University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Albanie, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.249 (2005).


 


COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: Albanie

1. Le Comité a examiné le rapport initial de l’Albanie (CRC/C/11/Add.27) à ses 1003 e et 1004 e séances (voir CRC/C/SR.1003 et 1004), le 12 janvier 2005, et a adopté à sa 1025 e séance (voir CRC/C/SR.1025), le 28 janvier 2005, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction, malgré sa présentation tardive, le rapport initial de l’État partie, établi conformément aux directives. Il prend note avec intérêt des réponses écrites à sa liste des points à traiter (CRC/C/Q/ALB/1), qui contiennent des informations actualisées venant utilement compléter le rapport. Il sait gré à l’État partie d’avoir dépêché une délégation de haut niveau et se félicite du dialogue franc qui s’est instauré ainsi que des réactions positives aux suggestions et recommandations faites au cours du débat.

B. Aspects positifs

3. Le Comité prend acte avec satisfaction du processus participatif et consultatif qui a permis d’associer divers acteurs, dont des organisations non gouvernementales (ONG), à l’établissement du rapport.

4. Le Comité se félicite en particulier des aspects suivants:

a) Adoption en 2003 (par la loi n o 9062) du nouveau Code de la famille;

b) Création en 2004 par le Conseil des ministres d’un comité interministériel des droits de l’enfant et mise en place d’un groupe interministériel d’experts chargé de faciliter sa tâche;

c) Ratification en 1998 de la Convention n o 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et en 2001 de la Convention n o 182 de l’OITconcernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination;

d) Ratification en 2000 de la Convention de La Haye de 1993sur la protection desenfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

5. Le Comité note que l’État partie reste aux prises avec de graves problèmes économiques, sociaux et politiques liés à la transition, dont des taux de chômage et de pauvreté élevés et la fuite des cerveaux qui prive le pays des jeunes actifs dont il aurait besoin, autant de facteurs qui entravent l’application de la Convention.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales

Législation et application des textes

6. Le Comité se félicite du processus de réforme législative concernant les droits de l’homme, en général, et les droits de l’enfant, en particulier. Il s’inquiète néanmoins des difficultés rencontrées par l’État partie, face audroit coutumier et aux codes traditionnels (Kanun), pour faire appliquer la législation pertinente.

7.Le Comité engage instamment l’État partie à poursuivre la réforme de la législation pertinente et à prendre toutes les mesures voulues pour assurer l’application sur l’ensemble du territoire national de tous les textes ayant un rapport avec la Convention, en tenant compte de la nécessité de réformer la justice et de renforcer ses capacités, et notamment de répondre aux besoins en matière de formation, de mettre en place des mécanismes de surveillance et de mobiliser des ressources suffisantes à cet effet.

Coordination

8. Tout en prenant acte de la création d’un comité interministériel des droits de l’enfant qui supervisera, coordonnera et contrôlera les activités de l’État partie liées à la mise en œuvre de la Convention, le Comité relève qu’une multitude d’acteurs interviennent dans l’application de cet instrument aux niveaux national et local, et craint que le nouvel organe interministériel ne soit pas doté d’un personnel compétent suffisamment nombreux ou de ressources humaines et financières suffisantes pour atteindre ses objectifs.

9. Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller, dans la mise en œuvre de la Convention, à une coordination efficace entre les ministères, les autorités locales, les représentants des ONG et les autres intervenants. Il conviendrait de doter le Comité interministériel qui vient d’être créé des moyens nécessaires à son bon fonctionnement.

10. Le Comité recommande à l’État partie de préciser les tâches et responsabilités essentielles qui incombent aux autorités locales en la matière et de veiller à remédier à toute disparité ou discrimination en ce qui concerne la jouissance des droits consacrés par la Convention dans les différentes régions du pays.

Plan d’action national

11. Le Comité se réjouit de l’adoption de la Stratégie nationale pour l’enfance 2001‑2005, qui vise à apporter un soutien aux groupes d’enfants les plus marginalisés et les plus vulnérables, ainsi que du plan national de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et de diverses initiatives lancées au niveau national, mais craint que les structures et les ressources financières et humaines nécessaires à l’exécution des plans nationaux et autres initiatives n’aient pas été mises en place. Il s’inquiète aussi de l’approche relativement dispersée adoptée par l’État partie qui peut susciter des problèmes de coordination, d’où des chevauchements ou des lacunes dans certains domaines.

12. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que la révision de la Stratégie nationale pour l’enfance prévue pour 2006‑2010 porte sur tous les aspects de la Convention, que des ressources financières et humaines suffisantes soient affectées à son application et que des mécanismes de surveillance et de coordination soient mis en place. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’évaluer la Stratégie nationale 2001‑2005 avant de procéder à cette révision, tâche à laquelle il conviendrait d’associer des représentants des enfants, des ONG et des autorités locales. L’élaboration de projets ciblés destinés à renforcer certains volets de la Stratégie qui requièrent une attention accrue (lutte contre la traite et le travail des enfants, enseignement des droits de l’homme, etc.) s’avère encourageante, mais devrait s’inscrire dans le cadre de la Stratégie proprement dite.

Structures de suivi indépendantes

13. Le Comité accueille avec satisfaction les informations concernant la création en 2000 d’un Bureau du Défenseur du peuple et, depuis peu, d’une sous‑section des droits de l’enfant au sein de ce bureau. Il relève qu’il est prévu de développer et d’étendre au niveau régional les activités de cette sous‑section, mais craint que les services du Bureau du Défenseur du peuple ne soient guère connus des enfants ni des adultes.

14. Le Comité recommande à l’État partie de doter la nouvelle sous‑section du Bureau du Défenseur du peuple de ressources humaines et financières suffisantes pour lui permettre de s’acquitter effectivement de ses tâches − y compris par des campagnes de sensibilisation − ainsi que de recevoir les plaintes d’enfants et de rendre compte des faits nouveaux touchant la réalisation des droits de l’enfant. Le Comité renvoie à cet égard à son Observation générale n o  2 (2002) concernant le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant (CRC/GC/2002/2).

Affectation de ressources

15. Le Comité accueille avec intérêt les informations sur les crédits alloués à l’enfance dans différents chapitres du budget national, mais juge regrettable qu’il n’ait pas été décidé en fin de compte de prévoir un budget conforme à l’obligation faite aux États parties de fournir des moyens «dans toutes les limites des ressources dont ils disposent» et craint que les dotationsbudgétaires ne soient insuffisantes, en particulier dans certaines des régions les moins avancées. Le Comité est également préoccupé par le fait que les plans nationaux adoptés ne sont pas assortis de budgets spécifiques et par la corruption généralisée qui, d’après ce qui a été rapporté, empêche de tirer pleinement parti des moyens fournis dans de nombreux domaines, pénalisant indûment les enfants les plus vulnérables.

16. Le Comité recommande à l’État partie de revoir les dotations budgétaires et de prêter une attention particulière à la pleine application de l’article 4 de la Convention en accordant la priorité, dans son budget, à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, notamment de ceux qui appartiennent à des groupes économiquement défavorisés, «dans toutes les limites des ressources [dont il dispose]». En outre, il invite l’État partie à intensifier les efforts qu’il déploie pour combattre et éliminer la corruption.

Collecte de données

17. Le Comité prend acte des difficultés rencontrées par l’État partie pour collecter des données sur les enfants, mais juge ces données indispensables pour suivre et mesurer les progrès accomplis et évaluer l’effet des politiques en faveur de l’enfance.

18. Le Comité engage l’État partie à demander à l’Institut de statistique (INSTAT) d’établir un système global de collecte de données portant sur les divers domaines dont traite la Convention. Ce système devrait porter sur tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans, une attention particulière étant accordée aux plus vulnérables d’entre eux, et permettre une analyse détaillée des données. Le Comité recommande à l’État partie de continuer de coopérer à cet égard avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Formation et diffusion de la Convention

19. Le Comité note avec satisfaction que le texte de la Convention est disponible en albanais, en rom, en grec, en macédonien et en serbe. Il craint toutefois que la Convention ne soit pas suffisamment connue et comprise sur l’ensemble du territoire national, notamment parmi les enfants eux‑mêmes, les parents et les professionnels travaillant avec et pour les enfants, que ce soit à l’échelon central ou à l’échelon local.

20. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre et à intensifier les efforts qu’il a entrepris pour faire connaître la Convention et la rendre accessible dans différentes langues. Il engage en outre l’État partie à dispenser une formation et/ou une information adéquate et systématique concernant les droits de l’enfant aux enfants eux‑mêmes, aux parents et aux groupes de professionnels qui travaillent avec et pour les enfants, en particulier les agents de la force publique, les parlementaires, les juges, les avocats, le personnel de santé et les travailleurs sociaux, les enseignants et les directeurs d’école, parmi d’autres.

2. Définition de l’enfant

21. Le Comité apprend avec satisfaction que l’âge minimum du mariage est désormais fixé à 18 ans pour tous et que la discrimination qui existait dans la législation antérieure a été supprimée. Il relève toutefois que les textes manquent de clarté en ce qui concerne la situation des mineurs âgés de 14 à 18 ans (s’agissant de l’exploitation ou des sévices sexuels et de la justice pour mineurs, par exemple) et craint que les enfants de ce groupe d’âge ne bénéficient pas de la protection spéciale ou des droits que prévoit la Convention.

22. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour clarifier la définition de l’enfant en Albanie et de réviser la législation en vigueur pour que les moins de 18 ans reçoivent tous la protection dont ils ont besoin, conformément aux dispositions de la Convention.

3. Principes généraux

Non‑discrimination

23. Le Comité se félicite des nombreuses modifications apportées à la législation, qui garantissent des droits égaux à tous les enfants, notamment en matière de succession, quel que soit leur statut à la naissance. Il craint toutefois qu’une discrimination ne persiste notamment à l’égard des minorités ethniques (en particulier les enfants roms), des enfants handicapés et des enfants vivant dans des zones reculées, dont beaucoup n’ont guère accès à l’aide et à la protection requises. Le Comité regrette le manque d’informations sur les efforts entrepris par l’État partie pour lutter contre ces formes de discrimination tout en prenant acte des déclarations selon lesquelles le problème est surtout lié aux mentalités et aux comportements, plutôt qu’à l’absence d’une législation sur la question. Le Comité déplore en outre le manque général d’informations sur la discrimination qui s’exerce à l’encontre des filles.

24. Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre des mesures concertées pour élaborer et appliquer des politiques visant à lutter contre les diverses formes de discrimination dans le pays. Il s’agirait notamment de réviser les textes en vigueur, d’introduire une législation antidiscriminatoire globale et d’organiser des campagnes d’éducation ayant pour objet de combattre la discrimination à l’égard des Roms et d’autres minorités, ainsi que la discrimination fondée sur des motifs tels que le handicap, le sexe ou le statut à la naissance.

