COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA
DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-sixième session
6-24 mars 2000
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité pour l'élimination de la
discrimination raciale
Espagne
1. Le Comité a examiné les quatorzième et quinzième
rapports périodiques de l'Espagne, soumis en un seul document (CERD/C/338/Add.6),
à ses 1383ème et 1384ème séances (CERD/C/SR.1383/ et 1384), tenues les 13
et 14 mars 2000. À sa 1396ème séance, le 23 mars 2000, il a adopté les conclusions
suivantes.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction les rapports
périodiques soumis par l'État partie et les renseignements complémentaires
apportés oralement par la délégation, mais selon lui le fait que les nombreuses
et volumineuses annexes au rapport soient en espagnol, a empêché les membres
d'avoir aisément accès à des éléments d'information essentiels. Le Comité
a été encouragé par le fait que le Gouvernement se soit fait représenter par
une délégation composée de représentants de nombreux ministères et se déclare
satisfait des réponses franches et constructives données par les membres de
ladite délégation aux questions posées.
3. Le Comité reconnaît que l'État partie a tenu
compte de certaines des préoccupations et recommandations qu'il avait formulées
dans ses précédentes conclusions. Toutefois, le nouveau rapport est une
mise à jour où sont exposés les faits nouveaux survenus depuis le rapport
précédent, plutôt que le rapport complet demandé par le Comité. De plus,
le nouveau rapport n'est pas rédigé de façon pleinement conforme aux principes
directeurs établis par le Comité.
B. Aspects positifs
4. Le Comité note la promulgation récente de la loi
organique No 4/2000 sur les droits et libertés des étrangers, dont il suivra
l'application de près avec grand intérêt, notamment en ce qui concerne les
programmes de régularisation des immigrants en situation irrégulière et la
mise en place de programmes d'intégration.
5. Le Comité encourage le Gouvernement à poursuivre
l'application du Programme de développement en faveur des Gitans qu'il a
lancé en 1989 et qui est exécuté en collaboration avec les associations
roms, ainsi que l'évaluation des résultats de ce programme. Il note avec
un intérêt particulier les effets favorables, dans le domaine du logement,
des mesures visant à faire en sorte que les Roms ne soient pas en butte
à la discrimination.
C. Sujets de préoccupation
et recommandations
6. Le Comité constate avec préoccupation qu'un nombre
remarquablement limité d'affaires portées devant les tribunaux nationaux ont
été considérées comme des incidents de discrimination raciale, en dépit d'une
augmentation générale notoire des actes de violence commis par des jeunes,
notamment des agressions d'étrangers par des groupes extrémistes, des mouvements
néo-nazis et des bandes. Il note également qu'en cas d'actes de violence contre
des étrangers, les poursuites judiciaires engagées le sont souvent pour coups
et blessures, détention illégale et dommages matériels, et que la connotation
raciste de tels actes n'est pas prise en considération. Se référant à l'article
4 de la Convention, le Comité recommande que l'État partie enregistre, pour
les inclure dans son prochain rapport périodique, des statistiques sur les
plaintes pour délits à motivation raciale et délits connexes, les enquêtes
auxquelles elles donnent lieu et le châtiment des coupables.
7. Le Comité est préoccupé par les incidents violents
dont ont été victimes récemment des personnes de nationalité marocaine à
El Ejido, dans la région d'Almería, et de surcroît par les informations
selon lesquelles les problèmes socio-économiques de fond qui ont provoqué
ces événements sévissent également dans d'autres régions du pays. Il recommande
donc que l'État partie prenne des dispositions pour venir à bout des causes
profondes de tension et de conflit, non pas simplement à titre de mesures
d'urgence, mais aussi dans le cadre d'une stratégie à long terme de lutte
contre la discrimination et la violence raciales, afin d'empêcher que de
tels incidents ne se reproduisent. Le Comité souhaite par ailleurs recevoir
de plus amples informations concernant les poursuites pénales engagées contre
les individus impliqués dans ces incidents et savoir dans quelle mesure
les condamnations ont un rapport direct avec la discrimination raciale.
8. Le Comité note qu'il n'a reçu aucune information
aisément accessible concernant le statut des habitants de Ceuta et de Melilla.
Il demande à l'État partie de donner des renseignements à ce sujet et de
préciser si ces personnes jouissent, sans discrimination aucune, des droits
consacrés à l'article 5 de la Convention.
9. À propos de l'article 5 e) de la Convention,
le Comité se déclare préoccupé par les informations faisant état de la discrimination
à laquelle sont en butte les personnes d'origine étrangère, particulièrement
dans le domaine de l'emploi. Il souhaite recevoir des précisions sur les
mesures prises par l'État partie pour assurer aux personnes appartenant
à des minorités ethniques ou nationales la jouissance effective des droits
au travail et à l'égalité des chances en matière de promotion et de carrière,
à l'éducation et au logement.
10. Notant les mesures positives prises par l'État
partie pour faire en sorte que les Roms ne soient pas en butte à la discrimination,
le Comité exprime sa préoccupation devant l'importance des taux d'abandon
scolaire et de l'absentéisme des enfants roms dans le primaire, ainsi que
le petit nombre de Roms qui mènent à bien des études supérieures. Il demande
à l'État partie de donner des renseignements sur les mesures prises ou envisagées
pour assurer à la minorité rom l'égalité des chances en matière d'éducation.
11. Pour ce qui est de la préoccupation qu'il avait
précédemment exprimée au sujet des informations faisant état de comportements
racistes de la part des membres de la police et de la Garde civile, le Comité
demande à l'État partie de fournir dans son prochain rapport des renseignements
sur toute évaluation qui aura été faite de l'efficacité des programmes de
formation en matière de non-discrimination organisés à l'intention de ces
personnels.
12. L'État partie est invité à donner dans son prochain
rapport de plus amples renseignements sur les questions ci-après : a) composition
ethnique de la population et situation socio-économique de chaque groupe;
b) mesures prises pour donner effet à la loi organique No 4/2000 sur les
droits et libertés des étrangers; c) résultats des dispositifs de régularisation
des immigrants en situation irrégulière; et d) mesures prises pour faire
en sorte que les lois régissant le droit à l'éducation et la normalisation
linguistique dans les Communautés autonomes n'aient pas d'effet discriminatoire.
13. Le Comité recommande à l'État partie de ratifier
les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptés
le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention.
14. Notant que l'État partie a fait la déclaration
prévue à l'article 14 de la Convention, le Comité lui recommande cependant
de reconsidérer la réserve qu'il a faite à l'égard de l'article 14, laquelle
impose un délai restrictif de trois mois, au lieu de six, après épuisement
des recours auprès des organes internes pour la soumission de communications
au Comité.
15. Le Comité recommande à l'État partie de rendre
ses rapports périodiques publics dès le moment où ils sont soumis et de
diffuser de la même manière les conclusions du Comité.
16. Le Comité recommande que le prochain rapport
périodique de l'État partie, qui devait être présenté le 4 janvier 2000,
constitue un rapport complet et traite de toutes les questions soulevées
dans les présentes observations.