University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Chypre, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.205 (2003).


COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑troisième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l’enfant: Chypre

1.       Le Comité a examiné le deuxième rapport de Chypre (CRC/C/70/Add.16) à ses 867e et 868e séances (CRC/C/SR.867 et 868), le 21 mai 2003, et a adopté à la 889e séance (CRC/C/SR.889), le 6 juin 2003, les observations finales ci‑après.

A.  Introduction

2.       Tout en se félicitant de la présentation par l’État partie de son deuxième rapport périodique, le Comité regrette que ce rapport privilégie les dispositions légales sans aborder les aspects concrets de leur mise en œuvre et qu’il n’ait pas été établi conformément aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques (CRC/C/58). Le Comité se félicite d’avoir reçu en temps opportun les réponses écrites aux questions figurant dans la liste des points à traiter (CRC/C/Q/CYP/2) ainsi que les informations mises à jour, ce qui lui a permis de se faire une idée plus exacte de la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il note également avec satisfaction que l’État partie était représenté par une délégation de haut niveau, avec laquelle il a eu un dialogue instructif et fructueux.

B.  Mesures de suivi prises par l’État partie et progrès réalisés

3.       Le Comité juge encourageantes l’amélioration des indicateurs de la santé, en particulier les taux de mortalité infantile et de mortalité des enfants âgés de moins de 5 ans, ainsi que l’amélioration des indicateurs dans le domaine de l’éducation. Il juge également encourageants les efforts déployés pour faire largement connaître la Convention ainsi que l’inclusion des droits de l’enfant dans les programmes scolaires à tous les niveaux d’enseignement.

4.       Le Comité se félicite de l’adhésion de Chypre à l’Union européenne, qui prendra effet le 1er mai 2004.

C.  Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

5.       Le Comité note que, par suite des événements survenus en 1974 qui ont entraîné l’occupation d’une partie de l’île de Chypre, l’État partie n’est pas en mesure d’exercer son contrôle sur la totalité du territoire et ne peut donc pas veiller à l’application de la Convention dans les secteurs qui échappent à son autorité. Le manque d’information sur la situation des enfants vivant dans les territoires occupés demeure une source de préoccupation pour le Comité.

D.  Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.  Mesures générales d’application

Recommandations précédentes du Comité

6.       Le Comité regrette que certaines des préoccupations et recommandations (CRC/C/15/Add.59) qu’il avait formulées après l’examen du rapport initial de l’État partie (CRC/C/8/Add.24) n’aient pas suffisamment retenu l’attention, en particulier celles figurant aux paragraphes 21, 31 et 32. Ces préoccupations et recommandations sont réitérées dans le présent document.

7.       Le Comité enjoint à l’État partie de ne rien négliger pour donner suite aux recommandations figurant dans les observations finales formulées au sujet du rapport initial qui n’ont pas encore été appliquées ainsi qu’aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales, relatives au deuxième rapport périodique.

Législation et mise en œuvre

8.       Tout en prenant note des modifications apportées à la législation nationale, le Comité n’en relève pas moins avec préoccupation que les lois de l’État partie ne sont pas encore toutes conformes aux dispositions et principes de la Convention. Le Comité juge encourageante la création en 2002 d’une commission interministérielle chargée d’incorporer les dispositions de la Convention dans la législation en vigueur relative à l’enfance.

9.       Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour mettre sa législation pleinement en conformité avec les principes et dispositions de la Convention, en particulier dans le domaine de la justice pour mineurs. À cet égard, la Commission interministérielle devrait être dotée de ressources adéquates et devrait élaborer et appliquer un plan d’action assorti d’un calendrier précis pour incorporer les dispositions de la Convention dans la législation nationale.

Mise en œuvre, coordination, évaluation et plan d’action national

10.     Le Comité se félicite de la décision prise par le Conseil des ministres le 30 août 2002 de créer un comité central chargé de suivre l’application de la Convention, mais regrette que cet organisme ne soit pas habilité à coordonner les activités des organes gouvernementaux au stade de la mise en œuvre.

11.     Le Comité relève qu’un nouveau plan d’action, fondé sur les conclusions de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants, sera établi d’ici la fin de 2003, ce qu’il juge encourageant.

