University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Chypre, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.59 (1996).


COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Douzième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Chypre




1. Le Comité a examiné le rapport initial de Chypre (CRC/C/8/Add.24) à ses 309ème, 310ème et 311ème séances (CRC/C/SR.309 à 311), les 4 et 5 juin 1996, et a adopté*/ les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité remercie le Gouvernement chypriote de son rapport initial, des réponses écrites qu'il a fournies aux questions figurant dans la liste des points à traiter (CRC/C.11/WP.3) et du dialogue constructif et fructueux qui a eu lieu. Le Comité juge encourageants la franchise et l'esprit de coopération qui ont marqué la discussion, au cours de laquelle les représentants de l'Etat partie ont évoqué non seulement les orientations des politiques et des programmes, mais aussi les difficultés rencontrées pour l'application de la Convention.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite des efforts entrepris par le gouvernement pour réviser la législation nationale en vue de l'aligner sur les dispositions et principes de la Convention. A cet égard, le Comité note avec satisfaction que la loi sur les délinquants juvéniles est en cours de réexamen. Il note également avec satisfaction que la peine de mort a été abolie pour les délits de droit commun et se félicite de ce que le Parlement examine actuellement un projet de loi interdisant la peine capitale pour haute trahison.

4. Le Comité constate avec satisfaction que la Convention a été invoquée devant des tribunaux et note que, lors du dialogue, la délégation gouvernementale s'est engagée à fournir des précisions sur les décisions judiciaires correspondantes.

5. Le Comité accueille avec satisfaction la création du Comité central chargé de suivre l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il note également avec satisfaction que le Comité pour la protection et le bien-être des enfants organise depuis 1989 une "Semaine des enfants", qui met l'accent sur la Convention.

6. Le Comité note en outre l'existence d'une gamme très large de programmes et services pour la protection de l'enfance.

7. Le Comité se félicite de la ratification récente par l'Etat partie de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

8. Le Comité se réjouit de la volonté manifestée par l'Etat partie de collaborer avec les organisations non gouvernementales.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

9. Le Comité note que, par suite des événements survenus en 1974 qui ont entraîné l'occupation d'une partie de l'île de Chypre, l'Etat partie n'est pas en mesure d'exercer son contr_le sur la totalité du territoire et ne peut donc pas veiller à l'application de la Convention dans les secteurs qui échappent à son autorité. Le manque d'informations sur la situation des enfants vivant dans les territoires occupés est une source de préoccupation pour le Comité.

D. Principaux sujets de préoccupation

10. Le Comité est préoccupé de constater que les dispositions législatives touchant certains aspects relatifs à la définition de l'enfant, en particulier celles qui fixent à 7 ans l'âge minimum de la responsabilité pénale, ne sont pas conformes à la Convention. Il note aussi avec préoccupation que les enfants âgés de 16 à 18 ans sont considérés comme des délinquants adultes au regard de la justice pénale.

11. Le Comité est également préoccupé par le fait que l'Etat partie n'ait pas encore entièrement tenu compte dans sa législation et ses politiques des principes généraux de la Convention (voir en particulier par. 12, 13 et 14 ci-dessous) : article 2 (non-discrimination), article 3 (intérêt supérieur de l'enfant) et article 12 (respect des opinions de l'enfant).

12. Le Comité demeure préoccupé par les attitudes discriminatoires qui semblent persister à l'égard des enfants nés hors mariage en ce qui concerne leur droit à un nom et à la citoyenneté.

13. S'agissant de l'application des articles 12, 13, 14 et 15 de la Convention, on ne s'est pas attaché suffisamment à faire en sorte que les enfants participent aux décisions, y compris au sein de la famille, et aux procédures administratives et judiciaires qui les concernent.

14. Le Comité est préoccupé de voir que les décisions prises dans des domaines en rapport avec l'adoption ne respectent pas pleinement le principe énoncé à l'article 3 (intérêt supérieur de l'enfant).

15. Le Comité note avec préoccupation que l'on n'accorde pas assez d'attention à la collecte systématique de données détaillées, à la mise au point d'indicateurs appropriés et à la mise en place d'un mécanisme de suivi portant sur tous les aspects visés par la Convention et sur toutes les catégories d'enfants, y compris les enfants appartenant à des minorités, les enfants des zones rurales, les enfants placés en institution et les enfants handicapés, ainsi que les enfants victimes de l'exploitation sexuelle.

16. Le Comité s'inquiète de la persistance de pratiques et attitudes traditionnelles qui risquent de compromettre l'épanouissement de certains enfants. Il s'inquiète en particulier des conséquences des mariages précoces. Il est également préoccupé de voir que les principes et dispositions de la Convention ne sont pas suffisamment connus des adultes et des enfants, ni bien compris par eux.

17. Eu égard aux articles 7 et 8 de la Convention, le Comité note que la procédure d'enregistrement des naissances est adéquate mais il n'en reste pas moins préoccupé de constater que sa mise en oeuvre dans certaines zones rurales peut aboutir à entraver la jouissance par les enfants de leurs droits.

18. Le Comité s'inquiète des phénomènes récents de prostitution qui touchent plus particulièrement les enfants non chypriotes. Il s'inquiète aussi de l'augmentation du nombre d'enfants qui travaillent illégalement comme domestiques et qui sont exposés à toutes sortes d'abus, y compris les sévices et l'exploitation sexuels.

19. La situation en ce qui concerne l'administration de la justice des mineurs, et en particulier son incompatibilité avec les articles 37 et 40 de la Convention ainsi qu'avec d'autres normes applicables telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, est une source de préoccupation pour le Comité.

E. Suggestions et recommandations

20. Le Comité recommande à l'Etat partie d'entreprendre une réforme de la législation de façon que celle-ci soit pleinement conforme à toutes les dispositions de la Convention, en particulier ses principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12).

21. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie de rassembler toutes les informations nécessaires, et d'établir des indicateurs appropriés ainsi que des données désagrégées sur la situation des enfants, en s'attachant aux différents aspects visés par la Convention et à toutes les catégories d'enfants, sans oublier les enfants appartenant aux groupes les plus vulnérables.

22. Le Comité voudrait encourager l'Etat partie à pousser plus à fond la réflexion systématique sur la manière de sensibiliser davantage la population aux droits des enfants relatifs à la participation, eu égard à l'article 12 de la Convention. Il faudrait poursuivre et intensifier les efforts visant à faire en sorte que les dispositions et les principes de la Convention soient largement diffusés auprès des adultes et des enfants, et bien compris par les uns et les autres, compte tenu de l'article 42 de la Convention.

23. En ce qui concerne l'application des articles 12, 13, 14 et 15 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager de faciliter la participation des enfants aux décisions qui les concernent, en particulier dans le cadre familial, à l'école et devant les tribunaux, et de veiller à ce que leurs opinions soient respectées.

24. Pour lutter efficacement contre les attitudes négatives et discriminatoires, le Comité encourage l'Etat partie à lancer auprès du grand public une vaste campagne d'information bien orchestrée visant à promouvoir les droits de l'enfant dans la société, et en particulier au sein de la famille.

25. Le Comité recommande également à l'Etat partie de dispenser une formation portant sur la Convention aux catégories professionnelles qui travaillent avec les enfants ou pour les enfants : enseignants, travailleurs sociaux, personnels de santé, juges et responsables de l'application de la loi.

26. Le Comité encourage l'Etat partie à envisager d'élargir le mandat de l'ombudsman afin qu'il puisse être saisi de toutes les plaintes relatives aux problèmes qui concernent les enfants.

27. Le Comité recommande que des mesures soient prises pour garantir l'inscription à l'état civil de tous les enfants, en particulier les enfants qui vivent dans les zones rurales.

28. Eu égard aux articles 2, 7 et 8 de la Convention, le Comité recommande vivement aux autorités de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les enfants nés hors mariage jouissent de tous leurs droits fondamentaux.

29. A la lumière de l'article 19 de la Convention, le Comité recommande aux autorités de rassembler des données et d'entreprendre une étude détaillée en vue de mieux comprendre la nature et l'ampleur du problème de la maltraitance des enfants et de mettre en place des programmes sociaux axés sur la prévention.

30. Le Comité recommande que les lois et pratiques nationales en ce qui concerne l'adoption soient rendues pleinement conformes aux dispositions de la Convention et de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, y compris le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.

31. Dans le domaine de l'administration de la justice des mineurs, le Comité recommande des réformes législatives tenant pleinement compte de la Convention relative aux droits de l'enfant, en particulier des articles 37, 39 et 40, ainsi que d'autres normes internationales applicables, telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Il faudra s'attacher en particulier à relever l'âge minimum de la responsabilité pénale et à garantir que les enfants âgés de 16 à 18 ans jouissent de tous les droits reconnus dans la Convention.

32. Le Comité engage l'Etat partie à diffuser largement le rapport de ce dernier, les comptes rendus analytiques des séances que le Comité a consacrées à l'examen de ce rapport et les observations finales qu'il a adoptées à l'issue de son examen. Le Comité suggère que ces documents soient portés à l'attention du Parlement et qu'il soit donné suite aux suggestions et recommandations concrètes qui y sont formulées.


*/ A la 314ème séance, le 7 juin 1996.



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