University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Suède, U.N. Doc. A/49/18,paras.181-208 (1994).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Suède


181. Le Comité a examiné le onzième rapport périodique de la Suède (CERD/C/239/Add.1) à ses 1018e et 1019e séances, le 3 mars 1994 (voir CERD/C/SR.1018 et 1019).

182. Le rapport a été présenté par le représentant de l'État partie, qui a signalé au Comité qu'un récent projet de modification du Code pénal prévoyait une aggravation des peines encourues pour les délits commis dans le but d'offenser une personne ou un groupe en raison de sa race, de la couleur de sa peau, de son origine ethnique ou nationale, de sa croyance religieuse ou de toute autre circonstance similaire. Un autre projet de loi soumis au Parlement et proposant l'interdiction de la discrimination ethnique dans le monde du travail s'appliquerait tant au niveau des demandeurs d'emploi que des personnes déjà employées. Il était en outre proposé que l'ombudsman chargé de lutter contre la discrimination ethnique puisse engager des actions en justice. Le représentant a également annoncé la mise en place d'une commission spéciale établie pour combattre la xénophobie et le racisme.

183. Le représentant a indiqué aux membres du Comité que la durée maximale de la suspension de la permission de diffuser pour les radios et télévisions, dont il était question au paragraphe 28 du rapport, était passée en avril 1993 d'une année à cinq ans. Actualisant les chiffres fournis au paragraphe 45 du rapport, le représentant a indiqué aux membres du Comité qu'en 1992, cinq personnes avaient été condamnées pour agitation contre un groupe ethnique, et deux pour discrimination illégale. L'interdiction des échanges commerciaux avec l'Afrique du Sud avait été levée, ainsi que les exigences en matière de visa imposées aux ressortissants sud-africains. Enfin, le représentant a indiqué que 36 500 permis de séjour avaient été accordés à des demandeurs d'asile en 1993, dont 30 300 à des ressortissants de l'ex-Yougoslavie.

184. Remerciant le représentant de la Suède des informations complémentaires fournies au cours de la présentation orale du rapport, le Comité a exprimé sa satisfaction pour le rapport de l'État partie et pour la régularité de la présentation des rapports au Comité par la Suède.

185. Au sujet de l'article 2 de la Convention, les membres du Comité se sont félicités de la création du Parlement sami, mais se sont demandé dans quelle mesure ce parlement était indépendant et possédait de réels pouvoirs, et quelles avaient été ses activités au cours de sa première année de fonctionnement. Ils ont ensuite demandé pour quelles raisons le choix du Président du Sameting et des délimitations des fonctions de ce parlement étaient du ressort du Gouvernement suédois. Ils ont par ailleurs souhaité connaître la suite donnée par le Gouvernement aux propositions faites par la Commission chargée d'étudier les moyens de lutter contre la discrimination ethnique, qui avait remis son premier rapport en 1991. Il a ensuite été demandé si des mesures avaient été prises par le Gouvernement pour favoriser les organisations et mouvements intégrationnistes multiraciaux et autres moyens pour éliminer les barrières entre les races. Des membres du Comité ont également souhaité savoir si des mesures avaient été prises pour préserver la langue, la culture et l'identité des groupes ethniques vivant en Suède, et qui formaient 10 % de la population suédoise, et, dans l'affirmative, quelles étaient ces mesures

186. Au sujet de l'article 4 de la Convention, des membres du Comité ont noté la volonté de la Suède de ne pas interdire par des mesures législatives les organisations qualifiées de racistes; mais de telles mesures étaient obligatoires pour les États parties n'ayant pas fait de réserves à l'article 4 de la Convention. Ils ont souligné que ces mesures étaient d'autant plus souhaitables en Suède que la Convention n'était pas intégrée dans le droit national et, de ce fait, ne pouvait pas être invoquée devant les tribunaux. Dans le cas des attaques racistes, des membres du Comité se sont étonnés du nombre important d'affaires n'ayant pas été élucidées par la police, et de la légèreté de certaines peines prononcées dans de telles affaires. Ils ont en outre demandé de plus amples informations sur les cas d'attaques racistes mentionnées dans le rapport.

187. À l'égard de l'article 5 de la Convention, les membres du Comité ont demandé des précisions sur le régime juridique applicable à l'élevage de rennes, sur la possibilité d'exproprier les Samis des terres de pâturage et sur les droits des non-Samis de chasser sur les terres réservées au pâturage des rennes appartenant aux populations samies et de pêcher dans les lacs jusque-là réservés aux Samis. Ils ont voulu savoir s'il était prévu que le Parlement suédois comporte bientôt des représentants samis en tant que tels, et que la langue samie soit reconnue comme langue nationale sur le même pied que le suédois. Ils ont demandé que de plus amples informations leur soient données sur le nombre, la situation, le degré d'intégration des minorités autres que samie vivant en Suède.

