University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Tchad, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.107 (1999).



COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT


Vingt et unième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales : Tchad

1. Le Comité a examiné le rapport initial du Tchad (CRC/C/3/Add.50) à ses 546ème, 547ème et 548ème séances (voir CRC/C/SR. 546 à 548), tenues les 24 et 25 mai 1999. Il a adopté les observations finales ci-après / A sa 557ème séance, tenue le 4 juin 1999.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport, tout en notant que celui-ci n'a pas été dans sa totalité établi en stricte conformité avec les directives du Comité. Il prend note également des réponses apportées par écrit à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/CHAD.1), tout en regrettant qu'elles aient été soumises tardivement, ainsi que des renseignements complémentaires qui lui ont été fournis au cours du dialogue, réponses et informations qui lui ont permis d'évaluer la situation des droits de l'enfant dans l'État partie. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif entrepris avec la délégation de l'État partie, ainsi que de la franchise et de l'autocritique dont a fait preuve l'État partie.


B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite de l'amélioration de la situation des droits de l'homme qui a résulté de la fin du conflit civil et du règlement politique intervenu. Il se félicite en particulier des mesures prises par l'État partie depuis l'établissement du rapport initial en 1996 pour promouvoir la mise en oeuvre de la Convention. Il prend note des efforts entrepris pour élaborer une législation permettant de mieux protéger les enfants contre toutes les formes de violence et note avec satisfaction que l'État partie s'efforce de faire participer les chefs traditionnels et religieux à la réalisation des droits de l'enfant. Il se félicite également de l'initiative prise récemment par le Tchad pour ratifier la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

4. Le Comité accueille avec satisfaction la création en 1998 du Parlement des enfants, mesure qui pourra contribuer aux efforts entrepris par l'État partie pour lutter contre la réticence généralisée à prendre en compte les opinions de l'enfant, en raison des coutumes et des comportements traditionnels.

5. Le Comité se félicite de la mise en place par le Ministère de l'action sociale et de la famille d'un programme national pour les personnes handicapées, de la décision visant à dispenser les enfants handicapés de tous les frais de scolarité et des efforts entrepris par l'État partie pour coopérer avec les ONG dans ce domaine.

6. Le Comité note avec intérêt la création au sein du Ministère de l'éducation d'une unité technique destinée à encourager la scolarisation des filles.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

7. Le Comité est conscient des difficultés rencontrées par l'État partie, notant que celui-ci fait partie des pays les moins avancés du monde et que la dévaluation du franc CFA et la mise en place de programmes d'ajustement structurels entravent la mise en oeuvre de la Convention. L'absence d'accès à la mer, ainsi que la détérioration de l'environnement et les difficultés de gestion d'un vaste territoire comprenant des zones de peuplement dispersées, posent des problèmes supplémentaires.

8. Le Comité note que certaines pratiques et coutumes traditionnelles, suivies en particulier dans des zones rurales, entravent la mise en oeuvre effective de la Convention, en particulier en ce qui concerne les filles.

9. Le Comité note que la violence héritée de décennies de guerre civile dans l'État partie crée des obstacles supplémentaires à la pleine mise en oeuvre de la Convention.


D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations du Comité


1. Mesures d'application générales

10. Le Comité note les efforts entrepris par l'État partie pour améliorer la législation interne, notamment l'adoption récente de plusieurs textes de lois concernant différents aspects de la justice pour mineurs et l'élaboration d'une législation pour la protection des enfants contre différentes formes de sévices, mais il constate avec préoccupation que d'autres textes de lois ne tiennent pas pleinement compte des principes et des dispositions de la Convention. Il constate également avec préoccupation que la législation en vigueur et envisagée concernant les droits des enfants est fragmentée en différentes lois. Le Comité recommande d'entreprendre un examen approfondi de toute la législation en vigueur afin de la rendre conforme aux dispositions de la Convention et suggère à l'État partie d'envisager de promulguer un code général de l'enfance, comme l'a recommandé la Conférence nationale souveraine de 1993.

11. Le Comité prend note de l'étroite collaboration entre le Département de l'enfance du Ministère des affaires sociales et familiales et le Département de la protection de l'enfant du Ministère de la justice. Il prend note également de l'existence du Comité national pour la coordination et la réalisation des objectifs du Programme national d'action en faveur de l'enfant tchadien (PRONAFET). Il reste néanmoins préoccupé par l'absence de coordination dans la mise en oeuvre de la Convention. Il note avec préoccupation l'absence de mécanisme efficace permettant d'assurer la mise en oeuvre systématique de la Convention et le suivi des progrès réalisés. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la coordination de la mise en oeuvre de la Convention dans le cadre d'un mécanisme gouvernemental doté de pouvoirs, de fonctions et de ressources appropriés. Les responsables de la coordination doivent tenir compte de la nécessité d'appliquer dûment l'approche intégrée adoptée dans la Convention. Le Comité encoure l'État partie à améliorer ou à renforcer le mécanisme existant de surveillance de la mise en oeuvre de la Convention, ou à mettre en place un mécanisme indépendant à cet effet, et à désigner, au sein des institutions en place, un organe central chargé de traiter des plaintes de violation de leurs droits déposées par les enfants et de veiller à ce que les violations des droits de l'enfant fassent l'objet de sanctions appropriées.

12. Le Comité est préoccupé par l'absence de mécanisme de rassemblement systématique et complet de données quantitatives et qualitatives désagrégées dans tous les domaines visés par la Convention, en particulier les plus sensibles, tels que les sévices et les mauvais traitements infligés aux enfants, ainsi qu'également en ce qui concerne tous les groupes vulnérables d'enfants, notamment les filles, les enfants handicapés, les enfants des zones rurales, les enfants vivant dans la pauvreté et les enfants réfugiés.

Le Comité recommande à l'État partie de s'efforcer de mettre en place un système global de rassemblement de données désagrégées, afin de recueillir toutes les informations nécessaires sur la situation de tous les enfants de moins de 18 ans dans les divers domaines visés par la Convention, notamment sur la situation des enfants appartenant à des groupes vulnérables. L'État partie est encouragé à solliciter une aide technique dans ce domaine, notamment auprès de l'UNICEF.

13. Pour ce qui est de l'article 4 de la Convention, le Comité note avec préoccupation que les ressources financières et humaines consacrées à l'application de tous les droits énoncés dans la Convention ne suffisent pas pour assurer des progrès appropriés dans l'amélioration de la situation des enfants dans l'État partie. Le Comité encourage l'État partie à accorder une attention particulière à la pleine application de l'article 4 de la Convention. L'État partie devrait allouer des crédits budgétaires pour la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans toutes les limites des ressources dont il dispose.

14. Tout en prenant note des efforts entrepris par l'État partie pour diffuser la Convention, le Comité estime que les mesures adoptées pour faire largement connaître les principes et les dispositions de la Convention tant aux adultes qu'aux enfants, doivent être renforcées. Il se félicite des mesures prises par l'État partie pour mener des campagnes de sensibilisation à la Convention à l'intention des chefs traditionnels et des dirigeants religieux, mais il estime que les programmes de formation des groupes de professionnels qui travaillent avec et pour les enfants doivent être renforcés. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts visant à faire largement connaître et comprendre les dispositions et les principes de la Convention aux adultes comme aux enfants et à faire évoluer les comportements qui posent des difficultés dans la mise en oeuvre de la Convention. Il encourage également l'État partie à poursuivre ses efforts visant à sensibiliser la population, en particulier les parents, et à sensibiliser et à former les chefs traditionnels et religieux ainsi que tous les groupes de professionnels qui travaillent avec et pour les enfants, tels que les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois et les membres de l'armée, les fonctionnaires, le personnel des établissements et des centres de détention pour enfants, les enseignants, le personnel de santé, les psychologues et les travailleurs sociaux.


2. Définition de l'enfant

15. Tout en notant que l'État partie a entrepris d'élaborer une législation qui fixerait l'âge légal du mariage à 18 ans pour les garçons comme pour les filles, le Comité se déclare préoccupé par les différents âges minimums légaux du mariage prévus dans la législation en vigueur, qui sont de 18 ans pour les garçons et de 14 ans pour les filles, ainsi que par l'âge plus précoce prévu pour les filles, pratique qui semble être courante en ce qui concerne les mariages selon le droit coutumier traditionnel. Le Comité encourage l'État partie à poursuivre ses efforts visant à harmoniser les âges minimums légaux du mariage et à élever l'âge minimum pour les filles. Il recommande à l'État partie de mener des campagnes de sensibilisation sur les conséquences néfastes des mariages précoces.


