University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), U.N. Doc. A/50/18,paras.226-246 (1995).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-sixième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)

226. Le Comité, dans le cadre des conclusions adoptées lors de la quarante-troisième session (voir A/48/18, par. 531 à 547), avait demandé à la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) des renseignements supplémentaires au sujet des mesures qui avaient été prises pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Comité a examiné les renseignements supplémentaires (publiés dans le document CERD/C/248/Add.1) à sa 1094e séance, tenue le 15 mars 1995 (voir CERD/C/SR.1094).

227. Le Comité a procédé à l'examen des renseignements supplémentaires bien que l'État partie ne soit pas représenté. À ce propos, le Comité était saisi d'un échange de lettres entre l'Ambassadeur de la République fédérative de Yougoslavie et le Président du Comité. Ces communications se lisaient comme suit :


"Lettre adressée au Président du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale par le Chargé d'affaires par
intérim de la Mission permanente de la République fédérative
de Yougoslavie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève


Le 15 février 1995










L'Ambassadeur
(Signé) Vladimir Pavicevic"


"Lettre adressée au Chargé d'affaires par intérim de
la Mission permanente de la République fédérative de
Yougoslavie auprès de l'Office des Nations Unies à
Genève par le Président du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale


Le 6 mars 1995








(Signé) Ivan Garvalov"

228. Les membres ont accueilli avec satisfaction les renseignements supplémentaires communiqués par l'État partie, tout en déplorant que celui-ci ait refusé d'envoyer un représentant pour participer aux débats du Comité. Ils ont également appelé l'attention, en en soulignant l'importance, sur l'exposé des faits contenu dans les rapports du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme dans le territoire de l'ex-Yougoslavie, M. T. Mazowiecki. Plusieurs membres ont condamné le refus manifeste de l'État partie de prendre au sérieux ses obligations internationales dans le domaine des droits de l'homme ou de participer aux diverses procédures mises en oeuvre à l'échelon international dans le but de promouvoir le respect des droits de tous les peuples, en particulier, des groupes minoritaires en situation vulnérable.

229. En ce qui concerne les articles 2 et 5 de la Convention, l'attention a été appelée sur des informations selon lesquelles différentes minorités, notamment les personnes d'origine albanaise dans la région du Kosovo, les membres de la communauté musulmane au Sandjak et des habitants de souche bulgare dans certaines régions de la Serbie, étaient victimes d'une discrimination systématique de la part de l'État partie. Au nombre des pratiques discriminatoires, on citait le harcèlement par les forces de police, la privation des droits en matière d'éducation, les licenciements collectifs et les restrictions frappant la liberté d'expression. On a noté également que le Gouvernement persistait dans son refus de participer aux initiatives prises dans le cadre des Nations Unies en vue de retrouver la trace des personnes disparues ou de coopérer avec le Tribunal international.

230. Les membres ont souligné le rôle des médias dans l'incitation à la haine pour des motifs ethniques et religieux et appelé l'attention à cet égard sur les conclusions du Rapporteur spécial, qui indiquent clairement l'existence de violations systématiques et graves de l'article 4 de la Convention.

231. Les membres se sont déclarés préoccupés par les violations manifestes de l'article 6, ainsi qu'il ressortait de certaines informations selon lesquelles des personnes appartenant à des groupes minoritaires étaient dans l'impossibilité d'obtenir réparation lorsque des atteintes à leurs droits fondamentaux étaient perpétrées par les pouvoirs publics, ou par des particuliers sans que le Gouvernement n'intervienne.

232. Les membres du Comité se sont référés à la mission de bons offices du Comité qui s'était rendue au Kosovo en 1993 et certains se sont déclarés d'avis qu'une nouvelle mission pourrait contribuer à promouvoir le respect du Pacte dans cette région. D'une manière générale, les membres se sont déclarés désireux d'apporter un appui aussi total et aussi approprié que possible à la minorité albanaise dans la région.

Conclusions

233. À sa 1097e séance, le 16 mars 1995, le Comité a adopté les conclusions ci-après.

a) Introduction

234. On se félicite de la communication d'un document détaillé contenant les renseignements supplémentaires demandés à l'État partie. Toutefois, le Comité déplore que l'État partie n'ait pas jugé bon d'envoyer un représentant pour participer à l'examen des renseignements communiqués au Comité. La lettre adressée au Comité par le Gouvernement le 15 février 1995 figure à l'annexe 1 du présent document. La réponse du Président du Comité est reproduite à l'annexe 2 dudit document. Le Comité constate l'écart entre les intentions exprimées par l'État partie dans les renseignements supplémentaires qu'il a présentés au sujet de la coopération avec le Comité et son peu d'empressement à participer à l'examen de son rapport.

235. Il convient de se féliciter du rôle important qu'a joué le Rapporteur spécial pour l'ex-Yougoslavie de la Commission des droits de l'homme et d'approuver ses conclusions.

b) Facteurs et difficultés se rapportant à la mise en oeuvre de la Convention

236. Il faut reconnaître que l'État partie éprouve des difficultés économiques considérables qui ont des incidences néfastes sur la jouissance des droits de l'homme, y compris de ceux qui sont visés par la Convention. Il faut reconnaître en outre que l'État partie doit surmonter de sérieuses difficultés pour subvenir aux besoins des nombreux réfugiés qui se trouvent sur son territoire.

c) Principaux sujets de préoccupation

237. La situation de la population de souche albanaise au Kosovo est jugée très préoccupante. Des informations selon lesquelles des campagnes de discrimination, de vexations, voire de terreur, sont menées à l'encontre de cette population par les autorités continuent de parvenir au Comité. Des mesures de licenciement continuent d'être prises contre des éléments de la population albanaise employés dans la fonction publique, notamment dans les services de police et le secteur de l'éducation. On a reçu de nombreuses informations faisant état de sévices physiques et de vols qui ont été commis par des agents de l'État ou n'ont pas fait l'objet d'une enquête en bonne et due forme de la police. Il y a donc lieu de penser que les habitants de souche albanaise du Kosovo continuent d'être privés de la jouissance effective des droits de l'homme les plus fondamentaux prévus dans la Convention.

238. La discrimination ethnique à l'encontre d'autres groupes, notamment la communauté musulmane du Sandjak et la communauté bulgare de Serbie, est jugée préoccupante. Il est pris note des actes discriminatoires perpétrés récemment contre ces groupes et du fait que l'État partie n'a pas pris de mesures pour les faire cesser, ordonner des enquêtes ou engager des poursuites.

239. On note avec une profonde inquiétude le rôle important que les médias continuent de jouer dans la propagation de la haine raciale et ethnique. Étant donné le contrôle très strict qu'il exerce sur les médias, l'État partie peut être tenu pour responsable de ces agissements. On constate en outre que l'État partie ne prend pas les mesures voulues pour en poursuivre les auteurs ou réparer les injustices. Il ne prend aucune mesure non plus pour empêcher la propagation de préjugés à l'encontre des non-Serbes, comme il pourrait le faire par des dispositions visant à inculquer à la population l'esprit de tolérance.

240. On déplore le fait que l'État partie n'a pas apporté sa coopération dans le cadre de la procédure spéciale de la Commission des droits de l'homme concernant les personnes disparues. Il est donc impossible d'en savoir davantage sur le sort d'un grand nombre de Croates, de musulmans bosniaques et d'autres personnes dont on est sans nouvelles.

241. Le peu d'empressement de l'État partie à reconnaître la compétence du Tribunal international chargé de poursuivre les auteurs de violations de caractère pénal commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie est lui aussi à déplorer, et la politique du Gouvernement, qui est apparemment de laisser impunis les auteurs de violations des dispositions fondamentales relatives aux droits de l'homme et au droit international humanitaire, est jugée extrêmement préoccupante.

d) Suggestions et recommandations

242. Le Comité appelle l'attention sur la lettre datée du 6 mars 1995, adressée à l'État partie par son Président, et en réaffirme la teneur. Il continuera de considérer que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) est tenue de respecter les dispositions de la Convention, et il appelle de ses voeux la reprise des contacts à une date rapprochée avec l'État partie, y compris en ce qui concerne sa mission de bons offices au Kosovo.

243. Le Comité engage l'État partie à renoncer sans retard à toute politique et pratique qui constitue une violation des droits consacrés par la Convention. Il insiste pour que les victimes de mesures discriminatoires, notamment les personnes d'origine albanaise, les musulmans et les personnes d'origine bulgare, reçoivent réparation, conformément à l'article 6 de la Convention.

244. Le Comité recommande à l'État partie d'élaborer et de promulguer sans retard des textes de loi interdisant toute manifestation de discrimination raciale et assurant la mise en oeuvre pleine et entière de la Convention. L'État partie devrait s'attacher, en particulier, à promulguer une législation relative à diverses questions telles que les médias et la liberté d'expression, l'emploi et les syndicats, l'éducation et le système de santé. Le Comité se tient à la disposition de l'État partie pour lui fournir toute l'assistance technique dont il pourrait avoir besoin pour élaborer la législation en question.

245. Le Comité insiste pour que tous les auteurs de violations de la Convention soient traduits en justice. Il engage de nouveau l'État partie à coopérer pleinement avec le Tribunal international chargé de poursuivre les auteurs de violations de caractère pénal commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

246. Le Comité invite instamment l'État partie à reconsidérer dans les meilleurs délais son attitude négative en ce qui concerne la coopération avec le Rapporteur spécial et dans le cadre de la procédure spéciale de la Commission des droits de l'homme concernant les personnes disparues. Il insiste sur l'importance du rôle de ces deux mécanismes pour ce qui est de promouvoir le respect des dispositions de la Convention.



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