University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Zaïre, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.18 (1996).




COMITE POUR L'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-neuvième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Zaïre


1. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième rapports périodiques du Zaïre, ainsi que le dixième rapport périodique de l'Etat partie (CERD/C/237/Add.2 et CERD/C/278/Add.1), à ses 1171ème et 1173ème séances, tenues les 14 et 15 août 1996 (voir CERD/C/SR.1171 et 1173) et a adopté, à sa 1181ème séance, le 21 août 1996, les observations finales ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite d'avoir pu reprendre le dialogue avec le Zaïre à l'occasion de l'examen des troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième rapports et du dixième rapport périodique de l'Etat partie, après une interruption de 16 ans. Il regrette néanmoins que les rapports ne contiennent pas d'informations concrètes sur la mise en oeuvre dans la pratique des dispositions de la Convention, comme l'Etat partie est prié d'en fournir conformément aux Principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports présentés par les Etats parties conformément au paragraphe 1 de l'article 9 de la Convention.

3. Le Comité se félicite également de la présence d'un représentant de l'Etat partie, mais aurait souhaité aussi la présence d'experts de la capitale. L'engagement pris selon lequel les questions auxquelles il n'aurait pas été répondu au cours du débat feraient l'objet de réponses écrites qui seraient communiquées dans un proche avenir par la capitale est accueilli avec satisfaction.

4. Il est noté que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention; certains membres ont demandé que l'Etat partie envisage la possibilité de faire cette déclaration.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

5. Il est noté que le Zaïre traverse une grave crise économique, qui est à l'origine de l'appauvrissement général du pays et de la détérioration de la situation sociale et économique. En outre, les tensions ethniques dans la région des Grands Lacs, ainsi que le nombre très élevé d'habitants de pays voisins qui se sont réfugiés au Zaïre au cours des deux dernières années, doivent être pris en considération dans l'évaluation de la mise en oeuvre de la Convention dans l'Etat partie.


C. Aspects positifs

6. La transition à un régime démocratique, comme suite à la décision prise par le chef de l'Etat le 24 avril 1990, ainsi que l'abolition du système de parti unique, sont accueillies avec satisfaction. Le Comité a pris note du calendrier fixé par les autorités après le report des élections générales prévues le 9 juillet 1995, selon lequel un référendum sur la nouvelle constitution devrait avoir lieu en mars 1997 et des élections générales seraient organisées en mai 1997.

7. L'adoption, le 9 avril 1994, par une Conférence nationale composée des principales forces politiques organisées du pays, de l'Acte constitutionnel de la transition, dans lequel un certain nombre de droits fondamentaux sont consacrés, ainsi que la création par décret, le 8 mai 1995, de la Commission nationale de promotion des droits de l'homme, sont notées avec satisfaction, bien que davantage d'informations sur les pouvoirs et les fonctions de la Commission soient nécessaires.

8. L'adoption, le 28 novembre 1995, par les chefs d'Etat des pays de la région des Grands Lacs, de la Déclaration du Caire condamnant l'idéologie de l'exclusion, qui peut susciter la peur, la frustration et la haine et inciter à l'extermination et au génocide, ainsi que l'engagement pris par les chefs d'Etat en vue de mettre un terme aux activités des anciens membres des Forces armées rwandaises, qui se servent des camps au Zaïre comme "bases" pour lancer des attaques contre des civils au Rwanda, sont accueillis avec satisfaction. Toutefois, il faudrait fournir davantage de renseignements sur les mesures concrètes prises pour appliquer ces déclarations.

9. Il est noté avec satisfaction qu'il existe au Zaïre une législation interdisant l'incitation à la discrimination raciale, conformément à l'article 4 de la Convention, notamment les ordonnances législatives No 25/131 de 1960 et 66/342 de 1966 et le décret du 13 juin 1960, mais il est noté aussi que les dispositions de l'article 4, en particulier celles des alinéas b) et c), sont de portée beaucoup plus vaste que celles de l'actuelle législation zaïroise.

10. Il est noté avec satisfaction qu'un certain nombre des droits énoncés à l'article 5 de la Convention, notamment le droit à un traitement égal devant les tribunaux, le droit à la sûreté de la personne, le droit de voter et d'être candidat, le droit à la liberté de mouvement, de pensée, de conscience et de religion, le droit à la liberté de réunion pacifique, ainsi que certains droits économiques et sociaux, sont consacrés dans l'Acte constitutionnel. Les informations fournies dans le rapport sur les dispositions de la loi concernant ces droits sont accueillies avec satisfaction, bien qu'il soit noté qu'aucune information n'est donnée concernant les cas concrets d'application de ces dispositions.

11. Etant donné la situation particulièrement grave au Zaïre pour ce qui est des tensions interethniques, tribales et régionales, le Comité se félicite de la signature d'un accord entre les autorités zaïroises et le Haut Commissariat aux droits de l'homme, visant à créer un bureau des Nations Unies pour les droits de l'homme à Kinshasa.


D. Principaux sujets de préoccupation

12. Les allégations de discrimination généralisée contre les Pygmées (Batwa) et les informations faisant état de violents affrontements au Kivu entre les groupes ethniques Hunde, Nyanga et Nande - considérés comme autochtones du Zaïre - et les groupes ethniques Banyarwanda et Banyamulengue - considérés comme non-autochtones, bien qu'ils aient vécu dans le pays depuis des générations -, affrontements qui ont fait des milliers de morts, sont source de profonde préoccupation. Les allégations de "nettoyage ethnique" régional au Shaba visant le groupe ethnique Kasai et ayant conduit au déplacement massif des membres de ce groupe dans d'autres régions du pays, ainsi que d'attaques et de discrimination généralisée contre les réfugiés rwandais et burundais, sont également source de vive préoccupation pour le Comité.

13. Le manque de données statistiques sur la composition de la population et sur la représentation des diverses communautés à tous les niveaux, économique, social et politique, ainsi que dans la fonction publique, y compris dans la police et les forces armées, est regretté.

14. Il est également regretté que, bien que les dispositions constitutionnelles et législatives existant au Zaïre pour mettre en oeuvre l'article 2 de la Convention aient été décrites dans les rapports de l'Etat partie, aucune information n'a été fournie au Comité sur la mise en oeuvre concrète de ces dispositions par les autorités et sur les cas éventuels de discrimination portés devant les tribunaux.

15. Pour ce qui est de l'article 3 de la Convention, le Comité appelle l'attention de l'Etat partie sur sa Recommandation générale No XIX de 1995, dans laquelle il souligne que la référence à l'apartheid peut, par le passé, avoir visé exclusivement l'Afrique du Sud, mais que l'article 3 interdit toute forme de ségrégation raciale, institutionnelle ou non institutionnelle, dans tous les pays.

16. Il est noté avec profonde préoccupation que, contrairement aux obligations qui leur incombent au titre de l'article 5 b) de la Convention et de l'article 9 de l'Acte constitutionnel, les autorités ne sont pratiquement pas intervenues pour apaiser les conflits tribaux et ethniques au Shaba et au Kivu et pour protéger la population. Les informations selon lesquelles, au Shaba, certains représentants locaux auraient incité la population shaba à la haine de la population kasai, sont particulièrement source de préoccupation. Il est néanmoins dûment noté que les autorités ont pris des mesures administratives et judiciaires pour châtier certains des fonctionnaires reconnus responsables de ces actes.

17. Les dispositions de la loi No 81-002 de 1981 portant modification du décret-loi No 71-020 de 1971, selon lesquelles la nationalité zaïroise n'est plus accordée collectivement aux Banyarwandas, mais uniquement aux personnes qui peuvent prouver que leurs ancêtres ont vécu au Zaïre depuis 1885, sont contraires à l'article 5 d) iii) de la Convention et constituent un risque majeur de conflit ethnique.

18. En ce qui concerne le plein exercice dans des conditions d'égalité du droit à l'éducation et à la formation professionnelle, conformément à l'article 5 e) v) de la Convention, il est constaté avec inquiétude que 2 pour cent seulement du budget national a été consacré à l'éducation, ce qui compromet l'existence et l'avenir des groupes raciaux et ethniques défavorisés de la population.

19. Le manque d'informations détaillées sur les mesures juridiques prises pour veiller à ce que l'Etat partie s'acquitte de ses obligations au titre de l'article 6 de la Convention, ainsi que sur les cas dans lesquels des particuliers ont porté plainte pour actes de discrimination raciale et réparation a été accordée aux victimes de tels actes, rend difficile l'évaluation de l'application concrète des dispositions de cet article au Zaïre.

20. Pour ce qui est de la mise en oeuvre de l'article 7 de la Convention, il est regretté que les informations fournies sur l'application de l'article 35 de l'Acte constitutionnel, ainsi que sur l'enseignement des droits de l'homme dispensé dans les écoles, les universités et les centres de formation pour les membres des forces armées et des forces de sécurité, n'aient pas permis une juste évaluation de la situation dans la pratique.


E. Suggestions et recommandations

21. Le Comité recommande à l'Etat partie de fournir dans son prochain rapport des renseignements sur l'application des diverses dispositions constitutionnelles et juridiques visant à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes, conformément à l'article 2 de la Convention, en particulier en ce qui concerne les mesures prises concernant les conflits au Kivu et au Shaba et la situation des réfugiés rwandais et burundais.

22. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique contienne des informations sur les attributions, les fonctions et les activités de la Commission nationale de promotion des droits de l'homme, ainsi que des données statistiques complètes sur la composition démographique de la population, comme il est mentionné au paragraphe 13 ci-dessus.

23. Le Comité recommande également que soient fournies des informations sur les mesures juridiques, administratives et pratiques prises pour mettre en oeuvre la Déclaration du Caire sur la région des Grands Lacs et pour donner effet à l'engagement pris visant à empêcher les attaques lancées au Rwanda à partir du Zaïre par les anciens membres des Forces armées rwandaises.

24. S'agissant de l'article 4 de la Convention, le Comité réaffirme que les Etats parties sont tenus de sanctionner dans leur législation pénale tous les actes de discrimination raciale et d'incitation à de tels actes. A cet égard, il appelle l'attention des autorités sur ses Recommandations générales VII et XV. Il souhaite également obtenir des informations, y compris des statistiques, sur les plaintes déposées et les sanctions appliquées, afin d'être informé de la mise en oeuvre dans la pratique des dispositions de la loi interdisant la propagande en faveur de la discrimination ou de la haine raciale, ainsi que les organisations qui incitent à la discrimination raciale ou l'encouragent.

25. Le Comité recommande que l'Etat partie donne davantage de renseignements concernant l'application de l'article 5 de la Convention, en particulier sur les mesures garantissant dans la pratique l'exercice effectif par tous, sans discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques énoncés dans cet article, en particulier du droit à la sûreté de la personne et du droit à l'éducation et à la formation professionnelle.

26. Le Comité souligne l'importance de l'adoption de dispositions juridiques spécifiques garantissant une protection et des recours effectifs contre les actes de discrimination raciale et le droit pour les particuliers de demander réparation juste et adéquate pour tout dommage dont ils pourraient être victimes par suite de tels actes, comme il est prévu à l'article 6 de la Convention.

27. Pour ce qui est de l'article 7 de la Convention, le Comité souhaiterait obtenir des informations sur les divers programmes décrits dans le rapport et visant à faire connaître les droits de l'homme parmi la population et en particulier parmi les responsables de l'application des lois, notamment les membres des forces armées et des forces de sécurité. A cet égard, il appelle l'attention de l'Etat partie sur sa Recommandation générale No XIII.

28. Le Comité suggère que les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et neuvième rapports et le dixième rapport du Zaïre, ainsi que les présentes observations finales, soient largement diffusés parmi la population, autant que possible dans les principales langues parlées dans le pays.

29. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier dès qu'il le pourra les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptés à la quatorzième réunion des Etats parties.

30. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Etat partie, attendu le 21 mai 1997, soit complet et porte sur tous les points soulevés dans les présentes observations finales.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens