant le développement économique, en renforçant l'infrastructure sociale et en adoptant des mesures pour atténuer la pauvreté. Il lui recommande d'accorder une attention particulière aux enfants des régions rurales, aux enfants réfugiés et aux enfants déplacés à l'intérieur du pays.


D.4. Libertés et droits civils (art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a))

Enregistrement des naissances

34. Le Comité s'associe à l'État partie pour déplorer le très faible enregistrement des naissances dans le pays.

35. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre et d'intensifier ses efforts en vue d'établir des structures institutionnelles, en créant par exemple des centres d'enregistrement itinérants, afin que toutes les naissances de l'ensemble du pays soient enregistrées. Il lui recommande en outre d'organiser des campagnes d'information pour faire savoir à la population quels sont les impératifs en matière d'enregistrement des naissances.

Droit d'être entendu et liberté d'expression

36. Tout en prenant acte des changements apportés récemment au Code de la famille, en vertu desquels le droit d'être entendu en cas de divorce des parents, a été accordé aux enfants, et de la création d'une tribune pour les enfants, le Comité est préoccupé de constater que le droit des enfants à être entendus est insuffisamment respecté, en particulier dans les régions rurales. Il juge en outre préoccupant que les jeunes enfants et les adolescents ne soient pas toujours autorisés à exprimer librement leurs opinions. Tout en notant que des améliorations notables ont été apportées au cours de la décennie écoulée, le Comité n'en demeure pas moins préoccupé par le fait qu'un large éventail de droits individuels reconnus aux adultes ne sont pas pleinement respectés, ce qui peut créer un environnement dans lequel les droits et libertés civils des enfants ne seront pas non plus respectés.

37. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts de manière que le droit des enfants à être entendus soit respecté. Il lui recommande en outre de tout faire pour que le droit des enfants et des adolescents à exprimer leurs opinions, y compris dans le cadre de manifestations pacifiques, soit respecté et qu'un suivi approprié soit accordé aux recommandations de la tribune des enfants. Il lui recommande, par ailleurs, de faire des efforts supplémentaires pour garantir le respect général des droits de l'homme des adultes. Le Comité recommande à l'État partie de solliciter l'assistance de l'UNICEF à cet égard.

Châtiments corporels

38. Prenant acte des mesures provisoires adoptées par le Ministère de l'éducation, interdisant les châtiments corporels à l'école, le Comité n'en demeure pas moins préoccupé par le fait que, dans la pratique, des châtiments corporels continuent d'être infligés couramment aux enfants, tant à l'école qu'au sein de la famille.

39. Compte tenu du paragraphe 2 de l'article 28 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'interdire de façon permanente toute forme de châtiment corporel, que ce soit à l'école ou au sein de la famille, notamment en faisant respecter la législation en vigueur, en organisant des activités de sensibilisation à l'intention des parents, des enseignants et autres groupes concernés et en formant les enseignants de manière qu'ils adoptent d'autres types de sanctions disciplinaires non préjudiciables aux enfants. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager pour ce faire de profiter de l'actuel exercice d'élaboration d'un nouveau code pénal. Il lui recommande en outre de faire en sorte que les enfants aient accès à des mécanismes leur permettant de signaler des pratiques de châtiment corporel et de présenter des plaintes à cet égard.


D.5. Milieu familial et soins de remplacement (art. 5, par. 1 et 2 de l'article 18,
art. 9 à 11, 19 à 21, 25, par. 4 de l'article 27 et art. 39)

Unité de la famille et niveau de vie

40. Tout en étant conscient des efforts que l'État partie déploie en permanence pour atténuer la pauvreté, le Comité n'en demeure pas moins préoccupé par le fait que de nombreuses familles souffrent par suite des déplacements de population, des conflits armés, de la sécheresse, de la pauvreté ou de la maladie. Le Comité juge regrettable par ailleurs que la pratique du mariage précoce et forcé des enfants, et en particulier des petites filles, persiste.