25. Le Comité demande que le prochain rapport périodique fournisse des renseignements précis sur les mesures et programmes intéressant la Convention que l’État partie a mis en œuvre pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (2001), en tenant compte de l’Observation générale n o  1 du Comité concernant les buts de l’éducation.

Intérêt supérieur de l’enfant

26. Le Comité prend acte des progrès mentionnés par l’État partie pour ce qui est de veiller à ce que l’intérêtsupérieurdel’enfant soit uneconsidérationprimordiale. Il regrette toutefois qu’il incombe apparemment aux seuls adultes de déterminer ce en quoi consiste cet «intérêt supérieur», les enfants n’étant guère consultés même lorsqu’ils sont en mesure de faire valoir leurs opinions et leurs intérêts.

27. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire en sorte que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit compris et dûment pris en considération dans tous les textes de loi, ainsi que dans les décisions judiciaires et administratives et dans les projets, programmes et services qui ont des incidences sur les enfants.

Droit à la vie, à la survie et au développement

28. Tout en prenant note avec satisfaction des informations communiquées dans le rapport de l’État partie concernant la législation qui protège le droit à la vie de tous les individus, le Comité constate avec une vive préoccupation que la pratique de la vendetta et des règlements de compte est réapparue au cours des années 90 et que des crimes d’honneur ont été signalés. Il s’inquiète de l’insuccès des efforts entrepris pour lutter concrètement contre ces phénomènes.

29. Le Comité invite instamment l’État partie à renforcer les mesures destinées à combattre le phénomène des représailles meurtrières et autres pratiques qui ont des conséquences destructives sur le développement de l’enfant.

Respect des opinions de l’enfant

30. Le Comité prend acte des efforts entrepris pour encourager la participation des enfants au sein de la famille et à l’école. Il constate que, conformément à l’article 356 du Code de procédure civile, les enfants peuvent témoigner en justice lorsqu’ils ont atteint l’âge de 16 ans et que le mineur peut être appelé à exprimer son opinion dès l’âge de 10 ans dans le cas des décisions concernant la garde ou l’adoption, par exemple, ou à partir de 14 ans pour les questions de citoyenneté. Le Comité relève néanmoins avec préoccupation qu’il n’est absolument pas tenu compte des opinions des enfants avant l’âge de 10 ans.

31. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à promouvoir et à faciliter, au sein de la famille, à l’école et dans d’autres institutions, ainsi que dans le cadre des procédures judiciaires et administratives, le respect des opinions de l’enfant et sa participation pour tout ce qui le concerne, conformément à l’article 12 de la Convention. Il encourage par ailleurs l’État partie à donner aux parents, aux enseignants et aux chefs d’établissement, aux agents de l’administration, aux membres du corps judiciaire, aux enfants eux‑mêmes et à la société dans son ensemble des informations à caractère pédagogique sur cette question en vue de créer un environnement où les enfants, y compris ceux qui ont moins de 10 ans, puissent librement exprimer leurs opinions et où, du même coup, ces opinions soient dûment prises en considération.

32. Le Comité se félicite de l’existence d’un service d’assistance téléphonique auquel les enfants peuvent s’adresser pour recevoir un soutien ou exprimer des préoccupations ou des plaintes, mais constate non sans inquiétude qu’il dispose de ressources humaines et financières très limitées.

33. Le Comité recommande à l’État partie d’appuyer sans réserve les efforts visant à développer ce service, notamment par l’établissement à l’échelle du pays d’une permanence téléphonique gratuite accessible 24 heures sur 24. Il lui recommande en outre de soutenir un tel dispositif afin qu’il puisse au besoin fournir, ou mobiliser dans le cadre des structures existantes, des services de conseil, de secours et d’intervention.

4. Droits et libertés civils

Enregistrement des naissances

34. Le Comité constate que l’État partie a déployé des efforts importants pour faire en sorte que tout nouveau‑né soit enregistré dans les 30 jours après sa naissance, mais que les personnes qui ne respectent pas ce délai se heurtent à des difficultés supplémentaires.

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour promouvoir l’enregistrement de tous les enfants, notamment en facilitant l’enregistrement tardif en cas de nécessité et en accordant une attention particulière aux groupes les plus vulnérables et les plus marginalisés. À ce propos, l’État partie devrait veiller à garantir la pleine application des dispositions de l’article 7, y compris le droit de l’enfant de connaître dans la mesure du possible ses parents, eu égard aux principes de la non‑discrimination (art. 2) et de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3). Il conviendrait d’assurer aux enfants qui n’ont pas été déclarés à la naissance un accès immédiat aux services essentiels, tels que les soins de santé et l’éducation pendant la durée des formalités d’enregistrement.

Liberté d’expression

36. Le Comité se félicite que la liberté d’expression soit garantie par l’article 22 de la Constitution, mais constate qu’il existe un vide juridique s’agissant des moyens pratiques de mettre en œuvre ce droit dans le cas des enfants, comme l’État partie l’indique dans son rapport. Le Comité craint par ailleurs que les attitudes les plus courantes au sein de la famille, à l’école, dans d’autres institutions et dans la société en général ne favorisent guère la réalisation de ce droit.

