University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Yémen, U.N. Doc. A/47/18,paras.160-178 (1992).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Yémen


160. Le Comité a examiné les neuvième et dixième rapports périodiques du Yémen (CERD/C/209/Add.2) à ses 946e et 950e séances, les 7 et 11 août 1992 (voir CERD/C/SR.946 et 950).

161. En présentant les rapports de son pays, le représentant de l'Etat partie a dit qu'ils montraient clairement que la discrimination sociale ou raciale ne jouait aucun rôle dans la vie du peuple yéménite, issu d'une même origine ethnique et fidèle depuis 14 siècles aux enseignements tolérants de l'Islam touchant les relations entre les races. Il a rappelé en outre, qu'avant l'unification, les deux Etats yéménites avaient signé et ratifié de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La République du Yémen avait repris à son compte les obligations internationales préalablement contractées par chacun des deux Etats. Au Yémen, l'accès à la justice et aux services publics comme la santé et l'éducation est garanti à tous; la liberté de la presse est assurée et les partis politiques démocratiquement constitués participeront à une élection générale qui se tiendra en novembre 1992. Le Gouvernement yéménite favorise activement la non-discrimination et les relations amicales avec les autres peuples.

162. Les membres du Comité se sont félicités que la division du Yémen ait pris fin et que l'Etat nouvellement constitué ait présenté les rapports prévus par l'article 9 de la Convention, qui ont été rédigés conformément aux directives du Comité. Les participants ont demandé si la Convention prendrait le pas sur le droit interne; si elle pourrait être invoquée devant les tribunaux et les autorités administratives et si l'application de ses dispositions pourrait être exigée par ces organes. Les membres du Comité ont demandé des renseignements sur la composition démographique de la société yéménite et ont souhaité obtenir un complément d'information au sujet des Yéménites d'origine africaine et des affiliations tribales et nomades ayant existé avant l'indépendance et pouvant persister encore. Ils ont demandé aussi quels programmes spéciaux avaient été entrepris pour améliorer la situation socio-économique des personnes appartenant aux tribus; si l'on comptait éliminer des habitudes et coutumes telles que les vengeances entre clans et les châtiments collectifs; et quelles mesures avaient été prises pour éviter les différends et les problèmes existant entre les tribus et les régler. Ils se sont demandé si les 100 000 personnes d'origine indienne résidant dans le pays étaient considérées comme des ressortissants du pays ou comme des étrangers et si elles jouissaient des mêmes droits que les ressortissants yéménites.

163. S'agissant de l'article 2 de la Convention, les membres du Comité ont demandé que des renseignements sur tous les aspects de cet article soient fournis dans le prochain rapport.

164. A propos de l'article 3 de la Convention, les membres du Comité ont noté que les obligations découlant de cet article paraissaient avoir été dûment respectées.

165. En ce qui concerne l'article 4 de la Convention, les membres du Comité ont souligné que les Etats parties étaient tenus de respecter cet article et que ses dispositions devaient être intégralement appliquées, en particulier dans la législation pénale.

166. Se référant à l'article 5 de la Convention, les membres du Comité ont demandé si les tribunaux inférieurs avaient été fusionnés; si les anciens systèmes judiciaires continuaient de fonctionner dans les deux moitiés du pays et quelle était la situation des tribunaux des provinces et autres ressorts judiciaires. Ils ont félicité le Yémen de l'institution d'une démocratie multipartite et de la vaste gamme de droits civils garantis à tous, sans distinction de race, de couleur, d'ascendance ou d'origine nationale ou ethnique. Ils ont aussi loué le Yémen d'avoir accepté une dizaine de milliers de réfugiés d'Ethiopie et de Somalie. A cet égard, ils ont souhaité savoir si l'article 3 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés était appliqué et si des documents d'identité avaient été délivrés aux intéressés. Ils ont noté que les indications fournies dans le rapport à propos de l'article 5 étaient de caractère général et n'avaient pas trait à la discrimination raciale.

167. A propos de l'article 6 de la Convention, les membres du Comité ont fait remarquer que, malgré la déclaration contenue dans le rapport, selon laquelle aucune plainte portant sur la discrimination raciale n'avait été déposée devant les tribunaux par des particuliers ou groupes de personnes, l'examen de la situation existant au Yémen avait montré qu'il existait bien des exemples de discrimination officieuse et institutionnalisée.

168. A propos de l'article 7 de la Convention, les membres du Comité ont demandé quelles mesures législatives et administratives avaient été prises pour en assurer la pleine application; si les programmes de formation d'enseignants et des programmes à l'intention d'autres professionnels, magistrats et officiers de police comprenaient des matières propres à promouvoir la connaissance des questions relatives aux droits de l'homme et à assurer une meilleure compréhension et plus de tolérance et d'amitié entre les nations et les groupes raciaux ou ethniques; et si l'on enseignait aux enfants les buts et principes de la Charte des Nations Unies et d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.

169. S'agissant de l'article 14 de la Convention, les membres du Comité ont demandé si le Yémen était prêt à faire une déclaration en vertu de cet article.

170. Le représentant de l'Etat partie, répondant aux questions posées et aux observations formulées par les membres du Comité, a souligné que, eu égard aux changements intervenus au Yémen, les informations contenues dans le rapport ne rendaient pas toujours compte de l'évolution la plus récente de la situation. Il a précisé que, lors du processus d'unification du nouvel Etat qui s'était constitué, les aspects les plus positifs des deux systèmes avaient été combinés. La Constitution provisoire marquait un grand pas en avant et avait assuré une période de stabilité et de progrès. Elle prévoyait aussi que la Convention et ses principes se traduiraient dans la législation. L'article 22 de ladite Constitution garantissait l'indépendance du pouvoir judiciaire. Les membres des différentes tribus du pays étaient désormais considérés comme des Yéménites et aucune distinction n'était établie entre eux; les seules différences entre les groupes tribaux résidaient dans leurs occupations; la plupart des tribus étaient maintenant sédentaires, avaient reçu une éducation et apportaient une contribution à la vie économique et sociale du pays. Des cas isolés de vengeances tribales se produisaient encore, mais ils étaient rares. Il n'existait pas de minorités au Yémen, puisque tous étaient considérés comme des ressortissants yéménites.

171. S'agissant du traitement des réfugiés, le représentant de l'Etat partie a indiqué que plus d'un million de ressortissants yéménites avaient récemment regagné leur pays en provenance de la région du Golfe; tous avaient été absorbés et s'étaient vu assurer des logements, des soins de santé et des moyens d'enseignement. En outre, le Yémen avait accueilli 50 000 réfugiés somalis ainsi que des réfugiés d'Ethiopie. Le traitement qui leur était réservé était conforme aux dispositions de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

172. A propos de l'article 4 de la Convention, le représentant de l'Etat partie a souligné que l'on n'avait jamais connu, dans toute l'histoire du Yémen, d'incitations ou d'actes tels que ceux qui sont évoqués dans cet article; il n'y avait donc pas eu lieu de déposer des plaintes devant les tribunaux pour propagande raciste ou discrimination raciale; il n'y avait pas eu lieu non plus d'interdire les organisations visant à promouvoir la discrimination raciale, comme il est prévu à l'alinéa b) de l'article 4, étant donné qu'aucune organisation de ce type n'avait jamais existé.

173. En ce qui concerne l'article 5 de la Convention, le représentant de l'Etat partie a souligné que la Constitution et la législation du pays ne reposaient pas seulement sur les préceptes de la chari'a, mais aussi sur d'autres principes et garantissaient que tous les droits prévus par la Convention seraient convenablement protégés.

174. A propos des articles 6 et 7 de la Convention, le représentant de l'Etat partie a déclaré que la discrimination raciale était fermement condamnée, non seulement dans les écoles et les établissements d'enseignement du pays, mais encore dans la presse et les autres moyens d'information. Dans les écoles, on s'attachait à enseigner aux enfants le respect et la valeur de la culture d'autres pays et d'autres peuples. La Déclaration universelle des droits de l'homme faisait partie des programmes d'études scolaires. La Journée des droits de l'homme était régulièrement célébrée et servait à assurer une meilleure prise de conscience du caractère haïssable de la discrimination raciale.

175. A propos de l'article 14 de la Convention, le représentant de l'Etat partie a dit que, comme la discrimination raciale n'existait pas dans le pays, il n'était pas nécessaire d'adopter les procédures prévues par cet article.

176. En conclusion, le représentant de l'Etat partie a déclaré que les observations du Comité, surtout celles qui concernent le Code pénal du Yémen, seraient communiquées aux autorités du pays.

Conclusions

177. Le Comité s'est félicité de la volonté manifestée par la République du Yémen d'entamer le dialogue sitôt après l'unification du pays.

178. Le Comité a félicité l'Etat partie d'avoir accueilli un aussi grand nombre de réfugiés d'Ethiopie et de Somalie. Il a noté que le rapport ne fournissait pas suffisamment de renseignements sur la situation de la Convention au regard du droit interne et sur la composition démographique de la population, et que les articles 2, 4, 5 e), 6 et 7 n'étaient pas encore pleinement appliqués. Le Comité a noté que, selon la déclaration du Yémen, comme il n'existait aucune forme de discrimination dans le pays, il n'était pas nécessaire d'adopter de mesures législatives en vue de l'application de l'article 4. Appelant l'attention de l'Etat partie sur la recommandation d'ordre général I du Comité, il a réaffirmé que cet argument ne constituait pas une interprétation juridiquement acceptable des obligations qu'un Etat assume en adhérant à la Convention.



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