COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Soixante-troisième session
4-22 août 2003
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination
raciale
ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D'IRLANDE DU NORD
1. Le Comité a examiné les seizième et dix-septième rapports périodiques du
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (CERD/C/430/Add.3), qui
étaient attendus les 6 avril 2000 et 2002 respectivement, soumis en un seul
document, à ses 1588e et 1589e séances (CERD/C/SR.1588 et 1589), tenues les
6 et 7 août 2003. À sa 1607e séance (CERD/C/SR.1607), tenue le 20 août 2003,
le Comité a adopté les conclusions suivantes.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport détaillé soumis par l'État
partie et remercie la délégation pour les réponses constructives qu'elle a
apportées aux questions posées durant l'examen du rapport. En outre, le Comité
note avec satisfaction que des organisations non gouvernementales ont été
consultées à l'occasion de l'élaboration du rapport.
3. Tout en notant avec satisfaction que l'État partie a traité la plupart
des sujets de préoccupation et recommandations figurant dans les précédentes
conclusions du Comité (CERD/C/304/Add.102), le Comité fait observer que
le rapport n'est pas pleinement conforme à ses principes directeurs en la
matière.
B. Aspects positifs
4. Le Comité accueille avec satisfaction la loi de 2000 sur les relations
interraciales (amendement), qui renforce la loi de 1976 sur les relations
interraciales en érigeant en infraction les actes discriminatoires dans l'exercice
de toutes les fonctions de l'autorité publique, y compris la fonction de police,
ainsi que le règlement de 2003 relatif à la loi sur les relations interraciales
(amendement), qui élargit le champ de la définition de la discrimination indirecte
et transfère la charge de la preuve de la victime à l'auteur présumé de l'infraction.
5. Le Comité se félicite des efforts déployés par l'État partie pour s'attaquer
plus énergiquement au problème de l'incitation à la haine raciale, en particulier
de la mise en place d'un mécanisme permettant à la police métropolitaine
de mettre à la disposition de toutes les forces d'Angleterre et du Pays
de Galles un centre d'information et de conseil sur les faits constitutifs
de l'infraction d'incitation à la haine raciale, ainsi que du durcissement
de la peine maximale prévue pour réprimer l'incitation à la haine raciale,
qui a été portée de deux à sept ans d'emprisonnement en application de la
loi de 2001 relative à la lutte contre le terrorisme, à la criminalité et
à la sécurité.
6. Le Comité accueille avec satisfaction la loi sur la réforme de la police,
dont certaines dispositions portent sur la création d'un système plus efficace
de traitement des plaintes contre la police en Angleterre et au Pays de
Galles, ainsi que la création d'un poste de médiateur de la police pour
l'Irlande du Nord et les consultations engagées en Écosse au sujet du renforcement
de l'indépendance du système de traitement des plaintes contre la police.
7. Le Comité accueille avec satisfaction la création au sein du Ministère
de l'intérieur d'un service pour la cohésion communautaire chargé de mettre
en œuvre le programme du Gouvernement destiné à encourager la constitution
de communautés soudées et leur renforcement.
8. Le Comité accueille avec satisfaction la création, en 2000, du système
national d'appui aux demandeurs d'asile, qui constitue un jalon important
en termes d'aide aux demandeurs d'asile remplissant les conditions requises
et d'accès de ces derniers aux services dont ils ont besoin.
9. Le Comité félicite l'État partie pour les efforts qu'il déploie pour
se doter d'un plan d'action national contre le racisme, en consultation
avec les organisations non gouvernementales, en vue de donner effet aux
recommandations de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination
raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.
10. Le Comité note avec satisfaction que Sainte-Hélène, les îles Vierges
britanniques et les îles Caïmanes vont intégrer dans leurs Constitutions
respectives une disposition interdisant spécifiquement la discrimination
raciale et les autres formes de discrimination ainsi que des dispositions
prévoyant la mise en place du mécanisme d'application nécessaire.