37. Le Comité encourage l’État partie à faire tout le nécessaire, notamment sur le plan juridique, pour appliquer intégralement l’article 13 et mettre en place des mesures propres à promouvoir et à garantir le droit de l’enfant à la liberté d’expression.

Accès à l’information

38. Tout en appréciant que les enfants aient plus aisément accès aux technologies de l’information, le Comité est préoccupé par l’absence d’un système efficace permettant de les protégercontrel’informationpernicieuse, notamment contre les représentations de la violence, du racisme et de la pornographie à la télévision, dans la presse écrite et dans d’autres médias, et par le fait que les enfants y ont accès.

39. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation spéciale et d’établir des lignes directrices pertinentes pour protéger les enfants contre l’information pernicieuse, tout en leur garantissant pleinement l’accès à l’information appropriée. Il recommande en outre à l’État partie de tenir compte des recommandations qu’il a formulées à l’occasion de la journée de débat général qu’il a consacrée au thème «L’enfant et les médias» (voir CRC/C/57, par. 242 à 257).

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

40. Le Comité prend acte de l’article 25 de la Constitution et des dispositions générales du Code de procédure pénale, qui interdisent la torture et les peines ou traitements dégradants. Il regrette toutefois que le rapport ne contienne pas d’informations concrètes à ce sujet et est préoccupé par les allégations faisant état de mauvais traitements et de recours abusif à la force, en particulier à l’encontre d’enfants, par des agents de l’autorité publique et des policiers dans des centres de détention provisoire, des prisons et d’autres établissements où les enfants sont sous la garde de l’État. Il craint que ces allégations n’aient pas fait l’objet d’une enquête diligente de la part d’une autorité indépendante.

41. Eu égard à l’alinéa a de l’article 37 de la Convention, l’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires et utiles pour s’attaquer aux causes des mauvais traitements infligés aux enfants pendant qu’ils sont sous la garde de l’État et prévenir de tels incidents, notamment en adoptant une stratégie de prévention de la violence institutionnelle. Le Comité engage en outre l’État partie à prendre les mesures voulues pour qu’un système efficace permettant de déposer des plaintes pour mauvais traitements soit mis en place et que de tels actes aient des suites judiciaires, afin que leurs auteurs ne restent pas impunis.

5.  Milieu familial et protection de remplacement

Réunification familiale

42. Le Comité craint que les procédures appliquées en matière de réunification familiale ne soient pas toujours conformes aux principes généraux de la Convention (art. 2, 3, 6 et 12) et en particulier à son article 10.

43. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les procédures de réunification familiale soient appliquées de manière constructive et humaine et avec célérité. À ce propos, il invite instamment l’État partie à prendre des mesures pour assurer l’application effective de la loi sur l’intégration et la réunification familiale des personnes ayant obtenu l’asile (loi n o  9098 de 2003) et à édicter tous les règlements nécessaires.

Enfants privés de leur milieu familial

44. Le Comité prend note avec satisfaction des programmes de développement des services sociaux visant à retirer les enfants des institutions et à privilégier les services décentralisés à ancrage communautaire en vue d’améliorer les conditions de vie dans l’optique d’une réintégration. Le Comité demeure toutefois préoccupé par le fait que des enfants peuvent être retirés à leur famille en raison de leur état de santé ou placés en établissement par des parents en proie à des difficultés financières.

45. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures efficaces pour mieux soutenir les familles en élaborant une politique familiale globale centrée sur l’enfant qui leur permette de s’occuper elles‑mêmes de leurs enfants;

b) D’améliorer l’aide et le soutien social aux familles par des conseils et l’éducation afin de promouvoir de bonnes relations entre parents et enfants;

c) D’intensifier les efforts visant à retirer les enfants des institutions en veillant à ce que des structures parallèles puissent suivre les enfants sortant d’institutions et leur apporter l’aide et les services dont ils ont besoin en vue de leur réinsertion;

d) D’établir des procédures garantissant que les enfants résidant dans des institutions sur le point d’être fermées soient pleinement informés et aient leur mot à dire dans la décision sur leur futur placement, et que ces enfants conservent leur droit à la protection sociale.

Adoption

46. Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie de la Convention de La Haye de 1993 surlaprotectiondesenfantsetlacoopérationenmatièred’adoptioninternationale et de la création du Comité albanais pour l’adoption, ainsi que de la priorité donnée aux solutions nationales. Il reste toutefois préoccupé par le fait que des adoptions internationales, y compris des ventes d’enfants pour «adoption», sont organisées par des filières privées, sans passer par l’autorité compétente ou par un organisme agréé, malgré les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre de telles pratiques.

47. Le Comité encourage l’État partie:

a) À veiller à l’élaboration d’un programme national et des instruments d’application nécessaires à la mise en œuvre de la législation;

b) À faire en sorte que des ressources humaines et autres suffisantes soient affectées à la mise en œuvre et au suivi effectifs de la législation et qu’une formation appropriée soit dispensée aux professionnels concernés;

c) À s’assurer qu’en cas d’adoption internationale les principes et dispositions de la Convention, en particulier l’article 21, et de la Convention de La Haye de 1993, soient dûment respectés, et que la coopération en la matière se limite aux pays qui sont eux aussi parties à la Convention de La Haye;

d) À envisager de ratifier la Convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et la Convention de La Haye de 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants;

e) À envisager de solliciter l’assistance technique de la Conférence de La Haye de droit international privé et de l’UNICEF.

