University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.20 (1997).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquantième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination de
la discrimination raciale

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

1. A ses 1185ème et 1186ème séances (CERD/C/SR.1185 et 1186), tenues les 3 et 4 mars 1997, le Comité a examiné le quatorzième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (CERD/C/299/Add.9), et a adopté, à ses 1204ème et 1209ème séances, les 14 et 19 mars 1997, les conclusions ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la possibilité qui lui a été donnée de poursuivre son dialogue avec l'Etat partie. Il accueille favorablement son quatorzième rapport périodique et note avec satisfaction qu'il contient des informations sur les territoires qui relèvent de la Couronne et les territoires dépendants. Il note avec une grande satisfaction que le rapport contient des réponses détaillées aux préoccupations exprimées et aux recommandations faites par le Comité dans les conclusions qu'il a adoptées au terme de l'examen du treizième rapport périodique de l'Etat partie (voir les documents CERD/C/263/Add.7 et A/51/18, par. 219 à 255). Il accueille en outre avec satisfaction les réponses circonstanciées apportées par la délégation au cours du dialogue.

3. Le Comité note que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, et quelques membres du Comité lui ont demandé d'envisager la possibilité de le faire.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

4. Il est noté que la position adoptée par le Gouvernement concernant la non-incorporation de toute la teneur de la Convention dans la législation interne ainsi que son interprétation restrictive des dispositions de l'article 4 de la Convention risquent d'entraver l'application intégrale des dispositions de la Convention.

5. Par ailleurs, il est noté que des manifestations de racisme et des agressions à caractère racial ainsi que des incidents dirigés contre des membres de minorités ethniques entravent l'application de la Convention.


C. Aspects positifs

6. Les diverses mesures prises pour accroître l'accès des membres des minorités ethniques à la haute administration et à la fonction publique ainsi qu'à la police sont accueillies favorablement. L'adoption de la loi de 1996 sur le logement dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale dans ce domaine, l'établissement de systèmes de visite des postes de police par des non-professionnels membres des communautés locales à des fins d'inspection et de supervision des cas de détention dans le cadre de la prévention et de la répression des mauvais traitements infligés en détention, l'élaboration de modifications au code de discipline qui réglemente les pouvoirs de la police et les procédures en matière d'interpellation et de fouille, la création d'une Commission permanente des incidents racistes chargée de mettre en oeuvre le rapport du Groupe sur les agressions racistes pour lutter contre les incidents à caractère racial et l'adoption d'un plan d'action visant à améliorer le niveau des élèves appartenant à des minorités ethniques à la suite de la publication d'un rapport établi par le Bureau des normes en matière d'éducation sont autant d'éléments que le Comité note avec satisfaction.

7. En ce qui concerne l'article 7 de la Convention, l'organisation de séminaires et l'élaboration de programmes de formation pour les juges, les magistrats et les responsables de l'application des lois, assurés notamment par le Comité consultatif sur les minorités ethniques et les centres de formation de la police, qui visent à éliminer la discrimination raciale des relations entre les membres de ces professions et les membres des minorités ethniques, sont favorablement accueillies par le Comité. Il se félicite aussi du lancement d'un certain nombre de campagnes d'information contre la discrimination raciale à l'intention du grand public ou de certains secteurs spécifiques (telles que la campagne intitulée "Lets kick racism out of football" - D'un coup de pied éliminons le racisme du football -).

8. Il est pris note de l'adoption de la loi de 1997 sur les relations raciales (Irlande du Nord), d'autant qu'elle contient des dispositions spéciales relatives à la communauté nomade irlandaise. Le Comité se félicite de ce qu'elle garantit l'accès direct à la justice et aux juridictions prud'homales pour les violations des dispositions de la loi prohibant la discrimination raciale dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'éducation et du logement et de la fourniture des biens et services.

9. Il est noté avec satisfaction que, conformément aux recommandations du Comité, le Gouvernement britannique a demandé aux autorités des territoires relevant de la Couronne et des territoires dépendants d'envisager d'introduire la législation spécifique prohibant la discrimination raciale dans leurs systèmes juridiques respectifs, et qu'il leur a fourni à cet effet un projet de législation type dans le droit fil de sa loi sur les relations raciales de 1976. Il est en outre noté avec appréciation que certaines de ces autorités - celles d'Anguilla, des Bermudes, des Iles Vierges britanniques, des Iles Falkland et de Sainte-Hélène, par exemple - ont accédé à la requête.