41. Le Comité recommande à l'État partie de renforcer et d'appliquer pleinement son programme d'atténuation de la pauvreté et de mettre au point des programmes visant à renforcer l'unité familiale, en portant assistance notamment aux populations déplacées et aux communautés très pauvres. Il lui recommande aussi de veiller à ce que les dispositions du nouveau Code de la famille en vertu desquelles l'âge minimum du mariage a été porté à 18 ans, tant pour les filles que pour les garçons, soient respectées dans la pratique et à ce qu'il n'y ait pas de mariages forcés.

Regroupement familial

42. Le Comité est préoccupé de constater que lors des déplacements de population qui ont été provoqués par des catastrophes naturelles ou des conflits armés, de nombreux enfants ont été séparés de leurs familles.

43. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre et d'intensifier ses efforts en matière de regroupement familial et de solliciter l'aide de l'UNICEF et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à cet égard.

Adoption

44. Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants de l'État partie peuvent être victimes de violations de leurs droits dans le cadre d'une adoption, notamment à l'étranger.

45. Compte tenu de l'article 21 et d'autres dispositions pertinentes de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures complémentaires, par le biais de lois nationales et de procédures d'application, pour protéger et promouvoir les droits des enfants dans le domaine de l'adoption et d'envisager d'adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

Violences contre les femmes; sévices à enfant

46. Le Comité constate avec préoccupation que la violence contre les femmes au sein de la famille continue d'être répandue et d'avoir des répercussions négatives sur les enfants. Il craint notamment que la violence contre les femmes au sein de la famille n'entraîne des sévices à enfant.

47. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts en vue de condamner la violence contre les femmes, notamment au sein de la famille. Il lui recommande de prendre des mesures afin de surveiller la situation et d'intervenir en cas de violence, sexuelle ou autre, faite aux enfants.

Séparation des parents; garde de l'enfant et pension alimentaire pour les enfants

48. Tout en prenant acte des changements très positifs qui ont été apportés au Code de la famille, en vertu desquels notamment le père et la mère jouissent d'une plus grande égalité en droit qu'auparavant en ce qui concerne les questions de séparation, le Comité n'en demeure pas moins préoccupé par le fait que des pratiques traditionnelles et discriminatoires sont susceptibles de se perpétuer en dépit de la nouvelle législation.

49. Le Comité recommande à l'État partie de faire en sorte que les dispositions du nouveau Code de la famille soient portées à la connaissance de la population, respectées et appliquées, et que des structures soient créées pour permettre aux parents et aux enfants de réclamer le versement des pensions alimentaires.

Protection de remplacement

50. Le Comité est préoccupé par la prédominance du recours à des solutions institutionnelles lorsqu'il s'agit de prêter assistance à des enfants en difficulté et par le fait que les enfants qui passent de nombreuses années dans un établissement, jusqu'à l'âge de 18 ans, ne reçoivent pas l'éducation et les compétences professionnelles qui leur permettraient d'être indépendants et de gagner leur vie lorsqu'ils quittent l'établissement.

51. Tout en exhortant l'État partie à éviter de recourir à l'institutionnalisation des enfants comme solution de remplacement en matière de protection, le Comité lui recommande de veiller à ce que les enfants placés dans des établissements publics ou privés reçoivent toute l'assistance dont ils ont besoin, y compris une éducation et une formation professionnelle qui leur permettent de gagner leur vie lorsqu'ils quittent l'établissement.


D.6. Soins de santé et protection de base (art. 6, par. 3 de l'article 18,
art. 23, 24, 26 et par. 1 à 3 de l'article 27)

Normes sanitaires

52. Le Comité est vivement préoccupé de constater que le taux de mortalité infantile dans l'État partie est extrêmement élevé et l'espérance de vie faible. Il est préoccupé notamment par la fréquence des cas de paludisme et de tuberculose et par leurs effets sur les enfants, par la fragilité de l'infrastructure sanitaire, le peu de connaissance des questions sanitaires parmi la population et l'application insuffisante de la politique sanitaire de 1993 et de la politique sociale de 1994. Il regrette vivement que la mise en œuvre des politiques sanitaires soit lente et que les progrès dans ce domaine soient limités.

