University of Minnesota



Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale no. 27,
La discrimination à l'égard des Roms, (Cinquante-septième session, 2000), U.N. Doc. A/55/18, annexe V, réimprimé en Récapitulation des observations générales ou recommendations générales adoptées par les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev.7 (2004).





Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale,

Considérant les communications des États parties à la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les rapports périodiques qu'ils présentent conformément à l'article 9 de la Convention ainsi que les conclusions adoptées par le Comité après examen des rapports périodiques des États parties,

Ayant organisé un débat sur le thème de la discrimination à l'égard des Roms et reçu des contributions de membres du Comité, d'experts d'organismes des Nations Unies et d'autres organes conventionnels, ainsi que d'organisations régionales,

Ayant également reçu d'organisations non gouvernementales intéressées des contributions, tant oralement, lors de la réunion informelle à leur intention, que sous forme de renseignements écrits,

Tenant compte des dispositions de la Convention,

Recommande que les États parties à la Convention, eu égard à leur situation particulière, adoptent en faveur des membres de communautés roms, entre autres, tout ou partie des mesures suivantes, s'il y a lieu.


A. Mesures d'ordre général

1. Réviser et amender la législation, ou en adopter une, au besoin, aux fins d'éliminer toutes les formes de discrimination raciale à l'égard des Roms ainsi qu'à l'égard des autres personnes ou groupes, conformément à la Convention.

2. Adopter et mettre en œuvre des stratégies et programmes nationaux et manifester une volonté politique et exercer un magistère moral sans faille dans le souci d'améliorer la situation des Roms et de renforcer leur protection contre toute discrimination de la part d'organes publics ainsi que de tout particulier ou de toute organisation.

3. Respecter les souhaits des Roms quant à l'appellation qu'ils veulent se voir appliquer et au groupe auquel ils veulent appartenir.

4. Veiller à ce que la législation relative à la nationalité et à la naturalisation n'ait pas un effet discriminatoire à l'égard des membres des communautés roms.

5. Prendre toutes mesures nécessaires pour éviter toute forme de discrimination à l'égard des immigrants ou demandeurs d'asile d'origine rom.

6. Prendre en considération, dans tous les programmes et projets prévus ou mis en œuvre et toutes les mesures adoptées, la situation des femmes roms, qui sont souvent victimes d'une double discrimination.

7. Prendre des mesures appropriées pour assurer aux membres des communautés roms des recours efficaces et faire en sorte que justice soit pleinement et rapidement rendue dans les affaires concernant des violations de leurs droits et libertés fondamentaux.

8. Définir et promouvoir des modalités appropriées de communication et de dialogue entre les communautés roms et les autorités centrales et locales.

9. S'employer, en encourageant un véritable dialogue, des consultations ou d'autres moyens appropriés, à améliorer les relations entre les communautés roms et non roms, en particulier à l'échelon local, dans le souci de promouvoir la tolérance et de surmonter les préjugés et stéréotypes négatifs existant d'un côté comme de l'autre, de favoriser les efforts d'ajustement et d'adaptation et d'éviter la discrimination, et de veiller à ce que tous les individus jouissent pleinement de leurs droits de l'homme et libertés.

10. Reconnaître que durant la seconde guerre mondiale les communautés roms ont été victimes de déportation et d'extermination et réfléchir aux moyens de réparer le mal qui leur a été ainsi fait.

11. Prendre les mesures nécessaires, en coopération avec la société civile, et mettre en route des projets tendant à développer la culture politique et à inculquer à l'ensemble de la population un esprit de non-discrimination, de respect d'autrui et de tolérance, en particulier à l'égard des Roms.


B. Mesures de protection contre la violence raciale

12. Préserver la sécurité et l'intégrité des Roms, en l'absence de toute discrimination, en adoptant des mesures propres à prévenir les violences à motivation raciale à leur encontre; veiller à une prompte intervention de la police, du parquet et des juges aux fins d'enquêter sur de tels actes et de les réprimer; faire en sorte que les auteurs, qu'il s'agisse d'agents publics ou d'autres personnes, ne bénéficient d'aucune impunité.

13. Prendre des mesures pour empêcher tout recours illicite à la force par des policiers à l'encontre de Roms, en particulier en cas d'arrestation ou de détention.

14. Promouvoir des modalités appropriées de communication et de dialogue entre la police et les communautés et associations roms, dans le souci de prévenir les conflits fondés sur le préjugé racial et de combattre les actes de violence à motivation raciale contre les membres de ces communautés, ainsi que contre d'autres personnes.

15. Encourager le recrutement de membres des communautés roms dans la police et les autres organismes chargés de l'application des lois.

16. Promouvoir une action des États parties et des autres États ou autorités responsables visant à prévenir dans les zones au sortir d'un conflit la violence contre les membres des communautés roms et leur déplacement contre leur gré.


C. Mesures dans le domaine de l'éducation

17. Soutenir l'intégration dans le système éducatif de tous les enfants d'origine rom et œuvrer à réduire le taux d'abandon scolaire, en particulier des filles roms et coopérer activement avec les parents, associations et communautés locales roms à cette fin.

18. Prévenir et éviter autant que possible la ségrégation des élèves roms, tout en laissant ouverte la possibilité d'un enseignement bilingue ou en langue maternelle; à cette fin, s'attacher à améliorer la qualité de l'enseignement dispensé dans toutes les écoles ainsi qu'à relever le niveau des résultats scolaires des élèves de la minorité rom, à recruter du personnel scolaire appartenant aux communautés roms et à promouvoir une éducation interculturelle.

19. Envisager l'adoption de mesures en faveur des enfants roms dans le domaine de l'éducation, en coopération avec leurs parents.

20. Intervenir avec détermination pour éliminer toute discrimination ou harcèlement à caractère racial à l'égard des élèves roms.

21. Faire le nécessaire pour instituer un dispositif propre à assurer l'éducation de base des enfants roms appartenant à des communautés nomades, notamment en les admettant à titre temporaire dans les écoles locales, en constituant des classes provisoires dans leurs lieux de campement ou en tirant parti des nouvelles techniques d'enseignement à distance.

22. Veiller à ce que dans leurs programmes, projets et campagnes en rapport avec l'éducation il soit tenu compte de la situation défavorisée des filles et femmes roms.

23. Prendre des mesures urgentes et soutenues en faveur de la formation d'enseignants, d'éducateurs et d'assistants choisis parmi les apprenants roms.

24. Oeuvrer à améliorer le dialogue et les communications entre le corps enseignant et les enfants, communautés et parents roms, en faisant plus souvent appel à des assistants choisis parmi les Roms.

25. Définir des modalités et dispositifs d'enseignement adaptés aux membres des communautés roms ayant dépassé l'âge de la scolarisation en vue d'accroître la proportion d'adultes roms alphabétisés.

26. Incorporer dans les manuels de tous les niveaux des chapitres sur l'histoire et la culture des Roms et encourager et soutenir la publication et la diffusion de livres et autres documents imprimés ainsi que la retransmission d'émissions de télévision et de radio, s'il y a lieu, concernant leur histoire et leur culture, en particulier dans les langues qu'ils parlent.


D. Mesures tendant à améliorer les conditions de vie

27. Adopter, ou la rendre plus efficace, une législation interdisant la discrimination dans l'emploi et toutes les pratiques discriminatoires sur le marché de l'emploi visant les membres des communautés roms, et les protéger contre de telles pratiques.

28. Prendre des mesures spéciales destinées à promouvoir l'emploi des Roms dans l'administration et les institutions publiques, ainsi que dans les entreprises privées.

29. Adopter et mettre en œuvre, dans la mesure du possible, aux échelons central et local, des mesures spéciales en faveur des Roms en matière d'emplois publics, notamment dans le cadre de la passation de contrats publics et d'autres activités entreprises par les pouvoirs publics ou financées par eux ou par la fourniture aux Roms d'une formation préparant à divers domaines et métiers.

30. Définir et mettre en œuvre des politiques et projets tendant à éviter la ségrégation des communautés roms en matière de logement; faire participer les communautés et associations roms en qualité de partenaires, à côté des autres parties intéressées, à la construction, la réfection et l'entretien de logements.

31. Intervenir avec fermeté contre toutes pratiques discriminatoires visant les Roms, principalement de la part des autorités locales et des propriétaires privés, en ce qui concerne l'acquisition du statut de résident et l'accès au logement; intervenir avec fermeté contre toutes dispositions locales refusant la résidence aux Roms ou aboutissant à leur expulsion illicite, et s'abstenir de reléguer les Roms à la périphérie des zones peuplées dans des lieux de campement isolés et dépourvus d'accès aux soins de santé et autres facilités.

32. Prendre les mesures nécessaires, s'il y a lieu, pour mettre à la disposition des groupes de Roms nomades et autres gens du voyage des emplacements équipés de toutes les facilités voulues pour leurs caravanes.

33. Assurer aux Roms l'égalité d'accès aux soins de santé et aux prestations sociales et éliminer toutes pratiques discriminatoires à leur égard dans ce domaine.

34. Formuler et exécuter des programmes et projets dans le domaine de la santé en faveur des Roms, principalement des femmes et des enfants, compte tenu de la situation défavorisée qui est la leur en raison tant de leur pauvreté extrême et de leur faible degré d'instruction que des différences culturelles; faire participer les associations et communautés roms ainsi que leurs représentants, en particulier les femmes, à la conception et à la mise en œuvre de programmes et projets en rapport avec la santé intéressant les groupes roms.

35. Prévenir, éliminer et sanctionner de manière adéquate toute pratique discriminatoire en matière d'accès des membres des communautés roms à tous les lieux et services à usage public, notamment les restaurants, hôtels, théâtres et cabarets, discothèques et autres.


E. Mesures dans le domaine des médias

36. Oeuvrer, s'il y a lieu, à purger les médias de toutes idées véhiculant la supériorité raciale ou ethnique, la haine raciale et l'incitation à la discrimination et à la violence à l'égard des Roms, conformément aux dispositions de la Convention.

37. Favoriser la prise de conscience par les professionnels de tous les médias de la responsabilité particulière leur incombant de ne pas propager les préjugés et d'éviter de dépeindre des incidents mettant en cause des individus appartenant à la communauté rom sous un jour tendant à en rejeter la responsabilité sur l'ensemble de cette communauté.

38. Monter des campagnes éducatives et médiatiques destinées à sensibiliser le public à la vie, la société et la culture des Roms ainsi qu'à l'importance d'édifier une société intégratrice mais respectueuse des droits fondamentaux et de l'identité des Roms.

39. Encourager et faciliter l'accès des Roms aux médias - journaux, émissions de télévision, émissions de radio - et la création de médias roms, ainsi que la formation de journalistes roms.

40. Encourager les médias à se doter d'un dispositif d'autosurveillance, par exemple un code de conduite à leur intention, tendant à proscrire l'emploi d'expressions à connotation raciale, discriminatoire ou péjorative.


F. Mesures concernant la participation à la vie publique

41. Prendre les mesures nécessaires, y compris des dispositions spéciales, pour assurer aux minorités ou groupes roms l'égalité de chances en matière de participation à l'ensemble des organes d'État à l'échelon central et local.

42. Mettre au point des modalités et structures de consultation avec les partis politiques, associations et représentants roms, aux échelons central et local, pour l'examen de questions et l'adoption de décisions relatives à des sujets intéressant les communautés roms.

43. Faire participer les communautés et associations roms et leurs représentants, et ce dès les premiers stades, à la définition et à la mise en œuvre des politiques et programmes les concernant et conférer à ces politiques et programmes suffisamment de transparence.

44. Promouvoir une prise de conscience accrue par les membres des communautés roms de la nécessité de participer plus activement à la vie publique et sociale et de promouvoir leurs intérêts propres, par exemple en veillant à l'éducation de leurs enfants et en suivant une formation professionnelle.

45. Organiser des programmes de formation à l'intention des fonctionnaires et représentants roms, ainsi que des candidats potentiels à ces types de responsabilités, en vue d'améliorer leurs compétences en matière de politique, de prise de décisions et d'administration publique.

Le Comité recommande également ce qui suit :

46. Les États parties devraient inclure dans leurs rapports périodiques, sous une forme appropriée, des données relatives aux communautés roms relevant de leur juridiction, en particulier des statistiques ventilées par sexe sur la participation des Roms à la vie politique et sur leur situation économique, sociale et culturelle ainsi que des informations sur la mise en œuvre de la présente recommandation générale.

47. Les organisations intergouvernementales devraient s'intéresser dans leurs projets de coopération et d'assistance aux divers États parties, s'il y a lieu, à la situation des communautés roms et favoriser leur progrès économique, social et culturel.

48. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme devrait se doter d'une structure spécialisée dans les questions relatives aux Roms.

Le Comité recommande en outre ce qui suit :

49. La Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée devrait accorder l'attention voulue aux recommandations ci-dessus, vu que les Roms comptent parmi les communautés les plus défavorisées et les plus exposées à la discrimination dans le monde contemporain.


* Figurant dans le document A/55/18, annexe V.



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