10. L'adoption de la loi sur la nationalité britannique (Hong-kong), qui accorde aux membres des minorités ethniques de Hong-kong qui n'ont pas d'autre nationalité que leur nationalité britannique actuelle, le droit d'être enregistré comme citoyen britannique à part entière et donc d'élire domicile au Royaume-Uni est notée avec satisfaction par le Comité.

11. Il est également noté avec satisfaction qu'au bout de 140 ans, l'égalité de statut avec les Anglais a été accordée aux Chinois dans les tribunaux de Hong-kong à tous les niveaux, et que le Gouvernement de Hong-kong procède à la traduction en chinois de toutes les lois adoptées à Hong-kong avant 1989.

12. Il est noté avec satisfaction que le Gouvernement de Hong-kong assure maintenant aux migrants vietnamiens à Hong-kong un enseignement jusqu'au niveau du second degré et que l'enseignement est dispensé gratuitement à tous les enfants vietnamiens se trouvant dans les centres de détention. Le fait que le programme tienne compte de leur future réintégration dans le système d'enseignement vietnamien, une fois rapatriés, est considéré comme une mesure positive.


D. Principaux sujets de préoccupation

13. On regrette qu'il n'ait pas été donné pleinement effet aux dispositions de la Convention dans la législation interne et que les individus ne puissent être protégés contre les pratiques discriminatoires qui n'ont pas été interdites par le Parlement.

14. Une préoccupation particulière est encore exprimée quant à l'interprétation restrictive donnée par le Gouvernement aux dispositions de l'article 4 de la Convention. A cet égard, il est noté qu'une telle interprétation est incompatible avec l'obligation contractée par l'Etat partie au titre de l'article 4 b) de la Convention d'interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale ou l'encouragent et de déclarer illégale la participation à ces organisations et qu'elle n'est pas conforme avec la recommandation générale No XV (42) du Comité.

15. Il est préoccupant de constater que la législation sur les relations raciales concernant l'Irlande du Nord présentée au Parlement prévoit deux motifs d'exonération, à savoir l'ordre public et la sûreté publique, qui s'ajoutent à ceux qui figurent déjà dans la loi de 1976 sur les relations raciales, et que les organes travaillant dans les domaines de la santé, de l'éducation, des services sociaux, de la planification et du logement ne sont pas légalement tenus d'éliminer expressément la discrimination comme les autorités locales en Grande-Bretagne.

16. Le Comité s'inquiète de ce que l'on continue de n'inclure aucune question relative à l'origine raciale ou ethnique des personnes dans les questionnaires établis pour le recensement démographique en Irlande du Nord. Il est d'avis que l'identification de groupes minoritaires et l'analyse de leur situation civile, politique, économique et sociale sont essentielles pour définir les difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés et déterminer si de telles difficultés peuvent résulter de la discrimination raciale et de quelle manière, et partant, évaluer la nécessité d'adopter des mesures, des lois ou des règlements spécifiques permettant de venir à bout de ces difficultés.

17. En ce qui concerne la jouissance effective par toutes les couches de la population sans discrimination des droits consacrés à l'article 5 de la Convention, le Comité se déclare préoccupé par les cas de discrimination raciale qui subsistent dans le domaine de l'emploi, surtout les possibilités de promotion professionnelle dans le secteur privé comme dans le secteur public, dans les domaines du logement et de l'éducation, dans l'exercice du pouvoir d'interpellation et de fouille par la police et en ce qui concerne les cas de brutalités policières.

18. Il est noté avec préoccupation que l'application de certaines dispositions de la loi de 1996 sur l'asile et l'immigration peut être préjudiciable à la protection des demandeurs d'asile contre toute discrimination raciale. Il est particulièrement préoccupant que les demandes d'asile puissent à priori être considérées comme injustifiées et donc être traitées avec plus de célérité, lorsque les demandeurs sont originaires de pays où, selon le Royaume-Uni, "il n'existe pas de risque sérieux de persécution", et que les demandeurs d'asile refoulés vers certains pays tiers sûrs ne bénéficient pas du droit d'appel interne. De plus, s'il est pris note de l'assurance donnée dans le rapport que la loi sur l'asile et l'immigration de 1996 en elle-même n'influera pas sur les obligations qui incombent au Royaume-Uni au titre de la Convention, il est toutefois souligné que la définition de la discrimination raciale donnée au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention inclut l'effet d'une loi aussi bien que son but, et il est ainsi noté que la loi de 1996 sur l'asile et l'immigration peut, dans ses effets, être contraire à la Convention.