12.     Le Comité recommande à l’État partie:

          a)      De veiller à ce que le Comité central chargé de suivre l’application de la Convention adopte une approche pluridisciplinaire fondée sur les droits de l’enfant, qu’il soit doté de ressources financières et humaines suffisantes et investi d’un mandat qui lui permette de coordonner efficacement les activités nationales et internationales visant à l’application de la Convention;

          b)      De veiller à ce que le plan d’action national soit conforme aux dispositions de la Convention et aux conclusions de la session extraordinaire de l’Assemblée générale, et de suivre et d’évaluer de façon efficace l’incidence des politiques adoptées en ce qui concerne l’enfance.

Suivi indépendant

13.     Le Comité se félicite de la création, en 1998, de l’Organisme national pour la protection des droits de l’homme mais relève que celui‑ci n’est pas doté d’un mécanisme spécifique pour traiter de plaintes individuelles relatives en particulier à des violations des droits garantis en vertu de la Convention. Il juge encourageante la décision prise par le Conseil des ministres le 30 janvier 2003 d’établir un comité chargé de définir le cadre nécessaire à la mise en place d’un médiateur pour l’enfance à Chypre.

14.     Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ses efforts pour nommer un commissaire spécialement chargé des droits de l’enfant ou pour créer au sein de l’Organisme national une section ou division spécifique pour les droits de l’enfant qui serait chargée en particulier de traiter les plaintes émanant d’enfants selon une procédure adaptée aux mineurs. À ce sujet, le Comité renvoie à son Observation générale no 2 sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme.

Affectation des ressources

15.     Le Comité note qu’en 2001 les ressources consacrées par le Gouvernement chypriote aux secteurs sociaux ont représenté 19,5 % du PIB et que 50 % des subventions accordées par l’État sont allées aux programmes en faveur de l’enfance gérés par des organismes bénévoles. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas été en mesure de préciser quelle était la part des dépenses publiques consacrée aux programmes d’aide à l’enfance, se contentant d’indiquer qu’elle était «considérable»; une telle imprécision ne facilite pas le suivi.

16.     Le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention particulière à l’application intégrale de l’article 4 de la Convention, en définissant ses priorités budgétaires de façon que des crédits soient alloués, «dans toutes les limites des ressources dont il dispose», pour la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, en particulier ceux qui appartiennent aux groupes économiquement défavorisés. En outre, il recommande à l’État partie de préciser les dépenses – en montant global et en part relative du budget – consacrées, par le canal des organismes tant publics que privés, à la mise en œuvre des droits de l’enfant dans des domaines comme la protection de remplacement, l’éducation sanitaire et les mesures spéciales de protection, de manière à pouvoir mesurer l’impact de ces investissements et à évaluer l’accessibilité, la qualité et l’efficacité des services destinés aux enfants dans les différents secteurs, eu égard aux coûts.

Collecte de données

17.     Le Comité note que l’État partie prévoit d’informatiser le Département des services de protection sociale et qu’il privilégie actuellement la collecte systématique de données concernant les enfants. Le Comité se félicite de ce que le Comité central chargé de suivre l’application de la Convention ait décidé d’accorder la priorité en 2003 à la mise au point d’une banque de données sur la situation des enfants à Chypre mais regrette que ce travail n’ait pas encore bénéficié d’une attention suffisante.

18.     Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour établir un registre central et établir un système global pour la collecte de données désagrégées concernant tous les domaines visés par la Convention et faisant appel à des indicateurs pertinents pour les droits de l’enfant. Un tel système devrait prendre en compte tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans en mettant l’accent sur ceux qui sont particulièrement vulnérables. À cet égard, l’État partie devrait faire tout son possible pour inclure des données sur les enfants qui vivent dans la partie occupée du territoire.

Formation/Diffusion de la Convention

19.     Le Comité note que le rapport initial et les renseignements complémentaires qui lui avaient été fournis ont été publiés par le Département des services de protection sociale en 1999 et il relève les diverses initiatives visant à faire largement connaître la Convention: «Semaine des enfants», programmes de radio et de télévision, publications réalisées par l’Organisme national pour la protection des droits de l’homme, etc. Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies dans les réponses écrites s’agissant des efforts entrepris, en coopération avec les ONG et le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, afin que les dispositions de la Convention soient largement diffusées auprès des membres de la police, des personnels des services sociaux, des enseignants et des professionnels de la santé mentale, et bien comprises par tous.

