University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Espagne, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.8 (1996).




COMITE POUR L'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS MEMBRES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Espagne


1. Le Comité a examiné le treizième rapport périodique de l'Espagne (CERD/C/263/Add.5) à ses 1145ème et 1146ème séances (voir CERD/C/SR.1145 et 1146) tenues les 7 et 8 mars 1996 et a adopté, à sa 1154ème séance, le 14 mars 1996, les conclusions suivantes.

A. Introduction

2. Le Comité se félicite de l'occasion qui lui est offerte de poursuivre le dialogue avec le Gouvernement espagnol. Il remercie l'Etat partie d'avoir présenté rapidement son treizième rapport périodique - moins d'une année après l'examen de son précédent rapport par le Comité -, démontrant ainsi sa ferme volonté d'éliminer la discrimination raciale et de remplir les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Le Comité note avec satisfaction que, même s'il ne suit pas les directives concernant l'élaboration des rapports périodiques, le rapport répond aux questions soulevées lors de l'examen du douzième rapport périodique. Le Comité remercie également la délégation espagnole des renseignements complémentaires qu'elle a fournis oralement.

B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

3. Il est noté que la multiplication des actes de discrimination raciale à l'égard des étrangers, des demandeurs d'asile et des membres de la communauté gitane constitue un obstacle à la pleine application de la Convention en Espagne. Qui plus est, le manque de données socio-économiques officielles sur la population gitane risque de réduire l'efficacité des politiques visant à améliorer leur situation.

C. Aspects positifs

4. On se félicite que la délégation espagnole se soit engagée au nom du gouvernement à faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, à retirer la réserve formulée au sujet de l'article 22 de la Convention et à envisager de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention adoptés à la quatorzième réunion des Etats parties.

5. Il est constaté avec satisfaction que les autorités espagnoles ont pris récemment des mesures pour intensifier la lutte contre la discrimination raciale et la xénophobie et pour rendre la législation espagnole plus conforme aux dispositions de la Convention. Par exemple, les lois organiques 4/95 et 10/95 introduisent dans le Code pénal le crime de génocide et qualifient de circonstances aggravantes les mobiles racistes ou antisémites à l'origine d'un délit ou d'un crime.

6. Il y a lieu aussi de se féliciter des dispositions de la nouvelle loi sur la réglementation du droit d'asile (No 9/1994) et du décret royal 203/1995 qui stipulent, entre autres, que lorsque la demande présentée par un demandeur d'asile a été rejetée, ce dernier peut encore obtenir un permis de résidence en Espagne pour des raisons humanitaires et que les demandeurs d'asile ont droit aux soins de santé et bénéficient dans le cadre de la procédure de demande d'asile de l'assistance d'un conseiller juridique et d'un interprète.

7. Le Programme de développement en faveur des Gitans, qui a pour but d'améliorer la situation de la communauté gitane, notamment dans le domaine de l'enseignement, du logement et de l'emploi et de promouvoir sa culture et à l'exécution duquel collaborent des associations gitanes, est noté avec satisfaction. L'Accord d'autoréglementation conclu entre le Ministère des affaires sociales et les organes d'information en vue de donner une image positive et non discriminatoire de la communauté gitane est perçu par le Comité comme une mesure originale et positive.

8. Il est pris note avec satisfaction des différentes campagnes lancées par le Ministère des affaires sociales ou par l'Union européenne, notamment sur les thèmes "Démocratie et égalité", "La jeunesse contre l'intolérance" ou "La jeunesse contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance".

D. Principaux sujets de préoccupation

9. Des préoccupations sont exprimées au sujet de la montée du racisme, de la xénophobie et de la discrimination contre les étrangers, les demandeurs d'asile et les membres de la communauté gitane. Il est noté avec une vive inquiétude que les comportements racistes de la part des membres de la police et de la Garde civile semblent se multiplier tandis que les condamnations prononcées sont loin d'être aussi nombreuses.