3. Principes généraux

16. Pour ce qui est de l'application des principes généraux énoncés dans la Convention, en particulier à l'article 2, les mesures prises pour veiller au plein exercice par tous les enfants des droits énoncés dans la Convention sont insuffisantes. Le Comité est extrêmement préoccupé par la situation des filles, en particulier dans le domaine de l'accès à l'éducation et de la protection contre les pratiques traditionnelles néfastes, les sévices sexuels, les mariages forcés et les mariages et les grossesses précoces. Le Comité recommande d'adopter des mesures plus énergiques pour éliminer la discrimination à l'encontre des groupes vulnérables d'enfants, en particulier des filles.

17. Le Comité prend note des efforts entrepris par l'État partie, notamment de la création en 1998 du Parlement des enfants, mais il reste préoccupé par le fait que les droits des enfants à la participation, tels qu'ils sont consacrés dans la Convention, ne sont toujours pas pris en considération dans la société en général. Il constate en particulier avec préoccupation que l'application de l'article 12 de la Convention concernant la nécessité de prendre dûment en considération les opinions de l'enfant eu égard à son âge et à son degré de maturité est largement entravée par l'interprétation subjective autorisée par la législation existante. Le Comité recommande à l'État partie d'adopter une approche systématique, y compris par l'intermédiaire des médias, visant à sensibiliser davantage la population, de façon que ces droits et leurs incidences soient pleinement compris par l'ensemble de la population. En outre, le Comité recommande que, dans l'examen qui sera fait de la législation en vigueur, le droit des enfants de moins de 18 ans de témoigner devant les tribunaux sans être accompagnés de leurs parents ou de leurs tuteurs soit examiné à nouveau, tout en ne négligeant pas la nécessité pour ces enfants de bénéficier d'un soutien spécial.


4. Libertés et droits civils

18. Tout en reconnaissant les difficultés posées par le taux élevé d'analphabétisme, le Comité se déclare préoccupé par l'insuffisance des mesures prises par l'État partie dans le domaine de l'enregistrement des naissances et par la non-application des mesures législatives faisant obligation aux parents d'enregistrer leurs enfants à la naissance, en particulier dans les zones rurales et parmi les groupes de population nomade. Compte tenu de l'article 7 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures possibles pour veiller à ce que tous les enfants soient enregistrés à leur naissance. Il encourage l'État partie à faire en sorte que les procédures d'enregistrement soient largement connues et lui suggère d'envisager de mettre en place des unités mobiles d'enregistrement, ou d'autres procédures nouvelles, afin de faciliter l'enregistrement des naissances dans les zones rurales reculées et parmi les groupes de population nomade.

19. Le Comité est préoccupé de façon générale par le manque d'attention accordée à la promotion des libertés et des droits civils de l'enfant, tels qu'ils sont énoncés aux articles 13, 14 et 15 de la Convention. Il s'interroge également sur le respect du droit de l'enfant à la vie privée (art. 16), y compris dans les établissements scolaires, et sur le droit des enfants d'être protégés contre les informations et les matériels nuisibles, conformément à l'article 17 de la Convention. Les informations dont le Comité a été saisi indiquent que les comportements sociaux traditionnels concernant le rôle des enfants rendent apparemment difficile la reconnaissance des enfants en tant que sujets de droits à part entière. Le Comité engage l'État partie à redoubler d'efforts pour protéger les enfants contre les informations et les matériels nuisibles et pour éduquer et sensibiliser les parlementaires et les agents de l'État, les groupes de professionnels, les parents et les enfants à l'importance de reconnaître pleinement le concept de droits de l'enfant; il lui recommande d'envisager d'adopter des mesures législatives pour garantir à chaque enfant la jouissance des libertés et droits civils.

20. Le Comité est préoccupé par l'application inappropriée de la législation existante garantissant que les enfants sont traités avec humanité et respect de la dignité inhérente à l'être humain. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager rapidement la possibilité de ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et d'examiner ses politiques et sa législation afin de veiller à la pleine application des dispositions des articles 37 a) et 39 de la Convention.


5. Milieu familial et protection de remplacement

21. Pour ce qui est de la situation des enfants privés de milieu familial, le Comité se déclare préoccupé par le nombre insuffisant de centres offrant un milieu de remplacement et par l'absence de soutien et de surveillance des centres créés par des organisations non gouvernementales. Il est également préoccupé par la situation des enfants placés de façon non officielle ("adoption au sein de la famille"), qui ne fait pas l'objet d'un examen périodique conformément à l'article 25 de la Convention. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour créer des centres d'accueil pour enfants privés de milieu familial et de mettre en place un système de surveillance des établissements publics et privés. Compte tenu de l'article 25 de la Convention, le Comité suggère en outre à l'État partie d'entreprendre une étude sur la situation des enfants faisant l'objet de mesures non officielles de placement.