C. Sujets de préoccupation et recommandations
11. Le Comité prend note de la position de l'État partie concernant la non-inclusion
de l'intégralité de la substance de la Convention dans son ordre juridique
interne ainsi que de l'opinion selon laquelle les États parties n'auraient
pas l'obligation de faire de la Convention elle-même une partie intégrante
de leur ordre juridique interne. Il constate avec inquiétude que les tribunaux
de l'État partie risquent de ne pas donner pleinement effet aux dispositions
de la Convention tant que celle-ci n'aura pas été expressément incorporée
dans son droit interne ou tant que l'État partie n'aura pas introduit les
dispositions nécessaires dans sa législation.
Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa législation en vue de
donner pleinement effet aux dispositions de la Convention dans son ordre
juridique interne.
12. Le Comité exprime également sa préoccupation face à l'interprétation restrictive
que l'État partie continue de donner des dispositions de l'article 4 de la
Convention. Il rappelle que pareille interprétation est contraire aux obligations
incombant à l'État partie en vertu de l'article 4 b) de la Convention et appelle
l'attention de l'État partie sur sa recommandation générale XV dans laquelle
il est indiquée que toutes les dispositions de l'article 4 revêtent un caractère
obligatoire.
Étant donné que l'État partie estime que les droits à la liberté d'expression
et d'opinion ne constituent pas des droits absolus et eu égard aux déclarations
de certains agents publics et de certains médias qui sont susceptibles de
nuire à l'harmonie raciale, le Comité recommande à l'État partie de reconsidérer
son interprétation de l'article 4.
13. Le Comité est préoccupé par l'exacerbation des préjugées raciaux à l'encontre
des minorités ethniques, des demandeurs d'asile et des immigrants, qui trouvent
un écho dans les médias, et par l'incapacité, selon certaines sources, de
la Commission des plaintes relatives à la presse à faire face efficacement
à ce problème.
Le Comité recommande à l'État partie d'étudier plus avant les moyens d'accroître
l'efficacité de la Commission des plaintes contre la presse et de l'habiliter
à connaître des plaintes émanant de la Commission pour l'égalité raciale
ainsi que d'autres groupes et organisations actives dans le domaine des
relations interraciales.
Le Comité recommande en outre à l'État partie d'inclure dans son prochain
rapport des renseignements plus détaillés sur le nombre de plaintes reçues
visant des infractions à caractère racial ainsi que sur l'aboutissement
des affaires portées devant la justice.
14. Le Comité reste préoccupé par les informations faisant état d'agressions
contre des demandeurs d'asile. À ce propos, le Comité note avec inquiétude
que l'antagonisme à l'égard des demandeurs d'asile a contribué à accroître
l'audience des opinions politiques extrémistes.
Le Comité recommande à l'État partie d'adopter de nouvelles mesures et d'amplifier
ses efforts tendant à désamorcer les tensions raciales suscitées par la
question de l'asile, notamment en mettant au point des programmes d'éducation
du public, en menant une action visant à promouvoir une image positive des
minorités ethniques, des demandeurs d'asile et des immigrants et en adoptant
des mesures destinées à rendre la procédure de demande d'asile plus équitable
et à en accroître l'efficacité et l'impartialité.
15. Tout en prenant note de la mise en œuvre rapide dans le droit interne
de la Directive de l'Union européenne contre la discrimination fondée sur
la race, le Comité constate avec préoccupation que le texte portant amendement
- contrairement Ó celui relatif Ó la loi sur les relations interraciales
- ne couvre pas la discrimination fondÚe sur la couleur ou la nationalitÚ.
Le ComitÚ s'inquiÞte donc que la situation en dÚcoulant dÚbouche sur des incohÚrences
entre les diffÚrents textes lÚgislatifs rÚprimant la discrimination ainsi
que sur des degrÚs diffÚrents de protection en fonction des catÚgories de
discrimination (par exemple fondÚe sur la race, l'origine ethnique, la couleur,
la nationalitÚ, etc.) et ne suscite ainsi des difficultÚs tant pour le grand
public que pour les organismes chargÚs de l'application des lois.
Le Comité recommande à l'État partie d'élargir le champ d'application des
textes portant amendement en y incluant la discrimination fondée sur la
couleur et la nationalité. À ce propos, le Comité recommande également à
l'État partie d'envisager de regrouper tous les textes primaires et secondaires
pertinents en un texte de loi unique afin d'assurer la même protection contre
toutes les formes de discrimination raciale visées dans l'article premier
de la Convention.
