University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.9 (1996).




COMITE POUR L'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-huitième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord


1. Le Comité a examiné le treizième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (CERD/C/263/Add.7 et CERD/C/263/Add.7, Part II) à ses 1139ème, 1140ème et 1141ème séances (voir CERD/C/SR.1139 à 1141), tenues les 4 et 5 mars 1996, et a adopté les conclusions ci-après à sa 1154ème séance, tenue le 14 mars 1996.

A. Introduction

2. Le Comité prend acte avec satisfaction du treizième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et de l'un de ses territoires dépendants (Hong-kong). Il note avec satisfaction que l'Etat partie a présenté son rapport dans les délais et apporté des réponses détaillées aux questions posées à la session précédente ainsi qu'aux questions soulevées par le Comité dans ses conclusions sur le douzième rapport périodique. Le Comité reconnaît que depuis que le Royaume-Uni est devenu partie à la Convention, de nombreuses mesures législatives, entre autres, ont été prises pour mettre en oeuvre les dispositions de la Convention.

3. Le Comité note avec regret que, dans la deuxième partie du rapport sur l'application de la Convention, aucune information n'a été présentée en ce qui concerne les territoires dépendants autres que Hong-kong. Il se félicite toutefois que le gouvernement ait engagé un dialogue franc et constructif avec le Comité, y compris sur les questions juridiques au sujet desquelles il est en désaccord avec le Comité, au grand regret de celui-ci.

4. Le Comité remercie les organisations non gouvernementales ayant leur siège dans l'Etat partie qui lui ont fait parvenir des informations qui l'ont aidé à clarifier la situation et ont contribué à la qualité du dialogue.

5. Il convient de noter que l'Etat partie n'envisage pas de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention et qu'un certain nombre de membres du Comité lui ont demandé de revoir sa position sur ce point.

B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

6. Le Comité note qu'il continue d'y avoir beaucoup de manifestations de racisme ainsi que d'attentats et d'incidents à caractère racial visant des membres de minorités ethniques sur le territoire de l'Etat partie.

C. Facteurs positifs

7. Il y a lieu de se féliciter du projet de loi visant à autoriser la Commission pour l'égalité raciale à accepter des engagements ayant valeur obligatoire ainsi que des nouvelles dispositions législatives adoptées pour faire face aux cas de harcèlement persistants. Il a aussi été noté avec satisfaction que le gouvernement avait fait un effort particulier pour que les minorités ethniques soient davantage représentées dans la police et que, par ailleurs, on s'attachait depuis quelques années à rassembler des données et à enquêter sur les crimes à caractère racial, sur les décès en détention et sur les plaintes faisant état de brutalités commises par la police.

8. Les nouvelles subventions au soutien scolaire et à la formation destinées à améliorer les connaissances d'anglais des élèves appartenant à des groupes ethniques minoritaires sont un moyen constructif de relever le niveau d'instruction de ces élèves.

9. Il y a lieu de se féliciter aussi que l'engagement ait été pris, bien que très tardivement, d'adopter une loi sur les relations raciales en Irlande du Nord.

10. En ce qui concerne Hong-kong, l'étude sur la discrimination raciale qu'il est prévu d'entreprendre à la fin de cette année permettra de se rendre compte de l'étendue des problèmes de discrimination raciale et de passer en revue toutes les lois susceptibles de conférer, de manière discriminatoire, des avantages exclusifs à certains membres d'une race particulière. S'il s'avère qu'une discrimination existe, l'étude sera une base importante dont on pourra se servir pour mettre au point des solutions.

D. Principaux sujets de préoccupation

11. Il a été noté que la loi de 1976 sur les relations raciales, qui donne effet à un grand nombre de dispositions de la Convention dans la législation nationale, était subordonnée à toute une série de textes et pouvait être remplacée par de nouveaux textes ou lois. Le cadre juridique interdisant la discrimination raciale est encore affaibli par le fait que la Convention n'est pas incorporée dans la législation nationale, qu'il n'existe pas de déclaration de droits garantissant le principe de l'égalité devant la loi et celui de la non-discrimination et que les particuliers ne disposent pas de moyens de recours devant une instance internationale comme le Comité. En outre, des préoccupations ont été exprimées à propos du fait que les lois portant sur l'application de la Convention ne sont apparemment pas uniformément appliquées dans l'ensemble du territoire du Royaume-Uni; en particulier, la loi sur les relations raciales ne s'applique pas à l'Irlande du Nord et certaines dispositions de la loi sur la justice pénale ne s'appliquent pas en Ecosse.

