University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Autriche, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.98 (1999).



COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT


Vingtième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION


Observations finales : AUTRICHE

1. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Autriche (CRC/C/11/Add.14) à ses 507ème, 508ème et 509ème séances, tenues les 12 et 13 janvier 1999 (voir CRC/C/SR.507 à 509). Il a adopté les observations finales ci-après / À la 531ème séance, tenue le 29 janvier 1999.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l'État partie, qui est clair et complet et qui a été établi conformément aux directives du Comité. Il prend note des réponses apportées par écrit à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/AUSTRIA.1) ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été fournis au cours du dialogue et immédiatement après, ce qui lui a permis d'évaluer la situation des droits de l'enfant dans l'État partie. Il se félicite du dialogue franc et constructif engagé avec la délégation de l'État partie, qui comptait un étudiant parmi ses membres.


B. Aspects positifs

3. Le Comité félicite l'État partie d'avoir interdit toutes les formes de châtiments corporels en ayant déclaré en 1989 que "toute forme de violence physique ou psychologique utilisée en tant que moyen d'éducation" était interdite (CRC/C/11/Add.14, par. 256). Il note également les efforts supplémentaires entrepris pour accroître la protection des enfants contre les sévices, notamment l'adoption d'un ensemble de mesures de lutte contre la violence dans la famille et la société et d'un plan d'action de lutte contre la maltraitance à enfants et contre la pornographie impliquant des enfants sur le réseau Internet. Il prend note de l'adoption, en août 1998, d'une résolution du Conseil de l'Union européenne sur la participation des jeunes, qui avait été proposée par la présidence autrichienne.

4. Le Comité se félicite de la mise en place du système de médiateurs (ombudsmen) pour les enfants et les adolescents dans chacun des neuf Länder et au niveau fédéral.

5. Le Comité note avec satisfaction qu'il existe un système généralisé de représentation des élèves dans les établissements scolaires.

6. Le Comité se félicite de l'adoption d'un texte de loi instituant la compétence extraterritoriale pour juger des ressortissants de l'État partie impliqués dans l'exploitation sexuelle d'enfants.


C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations du Comité

7. L'État partie maintient les deux réserves qu'il a émises à l'égard des articles 13 et 15 et de l'article 17 de la Convention. Le Comité note que l'État partie s'est engagé à réexaminer ses réserves, compte tenu de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993, dans le but de les retirer.

8. Le Comité note que le système fédéral existant dans l'État partie risque parfois de poser des difficultés aux autorités fédérales dans leur effort pour mettre en oeuvre les dispositions de la Convention tout en veillant au respect du principe de la non-discrimination, conformément aux dispositions de l'article 2 de la Convention. Il prie instamment l'État partie de veiller à ce que les mécanismes existants de coordination et de respect des principes constitutionnels généraux soient dûment appliqués afin de protéger pleinement les enfants contre toute inégalité dans les domaines relevant de la "compétence exclusive" des Länder.

9. Le Comité note avec satisfaction l'examen scrupuleux de la législation en vigueur qui a été entrepris pour en vérifier la conformité avec les dispositions de la Convention, comme le Parlement l'a demandé en 1992. Il se félicite de l'intention de l'État partie de soumettre au Parlement une proposition visant à incorporer les principes et les dispositions de la Convention dans la Constitution et à inviter les Parlements des Länder à envisager la même possibilité dans le contexte des réformes constitutionnelles régionales. Il demeure préoccupé par les disparités entre la législation interne et les principes et dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne le droit au regroupement familial et certains droits des enfants immigrants, demandeurs d'asile et réfugiés. Il recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l'ensemble de sa législation interne soit pleinement conforme aux principes et dispositions de la Convention, en particulier aux dispositions des articles 9, 10, 20 et 22.

10. Le Comité note avec préoccupation qu'aucun organe gouvernemental, ni au niveau fédéral ni à celui des Länder, ne semble être clairement responsable de la coordination et de la surveillance de la mise en oeuvre de la Convention. Il recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer une coordination et un suivi efficaces des activités concernant la mise en oeuvre de la Convention, à tous les niveaux de gouvernement.

11. Le Comité note que les mesures de restrictions budgétaires prises récemment ont eu des incidences sur les enfants et risquent en particulier de toucher les groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés. Tout en prenant acte de la décision récente visant à entreprendre une réforme générale des mesures d'assistance aux familles, dans le but d'accroître l'aide financière apportée aux familles grâce à une augmentation des allocations et à de plus importantes déductions fiscales, le Comité constate avec préoccupation que les autres mesures de restrictions budgétaires adoptées dans les dernières années n'ont pas été levées. Le système de protection sociale peut être considéré comme généreux, mais, conformément à l'article 4 de la Convention, l'État partie a l'obligation d'apporter encore d'autres améliorations et il y a lieu de mentionner à cet égard le niveau relativement élevé des ressources disponibles. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels "dans toutes les limites des ressources dont il dispose".

12. Le Comité note que l'État partie consacre 0,33 % de son produit intérieur brut (PIB) à l'aide au développement et qu'il consacre une rubrique budgétaire spéciale aux projets en faveur des enfants, notamment à l'appui au Programme international de l'OIT pour l'abolition du travail des enfants. Il engage l'État partie à envisager de consacrer un pourcentage fixe de son aide financière en faveur de la coopération internationale pour le développement à des programmes et des projets concernant les enfants. Il l'encourage également à s'efforcer d'atteindre le niveau d'aide internationale au développement fixé par l'ONU à 0,7 % du PIB.

13. La coopération avec les ONG et leur participation à la mise en oeuvre de la Convention, notamment à l'établissement des rapports, demeurent limitées. Le Comité encourage l'État partie à envisager de prendre des mesures plus énergiques pour faire participer les ONG à la mise en oeuvre de la Convention.

14. Tout en constatant que des efforts ont déjà été entrepris pour faire connaître la Convention, le Comité considère que les activités en matière d'éducation et de formation à l'intention des groupes de professionnels doivent être intensifiées. Il recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts visant à diffuser la Convention, dans les langues appropriées, à la fois auprès des enfants et auprès d'un public plus large. Il recommande également à l'État partie de mettre en place des programmes systématiques d'éducation et de formation concernant les dispositions de la Convention à l'intention de tous les groupes de professionnels travaillant avec et pour les enfants tels que les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, les fonctionnaires, le personnel des établissements et des centres de détention pour enfants, les enseignants, le personnel sanitaire, y compris les psychologues, et les travailleurs sociaux.

15. La loi et la réglementation autrichiennes ne prévoient pas d'âge minimum légal pour les consultations et les traitements médicaux sans l'autorisation des parents. Le Comité craint que la nécessité d'avoir recours aux tribunaux ne dissuade les enfants de chercher à obtenir des soins médicaux et porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Le Comité recommande que, conformément aux dispositions des articles 3 et 12 de la Convention, un âge approprié soit fixé par la loi, et les structures nécessaires soient mises en place, afin de permettre aux enfants de consulter et d'être traités sans autorisation parentale.

16. Le Comité est préoccupé par la persistance de cas de discrimination fondée sur le sexe. Il recommande à l'État partie d'envisager d'entreprendre une étude approfondie sur l'âge du consentement sexuel et l'âge des relations sexuelles, en tenant compte de la législation en vigueur, de ses incidences et de ses effets sur les enfants compte tenu des principes et des dispositions de la Convention, afin de veiller à ce que la législation permette la réalisation des droits des filles comme des garçons et soit respectueuse de l'intérêt supérieur de l'enfant.

17. Le Comité déplore que la stérilisation forcée des enfants mentalement handicapés, avec l'autorisation parentale, soit autorisée par la loi. Il recommande que la législation en vigueur soit révisée afin que la stérilisation des enfants mentalement handicapés soit sujette à la décision d'un tribunal et que des services de soins et de conseils soient offerts afin de veiller à ce que cette décision soit prise conformément aux dispositions de la Convention, en particulier à celles de l'article 3 concernant l'intérêt supérieur de l'enfant et celles de l'article 12.

18. Tout en notant que des études sont en cours concernant d'éventuelles réformes du droit pénal, le Comité constate avec préoccupation que la législation en vigueur ne protège les enfants contre l'exploitation sexuelle par le biais de la pornographie ou de la prostitution que jusqu'à l'âge de 14 ans. Il recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que l'âge du consentement sexuel soit fixé conformément au droit de tous les enfants d'être pleinement protégés contre l'exploitation. À cet égard, il l'encourage également à continuer à examiner les recommandations formulées dans le Programme d'action adopté à l'issue du Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenu à Stockholm en 1996.

19. S'agissant de l'article 11, le Comité note avec satisfaction que l'Autriche est partie à la Convention européenne de 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, ainsi qu'à la Convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Il incite l'État partie à encourager la conclusion d'accords bilatéraux allant dans le même sens avec les États qui ne sont pas parties aux deux Conventions susmentionnées. Il recommande également que toute l'assistance nécessaire soit fournie par les voies diplomatiques et consulaires afin de résoudre les cas de transfert illicite et de non-retour d'enfants qui se produisent dans ces États, dans l'intérêt supérieur des enfants concernés.

20. Le Comité est préoccupé par le long délai qui intervient entre chaque examen des décisions de placement prises par les tribunaux pour les enfants handicapés mentaux. Il encourage l'État partie, lorsqu'il fixera la fréquence de l'examen des décisions de placement, à tenir compte des principes et des dispositions de la Convention, en particulier de l'intérêt supérieur de l'enfant.