Maltraitance et abandon moral

48. Le Comité est préoccupé par le fait que, comme l’indique l’État partie, la «maltraitance» est l’un des problèmes qui se posent avec le plus d’acuité à la société albanaise. Il relève que les cas de violence familiale ne font pas encore systématiquement l’objet d’un signalement, mais qu’ils restent courants, de même que d’autres formes de mauvais traitements et de sévices, y compris sexuels. Le Comité s’inquiète également de l’insuffisance des ressources mobilisées, notamment de personnel dûment formé, pour prévenir et combattre de tels actes.

49. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mener des études approfondies sur la violence familiale, les mauvais traitements et les sévices afin de connaître les causes, l’ampleur et la nature de ces pratiques;

b) De redoubler d’efforts pour prévenir et combattre toutes les formes de violence familiale, de mauvais traitements et de sévices physiques ou mentaux, et d’adopter des mesures et des politiques susceptibles de contribuer à l’évolution des comportements à l’égard de la violence et des sévices au sein de la famille;

c) De faire en sorte qu’un système d’aiguillage vers les services appropriés soit mis en place, que les cas de violence familiale et de maltraitance et de brutalités à enfant, y compris les sévices sexuels au sein de la famille, soient examinés comme il convient dans le cadre d’une procédure judiciaire adaptée aux enfants et que les auteurs de tels actes soient sanctionnés, en tenant dûment compte de la nécessité de protéger le droit de l’enfant au respect de la vie privée;

d) De veiller à fournir aux victimes des services de soutien, notamment une aide à la réadaptation psychologique et à la réinsertion sociale, en évitant qu’elles soient stigmatisées.

Châtiments corporels

50. Le Comité constate avec préoccupation que la loi autorise encore les châtiments corporels au sein de la famille et que ceux‑ci restent pratiqués comme moyen de discipline.

51. Le Comité engage l’État partie à faire en sorte que la loi interdise expressément tous les châtiments corporels au sein de la famille. Il l’invite également à organiser des campagnes de sensibilisation et d’éducation sur les formes de discipline non violentes, ainsi qu’à mener des recherches sur le recours aux châtiments corporels à l’égard des enfants dans le milieu familial.

6. Santé et bien‑être

Enfants handicapés

52. Le Comité se félicite de la création d’un groupe interministériel chargé d’élaborer une stratégie nationale en faveur des personnes handicapées mais reste préoccupé par le fait que beaucoup d’enfants handicapés vivent en institution, ne sont pas intégrés dans le système scolaire ordinaire ou ne reçoivent pas la moindre éducation, ainsi que par le manque général de ressources et de personnel spécialisé permettant de prendre en charge ces enfants. Il s’inquiète aussi des comportements couramment observés dans la société qui tendent à marginaliser les enfants handicapés.

53. Le Comité invite l’État partie à poursuivre activement les efforts qu’il déploie et à continuer:

a) De revoir les politiques et pratiques en vigueur concernant les enfants handicapés en tenant dûment compte des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l’Assemblée générale du 20 décembre 1993, annexe) et des recommandations adoptées par le Comité lors de la journée de débat général qu’il a consacrée aux droits des enfants handicapés (CRC/C/69, par. 310 à 339);

b) De s’attacher à faire en sorte que les enfants handicapés puissent exercer leur droit à l’éducation dans toute la mesure possible et de faciliter leur intégration dans le système scolaire général;

c) De s’employer à mettre en place les compétences professionnelles et les ressources financières nécessaires, en particulier au niveau local, et de promouvoir et étendre les programmes de réinsertion reposant sur la collectivité, notamment les groupes de soutien parental;

d) De développer les campagnes de sensibilisation pour contribuer à modifier le regard négatif que la société porte sur les enfants handicapés;

e) D’envisager de solliciter à cet égard une coopération technique avec l’UNICEF et l’Organisation mondiale de la santé.

Santé et services médicaux

54. Le Comité accueille avec satisfaction les informations communiquées par l’État partie sur les mesures législatives et autres visant à contribuer à la protection des mères, des enfants en bas âge, et des enfants d’âge scolaire, notamment la mise en place d’un programme commun du Ministère de la santé et de l’UNICEF et la création en 2000 d’une commission interministérielle pour la lutte contre le VIH/sida. Il est néanmoins préoccupé par les informations faisant état de la piètre qualité des services de santé dans le pays en général et dans certaines régions en particulier, et s’inquiète notamment du grand nombre d’enfants souffrant de malnutrition, de troubles dus à une carence en iode ou d’autres maladies évitables. Le Comité relève en outre que bien qu’ayant notablement diminué, les taux de mortalité infantile demeurent très élevés et qu’il existe de fortes disparités entre les différentes régions du pays sur le plan des services de santé.

55. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’intensifier ses efforts pour garantir l’affectation des ressources voulues (humaines et financières, entre autres), notamment en formant un nombre suffisant de professionnels de la santé et en investissant dans les infrastructures sanitaires, en particulier dans les zones les plus défavorisées du pays, afin d’assurer l’accès à des services de santé de qualité;

b) De s’attaquer aux problèmes de malnutrition et de carence en iode, notamment par l’éducation et la promotion de pratiques alimentaires saines.