188. S'agissant de l'article 6 de la Convention, dans la mesure où l'ombudsman chargé de la lutte contre la discrimination ethnique n'avait pas encore le pouvoir d'engager des poursuites judiciaires contre des actes racistes, les membres du Comité ont souhaité savoir si de telles poursuites pouvaient être engagées par la seule victime ou également par des organisations ou des associations de lutte contre la discrimination et le racisme. Ils ont demandé si le Gouvernement avait pris les mesures nécessaires pour faire connaître largement la possibilité de recours auprès du Comité, la Suède ayant fait la déclaration de l'article 14 de la Convention.

189. Concernant l'article 7 de la Convention, des membres du Comité ont déploré l'absence d'informations sur les mesures prises dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement et de la formation pour lutter contre la discrimination et les préjugés raciaux.

190. Dans sa réponse, le représentant de la Suède a indiqué que les questions auxquelles il ne lui serait pas possible de répondre oralement obtiendraient une réponse écrite dans le prochain rapport périodique de la Suède.

191. Au sujet des questions portant sur l'interdiction des organisations à caractère raciste, le représentant a indiqué que la position de la Suède était de maintenir un équilibre entre les mesures de lutte contre le racisme et la protection des libertés fondamentales, comme les libertés d'expression, d'association, de manifestation. Ce faisant, la Suède se conformait à ses obligations en prenant les mesures appropriées, qui à son avis pouvaient être des mesures autres que l'interdiction d'associations et organisations; de plus, ces dernières n'avaient pas l'obligation de se faire enregistrer, ce qui pourrait poser un problème pour les identifier si la Suède mettait en place un système d'interdiction des associations ayant un caractère raciste. Le représentant a ensuite indiqué que depuis la seconde guerre mondiale, de nombreux immigrants et réfugiés avaient choisi la Suède pour s'installer et que ce nombre augmentait encore depuis 1992, alors que la récession économique n'épargnait pas la Suède; le chômage frappait toutes les personnes vivant en Suède, les Suédois autant que les étrangers.

192. À propos des Samis, le représentant de l'État partie a indiqué que le Sameting avait les mêmes pouvoirs que ceux qui se trouvaient en Finlande et en Norvège, et que son Président était choisi par le peuple et nommé par le Gouvernement suédois; comme il avait été mis en place en août 1993, il était encore trop tôt pour évaluer son activité, mais cela serait fait dans le prochain rapport périodique de la Suède. En ce qui concernait les droits de chasse et de pêche des Samis, ils étaient basés sur des usages immémoriaux, et l'État ne pouvait pas intervenir et entraver ces droits; sur les terres appartenant à l'État et sur les pâturages pour les rennes, les droits de chasse et de pêche avaient été étendus aux non-Samis, dans la mesure où les droits des Samis n'en étaient pas affectés. L'expropriation dont il était question au paragraphe 63 du rapport affectait les terres qui étaient la propriété privée de Samis, qui, dans un tel cas, étaient indemnisés. Les enfants samis, comme tous les enfants en Suède, devaient aller à l'école, qui était obligatoire, leurs parents pouvant choisir de les envoyer dans des écoles samies ou suédoises.

193. Le représentant de la Suède a déclaré que les droits de l'homme étaient enseignés dans les écoles, et faisaient partie des programmes de formation des forces de police. À l'heure actuelle, il n'y avait pas de possibilité pour des associations ou des organisations de protection contre la discrimination raciale de porter une affaire de discrimination à l'égard d'un individu ou d'un groupe d'individus devant un tribunal, mais cette mesure était à l'étude. Des données plus précises concernant l'origine des groupes ethniques et des étrangers vivant en Suède seraient données dans le prochain rapport périodique. La politique de la Suède était de favoriser l'intégration des étrangers; les immigrants bénéficiaient des mêmes opportunités, des mêmes droits et obligations que les Suédois. Cette politique avait valu à la Suède le prix Carl Bertelsmann. Dans le but d'améliorer encore sa politique en faveur des étrangers, le Gouvernement suédois avait confié en janvier 1993 à une commission parlementaire la réforme des politiques appliquées aux immigrés et aux réfugiés, en particulier du point de vue de l'emploi et de la connaissance de la langue suédoise comme facteurs favorisant l'intégration des étrangers.