20.     Le Comité encourage l’État partie à poursuivre et intensifier ses efforts pour organiser des programmes de formation et de sensibilisation appropriés et systématiques concernant les droits de l’enfant à l’intention des catégories professionnelles travaillant avec les enfants ou pour eux, une attention particulière étant accordée aux responsables de l’application des lois, aux procureurs et aux juges. Le Comité invite instamment l’État partie à poursuivre l’élaboration de méthodes visant à promouvoir la Convention, en particulier au niveau local, et à renforcer son appui aux activités menées dans ce sens par les ONG.

Coopération avec les ONG

21.     Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a accordé dernièrement de l’importance au rôle des ONG en appuyant leurs activités et en les associant à l’élaboration du plan d’action national pour l’enfance.

22.     Le Comité insiste sur le rôle important que la société civile joue en tant que partenaire dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne les  libertés et les droits civils, et encourage l’État partie à poursuivre et intensifier sa coopération avec les ONG, en particulier en associant plus systématiquement les ONG – surtout celles dont la démarche est fondée sur les droits – et les autres secteurs de la société civile travaillant avec les enfants ou pour eux, à la mise en œuvre de la Convention, et ce à toutes les étapes du processus.

2.  Définition de l’enfant

23.     Le Comité note que l’âge minimum de la responsabilité pénale a été relevé de 7 à 10 ans, ce qui reste toutefois très bas, et il demeure préoccupé par le flou qui subsiste à cet égard, l’âge mentionné étant différent selon les textes de loi.

24.     Le Comité recommande à l’État partie de relever l’âge minimum de la responsabilité pénale de façon à le rendre plus conforme aux normes internationales, en modifiant sa législation à cet égard, et de veiller à ce que tous les enfants âgés de moins de 18 ans bénéficient de la protection offerte par les dispositions relatives à la justice des mineurs.

3.  Principes généraux

25.     Le Comité constate avec préoccupation que le principe de la non‑discrimination (art. 2 de la Convention), le droit à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit la considération primordiale dans les décisions qui le touchent (art. 3), le droit de l’enfant à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et le droit pour l’enfant à ce que ses opinions soient prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité (art. 12) ne sont pas pleinement pris en compte dans la législation et les politiques de l’État partie ni dans les programmes mis en œuvre aux niveaux national et local.

26.     Le Comité recommande à l’État partie:

a)      D’intégrer de façon appropriée les principes généraux énoncés dans la Convention (art. 2, 3, 6 et 12) dans tous les textes de loi concernant les enfants;

b)      D’appliquer ces principes dans toutes les décisions politiques, judiciaires et administratives ainsi que dans les projets, programmes et services ayant des incidences sur les enfants en général;

c)       De les appliquer dans la planification et l’élaboration des politiques à tous les niveaux ainsi que dans les mesures prises par les institutions de protection sociale et sanitaire, les établissements d’enseignement, les tribunaux et les autorités administratives.

Non‑discrimination

27.     Le Comité juge encourageants les progrès relevés par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale en août 2001, en ce qui concerne la réforme législative. Toutefois, comme ce Comité, il est préoccupé par l’absence de dispositions légales interdisant expressément la discrimination raciale de la part de particuliers dans l’éducation et l’emploi. En outre, le Comité constate avec préoccupation que certains facteurs liés à des attitudes discriminatoires peuvent perdurer, en particulier ceux qui ont trait à l’acquisition de la nationalité, aux enfants nés hors du mariage et aux enfants chypriotes d’origine turque. Il note de surcroît que certaines dispositions ne s’appliquent pas dans des conditions d’égalité aux filles et aux garçons.

28.     Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de réexaminer sa législation et d’en modifier les dispositions, le cas échéant de façon à garantir que tous les enfants bénéficient de droits égaux, sans discrimination fondée sur l’origine ethnique, le sexe ou d’autres considérations. Il encourage en outre l’État partie à mener des campagnes d’information pour éliminer les stéréotypes qui s’attachent à la conception traditionnelle du rôle des hommes et des femmes au sein de la société.

