University of Minnesota



Paul Barbaro c. Australie, Communication No. 12/1998, U.N. Doc. CERD/C/57/D/12/1998 (2000).



Présentée par : Paul Barbaro

Au nom de : L'auteur

État partie intéressé : Australie

Date de la communication : 28 novembre 1998

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, créé en application de l'article 8 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Réuni le 8 août 2000,

Adopte le texte ci -après :


Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication est Paul Barbaro. Il se dit victime de discrimination raciale de la part des autorités australiennes au motif de son origine italienne.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1 Le 25 juin 1986, l'auteur a obtenu un emploi temporaire au casino d'Adelaïde, en Australie-Méridionale; il a d'abord travaillé comme employé de bar puis comme serveur. Le 16 avril 1987, le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool, qui assure le respect des principes moraux régissant l'administration du casino d'Adélaïde et veille à ce que les activités du casino fassent l'objet d'une surveillance constante, a retiré l'autorisation de travail temporaire délivrée à l'auteur et a refusé d'approuver son recrutement à un emploi permanent au casino. Une audition au cours de laquelle le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool a interrogé l'auteur sur un certain nombre de points et lui a expliqué ses préoccupations a eu lieu le 30 avril 1987.

2.2 En septembre 1993, plus de six ans plus tard, l'auteur a porté plainte devant la Commission australienne des droits de l'homme et de l'égalité des chances en faisant valoir que la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool était contraire aux articles 9 et 15 de la loi australienne contre la discrimination raciale de 1975. L'auteur affirmait, notamment, que le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool s'était opposé à ce qu'il obtienne un contrat permanent parce que l'auteur et sa famille étaient d'origine italienne (de la Calabre) et que certains membres de sa famille auraient été impliqués dans des activités criminelles, notamment dans le trafic de stupéfiants, dont il n'avait aucunement connaissance. M. Barbaro affirme que, dans la pratique, cette attitude limite les possibilités d'emploi des Italiens qui ne sont pas eux-mêmes des délinquants mais qui peuvent avoir des membres de leur famille qui le sont. À l'appui de cet argument, l'auteur se réfère aux lettres de soutien qu'il a reçues de M. Peter Duncan, membre du Parlement, qui a sérieusement contesté et dénoncé cette pratique considérée comme une forme de "culpabilité par association".

2.3 L'auteur mentionne des cas analogues dans lesquels l'origine ethnique des postulants à un emploi dans des casinos autorisés à vendre de l'alcool a été invoquée comme motif de la non-approbation de l'embauche. En particulier, il rappelle le cas de Carmine Alvaro, qui a fait l'objet d'une décision de la Cour suprême d'Australie-Méridionale en décembre 1986, auquel un emploi permanent avait été refusé en raison de l'implication de sa famille dans la production et la vente de stupéfiants. Dans cette affaire, le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool avait déclaré tenir de la police elle-même que, d'après des informations reçues par celle-ci, l'une des familles liées à la drogue dans la région cherchait à placer l'un de ses agents au casino.

2.4 La Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a transmis la plainte de l'auteur au Ministère de la justice d'Australie-Méridionale (South Australian Attorney-General's Department). Le Ministère de la justice a informé la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances que la "seule raison pour laquelle un emploi avait été refusé à l'auteur était la nécessité de sauvegarder l'intégrité du casino d'Adélaïde et la confiance du public dans cette institution". À cet égard, le Ministère se référait à un rapport du Commissaire de police qui indiquait ce qui suit :


2.5 Il y a certaines divergences entre les affirmations de l'auteur et celles du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool quant aux degrés de parenté de certains membres, notamment en ce qui concerne les liens de parenté résultant de mariages des frères et surs de l'auteur. Celui-ci a souligné qu'il avait conservé une certaine indépendance par rapport aux membres de sa famille et qu'il ne connaissait pas personnellement bon nombre des personnes mentionnées dans le rapport du Commissaire de police. Il insiste également sur le fait qu'il ne savait rien des délits liés à la drogue commis par des membres de sa famille.

2.6 Le 30 novembre 1994, le Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale de la Commission australienne des droits de l'homme et de l'égalité des chances a rejeté la plainte de l'auteur concernant son licenciement illégal, étant parvenu à la conclusion que c'étaient les relations supposées ou réelles de l'auteur avec des personnes ayant un dossier pénal, et non pas son origine italienne, qui avaient motivé la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool. Le Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale a déclaré que "le fait que l'auteur et des membres de sa famille soient d'origine ou d'ascendance italienne n'a aucun rapport" avec la décision prise dans cette affaire.

2.7 Le 7 décembre 1994, l'auteur a fait appel de la décision du Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale et demandé un réexamen de cette décision. Par une décision du 21 mars 1995, le Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a confirmé la décision du Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale, estimant que rien ne prouvait que l'origine ethnique de l'auteur avait été un facteur pris en considération dans la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool.

Teneur de la plainte

3. Bien que l'auteur n'invoque aucune disposition de la Convention, il ressort de sa communication qu'il allègue une violation de l'article 1, paragraphe 1, et de l'article 5, alinéas a) et d) i) de la Convention par l'État partie.

Conclusions de l'État partie sur la recevabilité de la communication et observations de l'auteur

4.1 Dans ses conclusions de mars 1996, l'État partie conteste la recevabilité de la communication pour plusieurs motifs. Il commence par compléter les faits présentés par l'auteur. En particulier, l'État partie note que l'auteur, lorsqu'il a obtenu un emploi temporaire en 1986, a donné au Commissaire de police d'Australie-Méridionale l'autorisation écrite de transmettre au Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool des renseignements sur toutes condamnations, ainsi que toutes informations que les services de police pourraient détenir à son sujet. Le 25 juin 1986, M. Barbaro a reconnu par écrit que l'autorisation d'emploi à titre temporaire était subordonnée aux résultats de toutes les enquêtes ouvertes à la suite de sa demande d'agrément en qualité d'employé du casino, qui devaient être jugées satisfaisantes par le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool, et que l'agrément temporaire pouvait être retiré à tout moment.

4.2 Le 30 avril 1987, l'auteur, accompagné de son avocat et de deux témoins de moralité, a participé à une audition devant le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool, audition au cours de laquelle le Commissaire a expliqué ses préoccupations au sujet de relations de l'auteur avec un groupe criminel organisé. L'auteur a eu la possibilité de présenter ses observations sur les faits que le Commissaire de police avait portés à la connaissance du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool.

4.3 En ce qui concerne la plainte adressée par l'auteur à la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, l'État partie note qu'après le rejet de la plainte de M. Barbaro par le Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale, l'auteur a fait appel de la décision afin qu'elle soit réexaminée conformément à l'article 24AA 9 1) de la loi australienne contre la discrimination raciale. Le Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, Sir Ronald Wilson, ancien juge à la Cour suprême, a confirmé la décision conformément à l'article 24AA 2 b) i) de la loi estimant qu'il n'y avait aucune preuve établissant que l'origine ethnique de l'auteur constituait un motif de la discrimination alléguée.

4.4 L'État partie affirme que la plainte est irrecevable parce que incompatible avec les dispositions de la Convention en vertu de l'article 91 c) du règlement intérieur du Comité, attendu que le Comité n'aurait pas compétence pour connaître de cette communication. À cet égard, l'État partie affirme que la législation australienne et la loi contre la discrimination raciale sont conformes aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La loi contre la discrimination raciale a été promulguée par le Gouvernement fédéral et applique les articles 2 et 5 de la Convention en déclarant la discrimination raciale illégale et en garantissant l'égalité devant la loi (art. 9 et 10). Le libellé de l'article 9 suit de près le libellé de la définition de la discrimination raciale figurant à l'article premier de la Convention. L'article 15 de la loi contre la discrimination raciale applique à l'emploi les dispositions de l'article 5 de la Convention. Au demeurant, la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances est une autorité nationale instituée en 1986 pour connaître de toute allégation d'infraction à la loi contre la discrimination raciale et pour enquêter à ce sujet. Les membres de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances sont membres de droit de la Commission et jouissent à ce titre d'un haut degré d'indépendance. La Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a ouvert une enquête approfondie à la suite de la plainte de l'auteur et n'a trouvé aucune preuve de discrimination raciale.

4.5 Compte tenu de ce qui précède, l'État partie estime qu'il serait inopportun que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine la décision de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances. Tout en reconnaissant que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a compétence pour dire si la décision de la Commission était arbitraire, équivalait à un déni de justice ou violait l'obligation d'impartialité et d'indépendance à laquelle est soumise la Commission, l'État partie affirme que l'auteur de la plainte n'a pas présenté de preuve à cet égard. Au contraire, les faits mentionnés dans la transcription de l'audition qui a eu lieu devant le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool, ainsi que la correspondance avec la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, montrent que la plainte de l'auteur a été examinée conformément aux dispositions aussi bien de la loi contre la discrimination raciale que de la Convention.

4.6 L'État partie affirme en outre que la plainte est irrecevable faute d'éléments corroborants, et fait observer que l'auteur n'a pas fourni de preuve établissant que le traitement dont il a fait l'objet constituait une "distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice des droits de l'homme dans des conditions d'égalité..." (par. 1 de l'article premier de la Convention). Il n'y aurait aucune preuve indiquant que l'origine ethnique ou nationale de l'auteur ait été un facteur entrant en ligne de compte dans la décision prise par le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool en refusant à l'auteur un engagement à titre permanent; le Commissaire a plutôt cherché à s'acquitter de l'obligation qui lui incombe de veiller à ce que le fonctionnement du casino soit soumis à une surveillance constante et de garantir la confiance du public dans le fonctionnement et la gestion légitimes du casino.

4.7 Enfin, l'État partie fait valoir que l'auteur n'a pas épuisé tous les recours internes disponibles, comme il est prescrit au paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention, et qu'il avait accès à deux voies de recours efficaces dont il aurait dû se prévaloir à l'appui de ses allégations de licenciement arbitraire. Premièrement, il était loisible à l'auteur de contester la décision du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances devant la Cour fédérale d'Australie, conformément à la loi de 1977 sur l'examen judiciaire des décisions administratives. L'État partie souligne que la décision du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances pouvait être réexaminée au titre de la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives : les motifs d'examen sont énumérés à l'article 5 de la loi - au nombre de ces motifs figurent l'absence de preuves ou d'autres éléments justifiant l'adoption de la décision, et le fait que l'adoption de la décision constitue un abus de pouvoir. L'État partie fait valoir que ce mécanisme d'examen est à la fois disponible et efficace au regard des conditions de recevabilité des communications présentées au Comité : c'est ainsi qu'à la suite d'une requête présentée conformément à la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives, la Cour peut annuler la décision incriminée, la renvoyer à la première instance pour nouvel examen sous réserve des orientations formulées, ou énoncer les droits des parties.

4.8 D'après l'État partie, l'auteur pouvait également contester la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool devant la Cour suprême d'Australie-Méridionale, en demandant une révision judiciaire conformément à l'article 98.01 du règlement intérieur de la Cour suprême d'Australie-Méridionale. Aux termes de l'article 98.01, la Cour suprême peut prendre une décision de révision sous forme d'ordonnance de certiorari ou de mandamus. Aux termes de l'article 98.09, la Cour suprême peut accorder des dommages-intérêts en ordonnant une révision judiciaire. Il est souligné qu'une demande de révision judiciaire sur la base de l'article 98 était un recours disponible en l'espèce.