16. Le Comité est préoccupé par l'application de l'article 19 D de la loi
de 2000 sur les relations interraciales (amendement), qui habilite les fonctionnaires
de l'immigration à procéder à une discrimination fondée sur la nationalité
ou l'origine ethnique si une telle discrimination est autorisées par un ministre.
Une telle démarche serait incompatible avec le principe même de non-discrimination.
Le Comité recommande à l'État partie d'envisager de reformuler ou d'abroger
l'article 19 D de la loi sur les relations interraciales (amendement) afin
de se mettre en pleine conformité avec la Convention.
17. Le Comité est profondément préoccupé par les dispositions de la loi relative
à la lutte contre le terrorisme, à la criminalité et à la sécurité qui prévoit
la détention sans inculpation ou jugement de non-ressortissants soupçonnés
d'activités en relation avec le terrorisme en instance d'expulsion du Royaume-Uni.
Tout en prenant acte des préoccupations de l'État partie en matière de sécurité
nationale, le Comité lui recommande de parvenir à un équilibre entre ces
préoccupations d'une part et la protection des droits de l'homme et ses
obligations juridiques internationales de l'autre. À ce propos, l'attention
de l'État partie est appelée sur la déclaration du Comité en date du 8 mars
2002, dans laquelle il souligne l'obligation incombant aux États de veiller
à ce que «les mesures prises pour lutter contre le terrorisme n'ait pas
pour but ou pour effet d'entraîner une discrimination fondée sur la race,
la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique».
18. Tout en se félicitant des initiatives prises en vue de réformer les forces
de police, notamment en y accroissant la représentation des minorités ethniques,
le Comité rappelle sa préoccupation face à la proportion anormalement élevée
de personnes appartenant à des minorités ethniques ou nationales décédant
en cours de garde à vue.
Le Comité invite l'État partie à fournir dans son prochain rapport périodique
des informations détaillées sur: le nouveau système de plaintes contre la
police; la Commission des plaintes contre la police, nouvelle structure
qui sera pleinement opérationnelle à partir d'avril 2004; le nombre de plaintes
pour discrimination raciale déposées devant la Commission des plaintes visant
la police, en particulier le nombre de décès en garde à vue; le résultat
de ces plaintes et sur les mesures disciplinaires prises dans chaque affaire.
Le Comité encourage en outre l'État partie à adopter des mesures propres
à promouvoir la représentation des différents groupes ethniques et raciaux
dans les forces de police.
19. Le Comité est préoccupé par la surreprésentation des membres de minorités
ethniques ou raciales parmi les personnes faisant l'objet d'une interpellation
suivie de fouille par la police.
Le Comité encourage l'État partie à mettre en œuvre efficacement la
décision prise tendant à ce que toutes les interpellations suivies de fouille
soient enregistrées et qu'un double du document d'enregistrement soit remis
aux personnes interpellées. Le Comité invite l'État partie à traiter ce
point plus en détail dans son prochain rapport périodique.
20. Le Comité note que l'État partie reconnaît l'existence d'un chevauchement
entre discrimination raciale et discrimination religieuse, comme l'atteste
l'interdiction de la discrimination à motivation ethnique à l'égard de communautés
tels que les Juifs et les Sikhs, et recommande que la discrimination religieuse
contre les immigrants appartenant à d'autres minorités religieuses fasse également
l'objet d'une interdiction.
21. Le Comité est préoccupé par les affaires d'islamophobie survenues depuis
les attentats du 11 septembre qui ont été portées à sa connaissance. De
plus, tout en notant que la législation pénale de l'État partie dispose
que la motivation religieuse constitue une circonstance aggravante pour
certaines infractions, le Comité regrette que l'incitation à la haine religieuse
à motivation raciale ne soit pas proscrite.
Le Comité recommande à l'État partie d'engager rapidement une réflexion
sur la possibilité d'étendre le champ de l'infraction d'incitation à la
haine raciale aux infractions motivées par la haine religieuse visant les
communautés d'immigrants.
22. Tout en exprimant à nouveau sa satisfaction face à l'adoption de la loi
sur les droits de l'homme, en 1998, le Comité note qu'aucun organe central
n'a été institué pour mettre en œuvre cette loi et estime que l'absence
d'un tel organe pourrait nuire à l'efficacité de ladite loi.
