University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Colombie, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.30 (1995).



COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Colombie



1. Le Comité a commencé à examiner le rapport initial de la Colombie (CRC/C/8/Add.3) à ses 113ème, 114ème et 115ème séances, les 17 et 18 janvier 1994. Etant donné qu'il n'était pas possible pendant la session d'élucider pleinement un certain nombre de préoccupations graves concernant la mise en oeuvre de la Convention, le Comité a décidé de ne pas achever l'examen de ce rapport et il a adopté un ensemble d'observations préliminaires. L'Etat partie a été prié de fournir, d'ici au 28 février 1994, des réponses écrites àla liste des questions posées par le Comité ainsi que des informations sur des domaines de préoccupation particuliers que celui-ci avait identifiés dans ses observations préliminaires, afin qu'il puisse examiner ces réponses lors d'une prochaine session. Après avoir étudié les informations supplémentaires fournies par le Gouvernement colombien à ses 188ème et 189ème séances, le 12 janvier 1995 (CRC/C/SR.188 et CRC/C/SR.189), le Comité a conclu son examen du rapport initial de la Colombie et adopté les observations finales ci-après A la 208ème séance, le 26 janvier 1995. :

A. Introduction

2. Le Comité a remercié le Gouvernement colombien d'avoir présenté des réponses écrites à sa liste de questions, répondu à ses observations préliminaires et aux questions orales posées pendant l'examen du rapport et fourni des informations supplémentaires sur les domaines de préoccupation particuliers qu'il avait identifiés. Il estime encourageant que le débat se soit déroulé dans une atmosphère franche et de coopération et que les représentants de l'Etat partie aient indiqué non seulement les orientations suivies pour mettre en oeuvre la Convention, mais aussi les difficultés que posait celle-ci.

B. Aspects positifs

3. Comme il l'a déjà dit dans ses observations préliminaires, le Comité accueille avec satisfaction les grandes initiatives prises dans le domaine législatif en vue de donner un cadre juridique à la mise en oeuvre de la Convention. Il se félicite également des mesures adoptées en vue de créer des mécanismes spéciaux d'application de la Convention. Il est particulièrement heureux que l'accent soit mis sur la protection des droits de l'homme comme en témoigne, notamment, la création d'un Service de défense des droits de l'homme au sein du bureau du Procureur général.

4. Le Comité se félicite en outre des efforts déployés pour faciliter la participation des organisations non gouvernementales (ONG) au processus de mise en oeuvre.

5. Le Comité note que le taux de mortalité infantile a diminué au cours des dix dernières années, ce qui constitue un progrès. Il est également heureux que l'Etat partie ait formulé un plan d'action national et défini des objectifs concrets pour le suivi du Sommet mondial pour les enfants. Il accueille en outre avec satisfaction les efforts que fait le gouvernement pour éduquer les enfants des zones rurales et améliorer leur état nutritionnel.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

6. Le Comité note que la Colombie traverse une période de difficultés économiques qui ont des effets préjudiciables sur la situation des enfants. Il note aussi les disparités qui existent dans le pays aux plans économique et social.

7. Le Comité note en outre les graves conséquences qu'ont sur les enfants les problèmes politiques résultant de la violence et des activités terroristes liées au trafic de drogue.

D. Principaux sujets de préoccupation

8. Le Comité note avec inquiétude l'écart important entre les lois adoptées pour donner suite à la Convention relative aux droits de l'enfant et l'application pratique de ces lois à la situation réelle d'un grand nombre d'enfants en Colombie.

9. Il se déclare également préoccupé par l'insuffisance de la coordination entre les divers services qui s'occupent des droits de l'homme et des droits de l'enfant et par le fait que les différentes politiques sectorielles visant à promouvoir et protéger les droits de l'enfant ne sont pas envisagées globalement.



10. Le Comité se dit préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour rassembler des informations pertinentes sur la mise en oeuvre de la Convention ainsi que pour mettre en place un système de surveillance efficace aux niveaux local, régional et national.

11. Le Comité constate avec une vive inquiétude qu'un très grand nombre d'enfants colombiens continuent à vivre dans une extrême pauvreté bien que la Colombie soit l'un des pays de la région avec le plus fort taux de croissance économique et le plus faible taux d'endettement extérieur par habitant. Beaucoup d'enfants en Colombie, y compris un grand nombre d'enfants des zones rurales et d'enfants autochtones, ont été marginalisés sur les plans économique et social et n'ont au mieux qu'un accès limité à des services d'éducation ou de santé adéquats.

12. En outre, le Comité s'inquiète du comportement discriminatoire et hostile de la société, notamment des forces de l'ordre, à l'égard des groupes d'enfants vulnérables. Il se déclare profondément préoccupé par la situation extrêmement dangereuse dans laquelle se trouvent un nombre alarmant d'enfants en Colombie, notamment ceux qui, pour survivre, travaillent ou vivent dans la rue. Beaucoup d'entre eux sont victimes de campagnes de "nettoyage social" et de mauvais traitements de la part des autorités tels qu'arrestations arbitraires, torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ils sont également victimes de gangs qui se livrent à des agissements criminels - contrainte, disparitions, traite et assassinats.

13. Les règles appliquées concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, qui ne satisfont pas aux normes internationales, ne sont pourtant pas respectées. Le travail des enfants employés à des tâches dangereuses, notamment dans les mines, est un sujet d'extrême préoccupation.

E. Suggestions et recommandations

14. Le Comité suggère à l'Etat partie de prendre des mesures pour assurer une coordination efficace entre les diverses institutions travaillant dans le domaine des droits de l'homme et des droits de l'enfant en vue de mettre en place un mécanisme de surveillance de l'application de la Convention aux niveaux local, régional et national chargé d'évaluer la situation dans laquelle se trouvent véritablement les enfants et de réduire l'écart entre la loi et son application dans la pratique.

15. Le Comité suggère aussi que des informations quantitatives et qualitatives fiables soient systématiquement rassemblées et analysées pour évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des droits de l'enfant et suivre de près la situation des enfants marginalisés, y compris ceux qui appartiennent aux secteurs les plus pauvres de la société et aux groupes autochtones.

16. Le Comité recommande que l'Etat partie, à la lumière des articles 3 et 4 de la Convention, prenne les mesures appropriées dans toutes les limites des ressources dont il dispose pour veiller à ce que des crédits suffisants soient alloués aux services destinés aux enfants, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé, et s'attache tout particulièrement à assurer la protection des droits des enfants appartenant à des groupes vulnérables.

17. Le Comité recommande en outre que l'on prenne des mesures énergiques pour assurer le droit à la survie de tous les enfants en Colombie, notamment de ceux qui vivent dans la pauvreté, qui ont été abandonnés ou qui survivent ou sont forcés de vivre et/ou de travailler dans la rue. Ces mesures devraient viser à protéger effectivement les enfants contre des phénomènes tels que la violence, les disparitions, l'assassinat ou le trafic d'organes. Des enquêtes approfondies et systématiques devraient être menées et les personnes reconnues coupables de telles violations des droits de l'enfant devraient être sévèrement punies. Les violations des droits de l'homme et des droits de l'enfant devraient être des affaires de droit civil jugées par des tribunaux civils et ne jamais relever de tribunaux militaires. Les résultats des enquêtes et les condamnations devraient faire l'objet d'une large diffusion afin d'avoir un effet dissuasif et de combattre ainsi le sentiment d'impunité.

18. Le Comité suggère que, dans le domaine de l'administration de la justice pour mineurs, on intensifie les efforts pour faire respecter les normes et les garanties juridiques prévues dans la Convention, notamment à la lumière des articles 37, 39 et 40, et compte tenu des autres instruments internationaux adoptés par l'Organisation des Nations Unies dans ce domaine. Il suggère par ailleurs que de nouvelles mesures soient prises pour recenser et suivre de près tous les enfants qui ont été privés de liberté, qui sont abandonnés ou en danger, afin de veiller à ce qu'ils bénéficient de la protection prévue par la Convention.

19. En ce qui concerne le problème des enfants qui travaillent, le Comité suggère que la Colombie envisage de ratifier la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et révise toutes les lois nationales pertinentes en vue de les aligner sur la Convention relative aux droits de l'enfant et d'autres normes internationales. Il faut appliquer les lois relatives au travail des enfants, enquêter sur les plaintes et punir sévèrement les violations commises. Le Comité suggère au gouvernement d'envisager de demander le concours de l'OIT dans ce domaine.

20. Le Comité suggère que des mesures soient prises pour renforcer le système éducatif, notamment dans les zones rurales, pour améliorer la qualité de l'enseignement et faire baisser le taux élevé des abandons scolaires. Il faudrait envisager d'intégrer un enseignement relatif aux droits de l'enfant dans les programmes d'études, notamment dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme.

21. Des campagnes d'éducation devraient être menées pour freiner la violence dans la société et dans la famille et combattre les préjugés fondés sur le sexe. Il faudrait mettre en place des services d'orientation à titre préventif, afin de lutter contre la forte incidence des grossesses chez les adolescentes et de freiner l'augmentation inquiétante du nombre de mères célibataires. Le Comité suggère au gouvernement de recourir davantage aux ONG et autres organisations privées pour sensibiliser l'opinion publique aux droits de l'enfant et surveiller l'application des lois.

22. Le Comité suggère que l'on envisage sérieusement de dispenser une formation aux droits de l'enfant aux catégories de professionnels qui travaillent avec les enfants ou pour eux, notamment aux enseignants, aux magistrats et aux defensores de familia y de menores. Il est d'avis qu'il faut modifier les comportements et l'approche adoptée, notamment parmi les membres de la police et des forces armées, afin que tous les enfants soient davantage respectés, indépendamment de leur situation sociale, économique ou autre, et que soit réaffirmée la valeur de leurs droits fondamentaux. A ce propos, il faudrait renforcer les programmes d'information et de formation, notamment au niveau de la communauté et de la famille, et inclure les droits de l'enfant dans les programmes de formation des groupes professionnels concernés.

23. De nouvelles mesures devraient être envisagées pour renforcer la coopération avec les ONG en vue de susciter une mobilisation accrue de la société en faveur des droits de l'enfant.

24. Le Comité suggère à l'Etat partie de coopérer plus étroitement avec les organismes et les institutions spécialisées des Nations Unies, notamment le Centre pour les droits de l'homme et son Service des services consultatifs, de l'assistance technique et de la formation, afin d'obtenir le concours et l'aide spécialisée dont il a besoin pour entreprendre de vastes réformes dans les domaines où le Comité a identifié des sujets de préoccupation.

25. Le Comité suggère que, conformément au paragraphe 6 de l'article 44, l'Etat partie assure une large diffusion à son rapport, aux compte rendus analytiques des séances auxquelles il en a été débattu et aux observations finales adoptées à son sujet.



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