4.9 L'État partie admet que l'auteur n'était pas tenu d'épuiser des recours internes qui sont inefficaces ou n'ont objectivement aucune chance d'aboutir. Il rappelle à cet égard la décision rendue le 23 décembre 1986 par la Cour suprême d'Australie-Méridionale siégeant en réunion plénière dans l'affaire R. c. Seckler pour Alvaro ("affaire Alvaro"). Les circonstances matérielles de cette affaire étaient très semblables à celles de l'espèce. La partie mise en cause était le Commissaire d'Australie-Méridionale chargé de délivrer les permis de vente d'alcool, la même personne qu'en l'espèce, et l'enjeu du litige était le refus de la partie mise en cause d'approuver l'embauche du requérant. La Cour suprême d'Australie-Méridionale a estimé, à la majorité, que le requérant n'avait pas droit à réparation. De l'avis de l'État partie, le précédent judiciaire constitué par la décision rendue dans l'affaire Alvaro n'exonérait pas l'auteur de l'obligation d'épuiser le recours disponible sous forme d'examen judiciaire; l'État partie ajoute que, "contrairement à ce que soutient une doctrine juridique établie, un jugement rendu à la majorité simple dans un domaine relativement nouveau du droit ne répond pas au critère de flagrante futilité qui doit être rempli pour justifier le non-épuisement d'un recours disponible".

4.10 Toujours dans le même contexte, l'État partie rejette comme une interprétation trop vague l'argument selon lequel l'épuisement des recours internes ne saurait être exigé lorsqu'il paraît probable que l'issue des recours disponibles ne serait pas favorable. C'est pourquoi la révision judiciaire au titre de l'article 98 du règlement intérieur de la Cour suprême est qualifiée de recours à la fois disponible et efficace, dont l'auteur a omis de se prévaloir. L'État partie note que l'auteur n'a pas présenté sa requête dans le délai de six mois à compter du moment où les motifs de révision ont pris pour la première fois naissance (7 novembre 1987), comme l'exige l'article 98.06 du règlement intérieur de la Cour suprême. En conséquence, tout en constatant que ce recours ne peut être formé aujourd'hui, les délais prescrits par la loi étant dépassés, l'État partie note que si le recours n'a pas été présenté dans les délais voulus, cette défaillance est imputable à l'auteur. Il est fait à cet égard référence à la jurisprudence du Comité des droits de l'homme.

5.1 Dans ses observations datées du 28 avril 1996, l'auteur récuse les arguments de l'État partie et les rejette comme sans objet en l'espèce. Il conteste la crédibilité des arguments de l'État partie en s'appuyant sur les lettres de soutien qu'il a reçues d'un membre du Parlement, M. Peter Duncan.

5.2 De l'avis de l'auteur, le Comité a compétence pour examiner sa plainte quant au fond. Il affirme que la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances n'a pas examiné sa plainte avec l'impartialité requise. Dans ce contexte, il note, sans donner d'autres explications, que la loi contre la discrimination raciale autorise les requérants à assister à une audience en un lieu désigné à cet effet pour présenter des arguments à l'appui de leur plainte, et qu'il n'en a pas été ainsi dans son cas. C'est ce qui a conduit, selon lui, la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances à prendre une décision qui n'était pas étayée par une information suffisante et n'était pas compatible avec les dispositions de la Convention.

5.3 L'auteur note que le Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, Sir Ronald Wilson, qui a rejeté sa plainte le 21 mars 1995, était juge à la Cour suprême d'Australie-Méridionale quand a été rendue, en décembre 1986, la décision sur l'affaire Alvaro. Il affirme maintenant qu'il y avait un conflit d'intérêts de la part du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, qui s'était prononcé sur la validité d'une requête dans une affaire pratiquement comparable présentée à la Cour suprême d'Australie-Méridionale avant de statuer sur la plainte de l'auteur. Celui-ci estime donc que la décision de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances était entachée de partialité et d'arbitraire, et que le Comité a compétence pour examiner la plainte.

5.4 L'auteur réaffirme qu'il y a des preuves suffisantes pour montrer que sa plainte relève a priori du paragraphe 1 de l'article premier de la Convention. Il fait valoir que "conformément aux pratiques normales du racisme institutionnalisé il n'a pas été donné de raisons claires et précises [pour justifier le licenciement] et rien n'obligeait à le faire". L'auteur affirme en outre qu'on voit mal comment les actes commis à son égard par des agents de l'État ne constituent pas une "distinction" au sens de la Convention, étant donné les termes employés par le Commissaire de police dans son rapport de 1987 au Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool, où il était expressément dit que l'auteur était "membre d'un large groupe familial ... Tous sont d'extraction italienne". De ce raisonnement, affirme l'auteur, il ressort clairement que les personnes ayant les mêmes antécédents que lui sont empêchées de jouir de leurs droits, ou de les exercer, dans des conditions d'égalité par rapport aux autres membres de la collectivité. Il se réfère également à un jugement rendu dans l'affaire Mandala and Anor c. Dowell Lee ((1983) All ER 1062) où il était dit que des déclarations flagrantes et manifestement discriminatoires ne sont généralement pas nécessaires dans les enquêtes sur les cas de discrimination raciale, étant donné que les preuves directes de préjugé racial sont souvent déguisées.

5.5 Quant à l'obligation d'épuiser les recours internes, l'auteur note que la décision rendue le 21 mars 1995 par le Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, qui lui a été transmise le 24 mars 1995, omettait de mentionner les possibilités de recours ultérieurs. Il fait observer que la loi contre la discrimination raciale ne dit rien de la possibilité d'un examen judiciaire des décisions du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances par la Cour fédérale d'Australie.