10. Il est noté avec regret qu'aucun renseignement précis sur la situation socio-économique de la communauté gitane n'a été fourni. De même, le Comité n'a reçu aucune information précise au sujet du statut des musulmans résidant à Ceuta et Melilla; en particulier, il n'a pas été indiqué d'une manière claire si les membres de cette communauté étaient des citoyens espagnols à part entière.

11. Il est constaté que ni le rapport de l'Etat partie ni les renseignements complémentaires fournis oralement par la délégation n'ont permis au Comité de se faire une idée suffisamment précise de la formation que reçoivent les membres des forces de sécurité, de l'appareil judiciaire et de l'administration en général afin d'éviter la discrimination raciale.

12. La large autonomie dont jouissent les communautés autonomes en Espagne dans le domaine de l'enseignement est un motif de satisfaction, mais il est noté avec préoccupation qu'en Catalogne et dans le Pays basque, il est parfois difficile pour les enfants appartenant à la minorité de langue castillane de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle.

13. De vives préoccupations ont été exprimées au sujet du statut des organismes néo-nazis et d'extrême droite qui propagent des idées racistes. Il est noté avec regret qu'il n'a pas été indiqué clairement au cours du débat si de tels organismes peuvent être reconnus et, dans l'affirmative, s'il est possible de les dissoudre au motif qu'ils propagent des idées racistes ou, s'il s'agit d'organismes clandestins, quelle est l'attitude des autorités à leur égard. Il n'est pas certain que l'Espagne applique pleinement l'article 4 b) de la Convention.

14. Il est noté que s'il y a lieu de se féliciter des efforts tendant à réinstaller les membres de la communauté gitane dans la région de Madrid au titre du programme de regroupement mis en place par la municipalité, les autorités devraient veiller davantage à ce que cette communauté ne soit pas victime de ségrégation par suite de l'application de ce programme.

15. Il est noté en outre qu'en raison du manque d'informations sur l'application de l'article 5 de la Convention, le Comité a du mal à évaluer la situation réelle, en Espagne, des étrangers et des membres des différents groupes ethniques, en ce qui concerne l'exercice de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

16. Des doutes ont été exprimés quant à l'existence de voies de recours dont pourraient se prévaloir les victimes d'actes de discrimination raciale pour obtenir des tribunaux compétents une réparation juste et suffisante.

E. Suggestions et recommandations

17. Le Comité recommande que les autorités espagnoles adoptent d'urgence des mesures plus efficaces pour mettre un terme aux actes racistes et à la xénophobie sous toutes leurs formes et les réprimer, notamment en assurant une formation aux membres des forces de sécurité, de l'appareil judiciaire et de l'administration et en soumettant les organismes d'extrême droite à une étroite surveillance. A propos de ces derniers, le Comité recommande de renforcer les mesures visant à assurer la pleine application de l'article 4 de la Convention.

18. Le Comité recommande que soit garanti l'exercice par chacun, sans discrimination aucune, des droits énumérés à l'article 5 de la Convention. A cet égard, il recommande en particulier qu'une attention accrue soit accordée au plein exercice par les membres de la communauté gitane des droits au logement, à l'enseignement, au travail et à la protection en cas de chômage.

19. Le Comité recommande que soient inclus dans le prochain rapport des renseignements détaillés sur les plaintes concernant des actes de discrimination raciale ou ethnique et sur les décisions rendues à leur sujet par les tribunaux.

20. Le Comité recommande que les autorités prennent des mesures pour que les enfants de langue castillane se trouvant en Catalogne et dans le Pays basque aient la possibilité de recevoir un enseignement dans leur propre langue.

21. Le Comité recommande à l'Etat partie d'inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les résultats de l'application des lois et des amendements adoptés récemment, dont il est question plus haut, et sur les obstacles rencontrés à cet égard, ainsi que sur l'application de l'article 5 de la Convention. De même, le Comité tient à souligner la nécessité d'inclure dans le prochain rapport des données statistiques complètes et à jour sur la composition ethnique exacte de la population espagnole et sur les caractéristiques socio-économiques de chaque groupe ethnique.

22. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Etat partie, qui doit être présenté d'ici le 5 janvier 1998, soit un rapport complet, établi conformément aux directives concernant l'élaboration des rapports.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens