University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Ukraine, U.N. Doc. A/48/18,paras.42-65 (1993).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale



Ukraine

42. Le Comité a examiné les onzième et douzième rapports de l'Ukraine (CERD/C/197/Add.5 et CERD/C/226/Add.3) à ses 958e, 959e et 983e séances, tenues les 2 et 18 mars 1993 (CERD/C/SR.958, 959 et 983).

43. Les rapports ont été présentés par le représentant de l'Etat partie qui a informé les membres du Comité de la législation adoptée en Ukraine depuis la présentation de son dernier rapport. Le Parlement ukrainien a déclaré que toutes les lois adoptées par l'Etat dont l'Ukraine a pris la succession resteraient en vigueur dans la mesure où elles n'étaient pas en contradiction avec les nouvelles lois. Toutes les obligations contractées par l'Ukraine après ratification par le Parlement faisaient partie intégrante de la législation interne de l'Etat.

44. Le représentant de l'Ukraine a signalé que depuis la date de la présentation de son dernier rapport, 122 lois et 336 décrets ou textes législatifs intéressant la Convention avaient été adoptés. Il s'agissait notamment de la loi relative à la réhabilitation des victimes de la répression politique en Ukraine; la loi relative aux services de sécurité; la loi relative aux associations de citoyens; la loi sur les minorités nationales en Ukraine; la loi relative à l'emploi; et la loi sur la nationalité ukrainienne.

45. Le représentant de l'Ukraine a informé le Comité que dans le cadre d'une réforme judiciaire, il avait été créé une cour constitutionnelle appelée à se prononcer sur la constitutionnalité des lois et autres actes législatifs. En vertu de la Constitution, le représentant du Parlement pour les droits de l'homme était habilité à saisir cette instance dans le cas où l'Etat viendrait à toucher aux droits et libertés constitutionnelles des citoyens.

46. Néanmoins, toutes les mesures législatives adoptées par l'Ukraine n'avaient pas empêché que se produisent d'occasionnelles violations des droits de l'homme pour des raisons nationales ou religieuses ou des conflits entre des groupes nationaux. La situation complexe dans laquelle l'Ukraine se trouvait, qui se caractérisait par une hyperinflation et une baisse dramatique du niveau de vie, créait des tensions qui, attisées par des facteurs nationaux, religieux ou autres, pouvaient déclencher des conflits ou des violations des droits de l'homme. Les autorités ukrainiennes, tant nationales que locales, s'efforçaient d'atténuer les frictions entre nationalités; l'Ukraine ne connaissait donc pas de conflits ouverts à grande échelle entre différents groupes.

47. Des membres du Comité se sont félicités de la ponctualité avec laquelle l'Ukraine avait présenté son douzième rapport qui rendait valablement compte des changements intervenus récemment dans le pays. Néanmoins, tout en donnant une bonne vue d'ensemble de la situation actuelle, ce rapport contenait certains renseignements étrangers à la question et ne précisait pas toujours la mesure dans laquelle la Convention était mise en oeuvre. Certains membres du Comité ont demandé à la délégation ukrainienne si les dispositions de la Convention étaient directement applicables dans un tribunal; quelle était la situation en ce qui concerne l'installation envisagée de colonies allemandes en territoire ukrainien; si l'Ukraine comptait conclure des accords avec d'autres pays sur les droits des minorités, tels que celui qu'elle avait signé avec la Hongrie en mai 1991; si l'émigration juive se poursuivait au départ de l'Ukraine et, dans ce cas, si les personnes concernées émigraient sans passeport et pourquoi. Un complément d'information était demandé au sujet tant de la situation en Crimée, notamment des données démographiques relatives aux effectifs de chaque groupe de population, en 1920, 1940 et 1990 que de la teneur de la loi sur le statut de la République autonome de Crimée. Des membres du Comité s'inquiétaient de la violation des droits de la population de la Transdniestrie et de ce que le problème des Tatars de Crimée n'ait pas encore été résolu. Ils souhaitaient aussi savoir s'il existait une définition acceptée du terme, "minorité" en Ukraine et, le cas échéant, si elle couvrait des minorités aussi bien nationales, qu'ethniques, religieuses ou linguistiques.

48. En ce qui concernait l'article 2 de la Convention, des membres du Comité ont demandé ce que le Gouvernement ukrainien faisait pour favoriser les organisations et mouvements intégrationnistes multiraciaux. Ils ont indiqué, se référant au paragraphe 1) de l'article 2 de la Convention, que la politique menée par un Etat partie pour éliminer la discrimination raciale devrait faire l'objet d'un document écrit clair et complet qui devrait être porté à la connaissance du public et des responsables de l'application de cette politique.

49. A propos de l'article 3 de la Convention, des membres du Comité souhaitaient des précisions au sujet de l'attitude du pays à l'égard des sanctions contre l'Afrique du Sud. Ils ont demandé si l'Ukraine était en faveur du maintien de ces sanctions et si elle entretenait des relations diplomatiques avec l'Afrique du Sud.

50. Pour ce qui concernait l'article 4 de la Convention, des membres du Comité ont indiqué que malgré l'inclusion de la Convention dans le droit interne ukrainien, des lois devaient encore être promulguées pour mettre en oeuvre les sanctions prévues à l'article 4. A cet égard, ils ont relevé que la nouvelle version de l'article 66 du code pénal ni n'interdisait les organisations racistes, ni n'empêchait des institutions publiques de pratiquer la discrimination raciale.

51. S'agissant de l'article 5 de la Convention, des membres du Comité ont demandé des renseignements complémentaires sur les droits des individus appartenant aux différents groupes ethniques; comment ces groupes participaient-ils aux pouvoirs exécutif et législatif; si une telle participation était prévue par la loi; si des contingents avaient été fixés; si l'Ukraine autorisait la formation de partis politiques basés sur l'appartenance à une ethnie et quelle était la position du pouvoir législatif ukrainien à l'égard de la double nationalité.

52. Pour ce qui concernait l'article 6 de la Convention, des membres du Comité ont demandé comment il se faisait qu'en 1991 personne n'ait été condamné au titre de l'article 66 du code pénal; si des plaintes en discrimination raciale avaient été présentées et si le public connaissait suffisamment l'existence de l'article 66. Certains ont relevé l'excessive brièveté du délai de trois ans dont disposaient les victimes du régime précédent pour déposer une demande d'indemnisation pour des actes de répression.

53. Concernant l'article 7 de la Convention, des membres du Comité ont signalé que la partie du rapport relative à sa mise en oeuvre n'était pas complète. Ils souhaitaient savoir exactement quelles mesures prenait l'Ukraine dans les domaines de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de l'information pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale et plus généralement pour mettre en oeuvre l'article 7 de la Convention.

54. Quant à l'article 14 de la Convention, des membres du Comité se sont dits particulièrement satisfaits que l'Ukraine ait reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes qui se plaignent d'être victimes d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés dans la Convention.

55. En réponse aux questions posées et aux observations faites par les membres du Comité, le représentant de l'Etat partie a déclaré que le Gouvernement prendrait largement en compte leurs vues de manière à ce que se mettent en place les conditions nécessaires à l'application des dispositions de la Convention. La manière dont le Comité examinait les rapports permettait aux Etats parties de voir leur législation interne d'un oeil plus critique et de remédier aux éventuelles lacunes.

56. Il a ajouté que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ayant été ratifiés, ceux-ci avaient été incorporés au droit ukrainien et pouvaient être invoqués devant les tribunaux. Toutefois, des règles de principe ne pouvaient pas être appliquées automatiquement ou directement à moins d'être étayées par le mécanisme pratique nécessaire à leur mise en oeuvre et il restait à adopter bon nombre de lois internes à cette fin. En ce qui concerne les données démographiques, cette information serait fournie sous forme de tableaux dans le prochain rapport périodique.

57. Le représentant a fourni au Comité des précisions sur les questions relatives à la Crimée et à la région de la Transdniestrie, insistant sur le fait que le problème de la Crimée s'articulait non pas autour de questions de nationalité ou de race mais autour de conflits politiques et que, de ce fait, il ne relevait pas du champ d'application de la Convention. Il a expliqué la situation en ce qui concerne l'émigration vers Israël, à savoir que malgré les efforts déployés par le Gouvernement, l'émigration se poursuivait parce que la vie était dure en Ukraine et que les perspectives de conditions de vie meilleures incitaient toujours au départ. Les personnes émigrant d'Ukraine maintenaient leur droit à la citoyenneté ukrainienne et conservaient leur passeport ukrainien. Le représentant de l'Ukraine a en outre expliqué que l'article premier de la loi sur la nationalité ukrainienne maintenait la règle énoncée dans la Constitution de l'ex-Union soviétique accordant une seule nationalité aux habitants de l'Ukraine. Toutefois, la double nationalité pouvait être accordée sur la base d'accords intergouvernementaux et la Fédération de Russie et l'Ukraine avaient actuellement engagé des négociations à cette fin.