Santé des adolescents

56. Le Comité se félicite des mesures législatives et autres prises par l’État partie pour réduire la consommation de tabac, en particulier chez les mineurs de moins de 16 ans. Cependant, il s’inquiète de la montée du suicide chez les enfants, phénomène dont il est fait état mais sur lequel on ne dispose pas de données suffisantes, et a le sentiment que, de manière générale, les services fournis, notamment dans le domaine de la santé mentale, ne sont sans doute pas adaptés aux besoins des adolescents, qui hésitent de ce fait à s’adresser aux services de soins de santé primaires. Le Comité prend note aussi de la préoccupation de l’État partie concernant l’utilisation de l’avortement comme méthode de planification familiale et les taux alarmants d’avortement.

57. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’intensifier ses efforts en vue de promouvoir des politiques relatives à la santé des adolescents, de mettre en place une législation et de renforcer les programmes d’éducation sanitaire en milieu scolaire;

b) De prendre les mesures voulues et d’affecter des ressources humaines et financières suffisantes pour évaluer l’efficacité des programmes de formation dans le domaine de l’éducation sanitaire, et de mettre en place des services de conseil, de soins et de réadaptation sensibles aux besoins des jeunes et à caractère confidentiel, qui soient accessibles sans le consentement des parents lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant est en jeu;

c) D’étudier le phénomène du suicide et ses causes pour permettre aux autorités compétentes de mieux l’appréhender et d’adopter des mesures appropriées pour réduire les taux de suicide, notamment en améliorant les services de prévention et d’intervention en matière de santé mentale;

d) D’assurer l’accès à l’information sur l’hygiène de la procréation et la planification familiale en vue d’améliorer les pratiques dans ce domaine, et notamment de réduire le recours à l’avortement comme méthode de planification familiale;

e) De tenir dûment compte de l’Observation générale n o  4 (2003) du Comité concernant la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/GC/2003/4).

Niveau de vie

58. Le Comité prend acte des efforts entrepris par l’État partie pour améliorer les conditions de vie des familles démunies ainsi que des enfants vivant en institution, des orphelins et des autres enfants ayant des besoins spéciaux. Il constate toutefois avec préoccupation que bon nombre d’enfants vivent dans la pauvreté, voire dans un extrême dénuement, et qu’en cas de divorce des parents, beaucoup ne bénéficient pas d’une pension alimentaire ou perçoivent une allocation nettement insuffisante.

59. Le Comité encourage l’État partie à venir en aide aux parents et aux autres personnes ayant des enfants à charge en intensifiant l’action menée pour améliorer le niveau de vie de tous les enfants et en mettant en place des programmes d’assistance matérielle et de soutien conformément à l’article 27 de la Convention. Il l’engage aussi à mettre à profit la croissance économique pour améliorer les conditions d’existence des familles. L’État partie est en outre invité à envisager de ratifier les Conventions de La Haye n o  23 concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière d’obligations alimentaires envers les enfants et n o  24 sur la loi applicable aux obligations alimentaires.

7. Éducation, loisirs et activités culturelles

60. Le Comité est préoccupé par la diminution des dépenses publiques consacrées à l’éducation et constate que les données relatives aux taux de fréquentation scolaire, de passage et d’abandon varient suivant les sources, d’où la difficulté d’évaluer l’efficacité du système scolaire. Le Comité salue les initiatives lancées en 2000 en vue d’améliorer la qualité de l’éducation et les efforts visant à réduire les taux d’abandon. Il observe toutefois que les parents dont les enfants manquent l’école sont passibles d’une amende, ce qui peut aller à l’encontre du but recherché. Le Comité se félicite de l’allongement de la durée de la scolarité obligatoire, qui a été portée à neuf ans par l’ajout d’une année au deuxième cycle de l’enseignement primaire, mais regrette qu’une année au moins d’enseignement préscolaire n’ait pas été rendue obligatoire. Le Comité est par ailleurs préoccupé par la dégradation des infrastructures scolaires mentionnée par l’État partie, le manque d’enseignants qualifiés et de matériel pédagogique, les disparités existant à cet égard entre les zones rurales et les zones urbaines, et le fait que de nombreux parents ont recours à des professeurs particuliers pour pallier la mauvaise qualité du système d’enseignement.

61. Le Comité demande instamment à l’État partie:

a) D’intensifier les efforts qu’il déploie pour remédier aux problèmes liés à la formation des enseignants et d’accroître les dotations budgétaires en vue de relever la qualité de l’enseignement et d’améliorer l’état des infrastructures scolaires;

b) De mettre au point des méthodes mieux adaptées aux enfants pour lutter contre les redoublements et l’abandon scolaire, et de s’attaquer aux causes de ces phénomènes en vue de les prévenir et de scolariser tous les enfants, en prêtant une attention particulière à cet égard à la situation des filles;

c) D’élaborer une stratégie destinée à améliorer la qualité et la valeur de l’éducation offerte, y compris en ce qui concerne l’enseignement professionnel;

d) D’étudier la possibilité d’instituer une année d’éducation préscolaire obligatoire;

e) D’envisager de solliciter à cet égard l’assistance technique de l’UNICEF.

62. Le Comité partage la préoccupation exprimée dans le rapport de l’État partie quant au fait que la plupart des infrastructures culturelles et récréatives ne fonctionnent pas et qu’il existe très peu d’aires de jeux.

63.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte dans les programmes d’urbanisme de la nécessité de prévoir des aires de jeux et des parcs adaptés aux besoins des enfants, et de s’attacher davantage à offrir aux enfants plus d’espaces leur permettant de jouir du droit aux loisirs et aux activités récréatives et culturelles.

8. Mesures spéciales de protection

Enfants réfugiés et enfants déplacés

64. Le Comité se réjouit des progrès accomplis dans la mise en place d’un cadre juridique plus clair concernant le traitement des réfugiés et la prévention des cas d’apatridie, y compris pour ce qui est de garantir à tous les enfants réfugiés ou demandeurs d’asile l’accès aux établissements d’enseignement albanais. Il estime toutefois que des mesures supplémentaires doivent être prises pour que la législation et les pratiques pertinentes soient pleinement conformes à la Convention.

65. Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer dans la législation relative à l’asile des dispositions garantissant expressément la prise en considération de l’intérêt supérieur et de l’opinion de l’enfant, en particulier pendant la procédure de détermination de son statut. Il recommande en outre que l’on étende aux points de franchissement des frontières les procédures d’examen préalable applicables aux étrangers en vue de garantir une protection maximale aux demandeurs d’asile mineurs et aux enfants victimes de la traite qui risqueraient sinon d’être refoulés. Il serait éminemment souhaitable qu’une formation appropriée sur la question des enfants réfugiés soit dispensée à toutes les personnes concernées. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’envisager de solliciter à cet égard l’assistance du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Enfants non accompagnés

66. Le Comité relève que le départ d’enfants d’Albanie vers des pays voisins constitue un problème important et que 4 000 mineurs environ ont quitté le territoire national sans être accompagnés de leurs parents.

67. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts dans ce domaine et en particulier:

a) De déterminer les causes de ces départs massifs d’enfants non accompagnés et d’y remédier, ainsi que d’instituer des garanties destinées à réduire l’ampleur du phénomène, en particulier si ces enfants sont victimes de réseaux illégaux;

b) De mettre en place une méthode coordonnée de collecte d’informations et de statistiques permettant de réagir en fonction des besoins;

c) De renforcer la coopération et d’accélérer la conclusion d’accords avec les pays voisins afin de garantir le respect des droits de ces enfants, et de veiller à leur protection et à leur éducation.

Exploitation économique

68. Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention n o  182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination afin d’offrir une protection particulière aux enfants. Il salue également la création au sein du Ministère du travail et des affaires sociales, en coopération avec le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’OIT, d’une section spéciale pour les questions relatives au travail des enfants, mais relève qu’en Albanie, il est communément admis que les enfants travaillent dans la rue, au sein de la famille ou ailleurs en étant exploités ou dans des conditions qui les empêchent de fréquenter régulièrement l’école. Le Comité regrette par ailleurs que des données n’aient pas été présentées à ce sujet.

69. Le Comité recommande à l’État partie, conformément à l’article 32 de la Convention et aux Conventions de l’OIT n o  138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et n o  182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, que l’État partie a ratifiées:

a) De prendre les dispositions voulues pour faire appliquer l’article 32 de la Convention et les Conventions n os  138 et 182 de l’OIT en tenant dûment compte de la Recommandation n o  146 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi (1973) et de la Recommandation n o  190 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (1999);

b) D’appliquer des mesures énergiques aux niveaux national et international pour démanteler les réseaux de traite et d’exploitation;

c) D’intensifier les efforts visant à établir des mécanismes de contrôle permettant de surveiller l’ampleur du phénomène du travail des enfants, y compris le travail non réglementé, de s’attaquer à ses causes en vue de renforcer la prévention et, dans les cas d’emploi licite des enfants, de veiller à ce que leur travail ne s’apparente pas à de l’exploitation et soit conforme aux normes internationales;

d) De poursuivre sa coopération à cet égard avec le Programme IPEC de l’OIT.

Exploitation et sévices sexuels, traite et enlèvement d’enfants

70. Le Comité prend note des préoccupations exprimées par l’État partie face à l’ampleur du problème de l’exploitation sexuelle des enfants en Albanie. Il se félicite des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la traite des enfants, telles que la mise en place à Vlora d’un centre de lutte contre la traite. Il relève toutefois avec préoccupation que le droit interne ne réprime pas la vente d’enfants et que, selon certaines informations, des enfants continuent d’être victimes de la traite, en particulier à destination de l’Italie et de la Grèce, et estime qu’il y a lieu de lutter avec une énergie redoublée contre ce phénomène qui perdure.

71. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’accroître considérablement ses efforts pour réduire et prévenir l’exploitation sexuelle, la vente et la traite des enfants, notamment en modifiant la législation et en sensibilisant les professionnels et le grand public au problème des enfants victimes de violences sexuelles et de la traite, par des activités d’éducation du public, y compris des campagnes dans les médias;

b) De renforcer la coopération qui existe avec les autorités des pays d’origine ou de destination des enfants victimes de la traite afin de combattre ce phénomène et d’harmoniser les législations en la matière;

c) De mieux protéger les enfants victimes de l’exploitation sexuelle et de la traite, qu’il s’agisse de prévention, de protection des témoins, de réinsertion sociale, d’accès aux soins de santé ou de prise en charge psychologique de manière concrète, notamment en collaborant davantage avec les ONG, compte dûment tenu de la Déclaration et du Programme d’action adoptés en 1996 au premier Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et de l’Engagement mondial adopté en 2001 au deuxième Congrès sur ce thème;

d) De veiller à la mise en place d’un mécanisme confidentiel, accessible aux enfants et adapté à leurs besoins, pour recevoir et traiter efficacement les plaintes de tous les enfants, y compris ceux âgés de 14 à 18 ans;

e) De former les agents de la force publique, les travailleurs sociaux et les magistrats du parquet pour qu’ils puissent recevoir des plaintes, y donner suite, ouvrir une enquête et engager des poursuites d’une manière adaptée aux besoins des enfants;

f) De ratifier, comme prévu, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Enfants des rues

72. Le Comité constate avec une vive préoccupation que les enfants des rues constituent la catégorie d’enfants la moins protégée en Albanie et regrette l’absence d’informations à ce sujet dans le rapport de l’État partie.

73. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De réaliser une étude pour envisager de mettre en place une stratégie globale visant à remédier à l’accroissement du nombre d’enfants des rues, afin de prévenir et limiter ce phénomène, et ce dans l’intérêt supérieur de ces enfants et avec leur participation;

b) De redoubler d’efforts pour protéger les enfants des rues et leur garantir l’accès à l’éducation et aux services de santé;

c) De renforcer le soutien et l’assistance aux familles, à la fois à titre de mesure préventive et en tant que moyen de favoriser le retour des enfants dans le milieu familial ou dans d’autres structures, selon qu’il convient.

Usage de stupéfiants

74. Le Comité constate avec préoccupation l’augmentation de l’usage de stupéfiants, en particulier chez les jeunes enfants, du fait notamment de la distribution gratuite de substances par les trafiquants en vue d’amener les enfants à en consommer de façon régulière, le phénomène étant également observé en milieu scolaire.

75. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre et à développer ses activités visant à prévenir la toxicomanie et l’utilisation des enfants dans le trafic des stupéfiants, ainsi qu’à appuyer les programmes de réadaptation des enfants toxicomanes. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de solliciter l’assistance technique de l’UNICEF et du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

Justice pour mineurs

76. Le Comité se félicite des informations communiquées par l’État partie sur les mesures législatives qu’il a prises pour mieux respecter les dispositions de la Convention, mais observe avec préoccupation que les dispositions existantes sont insuffisamment appliquées et qu’il n’existe pas de système efficace de justice pour mineurs associant des inspecteurs, des juges et des travailleurs sociaux spécialisés dans le traitement des enfants en conflit avec la loi.

77. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à l’application intégrale des normes relatives à la justice pour mineurs, en particulier les articles 37, 39 et 40 de la Convention, ainsi que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale, en tenant compte par ailleurs du débat général que le Comité a consacré en 1995 à l’administration de la justice pour mineurs;

b) D’accorder en l’occurrence une attention prioritaire:

i) Aux mesures à prendre pour prévenir et réduire le recours à la détention avant jugement et à d’autres formes de détention, et pour que la durée de la détention soit la plus courte possible, notamment en concevant et en mettant en œuvre des solutions de rechange à la privation de liberté (peines de travail d’intérêt général, mesures de réparation, etc.);

ii) À la nécessité de former les policiers, les magistrats du parquet, les juges et les autres personnes s’occupant des enfants en conflit avec la loi pour faire en sorte, notamment, que ces enfants soient interrogés par des policiers dûment formés qui avertiront sans délai les parents de l’arrestation de leur enfant et faciliteront la présence d’un conseil juridique à ses côtés;

iii) À la nécessité de favoriser la réinsertion des enfants dans la société, comme il est prévu au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention;

c) De mettre l’accent sur la prévention, notamment en renforçant le rôle de la famille et de la collectivité, afin de contribuer à éliminer les causes sociales de problèmes tels que la délinquance, la criminalité et la toxicomanie;

d) De solliciter une assistance technique, notamment auprès du HCDH et de l’UNICEF.

9. Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention

78. Le Comité se félicite que, comme l’a indiqué la délégation, l’État partie entende ratifier les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention (concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, d’une part, et l’implication d’enfants dans les conflits armés, d’autre part) et l’invite instamment à s’y employer afin de faire aboutir ce projet.

10. Suivi et diffusion

Suivi

79. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Conseil ou Cabinet des ministres, ou d’un organe analogue, au Parlement, aux administrations et parlements de province ou d’État, le cas échéant, pour examen et suite à donner.

Diffusion

80. Le Comité recommande en outre à l’État partie de diffuser largement son rapport initial et ses réponses écrites ainsi que les recommandations y afférentes (observations finales) adoptées par le Comité, notamment (mais non exclusivement) par l’Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupements de jeunesse, des associations professionnelles et des enfants, de façon à susciter un débat et une prise de conscience concernant la Convention, sa mise en œuvre et son suivi.

11. Prochain rapport

81. Le Comité souligne l’importance de modalités de présentation des rapports qui soient pleinement conformes aux dispositions de l’article 44 de la Convention. Un aspect important des responsabilités qui incombent aux États parties à l’égard des enfants en vertu de la Convention est de veiller à ce que le Comité ait régulièrement la possibilité d’examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre de cet instrument. Il est donc indispensable que les États parties présentent leurs rapports régulièrement et dans les délais prescrits. Le Comité reconnaît que certains États parties ont des difficultés à s’y tenir au début. À titre exceptionnel, et pour aider l’État partie à rattraper son retard et à présenter ses rapports conformément à la Convention, le Comité invite celui‑ci à présenter son prochain rapport d’ici au 27 mars 2009. Ce document, qui regroupera les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques, ne devra pas compter plus de 120 pages (voir CRC/C/118).  Le Comité attend de l’État partie qu’il présente par la suite un rapport tous les cinq ans, comme le prévoit la Convention.

 



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