12. Des préoccupations particulières ont été exprimées au sujet de la discrimination religieuse, à propos du sentiment antimusulman. Il se peut que la discrimination à l'égard des musulmans soit étroitement liée à des questions de race ou d'appartenance ethnique, mais il n'existe aucune législation pour lutter efficacement contre ce type de discrimination.

13. Des préoccupations ont été exprimées au sujet de l'interprétation que l'Etat partie donne de l'article 4 de la Convention, telle qu'il l'a présentée dans sa déclaration d'interprétation concernant cet article et réaffirmée dans le treizième rapport périodique. Une telle interprétation n'est pas seulement en contradiction avec le point de vue bien établi du Comité, tel qu'il l'a exprimé dans sa recommandation générale No XV (42), elle équivaut aussi à une négation par l'Etat partie de l'obligation qui lui incombe au titre de l'article 4 b) de la Convention de déclarer illégales et d'interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale et qui l'encouragent.

14. En ce qui concerne l'article 5 de la Convention, il est très préoccupant que, sur le nombre de personnes qui décèdent en garde à vue, il y ait une très forte proportion de personnes appartenant à des groupes minoritaires, que la répression policière semble s'exercer principalement sur des personnes appartenant à des groupes minoritaires, que les plaintes relatives aux brutalités et aux mesures vexatoires dont la police se serait rendue coupable ne fassent pas l'objet, d'après les informations reçues, d'enquêtes approfondies, et que les auteurs de ces actes, une fois reconnus coupables, ne soient pas sanctionnés comme il conviendrait. Les groupes ethniques minoritaires sont sous-représentés dans la vie politique et publique, ainsi que l'on peut en juger d'après le nombre de personnes appartenant à ces groupes parmi les électeurs, dans la police et les forces armées et parmi les fonctionnaires. Une profonde inquiétude a été exprimée quant aux informations selon lesquelles ces groupes souffrent beaucoup plus du chômage que le reste de la population et un très grand nombre d'enfants noirs sont exclus des écoles.

15. Des préoccupations particulières ont également été exprimées au sujet de la communauté nomade irlandaise, dont la situation est préjudiciable à l'exercice des droits aux soins médicaux et aux services sociaux énoncés à l'article 5 e). Il a été noté que la politique consistant à désigner des terrains réservés aux nomades a contribué à abaisser leur niveau de vie et à entraver leur liberté de mouvement en limitant le nombre d'endroits où ils peuvent séjourner.

16. De graves préoccupations ont été exprimées au sujet de l'absence d'une législation exhaustive sur les relations raciales en Irlande du Nord. Des préoccupations ont été exprimées également devant le manque d'efforts réels pour combler le fossé culturel en Irlande du Nord entre le courant dominant de la société et les groupes minoritaires, en particulier les communautés chinoise et nomade irlandaise. Il en résulte une réticence regrettable, de la part de nombreux membres de ces groupes, à recourir aux services de santé et autres services sociaux.

17. En ce qui concerne le traitement réservé aux étrangers, de vives préoccupations ont été exprimées au sujet du projet de loi sur l'asile et l'immigration qui a été publié le 30 novembre 1995 et qui risque d'avoir un effet négatif et discriminatoire sur la situation d'un grand nombre de personnes vivant au Royaume-Uni. Cette loi, si elle était promulguée, interdirait, entre autres, à un employeur d'employer une personne qui serait engagée dans une procédure de recours après s'être vu refuser le droit de rester dans le pays. Elle priverait en outre d'un certain nombre de services sociaux des personnes autorisées à rester au Royaume-Uni, y compris des demandeurs d'asile, et d'autres personnes ayant obtenu un permis de séjour permanent mais n'ayant pas été naturalisées. Il est très préoccupant que la plupart des personnes qui seraient touchées seraient des personnes appartenant à des minorités ethniques.

18. En ce qui concerne Hong-kong, il est préoccupant que n'aient pas été incluses dans le recensement de population de 1991 des questions qui auraient aidé à déterminer la composition raciale et ethnique de la population. Il faut tout d'abord identifier les groupes minoritaires puis analyser leur situation politique, économique et sociale pour pouvoir ensuite cerner les difficultés auxquelles ils sont susceptibles de se trouver confrontés et découvrir si et comment ces difficultés peuvent découler d'un comportement discriminatoire.

19. Il a été noté avec préoccupation que l'adoption de la Bill of Rights Ordinance, qui est une mesure positive, ne protège pas les personnes de Hong-kong de la discrimination raciale pratiquée par des personnes, des groupes ou des organisations, comme l'exige l'article 2, paragraphe 1 d), de la Convention.

20. Il a été pris note avec intérêt de la déclaration du gouvernement, selon laquelle il est accordé aux personnes d'Asie du Sud-Est résidant à Hong-kong une certaine forme de nationalité britannique, en tant que ressortissant britannique d'outre-mer (British National Overseas) ou citoyen britannique d'outre-mer (British Overseas Citizen), de manière qu'aucun résident de Hong-kong ne devienne apatride après le transfert de souveraineté. Cependant, il est inquiétant que ce statut ne confère pas à leurs bénéficiaires le droit de résider au Royaume-Uni, à la différence du statut de citoyen à part entière qui est accordé aux habitants, blancs pour la plupart, d'un autre territoire dépendant. Il est constaté que la plupart des personnes qui ont le statut de BNO ou de BOC sont des Asiatiques et qu'apparemment les réponses aux demandes de citoyenneté varient suivant le pays d'origine du postulant, d'où, apparemment une certaine discrimination raciale.

21. Des préoccupations ont été exprimées également au sujet de la règle des deux semaines qui interdit aux travailleurs étrangers de chercher du travail ou de rester à Hong-kong plus de deux semaines après l'expiration de leur contrat de travail. Compte tenu du fait que l'écrasante majorité des personnes touchées sont des domestiques philippines, cette règle a, semble-t-il, des aspects discriminatoires au regard de la Convention dans la mesure où elle met les travailleurs dans une position de vulnérabilité par rapport à des employeurs exploiteurs.

22. En ce qui concerne les demandeurs d'asile vietnamiens à Hong-kong, de sérieux indices donnent à penser que les conditions dans lesquelles ces personnes vivent durant leur détention, souvent prolongée, dans des camps de réfugiés, constituent une violation de leurs droits fondamentaux et doivent être examinées d'urgence. L'absence d'écoles dans ces centres est particulièrement préoccupante.

E. Suggestions et recommandations

23. Le Comité recommande à l'Etat partie d'expliquer pourquoi la législation antidiscrimination, en particulier la loi de 1976 sur les relations raciales et la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public, ne s'applique pas partout de la même façon, sur le territoire du Royaume-Uni. Il lui recommande en outre de réexaminer la loi sur les relations raciales de manière à lui donner plus d'importance dans le droit interne afin qu'elle ne puisse pas être remplacée par de nouveaux textes ou de nouvelles lois. Le Comité recommande aussi au Royaume-Uni de revoir son interprétation de l'article 4.

24. A propos des articles 5 et 6, le Comité recommande à l'Etat partie de vérifier que l'aide juridique mise à la disposition des personnes qui affirment être victimes de discrimination raciale est adéquate, de mener des enquêtes énergiquement et en toute indépendance concernant toutes les plaintes faisant état de brutalités commises par la police et d'en punir les auteurs. Il recommande que les décès en détention provisoire fassent l'objet d'enquêtes menées rapidement par des mécanismes indépendants. Il recommande en outre d'entreprendre des études pragmatiques et approfondies pour découvrir les raisons expliquant le faible taux de participation des membres des groupes ethniques minoritaires aux élections, à la fois en tant qu'électeurs et en tant que candidats à des postes de fonctionnaires, les raisons pour lesquelles ils sont faiblement représentés dans la police et dans les forces armées et souffrent d'un taux de chômage particulièrement élevé.

25. Notant avec satisfaction que l'Etat partie est disposé à fournir au Comité des informations plus complètes sur le rôle et le fonctionnement des tribunaux du travail qui ont à connaître de plaintes concernant la discrimination dans le domaine du travail, le Comité recommande que, dans le prochain rapport périodique, une attention spéciale soit accordée à des questions telles que l'accessibilité, les procédures et les types de réparation.

26. Le Comité recommande à l'Etat partie de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les plaintes et les condamnations en matière de discrimination raciale ou ethnique.

27. Le Comité recommande de prendre pleinement en considération les dispositions de la Convention lors de la poursuite de l'examen du projet de loi sur l'asile et l'immigration, publié le 30 novembre 1995. Il demande que, dans le quatorzième rapport périodique, des informations détaillées soient données sur son application ainsi que sur la composition ethnique des personnes éventuellement touchées.