5.6 Enfin, l'auteur affirme que la possibilité d'obtenir un examen judiciaire, en vertu du règlement intérieur de la Cour suprême d'Australie-Méridionale, de la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool lui refusant un emploi permanent n'est pas réellement disponible dans son cas. Il estime que le jugement rendu par la Cour suprême d'Australie-Méridionale dans l'affaire Alvaro constitue un précédent pertinent pour l'examen de sa plainte, d'autant plus que l'État partie lui-même reconnaît que l'affaire Alvaro présentait de nombreuses analogies avec la sienne. Si l'on prend en outre en considération le fait que le Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances qui a rejeté l'appel de l'auteur avait auparavant participé à l'examen de l'affaire Alvaro, note encore l'auteur, les chances de pouvoir contester avec succès sa décision devant la Cour suprême étaient minces.

6.1 Dans de nouvelles conclusions, datées du 22 juillet 1996, l'État partie rejette à son tour, comme partiales ou inexactes, plusieurs des observations de l'auteur. Il note que l'auteur a fait preuve de partialité dans le choix des citations tirées du rapport du Commissaire de police et que les citations complètes montrent que la décision prise par le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool concernant l'aptitude de M. Barbaro à occuper un emploi au casino avait pour motif principal l'association de l'auteur avec 18 membres de sa famille condamnés pour des délits graves liés à la drogue. La question de l'appartenance ethnique n'a été soulevée par le Commissaire de police que comme un facteur s'ajoutant à d'autres tels que les liens familiaux et le type de délit; l'ascendance ethnique de l'auteur n'entrait en considération que dans la mesure où elle contribuait à établir l'existence de ce faisceau d'associations.

6.2 L'État partie admet que dans la pratique suivie en Australie en matière d'emploi, les relations des demandeurs d'emploi ne sont généralement pas considérées comme un facteur pertinent pour déterminer l'aptitude à l'emploi. En l'occurrence, ce facteur était pertinent parce que le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool n'est pas un employeur mais un fonctionnaire public. Son rôle, défini par la loi, consiste à assurer la surveillance constante des opérations du casino, rôle reconnu par la Cour suprême dans l'affaire Alvaro. Bref, le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool était chargé de veiller à l'intégrité interne et externe du casino. Cependant, de même qu'un employeur, il était soumis aux dispositions de la loi contre la discrimination raciale de 1975; dans le cas présent, l'État partie réaffirme que le fait qu'il y ait eu dans la famille élargie de l'auteur des personnes ayant commis des infractions à la législation sur les stupéfiants était une justification fondée de la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool.

6.3 L'État partie accepte en principe l'argument de l'auteur selon lequel il n'est pas nécessaire d'établir, dans les cas de distinctions fondées sur la race, qu'il y a eu des manifestations évidentes et flagrantes de discrimination raciale. Il note à cet égard que l'interdiction des actes indirectement discriminatoires ou involontairement discriminatoires est un principe établi du droit australien. Cependant, l'État partie souligne une fois encore que les décisions prises dans le cas de M. Barbaro reposaient sur des motifs autres que la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique.

6.4 L'État partie note que les observations de l'auteur soulèvent de nouvelles allégations quant à l'impartialité des procédures suivies devant la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances. L'auteur affirme, en particulier, qu'un examen équitable de sa cause lui a été refusé étant donné qu'il n'aurait pas eu la possibilité de participer à une audition pour présenter sa plainte. L'État partie fait valoir que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes à cet égard et que l'auteur aurait pu présenter une demande d'examen judiciaire de cette allégation dans le cadre de la loi sur la révision judiciaire des décisions administratives. En tout état de cause, poursuit l'État partie, l'impartialité de la procédure ne dépendait pas de la présence personnelle de M. Barbaro lors de la présentation de sa plainte. En ce qui concerne la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, les motifs justifiant le rejet de la plainte avant conciliation sont énoncés au paragraphe 2 de l'article 24 de la loi contre la discrimination raciale. Il s'agit des motifs suivants :


En l'espèce, le Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a rejeté la plainte en se fondant sur le paragraphe 2, alinéa d), de l'article 24 de la loi contre la discrimination raciale.

6.5 L'État partie rejette comme dénué de tout fondement l'argument de l'auteur selon lequel la décision de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances était partiale en raison d'un prétendu conflit d'intérêts concernant le Président de la Commission. L'État partie souligne la longue carrière de juriste du Président et ajoute qu'il est tout à fait normal qu'une personne possédant un tel profil et une telle expérience soit à différentes périodes appelée à examiner des questions entre lesquelles il peut y avoir un rapport en droit ou en fait. L'État partie souligne que le fait de s'être précédemment occupé d'une affaire analogue (en fait ou en droit) n'entraîne pas un conflit d'intérêts. Il faudrait des preuves supplémentaires de la prétendue partialité, preuves que l'auteur a manifestement omis de fournir.

6.6 Quant à l'argument de M. Barbaro qui affirme ne pas avoir été informé des recours internes disponibles après la décision de la Commission du 21 mars 1995, l'État partie note que ni la Convention ni la loi australienne de 1975 contre la discrimination raciale n'imposent l'obligation d'indiquer à un plaignant tous les mécanismes d'appel disponibles.

6.7 Enfin, en ce qui concerne les lettres de soutien qu'un membre du Parlement, M. Peter Duncan, ancien secrétaire parlementaire à la justice (parliamentary secretary to the Attorney-General), a adressées en faveur de l'auteur à la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, l'État partie rappelle qu'il arrive souvent que des membres du Parlement fédéral écrivent à la Commission en faveur de membres de leurs circonscriptions pour défendre les droits de leurs électeurs, ce qui est leur rôle de représentants démocratiquement élus. L'État partie affirme qu'il y a une distinction à établir entre ce rôle, d'une part, et la fonction d'enquête d'un organe indépendant comme la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances et le rôle de direction du Secrétaire parlementaire à la justice, d'autre part. Dans le cas présent, il est clair que le membre du Parlement est intervenu en faveur de l'auteur dans son rôle de représentation. Plus important encore, ces lettres avaient pour objet de demander que la plainte de l'auteur fasse l'objet d'une enquête approfondie de la part de la Commission. Une fois qu'une décision a été prise dans cette affaire, M. Duncan n'a plus écrit de lettres à ce sujet.

7. À sa quarante-neuvième session, en août 1996, le Comité a examiné la communication mais est parvenu à la conclusion qu'il avait besoin d'informations complémentaires de l'État partie avant de pouvoir se prononcer en pleine connaissance de cause sur la recevabilité. En conséquence, l'État partie a été prié de donner des éclaircissements sur les points suivants :


8.1 Dans sa réponse, l'État partie fait valoir que M. Barbaro aurait eu la possibilité de faire appel devant la Cour fédérale d'Australie puis devant la Haute Cour d'Australie au cas où une plainte présentée en vertu de la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives aurait été rejetée. Aux termes de l'article 8, la Cour fédérale d'Australie a compétence pour examiner les requêtes présentées en application de la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives; les requêtes peuvent porter sur les décisions auxquelles la loi s'applique, et les décisions du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances entrent dans le cadre de la définition des "décisions auxquelles la loi s'applique" (art. 3 1)). L'auteur était donc admis à demander un examen judiciaire de la décision du Président devant un juge unique de la Cour fédérale d'Australie pour l'un quelconque des motifs pertinents énoncés à l'article 5 de la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives, et ce dans un délai de 28 jours à compter de la décision du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances. Au cas où une requête présentée devant un juge unique de la Cour fédérale n'aurait pas abouti, l'auteur aurait pu demander l'autorisation de faire appel devant la Cour fédérale siégeant en réunion plénière.

8.2 Si sa requête présentée à la Cour fédérale d'Australie en réunion plénière avait été rejetée, l'auteur aurait encore eu la possibilité de demander l'autorisation spéciale de se pourvoir devant la Haute Cour d'Australie au titre de l'ordonnance 69A du règlement intérieur de la Cour; les critères à remplir pour obtenir l'autorisation spéciale de faire appel sont énoncés à l'article 35A de la loi de 1903 sur l'organisation judiciaire. Lorsque l'autorisation spéciale de faire appel est accordée, le pourvoi en appel doit être présenté dans les trois semaines qui suivent la décision d'accorder cette autorisation.

8.3 L'État partie note en outre que l'auteur aurait pu faire appel devant la Cour suprême d'Australie-Méridionale siégeant en réunion plénière puis devant la Haute Cour d'Australie si une plainte présentée au titre de l'article 98.01 du règlement intérieur de la Cour suprême d'Australie-Méridionale avait été rejetée par un juge unique (art. 50 de la loi de 1935 relative à la Cour suprême d'Australie-Méridionale). M. Barbaro aurait dû présenter un appel dans les 14 jours suivant la décision du juge unique. Au cas où un appel formé devant la Cour d'Australie-Méridionale siégeant en réunion plénière aurait été rejeté, M. Barbaro aurait pu solliciter de la Haute Cour d'Australie l'autorisation spéciale de faire appel de la décision de la réunion plénière de la Cour suprême d'Australie-Méridionale en invoquant l'article 35 de la loi fédérale de 1903 sur l'organisation judiciaire.

8.4 L'État partie réaffirme que la Convention n'impose pas d'obligation d'indiquer à un requérant tous les mécanismes d'appel disponibles. Il n'existe, ni en droit fédéral ni dans la législation de l'Australie-Méridionale, d'obligation légale de fournir aux particuliers des informations sur les voies de recours possibles; ni le Gouvernement fédéral ni le Gouvernement de l'Australie-Méridionale n'ont pour habitude d'informer les particuliers des voies d'appel qui leur sont offertes. Cependant, quelques dispositions imposent l'obligation d'informer les particuliers de leurs droits d'appel : il en est ainsi de la loi fédérale de 1975 contre la discrimination raciale, qui prévoit que lorsque le Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale décide de ne pas ouvrir d'enquête sur un acte contesté, il doit informer le plaignant de la décision et de ses motifs, ainsi que de son droit de demander que la décision soit examinée par le Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances (art. 24 3)). Dans l'affaire Barbaro, il a été satisfait à cette obligation. Au demeurant, dans la pratique de la Commission, lorsqu'un requérant a manifesté son intention de contester une décision du Président de la Commission, celle-ci l'informe des autres voies de recours possibles. Rien n'indique que la Commission se soit écartée de cette pratique dans le cas de l'auteur.

8.5 L'État partie note que M. Barbaro ne semble pas avoir demandé l'avis de juristes sur les voies d'appel et de recours qu'il avait à sa disposition; il ajoute que chacun sait qu'il existe en Australie, y compris en Australie-Méridionale, un système d'aide judiciaire financé par des fonds publics, ainsi qu'un réseau national de centres communautaires d'assistance juridique (Community Legal Centres). Aussi bien les services d'aide judiciaire que les centres communautaires d'assistance juridique auraient donné à l'auteur, à titre gracieux, des avis juridiques sur les mécanismes d'appel disponibles pour les personnes dans sa situation. Si M. Barbaro n'a pas cherché à bénéficier de ces avis juridiques gratuits, cette carence ne saurait être imputée à l'État partie; à cet égard, il est fait référence à la jurisprudence du Comité, selon laquelle il appartient à l'auteur lui-même d'épuiser les recours internes (1).

9.1 Dans ses observations, l'auteur admet que le Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale l'a informé de son droit de faire appel de la décision aux termes de l'article 24AA 1) de la loi contre la discrimination raciale. Cependant, il fait valoir que le Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances ne l'a pas informé de la possibilité de faire appel de la décision qui lui a été communiquée le 24 mars 1995; il affirme que le Président de la Commission, ancien juge à la Haute Cour, aurait dû le mettre au courant des voies de recours possibles. M. Barbaro ajoute que, n'étant qu'un profane, il ne pouvait être au courant de l'existence d'autres voies de recours possibles contre la décision du Président de la Commission.

9.2 L'auteur réaffirme qu'une demande adressée à la Cour suprême d'Australie-Méridionale conformément à l'article 98.01 du règlement de la Cour aurait été inutile, étant donné le jugement rendu précédemment par la Cour suprême dans l'affaire Alvaro.

9.3 Enfin, en ce qui concerne la référence de l'État partie à la possibilité de demander un avis juridique à des centres communautaires d'assistance juridique (Community Legal Centres), M. Barbaro fait valoir que "cette assistance n'est fournie que dans des situations extrêmes et ... seulement s'il s'agit d'un délit pouvant donner lieu à l'ouverture de poursuites pénales".

Décision du Comité concernant la recevabilité, adoptée le 14 août 1997

10.1 Avant d'examiner les faits évoqués dans une communication, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale doit, conformément au paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention, décider si la communication est ou non recevable.

10.2 Le Comité a examiné la question de la recevabilité de la présente communication à sa cinquante et unième session, en août 1997. Il a pris note de l'argument de l'État partie selon lequel la plainte de l'auteur était irrecevable attendu que l'auteur n'avait pas démontré que la décision prise en mai 1987 par le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool présentait les caractéristiques d'une discrimination raciale. Le Comité a noté cependant que l'auteur avait formulé des allégations précises, dans la mesure notamment où il y était fait mention de passages du rapport du Commissaire de police d'Australie-Méridionale communiqué au Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool, pour appuyer son affirmation selon laquelle son ascendance nationale et/ou ethnique aurait influencé la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis. Le Comité a ainsi conclu que l'auteur avait apporté des preuves suffisantes, aux fins de la recevabilité, pour corroborer ses griefs relevant des paragraphes a) et e) i) de l'article 5 lus conjointement avec le paragraphe 1 de l'article premier de la Convention.

10.3 Le Comité a également pris note de l'affirmation de l'État partie selon laquelle l'auteur n'avait pas épuisé les recours internes à la fois disponibles et efficaces qui s'offraient à lui, vu qu'il aurait pu contester la décision du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances en vertu de la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives et la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool en application de l'article 98.01 du règlement intérieur de la Cour suprême d'Australie-Méridionale. L'auteur a répondu qu'il n'avait pas été informé de l'existence de ces recours disponibles, et qu'il eût été futile de faire appel devant la Cour suprême d'Australie-Méridionale étant donné le précédent établi par le jugement rendu dans l'affaire Alvaro.

10.4 Le Comité a estimé qu'il incombait au conseil de l'auteur de l'informer des voies d'appel possibles. Le fait que les autorités judiciaires d'Australie-Méridionale n'aient pas informé l'auteur des voies de recours possibles ne le dispensait pas de chercher à se prévaloir des voies de recours judiciaire à sa disposition; et l'impossibilité de le faire à l'époque où le Comité adoptait sa décision, soit après l'expiration des délais légaux d'appel, n'était pas davantage imputable à l'État partie. Le Comité a été aussi d'avis que le jugement rendu par la Cour suprême d'Australie-Méridionale dans l'affaire Alvaro n'avait pas nécessairement d'incidence négative sur la présente affaire. Tout d'abord, le jugement rendu dans l'affaire Alvaro n'était pas un jugement unanime, mais un jugement rendu à la majorité. Deuxièmement, le jugement concernait des questions juridiques qui constituaient, comme l'avait noté l'État partie, un terrain en grande partie inexploré. Dans ces conditions, l'existence d'un jugement, fût-ce un jugement sur des questions analogues à celles qui se posaient en l'espèce, ne dispensait pas M. Barbaro de chercher à se prévaloir du recours prévu à l'article 98.01 du règlement intérieur de la Cour suprême. Enfin, même si ce recours avait été rejeté, l'auteur avait la possibilité de faire appel devant les instances de la Cour fédérale.

11. En l'occurrence, le Comité a conclu que l'auteur n'avait pas satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention, et a conclu que la communication était irrecevable (2).

Nouvelles observations de l'auteur

12.1 Dans une communication datée du 28 novembre 1998, l'auteur informe le Comité que, à la suite des conclusions que celui-ci a adoptées en août 1997, il a entrepris de contester devant la Cour fédérale la décision du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances datée du 21 mars 1995. Il affirme que le recours à la Cour fédérale était la seule procédure disponible. La Cour suprême ne pouvait être saisie pour deux raisons : du fait du précédent établi par l'affaire Alvaro, d'une part, et parce qu'elle n'est pas compétente pour connaître de plaintes pour discrimination raciale, d'autre part.

12.2 Le juge O'Loughlin de la Cour fédérale a entendu la plainte le 14 mai 1998 et rendu sa décision le 29 mai 1998. Il a estimé que, en admettant qu'il ait excusé le retard avec lequel la plainte avait été présentée, on ne pouvait raisonnablement penser qu'elle aboutirait du fait, entre autres, que la discrimination raciale ne pouvait être établie en dépit de tous les éléments dont il disposait. Cette décision a été confirmée en appel par la Cour fédérale siégeant en réunion plénière le 19 juin 1998.

12.3 L'auteur dit que l'étape suivante consisterait à contester la décision rendue par la Cour en réunion plénière. Pour ce faire, il doit préalablement obtenir l'autorisation spéciale de faire appel devant la Haute Cour. Toutefois, les affaires dont peut connaître la Haute Cour répondent à des critères rigoureux. Il faut, par exemple, établir qu'il y a eu erreur de droit. Les erreurs de fait, dont son affaire paraît relever, ne permettent pas d'obtenir l'autorisation spéciale. Étant donné que quatre juges de la Cour fédérale sont parvenus à la même conclusion, il serait vain d'aller plus loin. Dans la communication qu'il a adressée au Comité, l'État partie lui-même a admis qu'il n'y avait pas d'obligation d'épuiser des recours internes qui sont inefficaces ou n'ont objectivement aucune chance d'aboutir.

Observations de l'État partie

13.1 Dans une communication datée d'août 1999, l'État partie conteste l'affirmation de l'auteur selon laquelle il aurait épuisé les recours internes. L'État partie maintient que si l'auteur n'a pas eu gain de cause devant la Cour fédérale siégeant en réunion plénière, il a encore la possibilité de demander l'autorisation spéciale de se pourvoir devant la Haute Cour au titre de l'ordonnance 69A du règlement intérieur de l'instance. L'autorisation spéciale de faire appel devant la Haute Cour est un recours à la fois disponible et utile au sens du paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention et des principes généraux du droit international. Rien ne s'opposait ni ne s'oppose à ce jour à ce que l'auteur exerce cette voie de recours. Certes, le délai prescrit pour présenter la demande d'autorisation spéciale de former recours a expiré, mais l'auteur a toujours la possibilité de demander le report de la date limite.

13.2 L'État partie affirme que le fait qu'une personne ait été déboutée de précédents appels et craigne de ne pas obtenir gain de cause devant une juridiction supérieure à moins qu'il existe un précédent récent, pertinent et déterminant sur la question ne la dispense pas d'épuiser tous les recours internes. Il rappelle la décision du Comité dans l'affaire D.S. c. Suède (communication No 9/1997), où il est dit que l'auteur considérait qu'il n'existait aucune possibilité "réelle" d'obtenir réparation par l'intermédiaire de l'ombudsman ou devant un tribunal de district parce qu'elle avait eu une mauvaise expérience concernant une action qu'elle avait précédemment intentée. Le Comité a néanmoins conclu que, "quelles que soient les réserves de l'auteur ... il lui appartenait d'exercer les recours disponibles, y compris en déposant une plainte auprès d'un tribunal de district. De simples doutes quant à l'efficacité de tels recours ou le sentiment que leur utilisation pourrait entraîner des frais ne sauraient dispenser un plaignant de s'en prévaloir".

13.3 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur selon laquelle le recours consistant à demander l'examen judiciaire de la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool n'est pas disponible, l'État partie renvoie le Comité à sa décision antérieure concernant la recevabilité de la communication, dans laquelle il a estimé que l'auteur n'avait pas épuisé les recours internes du fait qu'il n'avait pas demandé l'examen de la décision du Commissaire en application de l'article 98.01 du règlement intérieur de la Cour suprême d'Australie-Méridionale (3). L'État partie estime que, sur ce point, l'auteur met en doute le bien-fondé de la décision du Comité et cherche à rouvrir les débats en invoquant de nouveaux arguments pour justifier le fait qu'il serait dispensé de demander la révision judiciaire devant la Cour suprême.

13.4 L'État partie est d'avis que le fait de présenter des observations répétées concernant un point sur lequel le Comité s'est déjà prononcé peut être considéré comme un abus du droit de présenter une communication au sens de l'article 91 d) du règlement intérieur de l'instance. Partant d'un point de vue opposé à celui de l'auteur, l'État partie conteste l'affirmation de ce dernier et maintient qu'il pouvait engager devant la Cour suprême une action contre la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool et n'a ainsi pas épuisé les recours internes. Il y avait deux façons de demander une révision judiciaire devant la Cour suprême d'Australie-Méridionale. Premièrement, l'auteur aurait pu exercer un recours au titre de l'article 98 du règlement intérieur de la Cour suprême et demander que la décision du Commissaire soit cassée pour erreur de droit (certiorari), ou annulée. L'autre possibilité consistait à demander l'invalidation de la décision en s'appuyant sur des motifs autres que ceux prévus à l'article 98. Actuellement, l'auteur peut encore présenter une demande en vertu de l'article 98, avec toutefois l'autorisation de la Cour. L'autre possibilité consistant à solliciter l'invalidation de la décision sans invoquer les dispositions de l'article 98 est encore ouverte et l'autorisation de la Cour n'est pas requise aux fins de cette procédure. Si l'auteur avait été débouté de son pourvoi formé en vertu de l'article 98, il aurait pu faire appel devant la Cour suprême siégeant en réunion plénière dans un délai de 14 jours. Il aurait pu également demander à la Haute Cour d'Australie l'autorisation spéciale de se pourvoir contre la décision de la Cour suprême en réunion plénière.

13.5 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur selon laquelle la Cour suprême n'a pas compétence pour connaître des affaires de discrimination raciale, l'État partie assure que le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool ne peut légalement exercer son pouvoir discrétionnaire pour refuser d'approuver un emploi en se fondant sur des considérations liées à la race. Les tribunaux casseraient une telle décision ou l'annuleraient. Ainsi, l'examen judiciaire de la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool constitue un recours utile au sens du paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention. S'agissant du précédent établi par l'affaire Alvaro, l'État partie indique que, en l'espèce, la Cour n'avait pas conclu que la décision du Commissaire visant à refuser l'agrément d'un emploi pouvait échapper à la révision judiciaire si elle était fondée sur des considérations discriminatoires au motif de la race. Le requérant s'était plaint de n'avoir pas pu faire entendre équitablement sa cause avant le refus d'agrément et la Cour avait simplement fait valoir qu'une audition préalable de l'intéressé n'était pas obligatoire en cas de refus d'agrément par le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool. La discrimination raciale n'était pas invoquée dans cette affaire. En outre, la Cour avait indiqué que le Commissaire manquerait à ses devoirs de fonction s'il refusait d'approuver une embauche en s'appuyant sur des considérations abusives.