58. En vertu de la loi sur les minorités nationales, l'Ukraine avait mis en place un ministère spécial au niveau national, chargé de traiter des problèmes des groupes nationaux. En outre, il était possible aussi de former des organes consultatifs volontaires constitués de représentants des minorités nationales. Selon la définition de la loi, une minorité nationale était un groupe de citoyens ukrainiens qui n'étaient pas Ukrainiens de souche, et qui étaient liés par un sentiment d'identité nationale et d'appartenance à une communauté. Selon cette définition, les adeptes d'une religion telle que le catholicisme ou les personnes appartenant à une minorité linguistique n'étaient pas considérés comme constituant des minorités nationales.

59. A propos de l'article 3 de la Convention, le représentant de l'Ukraine a dit qu'un accord avait été conclu en mars 1992 sur l'établissement de relations diplomatiques entre l'Ukraine et la République d'Afrique du Sud. L'Ukraine s'était, d'autre part, pleinement engagée à mettre en oeuvre les décisions prises par le Conseil de sécurité à l'égard de ce pays.

60. Se référant à l'article 5 de la Convention, le représentant de l'Ukraine a dit que les problèmes de religion et de liberté d'expression étaient souvent imputables à la situation économique catastrophique et, particulièrement, au taux d'inflation extrêmement élevé plutôt qu'à une véritable discrimination religieuse. Il a ajouté que les organisations culturelles d'un groupe ethnique étaient autorisées mais que les partis politiques basés sur l'appartenance à une ethnie n'étaient pas légaux puisque leur composition serait nécessairement discriminatoire. Par le passé, il existait des contingents réservés aux différentes nationalités au sein du Parlement ukrainien mais à présent tous les représentants étaient élus librement et une vaste gamme de nationalités était représentée dans cette institution.

61. Concernant l'article 6 de la Convention, le représentant de l'Ukraine a confirmé qu'il n'y avait pas eu de condamnations au titre de l'article 66 du code pénal depuis 1991.

62. Quant à l'article 7 de la Convention, il a déclaré que cet instrument avait été publié dans le Journal officiel du Conseil suprême en même temps que d'autres instruments relatifs aux droits de l'homme. Le texte avait aussi été traduit en ukrainien et se trouvait dans les bibliothèques ainsi que dans d'autres endroits librement accessibles au public.

Conclusions

63. Le Comité a félicité le Gouvernement ukrainien de la régularité avec laquelle il avait présenté ses rapports sur l'application de la Convention, de la qualité des réponses données par sa délégation aux questions, et de la sincérité avec laquelle il avait reconnu ses lacunes.

64. Le Comité a relevé que le douzième rapport périodique fournissait une vaste gamme de renseignements sur les changements historiques se produisant dans le pays, il a rappelé que l'Ukraine appuyait la protection des droits de l'homme et spécialement celle des minorités nationales dans les enceintes internationales et qu'elle avait adopté des instruments juridiques permettant de développer la démocratie et d'assurer la primauté du droit. Néanmoins les données démographiques auraient pu être présentées de façon un peu plus explicite. L'espoir a été exprimé de voir se régler la situation troublée que connaissait présentement la région pour ce qui est des droits de l'homme et des droits des minorités ethniques.

65. A propos de l'article 3 de la Convention, le Comité estimait que la position de l'Ukraine en ce qui concerne les sanctions à l'égard de l'Afrique du Sud avait été éclaircie. Des renseignements complémentaires étaient nécessaires au sujet de l'article 4 conformément à la recommandation générale IV. Le Comité estimait également que l'information présentée au sujet de l'article 7 sur les mesures prises dans les domaines de l'enseignement et de l'éducation aurait dû s'aligner sur la recommandation générale V.



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