22. Le Comité prend note de la ratification imminente de la Convention de 1993 de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, mais il reste préoccupé par la pratique traditionnelle généralisée de l'adoption "au sein de la famille". Le Comité encourage l'État partie à renforcer les dispositions de sa législation concernant l'adoption nationale.

23. Tout en notant qu'une législation est en cours d'élaboration pour protéger les enfants contre toutes les formes de sévices, y compris le mariage forcé et l'inceste, le Comité se déclare préoccupé par l'insuffisance de la sensibilisation et le manque d'information concernant les mauvais traitements et les sévices, notamment les sévices sexuels, tant dans le cadre familial qu'à l'extérieur, en particulier dans les établissements scolaires et les autres établissements. Il est également préoccupé par l'insuffisance des mesures de protection prévues par la loi et des ressources et du personnel qualifié permettant de prévenir et de combattre ces violences. L'absence de mesures de réadaptation physique et psychologique des enfants victimes de sévices est également un sujet de préoccupation. Compte tenu de l'article 19 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées, y compris d'adopter la législation envisagée, pour empêcher et combattre les mauvais traitements infligés aux enfants, notamment la violence dans les familles et les sévices sexuels. L'application de la loi devrait être renforcée s'agissant de tels crimes; l'État partie devrait mettre au point des procédures et des mécanismes appropriés pour traiter des plaintes relatives aux sévices subis par les enfants, par exemple en appliquant des règles spéciales en matière de présentation de preuves et en désignant des enquêteurs spéciaux ou des interlocuteurs communautaires.

24. Le Comité est préoccupé par la pratique des châtiments corporels au sein des familles, dans les établissements scolaires et dans d'autres établissements. Il est préoccupé par la législation existante, qui autorise les châtiments corporels dans les familles et dans les établissements pénitentiaires et se déclare particulièrement préoccupé par le maintien de cette pratique dans certains établissements scolaires religieux, malgré la législation l'interdisant dans les écoles. Le Comité encourage l'État partie à revoir ses politiques et sa législation afin d'éliminer les châtiments corporels comme méthode disciplinaire et à faire mieux respecter la législation interdisant les châtiments corporels dans les établissements scolaires. Il recommande à l'État partie de mener des campagnes de sensibilisation pour que la discipline soit appliquée par d'autres moyens, qui ne portent pas atteinte à la dignité de l'enfant et qui soient conformes à la Convention. Enfin, le Comité encourage l'État partie à faire appel àl'assistance et aux services consultatifs sur le plan international pour éliminer les comportements sociaux et religieux traditionnels concernant les châtiments corporels.


6. Santé et bien-être

25. Pour ce qui est de la situation des enfants handicapés, le Comité est préoccupé par l'insuffisance des infrastructures, du personnel qualifié et des établissements spécialisés, tout en se félicitant des efforts faits par l'État partie pour accroître les services en faveur de ces enfants. Il est également préoccupé par l'absence de législation protégeant les enfants handicapés contre la discrimination et par les difficultés rencontrées pour répondre aux besoins particuliers des enfants handicapés mentaux. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts et d'accorder l'attention voulue aux besoins spéciaux des enfants handicapés mentaux et physiques et de faciliter l'intégration de ces enfants dans la société. Le Comité recommande en outre à l'État partie de faire appel à la coopération technique pour la formation du personnel professionnel travaillant avec et pour les enfants handicapés.

26. Le Comité note avec satisfaction les efforts entrepris par l'État partie pour lutter contre la mortalité infantile et juvénile ainsi que le rôle important joué par l'assistance technique internationale dans ce domaine, mais il reste préoccupé par la prévalence de la malnutrition et par l'insuffisance de l'accès aux services de santé. La persistance des problèmes de santé liés à l'insuffisance de l'approvisionnement en eau salubre et de l'assainissement est également un sujet de préoccupation. Le Comité suggère à l'État partie d'intensifier ses efforts, en continuant à avoir recours à l'aide internationale, afin de rendre les soins de santé de base, l'approvisionnement en eau salubre et les services d'assainissement accessibles à tous les enfants. Des efforts concertés doivent être entrepris en particulier pour lutter contre la malnutrition et veiller à l'application du plan national d'action récemment adopté en matière de nutrition.

27. Tout en constatant que l'État partie prend des mesures pour combattre et éliminer la transmission du VIH/sida, le Comité est profondément préoccupé par la propagation de l'épidémie et par ses incidences directes et indirectes sur les enfants. Le Comité encourage l'État partie à se référer aux recommandations formulées à l'occasion de la journée de débat général sur les enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida (voir CRC/C/80, par. 243) et à faire appel à la coopération internationale offerte par l'UNICEF, l'OMS et l'ONUSIDA afin de mettre en place des programmes pour le traitement des enfants infectés par le VIH/sida ou touchés par la maladie.

28. Le Comité se félicite des efforts entrepris par l'État partie pour adopter des mesures, sur le plan législatif et éducatif, visant à éliminer la pratique des mutilations sexuelles féminines et les autres pratiques traditionnelles affectant la santé des enfants, mais il reste préoccupé par les difficultés rencontrées dans l'élimination de ces pratiques. Le Comité encourage l'État partie à adopter la législation proposée et à renforcer les mesures prises pour combattre et éliminer la pratique persistante des mutilations sexuelles féminines et les autres pratiques traditionnelles affectant la santé des enfants. Il encourage l'État partie à continuer à mener

des campagnes d'information et à mettre en place des programmes de sensibilisation à l'intention des chefs traditionnels et religieux ainsi que des personnes pratiquant les mutilations sexuelles féminines.

29. Le Comité prend note des efforts entrepris par l'État partie dans le domaine de la santé des adolescents, mais il reste préoccupé par le nombre élevé de grossesses précoces et par le manque d'accès des adolescents à l'éducation et aux services en matière d'hygiène de la procréation ainsi qu'aux soins d'urgence. Il s'inquiète également de l'incidence que la législation sanctionnant l'avortement peut avoir sur les taux de mortalité maternelle parmi les adolescentes. Le Comité suggère d'entreprendre une étude pluridisciplinaire complète pour évaluer l'ampleur des problèmes de santé parmi les adolescents, y compris les effets néfastes des grossesses précoces et des avortements illégaux. Il encourage l'État partie à réexaminer la pratique suivie en vertu de la législation en vigueur autorisant l'avortement pour des raisons thérapeutiques, dans le but d'empêcher des avortements illégaux et d'améliorer la protection de la santé physique et psychologique des adolescentes. Le Comité encourage également l'État partie à continuer à faire appel à l'aide de l'UNICEF et de l'OMS, notamment, pour promouvoir les politiques et les programmes de santé en faveur des adolescents, en particulier en renforçant les services d'éducation et de conseils en matière d'hygiène de la procréation.


7. Éducation, loisirs et activités culturelles

30. Le Comité se félicite de l'attention accordée par l'État partie à l'éducation et du soutien actif apporté par les organismes internationaux d'aide technique dans ce domaine. Il reste toutefois préoccupé par le taux très élevé d'analphabétisme, par le faible taux de scolarisation et par l'accès limité à l'éducation, en particulier dans les zones rurales. Il est également préoccupé par le nombre trop restreint d'enseignants qualifiés, par l'insuffisance de l'infrastructure et du matériel scolaire et par les disparités entre filles et garçons dans la scolarisation. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour améliorer la qualité de l'éducation et en faciliter l'accès, en ce qui concerne en particulier les groupes d'enfants les plus vulnérables, et pour renforcer les programmes de formation du personnel enseignant. En outre, il suggère à l'État partie d'intensifier ses efforts pour inclure dans les programmes scolaires des notions d'environnement, l'éducation à la paix, l'enseignement des droits de l'homme et l'étude de la Convention, en particulier dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme.

31. Le Comité note avec préoccupation que les familles accordent la préférence au règlement négocié des incidents de violence et d'exploitation sexuelle des filles par les enseignants, ce qui n'assure pas une protection appropriée et risque de rendre les jeunes filles doublement victimes. Le Comité recommande à l'État partie d'examiner cette question afin de veiller à ce que la priorité soit accordée à la protection contre les violences et l'exploitation sexuelles, compte pleinement tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) et de toutes les dispositions de la Convention, et de veiller à ce que les auteurs soient dûment sanctionnés.