13.6 Outre qu'il considère que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes, l'État partie est d'avis que la communication devrait être déclarée irrecevable au titre de l'article 91 c) du règlement intérieur du Comité au motif qu'elle est incompatible avec les dispositions de la Convention. En effet, selon l'État partie, l'auteur demande en réalité au Comité de réexaminer la décision de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, laquelle avait conclu que rien ne prouvait une discrimination raciale, ce qui reviendrait à mettre en question l'exercice légitime du pouvoir discrétionnaire dont jouit ladite Commission pour classer la plainte. L'État partie comprend que le Comité soit soucieux de déterminer si la législation ou les procédures soulèvent des questions qui concernent des droits prévus par la Convention ou sont susceptibles d'en entraver l'exercice. Le Comité devrait toutefois se garder d'aller contre la décision d'un organisme national indépendant habilité à connaître de plaintes pour discrimination raciale, qui a apprécié les éléments de preuve et statué conformément à une législation interne dont les dispositions visent à appliquer la Convention. L'État partie mentionne à ce propos les décisions du Comité des droits de l'homme dans lesquelles celui-ci a indiqué, entre autres, qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier les éléments de preuve dans une affaire à moins qu'il puisse être établi que la décision du tribunal était arbitraire ou représentait un déni de justice, ou que le juge avait violé d'une quelconque autre façon son obligation d'indépendance et d'impartialité. En l'espèce, si l'auteur s'était plaint que la décision de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances était marquée par l'arbitraire ou équivalait à un déni de justice, ou encore était contraire à l'obligation d'indépendance et d'impartialité de l'instance, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale avait compétence pour examiner l'affaire. L'auteur n'a toutefois rien invoqué de tel et n'a présenté aucun élément qui permettrait de conclure dans ce sens.

Observations de l'auteur

14.1 Dans des observations datées du 25 octobre 1999, l'auteur récuse les arguments de l'État partie. En ce qui concerne la question de l'autorisation spéciale de faire appel de la décision de la Cour fédérale siégeant en réunion plénière, l'auteur mentionne une décision (Morris c. R, 1987) qui, à son sens, corrobore son hypothèse selon laquelle la Cour serait peu disposée à accorder l'autorisation spéciale dans une affaire comme la sienne. Dans cette décision, la Cour indiquait notamment que, vu qu'elle ne pouvait dûment traiter qu'un nombre limité d'affaires par année, elle devait nécessairement faire un choix mûrement réfléchi en tenant compte du devoir qui lui incombait de développer et de préciser le droit et de veiller à la régularité des procédures des juridictions inférieures. La Cour devait impérativement privilégier son rôle social au regard de l'évolution du droit par rapport aux droits personnels des parties. En outre, dans l'affaire Alvaro, la Haute Cour avait refusé au requérant l'autorisation spéciale de faire appel. Selon l'auteur, l'affirmation de l'État partie selon laquelle un recours devant cette juridiction serait disponible, efficace et susceptible d'aboutir est sans fondement compte tenu de ce précédent. L'auteur allègue également qu'au cours des précédentes audiences de la Haute Cour, l'État d'Australie-Méridionale avait demandé que son affaire soit classée de plein droit au motif qu'il n'était pas en mesure de fournir une caution judiciaire. Étant donné qu'une nouvelle action en justice augmenterait inévitablement les frais de procédure, il ne fait aucun doute que l'État d'Australie-Méridionale aurait une fois de plus recours à cette tactique.

14.2 En ce qui concerne la possibilité de se pourvoir devant la Cour suprême d'Australie-Méridionale, l'auteur réitère les arguments qu'il a déjà invoqués. Il affirme une nouvelle fois en particulier que la Cour suprême n'est pas susceptible d'offrir réparation pour la discrimination raciale dont il se dit victime, du fait qu'elle n'est pas compétente pour statuer dans les affaires portant sur des infractions à la loi sur la discrimination raciale du Commonwealth d'Australie, indépendamment de l'application de l'article 98 de son règlement intérieur. L'incompétence de cette juridiction est liée, en particulier, au fait que la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool constituait un cas de "discrimination indirecte". Il y a discrimination indirecte quand une règle, une pratique ou une politique en apparence neutre a des effets disproportionnés sur le groupe dont le plaignant est membre. L'État partie a tort de considérer que, si le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool a agi de façon malhonnête, partiale ou inconséquente, la saisine de la Cour suprême serait une voie de recours utile.

Délibérations du Comité

15.1 À sa cinquante-septième session, en août 2000, le Comité a examiné une nouvelle fois la question de la recevabilité de la communication à la lumière des nouveaux éléments d'information fournis par les parties et conformément au paragraphe 2 de l'article 93 de son règlement intérieur. Conformément à cette disposition, si le Comité a déclaré une communication irrecevable en vertu de l'alinéa a) du paragraphe 7 de l'article 14, il peut reconsidérer cette décision à une date ultérieure s'il est saisi par le pétitionnaire intéressé d'une demande écrite. Cette demande écrite doit contenir la preuve littérale que les motifs d'irrecevabilité visés au paragraphe 7 a) de l'article 14 ne sont plus applicables.

15.2 Le Comité note que l'auteur s'est pourvu en appel devant la Cour fédérale mais pas devant la Haute Cour. Au vu des informations dont il dispose, le Comité estime que nonobstant les doutes que l'auteur pouvait avoir quant à l'efficacité d'un tel pourvoi en appel, il lui appartenait d'exercer tous les recours disponibles.

15.3 À la lumière de ce qui précède, le Comité estime que l'auteur n'a pas satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention.

16. En conséquence, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale décide :

1. Voir la décision No 5/1994 (C.P. et son fils c. Danemark), dans les Documents officiels de l'Assemblée générale, cinquantième session, Supplément No 18 (A/50/18), annexe VIII, par. 6.2.

2. CERD/C/51/D/7/1995.

3. Voir par. 10.4 ci-dessus.



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