Conclusions

194. À sa 1034e séance, le 15 mars 1994, le Comité a adopté les conclusions ci-après.

a) Introduction

195. L'État partie est félicité pour la régularité avec laquelle il s'acquitte de l'obligation de présenter des rapports et l'occasion ainsi donnée au Comité d'engager un dialogue franc et constructif avec ses représentants a été appréciée, un dialogue au cours duquel ont été communiqués des renseignements sur les développements les plus récents concernant l'application de la Convention en Suède.

b) Aspects positifs

196. Il est noté qu'une Commission spéciale chargée de lutter contre la xénophobie et le racisme a été constituée et les mesures législatives proposées pour renforcer la pénalisation des délits à caractère raciste ou obéissant à des motivations du même ordre, consistant en des amendements au Code pénal, ont été appréciées. Le fait que l'on projette d'habiliter l'ombudsman chargé de la lutte contre la discrimination ethnique à engager des poursuites et à faire obstacle à la discrimination ethnique sur les lieux de travail est également noté avec satisfaction. Ces initiatives montrent qu'il importe à l'État partie de s'acquitter des obligations qu'il a contractées au regard de la Convention.

c) Principaux sujets de préoccupation

197. Les manifestations de xénophobie et de racisme qui se sont produites ces dernières années en Suède sont préoccupantes. À cet égard, les personnes détenant ou exerçant des fonctions publiques et politiques ne devraient pas être autorisées à se faire l'écho de sentiments racistes et xénophobes.

198. L'insuffisance des mesures prises par le Gouvernement pour prévenir les manifestations de xénophobie et de racisme et protéger efficacement les victimes potentielles de ces manifestations, suscite également des préoccupations.

199. Il est noté avec préoccupation que l'État partie n'a pris aucune mesure législative interdisant les organisations racistes, à savoir les organisations qui propagent des idées de supériorité raciale ou la haine raciale.

200. De graves inquiétudes sont en outre exprimées au sujet de récentes mesures législatives ayant eu un effet défavorable sur les droits des Samis eu égard à leurs activités traditionnelles de pêche, de chasse et d'élevage du renne, et en ce qui concerne le rythme de la progression des membres des minorités ethniques vers l'égalité et de leur intégration.

d) Suggestions et recommandations

201. Le Comité recommande que l'on continue d'arrêter et de mettre en oeuvre des mesures efficaces pour assurer qu'aucune manifestation de racisme et de xénophobie ne soit autorisée.

202. Le Comité réaffirme que les dispositions de l'article 4 a) et b) de la Convention ont un caractère obligatoire comme il est indiqué dans sa Recommandation générale VII (32). Il note qu'à ce jour ces dispositions n'ont pas été pleinement appliquées en Suède; il recommande donc que l'État

partie s'acquitte de chacune des obligations découlant de ces dispositions obligatoires de la Convention. Ce faisant, le Gouvernement devra aussi tenir compte de la Recommandation générale XV (42) du Comité.

203. Le Comité demande que soient inclus dans le prochain rapport périodique des renseignements concernant l'application de toute nouvelle mesure législative ou administrative tendant à combattre le racisme et la discrimination ethnique, ainsi que la manière dont on traite des délits motivés par le racisme ou découlant de motivations du même ordre, y compris les principes ou les critères en fonction desquels il est décidé d'intenter des poursuites pour incitation à la haine raciale et en fonction desquels sont prononcées les condamnations des personnes reconnues coupables de délits motivés par des considérations raciales, ainsi qu'en matière de prévention de la discrimination ethnique sur les lieux de travail.

204. Le Comité apprécierait également qu'on lui fournisse des renseignements détaillés sur les conclusions de l'enquête que le Centre de recherches sur les migrations internationales et les relations ethniques de l'Université de Stockholm a effectuée en 1993 sur l'opinion publique et les questions de discrimination raciale. Il souhaiterait également être plus amplement informé des effets des décisions des autorités locales en ce qui concerne les questions d'immigration et sur ce que fait le Conseil national de l'immigration pour anticiper et prévenir les conflits.

205. Le Comité demande également à être informé des méthodes et moyens employés pour mesurer l'effet des politiques préventives en matière de discrimination raciale et sur la situation actuelle des groupes minoritaires en Suède, en particulier en ce qui concerne l'exercice des droits visés à l'article 5 de la Convention.

206. Tous les éléments d'information, que l'État partie sera en mesure de fournir au Comité quant à l'efficacité relative des différentes mesures prises dans le domaine de l'éducation, de l'enseignement, de la culture et de l'information pour combattre les préjugés d'où découle la discrimination raciale, seront les bienvenus.

207. Enfin, le Comité demande à l'État partie de lui fournir dans son prochain rapport des renseignements supplémentaires sur le fonctionnement et les travaux de l'Assemblée samie et sur l'application de la loi d'expropriation.

208. Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur l'amendement du paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, qui a été approuvé à la quatorzième Réunion des États parties et par l'Assemblée générale, dans sa résolution 47/111, et l'invite à prendre rapidement les mesures nécessaires à l'acceptation officielle dudit amendement.



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