32. Le Comité prend note des efforts entrepris pour lutter contre le problème des élèves qui introduisent des armes à l'école, mais il reste préoccupé par la fréquence et l'intensité de la violence dans les établissements scolaires, y compris par le harcèlement entre élèves. Compte tenu des articles 3, 19 et 28.2 de la Convention, le Comité encourage l'État partie à intensifier ses efforts de lutte contre la violence dans les établissements scolaires, en particulier contre le harcèlement.


8. Mesures spéciales de protection

33. Tout en notant avec satisfaction que l'État partie est disposé à accueillir des réfugiés d'États africains voisins, le Comité est préoccupé par l'insuffisance des moyens dont dispose l'État partie pour protéger et garantir les droits des enfants réfugiés non accompagnés. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts visant à assurer une protection appropriée aux enfants réfugiés, coopérant en cela étroitement avec les institutions internationales actives dans ce domaine, tel que le HCR et l'UNICEF.

34. Le Comité prend note de la conscience et de la volonté politique existantes concernant les problèmes dus à l'implication d'enfants dans les conflits armés, mais il reste gravement préoccupé par l'absence de ressources disponibles pour assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants soldats démobilisés. Il est particulièrement préoccupé par la situation des enfants soldats qui ont été traumatisés ou sont handicapés à vie et par le fait que ces enfants n'ont ni droit à une indemnisation ni accès à des services de soutien. Le Comité recommande à l'État partie de veiller à l'application de sa législation interdisant le recrutement d'enfants de moins de 18 ans. Il l'encourage également à redoubler d'efforts afin d'allouer les ressources nécessaires, en faisant appel le cas échéant à l'aide internationale, pour offrir des services de réadaptation et de réinsertion sociale aux anciens enfants soldats et en particulier pour offrir une indemnisation et des services de soutien aux anciens enfants soldats traumatisés ou handicapés à vie.

35. Le Comité se félicite de la création, au sein des tribunaux de première instance, de chambres spéciales chargées de juger les jeunes délinquants âgés de 13 à 18 ans et de l'adoption récente d'une loi supplémentaire sur le traitement des jeunes, notamment des dispositions prévoyant que la privation de liberté est une mesure de dernier ressort et garantissant une aide judiciaire. Il reste toutefois préoccupé par la situation des enfants privés de liberté, en particulier des enfants détenus avec des adultes sans protection appropriée contre les traitements inhumains, et par l'insuffisance des programmes de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale des jeunes délinquants. Le Comité encourage l'État partie à poursuivre ses plans de construction d'installations permettant de séparer les jeunes délinquants des adultes et à continuer à former des juges; il lui recommande de prendre toutes les autres mesures nécessaires pour appliquer pleinement les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 37, 40 et 39, ainsi que d'autres normes internationales pertinentes dans ce domaine telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.

36. Prenant note de la réalisation d'une étude de l'OIT et de la préparation d'une autre étude, le Comité se déclare préoccupé par le grand nombre d'enfants qui effectuent des travaux, notamment dans le secteur non structuré, l'agriculture et le contexte familial, ainsi que par la persistance de formes de travail servile pour les enfants. Le Comité encourage l'État partie à utiliser les études de l'OIT comme cadre pour la mise en place de stratégies et de programmes dans ce domaine et à examiner toute la législation interne applicable dans le but de la rendre conforme à la Convention et aux autres normes internationales pertinentes. La législation sur le travail des enfants devrait être appliquée et des sanctions devraient être imposées en cas de violation. En outre, le Comité recommande à l'État partie d'achever le processus de ratification de la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi.

37. Le Comité est préoccupé par l'absence de données et d'études détaillées sur la question de l'exploitation sexuelle des enfants. Compte tenu de l'article 34 et des autres articles pertinents de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre des études afin d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques et des mesures appropriées, notamment en matière de soins et de réadaptation, pour prévenir et combattre l'exploitation sexuelle des enfants. Le Comité recommande à l'État partie d'utiliser comme cadre de référence les recommandations formulées dans le Programme d'action adopté par le Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenu à Stockholm en 1996.

38. Enfin, le Comité recommande que, conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, l'État partie assure une large diffusion auprès du public de son rapport initial et des réponses écrites qu'il a soumises, ainsi qu'aux comptes-rendus analytiques des séances pertinentes et aux observations finales adoptées par le Comité. Une telle diffusion à grande échelle devrait susciter des débats et faire connaître la Convention et sa mise en oeuvre, particulièrement auprès du Gouvernement, des ministères concernés, du Parlement et des organisations non gouvernementales.



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