29.     Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures et programmes concernant la Convention relative aux droits de l’enfant qu’il aura mis en œuvre pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte également de son Observation générale no 1 concernant le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (buts de l’éducation).

Respect de l’opinion de l’enfant

30.     Le Comité prend note des divers règlements en vigueur dans les institutions de l’État partie visant à garantir que l’opinion de l’enfant soit prise en considération dans les procédures judiciaires et administratives. Il se félicite des efforts entrepris par les ONG pour sensibiliser davantage le public au droit pour les enfants de participer aux décisions qui les concernent.

31.     À la lumière des articles 12 à 17 de la Convention, le Comité engage l’État partie à concrétiser les plans tendant à réviser sa législation pour offrir aux enfants davantage de possibilités d’exprimer leur opinion et de se faire entendre, comme indiqué dans son rapport. Le Comité encourage l’État partie à appuyer les initiatives des ONG dans ce sens.

4.  Libertés et droits civils

32.     Le Comité constate avec préoccupation qu’on n’accorde pas suffisamment d’attention à la promotion des libertés et droits civils de l’enfant et regrette en particulier que le rapport de l’État partie ne contienne pas d’informations relatives à l’article 14 de la Convention.

33.     Le Comité invite instamment l’État partie à redoubler d’efforts pour sensibiliser les parlementaires, les responsables gouvernementaux, les membres du pouvoir judiciaire et les autres catégories professionnelles, les parents et les enfants à l’importance d’accepter pleinement la notion de droits de l’enfant. Il recommande que des mesures supplémentaires soient prises pour garantir la liberté de religion aux enfants, en particulier compte tenu du droit pour l’enfant de ne pas faire l’objet d’une discrimination motivée par la religion.

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

34.     Le Comité se félicite de la décision du Gouvernement de publier le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants sur la visite qu’il a effectuée à Chypre du 22 au 30 mai 2000 et note qu’il ressortait des conclusions de ce rapport que les mauvais traitements infligés par la police demeuraient un sérieux problème à Chypre. Le Comité accueille avec satisfaction les explications fournies par le Gouvernement en réaction au rapport en question ainsi que les mesures prises pour lutter contre les mauvais traitements, en particulier ceux qui visent les enfants âgés de 10 à 18 ans.

35.     Le Comité note que le Code de procédure pénale et la loi sur la violence dans la famille sont en cours de révision aux fins de mise en conformité avec les normes internationales; toutefois, il regrette que, d’une manière générale, le rapport de l’État partie ne contienne pas d’informations relatives à l’article 37 et que l’on ne tienne pas de statistiques systématiques sur la violence dans les prisons.

36.     Le Comité recommande à l’État partie:

          a)      D’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures prises pour mettre en application les nouvelles dispositions, notamment en dispensant une formation axée sur les droits de l’enfant aux responsables de l’administration de la justice pour mineurs;

          b)      De fournir dans son prochain rapport périodique des informations supplémentaires sur les conditions de détention des mineurs et la durée de la détention provisoire; d’entreprendre une étude sur les sévices et les mauvais traitements dont sont victimes les enfants lors de l’interpellation et de la détention et de fournir des informations à ce sujet, en particulier sur les procédures prévues pour notifier à un mineur son placement en garde à vue et lui garantir le droit de s’entretenir immédiatement avec un avocat ou un médecin de son choix.

5.  Milieu familial et protection de remplacement

Conseils aux parents

37.     Le Comité note que le Département des services de protection sociale a créé en 1997 le Centre de consultation familiale. Toutefois, il constate avec préoccupation que les parents, les enseignants, les pouvoirs publics et la société dans son ensemble ont une conception traditionnelle et plutôt paternaliste de l’enfant.

38.     Le Comité invite instamment l’État partie à inciter davantage les familles à donner à l’enfant, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la Convention. Il recommande en outre à l’État partie de s’employer à faire en sorte que l’enfant soit perçu comme le détenteur de droits, en prenant des mesures à tous les niveaux et en lançant des campagnes pour sensibiliser davantage le public aux dispositions de la Convention.

