University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, République tchèque, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.81 (1997).



COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Seizième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits
de l'enfant : République tchèque

1. Le Comité a examiné le rapport initial de la République tchèque (CRC/C/11/Add.11) à ses 411ème à 413ème séances (CRC/C/SR.411 à 413), tenues les 30 septembre et 1er octobre 1997 et a adopté , A sa 426ème séance, tenue le 10 octobre 1997, les observations finales ci-après :


A. Introduction

2. Le Comité se félicite du rapport initial présenté par l'Etat partie et des réponses écrites que celui-ci a apportées à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/CZE/1). Le Comité prend acte avec satisfaction du complément d'information apporté par l'Etat partie lors du dialogue qu'ont eu ses représentants avec le Comité au cours duquel ceux-ci, dans un esprit d'autocritique, ont fait connaître non seulement les orientations des politiques et programmes de l'Etat partie, mais encore les difficultés qu'il rencontrait dans l'application de la Convention. Le Comité se félicite en outre d'avoir été en présence d'une délégation pluridisciplinaire ayant participé directement à l'application de la Convention en République tchèque, ce qui a permis un échange de vues constructif et utile.


B. Facteurs positifs

3. Le Comité note avec satisfaction que l'Etat partie procède actuellement à une révision en profondeur de sa législation; il se félicite des initiatives prises par l'Etat partie pour renforcer les mesures de protection de la famille et de l'enfance au moyen de nouveaux textes législatifs dont le projet de loi sur la protection sociale et juridique des enfants et les amendements proposés à la législation existante, notamment à la loi sur la famille, au code pénal et au code de procédure pénale.

4. Le Comité est favorable à la mise en place par l'Etat partie d'un programme de formation à l'intention des magistrats, de la police et de diverses catégories de fonctionnaires concernées par les droits des enfants, en vue de sensibiliser ces catégories de personnel aux principes et dispositions de la Convention.

5. Le Comité se félicite de l'initiative prise par l'Etat partie visant à établir une ligne téléphonique ouverte spécifiquement aux enfants en détresse et qui permet à ceux-ci de dénoncer les sévices sexuels et violences familiales dont ils sont victimes.

6. Le Comité relève avec satisfaction les succès qu'obtient l'Etat partie dans les domaines de l'enseignement et des soins médicaux de longue date et se félicite qu'il ait pris l'engagement de préserver cet acquis remarquable.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre
de la Convention

7. Le Comité reconnaît que, depuis quelques années, l'Etat partie se heurte à des difficultés à la fois économiques, sociales et politiques. Il note que la transition vers l'économie de marché a eu comme corollaire l'augmentation du chômage, la pauvreté et d'autres problèmes sociaux, et qu'elle a beaucoup nui au bien-être de la population, en particulier celui de tous les groupes vulnérables, dont les enfants.


D. Principaux sujets de préoccupation

8. Tout en sachant gré à l'Etat partie de l'ouverture dont il a fait preuve en ce qui concerne la possibilité de revenir sur la réserve émise à propos du paragraphe 1 de l'article 7 de la Convention, le Comité continue de craindre que cette réserve n'entrave la pleine mise en oeuvre de la Convention.

9. Le Comité s'inquiète de l'absence de stratégie intégrée en faveur des enfants et de l'inexistence de mécanismes permettant de suivre systématiquement les progrès obtenus dans tous les domaines relevant de la Convention, s'agissant de tous les groupes d'enfants vivant en milieu tant urbain que rural, et notamment de ceux qui souffrent des effets de la transition économique.

10. Le Comité pense qu'il faudrait renforcer la capacité actuellement limitée de l'Etat partie de mettre au point des indicateurs désagrégés et spécifiques permettant de mesurer les progrès réalisés et de faire le point de l'impact des politiques existantes sur tous les enfants, notamment ceux appartenant à des groupes minoritaires.

11. Quoiqu'il note avec satisfaction l'existence d'organismes publics d'aide sociale à l'enfance tant au plan national qu'au plan local, le Comité estime que la coordination entre ces divers organismes doit être renforcée afin que soit mise en place une approche d'ensemble de la mise en oeuvre de la Convention.