53. Le Comité invite instamment l'État partie à améliorer l'accès aux services de soins de santé primaires, à renforcer l'infrastructure sanitaire nationale et à faire en sorte que les programmes d'éducation sanitaire à l'intention du public tendent à faire baisser les taux de mortalité infantile et à relever l'espérance de vie. Il lui recommande de solliciter l'assistance de l'Organisation mondiale de la santé, de l'UNICEF et du Programme des Nations Unies pour le développement à cet égard.

Services sociaux

54. Le Comité est préoccupé par le fait que les services de protection sociale sont toujours inexistants en dépit des dispositions de la politique sociale de 1994.

55. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts pour mettre en œuvre les dispositions de la politique sociale de 1994 et de mettre cette politique à jour compte tenu des circonstances.

Enfants handicapés

56. Le Comité est préoccupé par le relatif manque de renseignements sur la situation des enfants handicapés et par l'absence de programmes en leur faveur.

57. Le Comité recommande à l'État partie de rassembler d'urgence des données désagrégées sur le nombre d'enfants handicapés en Éthiopie et sur leur situation, et d'intensifier ses efforts de manière que leurs droits soient respectés.

VIH/sida

58. Le Comité est préoccupé par le nombre élevé d'enfants infectés par le VIH ou atteints du sida ou d'une maladie liée au sida ou dont les parents ou d'autres membres de leur famille sont morts du sida ou d'une maladie liée au sida, et par la nécessité que l'État partie engage une action concertée.

59. Le Comité exhorte l'État partie à se tenir informé de l'ampleur du problème du VIH/sida dans le pays, en vue de réduire la propagation du virus, de fournir une assistance aux enfants infectés par le VIH ou atteints du sida et à ceux dont les parents ou d'autres membres de la famille le sont. Il lui recommande en outre d'accorder une attention particulière aux enfants dont les parents sont morts du sida et de veiller à ce que les enfants infectés par le VIH ou atteints du sida ne soient pas victimes de discrimination. Le Comité recommande à l'État partie de prendre notamment des mesures d'éducation.

Santé des adolescents

60. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des soins de santé dont bénéficient les adolescents et par le nombre élevé de grossesses précoces dans l'État partie. Il est aussi préoccupé par le nombre des personnes atteintes de maladies sexuellement transmissibles.

61. Le Comité recommande à l'État partie de s'employer activement à améliorer les services de santé destinés aux adolescents, à réduire le nombre des grossesses précoces et des personnes touchées par les maladies sexuellement transmissibles, notamment en améliorant l'éducation dans le domaine de la santé génésique et les services de conseils destinés aux enfants.

Santé mentale

62. Le Comité est préoccupé par le manque d'informations sur les problèmes de santé mentale et par l'insuffisance des établissements de soins psychiatriques dans l'État partie.

63. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts pour rassembler des informations sur la situation concernant la santé mentale en Éthiopie, en vue d'améliorer les services et d'accroître le nombre des agents dans ce domaine.

Pratiques traditionnelles préjudiciables

64. Tout en étant conscient des améliorations qui ont été apportées, le Comité n'en demeure pas moins vivement préoccupé par les informations communiquées par le Comité national sur les pratiques traditionnelles en Éthiopie (NCTPE) en septembre 1998, selon lesquelles 72,7 % de la population féminine subi une forme ou une autre de mutilation sexuelle. Il est également préoccupé par d'autres pratiques signalées par le NCTPE, notamment l'uvulectomie, l'extraction des dents de lait et les mariages forcés.

65. Le Comité invite instamment l'État partie à poursuivre et à intensifier ses efforts en vue de mettre fin aux pratiques de mutilation sexuelle féminine, aux mariages précoces et forcés ainsi qu'à d'autres pratiques traditionnelles préjudiciables, et il lui recommande de profiter de l'expérience acquise par d'autres pays.


D.7. Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31)

Accès à l'éducation

66. Le Comité est vivement préoccupé par le très petit nombre d'élèves inscrits dans l'enseignement primaire et secondaire, et notamment par le petit nombre de filles scolarisées, ainsi que par le nombre très élevé d'abandons scolaires. Il est préoccupé en outre par le fait que l'insuffisance des ressources dont disposent les autorités de l'enseignement, les écoles et les parents a des conséquences négatives sur le nombre d'enfants qui sont inscrits à l'école et qui achèvent les cycles d'études primaires et secondaires.

67. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts en vue d'accroître le nombre d'enfants inscrits à l'école, de construire de nouvelles écoles, d'améliorer les équipements scolaires et la formation des enseignants et de recruter davantage d'enseignants afin d'améliorer la qualité de l'éducation, en accordant une attention particulière aux régions qui ont le plus besoin de ce type d'assistance. Il lui recommande de prendre à sa charge une partie des frais d'éducation, notamment le coût des uniformes scolaires et les frais de scolarité, pour les enfants démunis. Le Comité invite instamment l'État partie à tout mettre en oeuvre pour que les filles soient plus nombreuses dans l'enseignement primaire et secondaire et pour que tous les enfants inscrits à l'école puissent achever leur scolarité. Il lui recommande de solliciter l'assistance de l'UNICEF et de l'UNESCO à cet égard.


D.8. Mesures spéciales de protection (art. 22, 38, 39, 40, 37 b) à d) et 32 à 36)

Les enfants dans les conflits armés

68. Le Comité est préoccupé par les répercussions que le conflit armé qui a eu lieu récemment a eues sur les enfants, en particulier dans la région où il s'est déroulé.

69. Le Comité exhorte l'État partie à faire tout son possible pour que les accords de paix conclus récemment débouchent sur une paix durable et pour que les enfants n'aient pas à pâtir des effets des conflits armés. Il lui recommande en particulier de veiller à ce que des considérations liées aux droits de l'enfant soient prises en compte dans les délibérations de paix et dans d'autres activités, et de poursuivre les efforts de déminage. Le Comité recommande à l'État partie de solliciter l'assistance de l'UNICEF et de la Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE) à cet égard.

Enfants réfugiés et déplacés à l'intérieur du pays

70. Le Comité est préoccupé par la situation difficile dans laquelle se trouvent les enfants réfugiés et déplacés à l'intérieur du pays et leurs familles, notamment pour ce qui est de leur accès à l'éducation et aux services de santé et du regroupement familial.

71. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre et d'intensifier ses efforts afin de prêter assistance aux enfants réfugiés et déplacés à l'intérieur du pays ainsi qu'à leurs familles, en ce qui concerne notamment l'éducation et les services de santé, le regroupement familial et la réinstallation. Il lui recommande de continuer de coopérer avec le HCR à cet égard.

Exploitation sexuelle, viol, enlèvement et prostitution

72. Le Comité est vivement préoccupé par les informations qui font état d'exploitation sexuelle, de prostitution, de viols et autres sévices sexuels subis par les enfants.

73. Le Comité invite instamment l'État partie à agir d'urgence concernant les pratiques d'exploitation sexuelle, les viols et autres sévices sexuels dont les enfants sont victimes, entre autres par la fourniture de soins, la réadaptation et la réintégration sociale des victimes, l'application du droit pénal, la poursuite des auteurs de ces actes et un suivi accru des incidents de ce type. Il lui recommande en outre d'organiser des campagnes de sensibilisation au niveau local sur l'exploitation sexuelle et les autres sévices sexuels infligés aux enfants, et notamment de traduire la terminologie pertinente dans les langues locales. Il lui recommande également de tenir compte des recommandations formulées dans le Programme d'action adopté par le Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales qui s'est tenu à Stockholm en 1996.

Enfants vivant et/ou travaillant dans la rue; main-d'œuvre enfantine

74. Le Comité est préoccupé par le grand nombre d'enfants qui vivent ou travaillent dans la rue dans les grandes villes de l'État partie et par le fait qu'ils n'ont pas une éducation, des soins de santé, une alimentation et un abri suffisants. Il est préoccupé également par le nombre d'enfants qui travaillent.

75. Le Comité recommande à l'État partie de faire d'urgence des efforts pour protéger les droits des enfants qui actuellement vivent et/ou travaillent dans la rue, notamment par la fourniture d'une assistance dans les domaines de l'éducation, des soins de santé, de la nutrition et de la protection de remplacement. Il lui recommande en outre de s'attaquer aux causes du problème. Le Comité recommande aussi à l'État partie d'aborder la question du travail des enfants, de respecter et d'appliquer les dispositions des Conventions Nos 138 et 182 de l'OIT concernant respectivement l'âge minimum d'admission à l'emploi et l'interdiction des pires formes de travail des enfants (1999). Il lui recommande de solliciter l'assistance de l'OIT à cet égard.

Justice pour les mineurs

76. Le Comité s'associe aux préoccupations exprimées par l'État partie concernant les lacunes des infrastructures administratives et judiciaires (voir par. 35 du rapport de l'État partie). Il juge en outre préoccupant qu'il n'y ait actuellement qu'un tribunal pour mineurs dans le pays et un seul établissement pour délinquants mineurs, qui se trouvent tous deux dans la capitale. Il note que des mineurs sont jugés par des juridictions pénales pour adultes et craint que toutes les protections prévues par les normes internationales relatives à la justice pour mineurs ne soient pas pleinement prises en compte par ces instances. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que les enfants ne sont pas séparés des adultes en prison (voir par. 31 de l'État partie) et que les enfants âgés de 15 à 18 ans ne peuvent bénéficier de toutes les protections prévues par les normes pertinentes en matière de justice pour mineurs et qu'ils peuvent, en vertu de la législation en vigueur, être condamnés à la peine de mort ou à la prison à vie.

77. Le Comité recommande à l'État partie de revoir ses pratiques en ce qui concerne la justice pour mineurs et de faire en sorte qu'elles soient conformes aux principes et dispositions de la Convention ainsi qu'à l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), aux Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et aux Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Il lui recommande en outre de créer d'autres tribunaux pour mineurs dans différentes régions du pays. Il recommande aussi que, dans la mesure où les mineurs délinquants sont jugés par des juridictions pénales pour adultes, les juges et autres magistrats concernés reçoivent une formation dans le domaine de la justice pour mineurs. Il recommande également d'accroître la capacité des établissements pénitentiaires pour enfants afin que soient respectées les normes minimales définies dans les instruments internationaux. Il recommande à l'État partie de faire en sorte que les enfants ne soient placés en détention et incarcérés qu'en dernier recours, pour le minimum de temps possible et dans des locaux séparés de ceux qui sont utilisés pour les adultes. Le Comité recommande que le Code pénal soit modifié de manière que tous les enfants, y compris ceux qui sont âgés de 15 à 18 ans, bénéficient des protections prévues par les normes internationales relatives à la justice pour mineurs et que les enfants de moins de 18 ans ne puissent être condamnés à mort ou à la prison à vie. Le Comité recommande à l'État partie de solliciter l'assistance, entre autres, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, du Centre de la prévention de la criminalité internationale, du Réseau international sur la justice pour mineurs et de l'UNICEF, par l'intermédiaire du Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.

Ratification des deux protocoles facultatifs

78. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants ainsi que le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans des conflits armés.

Diffusion du rapport, réponses écrites et observations finales

79. Enfin, compte tenu du paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'assurer à son deuxième rapport périodique et à ses réponses écrites une large diffusion auprès du public, et d'envisager la possibilité de publier ledit rapport ainsi que les observations finales adoptées par le Comité et le compte rendu des séances consacrées à son examen. Le document ainsi produit devrait être largement distribué de façon à susciter, dans les pouvoirs publics, au Parlement et dans l'opinion, notamment dans les organisations non gouvernementales concernées, un débat et une prise de conscience concernant la Convention, sa mise en œuvre et son suivi.



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