Le Comité renvoie à l'engagement que l'État partie a pris antérieurement
de réfléchir à la possibilité de mettre en place une commission des droits
de l'homme chargée de veiller à l'application de la loi sur les droits de
l'homme et la possibilité d'investir cette commission de la compétence générale
de connaître des plaintes visant des violations des droits de l'homme, et
il recommande la prise d'une décision rapide en la matière
23. Le Comité exprime sa préoccupation face à la discrimination à laquelle
sont confrontés les Roms/Gitans/Gens du voyage se traduisant, entre autres,
par un taux de mortalité infantile supérieur à la moyenne, une exclusion du
système scolaire, une espérance de vie inférieure à la moyenne, de mauvaises
conditions de logement, l'insuffisance de sites d'accueil équipés, un taux
de chômage élevé et un accès restreint aux services de santé.
Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur sa recommandation générale
XXVII concernant la discrimination à l'égard des Roms et lui recommande
de définir de nouvelles modalités adaptées de communication et de dialogue
entre les communautés de Roms/Gitans/Gens du voyage et les autorités centrales.
Il recommande également à l'État partie de se doter de stratégies et programmes
nationaux tendant à remédier à la discrimination dont les Roms/Gitans/Gens
du voyage font l'objet de la part d'agents publics, de particuliers ou d'organisations.
24. Le Comité constate à nouveau avec inquiétude que, outre les Roms/Gitans/Gens
du voyage, certains autres groupes de population minoritaires ou certains
particuliers appartenant à ces groupes sont victimes de discrimination dans
les domaines de l'emploi, de l'éducation, du logement et de la santé.
Le Comité engage l'État partie à continuer à prendre des mesures palliatives
conformément au paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention en vue de leur
assurer des chances égales d'exercer pleinement leurs droits économiques,
sociaux et culturels. En outre, le Comité encourage l'État partie à inclure
dans son prochain rapport périodique des renseignements plus détaillés sur
les résultats auxquels ont abouti ses programmes destinés à réduire le taux
de chômage et à améliorer les conditions de logement des différents groupes
ethniques.
25. Le Comité rappelle sa recommandation générale XXIX, dans laquelle il condamne
en tant que violation de la Convention la discrimination fondée sur l'ascendance,
telle que la discrimination reposant sur la caste et les systèmes analogues
de statut héréditaire, et recommande qu'une disposition interdisant pareille
discrimination soit incorporée dans la législation interne.
Le Comité souhaiterait que des informations sur ce point figurent dans le
prochain rapport périodique.
26. Le Comité constate en le déplorant que dans le rapport de l'État partie
ne figurait aucune information sur la mise en œuvre de la Convention
dans le Territoire britannique de l'océan Indien.
Le Comité attend avec intérêt d'obtenir dans le prochain rapport périodique
des précisions sur les mesures prises par l'État partie pour assurer comme
il convient le développement et la protection des Ilois aux fins de leur
garantir, dans des conditions d'égalité, le plein exercice des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, conformément au paragraphe 2 de l'article
2 de la Convention.
27. Le Comité encourage l'État partie à continuer de consulter les organisations
de la société civile participant à la lutte contre la discrimination raciale,
en particulier à l'occasion de l'élaboration de son prochain rapport périodique.
28. Le Comité note que l'État partie étudie actuellement la possibilité
de faire la déclaration facultative prévue à l'article 14 de la Convention
et l'invite à attribuer un rang de priorité élevée à cette démarche et à
envisager favorablement la possibilité de faire cette déclaration.
29. Le Comité recommande à l'État partie de tenir compte des passages pertinents
de la Déclaration et du Programme d'action de Durban et d'inclure dans son
prochain rapport périodique des informations actualisées sur l'état d'avancement
des travaux engagés en vue d'élaborer un plan d'action pour appliquer au
niveau national à la Déclaration et au Programme d'action de Durban.
30. Le Comité recommande à l'État partie de mettre à la disposition du
grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de faire connaître
de la même manière les conclusions correspondantes du Comité.
31. Le Comité recommande à l'État partie de soumettre ses dix-huitième
et dix-neuvième rapports périodiques en un seul document, attendu le 6 avril
2006, et d'y traiter tous les points abordés dans les présentes conclusions.