Séparation d’avec les parents

39.     Le Comité observe avec préoccupation que, compte tenu de la situation qui règne sur l’île depuis les événements de 1974, certains enfants qui souhaitent suivre un enseignement secondaire doivent être séparés de leurs parents et peuvent ne pas être autorisés à leur rendre visite périodiquement ni à revenir chez eux une fois leurs études terminées. Il relève en outre que les pensionnats accueillant les enfants dans ce cas sont réservés aux garçons et qu’il existe un seul internat pour filles.

40.     Le Comité prie instamment l’État partie d’assurer l’égalité des chances pour tous les enfants qui souhaitent poursuivre leurs études au-delà du primaire, notamment en mettant des internats à la disposition des filles aussi bien que des garçons et en s’employant à réduire la période pendant laquelle les enfants sont séparés de leurs parents.

Enfants privés de leur environnement familial

41.     Le Comité note qu’il existe différents services offrant une protection de remplacement − familles d’accueil, services de garde à domicile − et que le placement en institution n’est utilisé qu’en dernier ressort. Toutefois, les renseignements fournis dans les réponses écrites montrent que, dans la pratique, le nombre d’enfants placés dans des institutions augmente tandis que le nombre d’enfants placés dans des familles diminue.

42.     Le Comité recommande à l’État partie:

          a)      De continuer à prendre des mesures pour développer et favoriser le placement familial, en foyer et dans d’autres structures de type familial en fournissant une aide financière accrue aux familles d’accueil et en mettant à leur disposition des services de conseils et d’appui plus nombreux;

          b)      De veiller à ce que le placement d’un enfant en institution reste une mesure de dernier recours et à ce que des mécanismes efficaces soient prévus pour recevoir et traiter les plaintes d’enfants placés, suivre les conditions du placement et, compte tenu de l’article 25 de la Convention, procéder à un examen périodique du placement.

Adoption

43.     Le Comité relève que la loi de 1995 relative à l’adoption fait du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant une des conditions préalables à la procédure d’adoption et il se félicite de la ratification de la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Le manque d’informations sur l’adoption internationale est une source de préoccupation dans la mesure où cette modalité d’adoption est propice à des abus, en particulier à des gains financiers indus, à l’exploitation de la main‑d’œuvre enfantine ou à d’autres formes d’exploitation de l’enfant.

44.     Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour suivre et superviser efficacement le système d’adoption des enfants, à la lumière de l’article 21 de la Convention. Il lui recommande également de dispenser une formation adéquate aux professionnels qui interviennent dans la procédure d’adoption.

Maltraitance et délaissement

45.     Le Comité accueille avec satisfaction la mise en chantier d’une étude détaillée visant à mieux cerner la nature et l’ampleur du problème de la maltraitance et du délaissement d’enfants à Chypre, comme il l’avait recommandé (CRC/C/15/Add.59, par. 29), ainsi que la nouvelle loi no 3 (1) de 2000 sur la lutte contre la traite des personnes et l’exploitation sexuelle des enfants et la loi sur la violence dans la famille visant à prévenir cette forme de violence et à en protéger les victimes. Le Comité regrette que l’on ne dispose pas d’informations sur le suivi des cas de maltraitance qui ont fait l’objet d’un signalement aux services de protection sociale. Il note que de nombreuses personnes à Chypre estiment qu’il y a un problème de violence familiale et se réfère aux préoccupations formulées à cet égard par le Comité des droits de l’homme (CCPR/C/79/Add.88, par. 12) ainsi que par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/1/Add.28, par. 15).

46.     Le Comité recommande à l’État partie d’adopter, en se fondant sur les conclusions de l’étude entreprise, des mesures et des politiques appropriées visant à modifier les comportements, notamment en interdisant les châtiments corporels au sein de la famille, accompagnées de campagnes de sensibilisation bien ciblées portant notamment sur les autres moyens d’inculquer la discipline aux enfants. Il encourage en outre l’État partie à prendre les dispositions nécessaires et à allouer des ressources humaines et financières suffisantes pour que la loi visant à prévenir la violence familiale soit appliquée. Le Comité invite l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur le suivi des cas de maltraitance signalés aux services de protection sociale, ainsi que des informations sur le deuxième volet de la recherche annoncée concernant l’ampleur de la maltraitance à Chypre.

6.  Santé et bien-être

Santé des adolescents

47.     Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements figurant dans le rapport de l’État partie sur l’éducation sanitaire dispensée dans les écoles, en particulier l’information sur les effets nocifs de l’alcool et de la nicotine. Toutefois, il est préoccupé par le nombre élevé de jeunes qui consomment de l’alcool, du tabac, des drogues et d’autres substances nocives.

48.     Le Comité encourage l’État partie à poursuivre activement ses initiatives de sensibilisation aux questions de santé dans les écoles et lui recommande de prendre d’autres mesures, notamment en prévoyant des ressources humaines et financières suffisantes, pour évaluer l’efficacité des programmes de formation à l’éducation sanitaire, en particulier en ce qui concerne la toxicomanie, et pour mettre en place des services de consultation, de traitement et de réinsertion adaptés aux besoins des jeunes et confidentiels, auxquels les jeunes puissent avoir accès sans l’autorisation parentale lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant le commande.

Sécurité sociale et services et établissements de garde d’enfants

49.     Le Comité note que la limite d’âge pour bénéficier des prestations sociales en tant qu’enfant, normalement fixée à 18 ans, est relevée dans le cas des enfants qui suivent des études à temps complet; il note toutefois que l’âge limite n’est pas le même pour les garçons et pour les filles.

50.     Le Comité encourage l’État partie à faire en sorte que les prestations sociales soient les mêmes pour les filles et pour les garçons, de façon que ce facteur n’intervienne pas dans leur décision de poursuivre ou non des études supérieures.

7.  Éducation, loisirs et activités culturelles

51.     Le Comité note que l’État partie accorde la plus grande importance à l’éducation, et il juge encourageants le taux de scolarité élevé, l’augmentation des effectifs dans l’enseignement préprimaire ainsi que la coopération internationale dans ce domaine. Toutefois, il relève avec préoccupation que les établissements scolaires spécialisés ont vocation à s’occuper des enfants qui souffrent de problèmes physiques, mentaux ou affectifs, ce qui, entre autres, ne favorise pas l’intégration de ces enfants dans les écoles ordinaires.

52.     Le Comité encourage l’État partie à intensifier ses efforts pour que les enfants ayant des besoins particuliers soient intégrés, dans toute la mesure du possible, dans les écoles généralistes, conformément au paragraphe 3 de l’article 23 de la Convention. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les Règles pour l’égalisation des chances des handicapés.

8.  Mesures spéciales de protection

Enfants réfugiés et déplacés

53.     Le Comité se félicite de ce que le Gouvernement chypriote, depuis le 1er janvier 2002, ait pleine compétence en matière d’asile, notamment pour ce qui est des décisions relatives à l’octroi du statut de réfugié. En outre, il juge encourageants les progrès réalisés par le Gouvernement dans l’élaboration d’un projet de loi portant modification des lois 6 (I) de 2000 et 6 (I) de 2002 relatives aux réfugiés. Toutefois, les difficultés auxquelles certains enfants bénéficiant d’une protection à titre temporaire risquent de se heurter pour accéder à l’enseignement public demeurent une source de préoccupation pour le Comité, de même que le fait que les enfants de personnes déplacées ne peuvent acquérir eux‑mêmes le statut de personne déplacée que si leur père a ce statut.

54.     Le Comité recommande à l’État partie:

a)      D’adopter sans tarder le projet de loi portant modification des lois de 2000 et 2002 relatives aux réfugiés;

b)      D’apporter de nouvelles modifications à la loi relative aux réfugiés de façon à garantir l’accès aux établissements d’enseignement public pour les personnes bénéficiant d’une protection à titre temporaire;

c)       De faire en sorte que les enfants dont l’un ou l’autre des deux parents est une personne déplacée puissent acquérir ce statut.

Exploitation sexuelle, traite des personnes

55.     Le Comité se félicite de ce que la loi visant à lutter contre la traite des personnes et l’exploitation des mineurs et la loi sur la protection des témoins, contenant des dispositions spécifiques pour la protection des témoins mineurs, soient entrées en vigueur en 2000 et 2001 respectivement. Tout en notant que, selon l’État partie, les problèmes relatifs à la traite des personnes ou à d’autres formes d’exploitation sexuelle ne se posent pas, le Comité demeure préoccupé par la possibilité que de tels problèmes restent «cachés», échappant ainsi à la vigilance des autorités. En particulier, le Comité renvoie aux préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, selon lesquelles Chypre sert de plaque tournante pour la traite des jeunes femmes, y compris des mineures.

56.     Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour détecter la traite d’enfants à des fins sexuelles et lutter contre ce phénomène, conformément à la Déclaration et au Programme d’action adoptés lors du premier Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, en 1996, et à l’Engagement mondial adopté lors du deuxième Congrès mondial, en 2001.

Protection des enfants affectés par des conflits armés

57.     Le Comité constate que si l’âge minimum de la conscription est fixé à 18 ans, il est possible de s’engager pour le service militaire dès l’âge de 17 ans. Le Comité juge préoccupant que des jeunes de moins de 18 ans puissent être envoyés au combat, étant donné qu’aucune distinction n’est faite entre l’âge du recrutement et l’âge auquel les recrues peuvent être envoyées sur le théâtre des opérations.

58.     Le Comité engage l’État partie à éclaircir la question de l’âge minimum pour l’engagement dans l’armée et à prendre des mesures pour faire en sorte qu’aucun jeune âgé de moins de 18 ans ne participe comme combattant à des opérations militaires.

Justice des mineurs

59.     Le Comité se félicite de l’information selon laquelle des mesures sont prises pour aligner les textes relatifs à la justice des mineurs sur les dispositions de la Convention. Le Comité note que le régime de la probation est la mesure la plus fréquemment appliquée aux jeunes délinquants et que les centres de détention pour mineurs sont en cours de rénovation. Toutefois, le Comité regrette que les informations sur la durée moyenne de la détention provisoire ne soient pas disponibles. De plus, les statistiques fournies dans les réponses écrites aux questions figurant dans la liste des points à traiter montrent que la majorité des délinquants mineurs sont condamnés à une amende et que les sursis avec mise à l’épreuve sont rares.

60.     Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les réformes en cours prévoient la mise en place d’un système de justice pour les mineurs, comportant notamment des tribunaux pour enfants, qui soit doté de ressources humaines et financières suffisantes et qui incorpore pleinement les normes internationales relatives à la justice pour les mineurs, en particulier les articles 37, 39 et 40 de la Convention ainsi que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes de Riyad) et les Directives relatives aux enfants dans le système de justice pénale.

9.  Ratification des protocoles facultatifs

61.     Le Comité se félicite que l’État partie ait signé en 2001 le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et qu’il ait l’intention de le ratifier. Le Comité invite instamment l’État partie à envisager de ratifier au plus tôt le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

10.  Diffusion du rapport, des réponses écrites et des observations finales

62.     Conformément au paragraphe 6 de l’article 44 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’assurer à son deuxième rapport périodique et à ses réponses écrites une large diffusion auprès du public, et d’envisager de publier ledit rapport ainsi que le compte rendu des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. Le document ainsi produit devrait être largement diffusé de façon à susciter le débat et à faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi au sein de l’administration de l’État partie, à tous les échelons, et du grand public, y compris des ONG concernées.

11.  Prochain rapport

63.     Le Comité souligne qu’il importe que la pratique en matière de présentation des rapports soit pleinement conforme aux dispositions de l’article 44 de la Convention. Un aspect important des responsabilités des États parties envers les enfants telles qu’elles découlent de la Convention est de veiller à ce que le Comité des droits de l’enfant ait régulièrement la possibilité d’examiner les progrès réalisés dans la mie en œuvre de cet instrument. Il est donc crucial que les États parties présentent leurs rapports régulièrement et dans les délais voulus. Le Comité est conscient que certains États parties ont des difficultés à le faire. À titre exceptionnel, et pour aider l’État partie à rattraper son retard et à présenter ses rapports dans le strict respect des dispositions de la Convention, le Comité invite celui‑ci à soumettre ses troisième et quatrième rapports en un rapport unique d’ici au 8 mars 2008, date fixée pour la présentation du quatrième rapport. La longueur de ce rapport ne devrait pas excéder 120 pages (voir CRC/C/118). Le Comité attend de l’État partie qu’il présente ensuite un rapport tous les cinq ans, comme la Convention le prévoit.

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