19. Il est également préoccupant que la législation spécifique contre la discrimination raciale n'existe pas encore dans tous les territoires dépendants et dans tous les territoires relevant de la Couronne, que dans certains cas, une telle législation soit jugée inutile par les autorités compétentes au motif qu'il n'y aurait pas de discrimination raciale dans les territoires.

20. Le fait que la Bill of Rights Ordinance de Hong-kong ne contient pas de disposition protégeant les personnes de la discrimination raciale dont elles peuvent faire l'objet de la part de particuliers, de groupes ou d'organisations, est préoccupant pour le Comité. A cet égard, il est souligné que le paragraphe 1 d) de l'article 2 de la Convention fait obligation aux Etats parties d'interdire, au besoin par des mesures législatives, la discrimination raciale pratiquée par "des personnes, des groupes ou des organisations".

21. Au sujet de la "règle des deux semaines" interdisant aux travailleurs étrangers de chercher du travail ou de rester à Hong-kong plus de deux semaines après l'expiration de leur contrat de travail, il a été noté avec préoccupation qu'une telle règle peut avoir des effets discriminatoires dans la mesure où elle s'applique surtout aux employés de maison d'origine philippine et qu'elle peut mettre les travailleurs touchés dans une position de vulnérabilité et de précarité extrêmes.


E. Suggestions et recommandations

22. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager de reprendre pleinement les dispositions de la Convention dans sa législation interne.

23. Le Comité réaffirme que les dispositions de l'article 4 de la Convention sont obligatoires, comme il l'a noté dans sa rééecommandation générale VII (32). Il souligne que le Royaume-Uni devrait reconsidérer la possibilité d'adopter la législation nécessaire conformément aux dispositions de l'article 4. Ce faisant, le Gouvernement devrait prendre en compte la recommandation générale XV (42) du Comité.

24. Le Comité recommande que des questions relatives à l'origine raciale ou ethnique des personnes figurent dans les questionnaires établis dans le cadre du recensement de population dans tous les territoires relevant de la juridiction du Royaume-Uni. Il souligne que ces renseignements sont utiles pour l'évaluation effective des progrès réalisés dans la mise en oeuvre intégrale des dispositions de la Convention, dans l'intérêt de tous les groupes de la population.

25. Le Comité recommande au Royaume-Uni de poursuivre et de renforcer ses efforts pour assurer à tous les groupes ethniques la jouissance intégrale de tous les droits prévus à l'article 5 de la Convention. Il recommande notamment de suivre de près la question des décès en garde à vue et de surveiller les conditions de détention ainsi que le traitement des personnes détenues dans les postes de police.

26. Le Comité suggère que dans son prochain rapport, l'Etat partie présente, pour une année récente, a) un récapitulatif des recours formés en vertu de la loi de 1976 sur les relations raciales et leur issue; et b) des renseignements sur le nombre des poursuites pour délits à caractère raciste, avec indication des peines imposées dans des cas représentatifs.

27. Le Comité recommande en outre que l'application de la loi de 1996 sur l'asile et l'immigration fasse l'objet d'un contrôle rigoureux de manière à éviter toute discrimination éventuelle à l'encontre de certaines catégories de demandeurs d'asile et de veiller à ce que ses effets ne puissent d'aucune manière "détruire ou [...] compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales" des personnes visées par la loi, conformément au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention.

28. Le Comité recommande également que les autorités de Jersey, de Guernesey, de l'Ile de Man, des Iles Caïman, de Montserrat et des Iles Turques et Caïques étudient plus attentivement la question de l'adoption de mesures législatives spécifiques interdisant la discrimination raciale, conformément aux dispositions de la Convention. Notant que la discrimination raciale est réputée ne pas exister dans certains territoires, le Comité suggère qu'à l'avenir, lors de l'élaboration de toute mesure législative, la priorité soit accordée à la fonction de prévention des principes consacrés dans la Convention.

29. Le Comité recommande en outre que le Gouvernement de Hong-kong prête une attention spéciale à la situation des travailleurs étrangers soumis à la "règle des deux semaines" et que toutes les mesures nécessaires, y compris la modification ou l'abrogation de cette règle spécifique, soient prises pour garantir la protection de tous les droits visés par la Convention.

30. Le Comité recommande en outre que le quatorzième rapport périodique de l'Etat partie ainsi que les présentes conclusions fassent l'objet d'une vaste publicité et soient largement diffusés auprès du grand public.

31. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique que l'Etat partie doit soumettre le 7 mars 1998 soit circonstancié et traite de tous les points soulevés au cours de l'examen du rapport.



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