12. Le Comité s'inquiète de l'insuffisance des mécanismes de coordination et de communication entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales oeuvrant dans le domaine de l'enfance.

13. Le Comité craint que les principes généraux de la Convention, tels qu'énoncés aux articles 2 (non-discrimination), 3 (intérêt supérieur de l'enfant) et 12 (prise en considération de l'opinion de l'enfant), ne soient pas pleinement intégrés dans les politiques et programmes législatifs ayant trait aux enfants, notamment pour ce qui est des enfants appartenant à des catégories vulnérables, tels les enfants issus de minorités, les enfants handicapés, les enfants se trouvant en établissement pénitentiaire ou autrement privés de leur liberté, les enfants maltraités au sein de leur famille, les enfants victimes de l'exploitation sexuelle, ou encore les enfants vivant et/ou travaillant dans la rue.

14. Le Comité déplore que l'on n'ait pas pris de mesures suffisantes pour diffuser et mieux faire connaître les principes et dispositions de la Convention dans tous les secteurs de la société, auprès des enfants comme des adultes, et ce conformément à l'article 42 de la Convention.

15. Le Comité est préoccupé de ce qu'aucune mesure adéquate n'ait été prise pour prévenir toutes les formes de pratique discriminatoire à l'encontre des enfants appartenant à des minorités, et notamment des enfants roms, pour lutter contre cette discrimination et pour veiller à ce que ces enfants aient pleinement accès aux services sanitaires, scolaires et aux autres services sociaux. Le Comité s'inquiète du fait que les principes et dispositions de la Convention ne sont pas pleinement respectés s'agissant des enfants roms, notamment de ceux qui se trouvent en détention ou dans des établissements de correction.

16. Tout en prenant acte des mesures juridiques prises depuis peu dans le souci de trouver une solution à la question de la situation des enfants - ceux notamment qui ont été placés en établissement ou en foyer - qui ne bénéficient pas d'une résidence permanente en bonne et due forme et à qui l'on refuse donc le droit à la citoyenneté, le Comité reste préoccupé par le fait que ces enfants et les personnes qui en ont la charge dans de telles situations ne sont pas suffisamment informés des procédures à suivre pour faire une demande de citoyenneté.

17. En ce qui concerne l'article 17 de la Convention, le Comité s'inquiète de l'insuffisance des mécanismes visant à protéger les enfants contre des informations préjudiciables, notamment la violence et la pornographie que véhiculent les médias.

18. Le Comité constate avec inquiétude que les parents continuent de recourir aux châtiments corporels et que les règlements intérieurs des établissements scolaires ne font apparaître aucune disposition interdisant expressément ce type de punition, comme le veulent les articles 3, 19 et 28 de la Convention.

19. Le Comité s'inquiète de la dégradation croissante de l'environnement dans l'Etat partie, qui a des effets nocifs sur la santé des enfants.

20. En ce qui concerne la situation des enfants handicapés, le Comité s'inquiète de l'insuffisance des mesures prises par l'Etat partie pour garantir l'accès de ces enfants aux services sanitaires, scolaires et sociaux et pour faciliter l'intégration de ces enfants dans la société. Le Comité s'inquiète également de la pénurie de professionnels spécifiquement formés pour travailler auprès d'enfants handicapés.

21. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour résoudre les questions concernant l'hygiène sexuelle, le comportement procréateur et la fréquence des grossesses chez les adolescentes.

22. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises, notamment au plan juridique, pour s'attaquer au problème de la maltraitance des enfants, et en particulier des sévices sexuels au sein de la famille, de la vente et du trafic d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie impliquant des enfants. Le Comité s'inquiète également du fait que, comme le laisse entendre le rapport du Rapporteur spécial chargé d'étudier la question de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie impliquant des enfants (E/CN.4/1997/95/Add.1), l'Etat partie pourrait bien être un pays de transit pour le trafic d'enfants.