21. Il existe des disparités entre les régions, y compris des différences entre les zones rurales et urbaines, dans la fourniture de services de réadaptation des enfants victimes de sévices. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour faire pleinement respecter le droit de l'enfant à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale, conformément à l'article 39 de la Convention.

22. Le Comité prend note des efforts déployés par l'État partie pour intégrer les enfants handicapés, en fournissant toute une série de services. Il encourage l'État partie à poursuivre ses efforts en faveur de l'insertion sociale des enfants handicapés, conformément à l'article 23 de la Convention.

23. Le Comité constate avec préoccupation que, malgré l'octroi de ressources financières supplémentaires, le nombre de places disponibles dans les établissements tels que les écoles maternelles et les crèches est insuffisant. Compte tenu du paragraphe 3 de l'article 18, il recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures voulues pour accroître le nombre de places dans les écoles maternelles et les installations préscolaires telles que les crèches.

24. Le Comité partage la préoccupation de l'État partie, qui déplore qu'"un grand nombre d'enfants en Autriche vivent à la limite de la pauvreté" (CRC/C/11/Add.14, par. 373), et que l'augmentation des allocations familiales et des déductions fiscales prévue pour 1999 et l'an 2000 risque de ne pas suffire à éviter la pauvreté. Il recommande que toutes les mesures appropriées soient prises pour éviter la pauvreté, compte tenu des principes et des dispositions de la Convention, en particulier des dispositions des articles 2, 3, 6, 26 et 27.

25. Constatant que, dans les programmes scolaires, les cours d'"éducation civique" portent, notamment, sur les droits de l'homme et les droits des enfants, mais qu'il n'est apparemment pas fait spécifiquement mention de la Convention, le Comité encourage l'État partie à inclure dans les programmes scolaires l'étude des dispositions particulières de la Convention.

26. Le Comité note que les mesures de restrictions budgétaires ont eu des incidences sur le fonctionnement du système scolaire, du fait, par exemple, que les familles doivent contribuer dans une certaine mesure à l'acquisition des manuels scolaires et au financement des activités extrascolaires, ou encore que le choix des matières facultatives a été réduit. Il recommande que ces mesures soient examinées soigneusement compte tenu de leur incidence sur la mise en oeuvre progressive du droit de l'enfant à l'éducation et aux activités de loisirs conformément aux articles 28, 29 et 31 de la Convention, et en particulier afin de limiter l'incidence de ces mesures sur les groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés.

27. En dépit de la disposition de la loi de 1997 sur les étrangers qui stipule que des moyens plus souples doivent être employés à l'égard des mineurs, le Comité est gravement préoccupé par l'existence de textes de loi qui autorisent la mise en détention d'enfants demandeurs d'asile qui doivent être expulsés. Le Comité prie instamment l'État partie de réexaminer la pratique consistant à mettre en détention des enfants demandeurs d'asile et de faire en sorte que ces enfants soient traités dans le respect du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, compte tenu des dispositions des articles 20 et 22 de la Convention.

28. Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale autorise la participation des enfants à de petits travaux depuis l'âge de 12 ans; il recommande à l'État partie d'envisager de ratifier la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et de modifier sa législation interne en conséquence.

29. En ce qui concerne la justice pour mineurs, le Comité demeure préoccupé par le manque de statistiques désagrégées sur les types de délits commis, la longueur des peines prévues, la durée de la détention avant jugement, etc. Il demande à l'État partie de lui fournir davantage de renseignements sur la situation des enfants dans les établissements pénitentiaires et le prie instamment de faire en sorte que le système de la justice pour mineurs soit pleinement compatible avec la Convention, en particulier les articles 37, 40 et 39, ainsi qu'avec d'autres normes internationales applicables dans ce domaine telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.

30. Tout en notant les mesures prises pour garantir les droits des enfants appartenant à des minorités et, en particulier, les projets visant à fournir un soutien scolaire et un appui linguistique et culturel en faveur des enfants appartenant à la minorité rom, le Comité reste préoccupé par la discrimination sociale et autre dont sont victimes les enfants roms et les enfants appartenant à d'autres minorités, en particulier à des groupes qui n'ont pas le statut constitutionnel de "groupes ethniques" (voir CRC/C/11/Add.14, par. 517). Il recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour protéger et garantir les droits des enfants appartenant aux minorités rom et sinté et à d'autres minorités, y compris pour les protéger contre tous les types de discrimination, conformément aux articles 2 et 30 de la Convention.

31. Enfin, le Comité recommande que, conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, l'État partie assure une large diffusion auprès du public de son rapport initial et des réponses écrites qu'il a soumises, ainsi qu'aux comptes rendus analytiques des séances pertinentes et aux observations finales adoptées par le Comité. Une telle diffusion à grande échelle devrait susciter des débats et faire connaître la Convention et sa mise en oeuvre, particulièrement auprès du Gouvernement, des ministères concernés, du Parlement et des organisations non gouvernementales.



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