28. Le Comité recommande que des programmes efficaces soient mis au point pour répondre aux besoins de la communauté nomade irlandaise de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en matière de santé et d'éducation.

29. Le Comité note qu'un Comité consultatif sur les minorités ethniques a été créé en 1991 pour aider le Conseil des études judiciaires (Judicial Studies Board) à aborder les problèmes raciaux et multiculturels qui se posent dans les tribunaux. Il demande que soit précisé dans le quatorzième rapport périodique si tous les juges doivent obligatoirement suivre la formation dispensée par le Comité consultatif sur les minorités ethniques et combien d'entre eux auront effectivement reçu cette formation à la date à laquelle ce rapport sera présenté.

30. Etant donné que nombre des personnes dont il a été découvert qu'elles n'avaient pas le droit de rester au Royaume-Uni appartiennent à des groupes minoritaires, le Comité rappelle sa position, à savoir que les Etats ont l'obligation, en vertu de la Convention, non seulement de promulguer des lois appropriées mais aussi de veiller à ce qu'elles soient effectivement appliquées.

31. Le Comité recommande qu'il soit tenu pleinement compte des dispositions de la Convention lors de l'élaboration, pour l'Irlande du Nord, d'une législation détaillée sur les relations raciales. Il recommande qu'un effort soit fait pour que les documents d'information importants, concernant notamment les soins de santé de base, soient disponibles dans les principales langues minoritaires.

32. Concernant les articles 5 e) et 7 de la Convention, le Comité recommande à nouveau que le prochain rapport contienne des informations concernant l'élaboration de programmes visant à améliorer la situation économique et sociale des groupes minoritaires par des mesures diverses dans les domaines de l'emploi et de la formation, du logement, des services sociaux, de la santé et de l'éducation, ainsi que des précisions sur le nombre de personnes appartenant à des groupes minoritaires, bénéficiaires des programmes qui ont été mis en place ou qui vont l'être. Le rapport devrait décrire aussi la façon dont ces personnes bénéficient d'une assistance et l'effet de ces programmes sur leur situation en général, du point de vue social. Au nombre des programmes examinés devraient figurer le Single Regeneration Budget, le Plan en dix points pour l'égalité des chances dans l'emploi et les diverses subventions octroyées pour l'enseignement à l'intention d'étudiants appartenant à des minorités ethniques.

33. Notant avec inquiétude qu'il n'existe pas de législation en Irlande du Nord interdisant la discrimination raciale et notant en outre que le gouvernement a déclaré que cette question était examinée de près, le Comité recommande qu'un projet de loi soit adopté dès que possible.

34. Le Comité note avec intérêt que des mesures sont en cours pour répondre aux besoins des enfants des communautés noires et autres communautés minoritaires qui sont exclus de l'école et recommande au gouvernement de rassembler régulièrement et d'analyser, par groupe ethnique, des données concernant les progrès scolaires des enfants, afin de mettre au point des politiques et des programmes visant à éliminer les handicaps fondés sur des critères raciaux.

35. En ce qui concerne Hong-kong, le Comité recommande que des efforts soient faits pour définir la composition ethnique et raciale de la population. Il recommande que la Bill of Rights Ordinance (Ordonnance relative à la déclaration des droits) soit modifiée de manière que l'interdiction de la discrimination soit étendue aux actes commis par des personnes, des groupes ou des organisations, conformément aux dispositions du paragraphe 1 d) de l'article 2 de la Convention. Il recommande que la règle des deux semaines soit modifiée pour permettre aux travailleurs étrangers de chercher un nouvel emploi à Hong-kong lorsque leur contrat de travail vient à expiration.

36. Le Comité recommande que la question du statut des résidents de Hong-kong appartenant à des minorités ethniques d'origine asiatique soit réexaminée de manière que les droits fondamentaux de ces personnes soient protégés et qu'ils ne fassent pas l'objet d'une discrimination par rapport aux résidents d'autres ex-colonies du Royaume-Uni.

37. Le Comité recommande que le quatorzième rapport périodique, devant être présenté le 5 avril 1996, soit un rapport de mise à jour contenant des informations sur le territoire du Royaume-Uni ainsi que sur les territoires dépendants, y compris Hong-kong, et aborde tous les points soulevés dans les présentes conclusions.



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