23. Le Comité se déclare préoccupé par le phénomène des enfants qui travaillent et/ou vivent dans la rue et par l'insuffisance des mesures prises pour résoudre ce problème.

24. Le Comité s'inquiète de la fréquence grandissante des cas de dépendance aux jeux d'argent, à l'alcool et aux stupéfiants chez les enfants et de l'insuffisance des mesures préventives prises par l'Etat partie en la matière.

25. Le Comité s'interroge sur le système d'administration de la justice pour mineurs, notamment sur la compatibilité de celui-ci avec les articles 37, 39 et 40 de la Convention, ainsi qu'avec d'autres normes pertinentes, telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Le Comité demeure particulièrement préoccupé par la question des droits de l'enfant à l'aide judiciaire légale et au contrôle juridictionnel, par le fait que la privation de liberté n'est pas exclusivement une mesure de dernier recours et par la stigmatisation des catégories d'enfants les plus vulnérables, dont ceux appartenant à la minorité rom.


E. Suggestions et recommandations

26. Compte tenu de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993, le Comité encourage l'Etat partie à revenir sur la réserve qu'il a émise à l'égard du paragraphe 1 de l'article 7 de la Convention.

27. Le Comité prend note de l'élaboration d'un Plan d'action national et encourage l'Etat partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre ce plan en oeuvre. Le Comité recommande également à l'Etat partie d'améliorer la coordination entre les divers organismes publics s'occupant des droits de l'enfant, tant au plan national qu'au plan local, en vue de mettre en place une politique globale vis-à-vis des enfants et de veiller à ce que sa mise en oeuvre fasse l'objet d'une véritable évaluation. Le Comité encourage par ailleurs l'Etat partie à continuer, voire à intensifier ses efforts en vue de forger des associations étroites avec les organisations non gouvernementales (ONG).

28. Le Comité incite l'Etat partie à envisager plus concrètement la mise en place d'un mécanisme indépendant chargé de contrôler le respect des droits des enfants; il pourrait s'agir, par exemple, d'un médiateur ou d'une commission nationale des droits des enfants.

29. Le Comité recommande à l'Etat partie de s'attacher en priorité à la mise en place d'indicateurs désagrégés appropriés pour tenir compte de tous les domaines relevant de la Convention et de toutes les catégories d'enfants. Ces mécanismes peuvent en effet jouer un rôle irremplaçable dans le suivi systématique du sort des enfants et dans l'évaluation des progrès réalisés mais aussi des difficultés qui entravent l'exercice concret des droits des enfants. Ces indicateurs peuvent permettre d'établir des programmes visant à améliorer la situation des enfants, notamment celles des plus défavorisés d'entre eux : les enfants appartenant à des minorités, les enfants handicapés, les enfants maltraités ou subissant des sévices au sein de leur famille, les enfants placés dans un établissement ou privés de leur liberté, les enfants victimes de l'exploitation sexuelle et les enfants vivant et/ou travaillant dans la rue.

30. Le Comité recommande à l'Etat partie de redoubler d'efforts pour faire en sorte que les lois nationales soient en tout conformes à la Convention, compte dûment tenu des principes de l'intérêt supérieur de l'enfant, de la non-discrimination, du respect de l'opinion de l'enfant et du droit de l'enfant de participer à la famille, à l'école, à l'activité d'autres établissements et à la vie sociale.

31. Le Comité recommande d'envisager d'intégrer la Convention dans les programmes d'enseignement de tous les établissements scolaires et de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l'accès des enfants aux informations concernant leurs droits. Le Comité émet également l'idée que l'Etat partie pourrait faire un effort pour mettre en place des programmes de formation intégrés à l'intention des membres des catégories professionnelles travaillant avec et auprès d'enfants : magistrats, avocats, responsables de l'application des lois, militaires, enseignants, administrateurs scolaires, travailleurs sociaux et personnel des établissements accueillant des enfants.

32. Le Comité recommande à l'Etat partie de consentir de gros efforts afin de lancer des campagnes de sensibilisation visant à limiter les pratiques discriminatoires à l'encontre du peuple rom et d'envisager la mise en place de programmes spéciaux visant à améliorer le niveau de vie, l'éducation et la santé des enfants roms.

33. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre d'autres mesures conformément au paragraphe 2 de l'article 7 de la Convention, en vue notamment de faciliter les demandes de citoyenneté, et ce afin de trouver une solution au problème des enfants apatrides, notamment ceux qui sont placés dans des établissements. Le Comité suggère également à l'Etat partie d'envisager d'adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.

34. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager d'adopter des mesures relatives à l'hygiène sexuelle et au comportement procréateur des adolescents dans le but de réduire la fréquence des grossesses chez les adolescentes et de renforcer ses programmes d'information et de prévention dans le but de lutter contre le VIH/SIDA et les autres maladies sexuellement transmissibles. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie de prendre des mesures adéquates, dont le lancement de campagnes de sensibilisation et la mise en place de services d'appui aux familles indigentes, afin de prévenir l'abandon d'enfants et de protéger les mères pauvres et seules contre les trafiquants d'enfants.

35. Le Comité recommande que des mesures supplémentaires soient prises pour protéger les enfants contre les sévices et mauvais traitements, notamment par la mise en place d'une vaste campagne d'information du public sur la prévention des châtiments corporels dans la famille, les écoles et les autres établissements.

36. Le Comité se félicite de l'intention manifestée par l'Etat partie d'adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale et recommande que des mesures appropriées soient prises pour en assurer l'entrée en vigueur.

37. S'agissant des enfants handicapés, le Comité recommande à l'Etat partie de mettre en place des programmes de dépistage précoce pour prévenir les invalidités, de prévoir des mesures autres que le placement en institution des enfants handicapés et d'envisager des campagnes de sensibilisation pour faire diminuer la discrimination à l'encontre de ces enfants et de les intégrer dans la société.

38. Le Comité recommande à l'Etat partie d'effectuer des recherches plus approfondies sur les effets éventuels de la pollution sur la santé des enfants.

39. Le Comité suggère à l'Etat partie d'entreprendre une étude approfondie sur les violences et mauvais traitements dont les enfants sont victimes au sein de leur famille. Il recommande également à l'Etat partie de renforcer ses politiques et programmes de prévention et de lutte contre toute forme de sévices sexuels, y compris les violences dans la famille et l'inceste. En ce qui concerne l'exploitation sexuelle des enfants, le Comité encourage l'Etat partie à tenir compte des recommandations formulées à l'occasion du Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenu en 1996, ainsi que de celles du Rapporteur spécial chargé d'étudier la question de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie impliquant des enfants.

40. Le Comité invite l'Etat partie à envisager de ratifier la Convention concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (Convention No 138 de l'Organisation internationale du Travail). En outre, vu l'ampleur croissante du phénomène des enfants qui vivent et/ou travaillent dans la rue, le Comité recommande de redoubler d'efforts pour apporter une aide sociale à ces enfants.

41. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager de réformer de fond en comble son système de justice pour mineurs dans l'esprit de la Convention, en particulier de ses articles 37, 39 et 40, ainsi que des autres normes des Nations Unies en la matière, par exemple les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Une attention particulière devrait être accordée au droit des enfants à bénéficier rapidement d'une aide judiciaire. Des programmes de formation sur les normes internationales pertinentes devraient être institués à l'intention de tous les professionnels travaillant dans le système de justice pour mineurs; des tribunaux spécialisés devraient également être mis en place.

42. Enfin, le Comité recommande qu'à la lumière du paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le rapport initial et les réponses écrites présentées par l'Etat partie soient largement diffusés dans le grand public, et que le rapport soit publié, accompagné des comptes rendus analytiques et des observations finales adoptées par le Comité. Cette publication devrait être largement diffusée afin de sensibiliser l'opinion et d'instaurer un débat sur la Convention, son application et le suivi de sa mise en oeuvre au sein du Gouvernement, du Parlement et de la population de manière générale, y compris les organisations non gouvernementales concernées.



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