University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Philippines, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.34 (1997).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante et unième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination de
la discrimination raciale


Philippines

1. A ses 1218ème et 1219ème séances, les 5 et 6 août 1997, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné les onzième, douzième, treizième et quatorzième rapports périodiques des Philippines (CERD/C/299/Add.12) et adopté, à sa 1231ème séance, le 14 août 1997, les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de pouvoir reprendre le dialogue avec l'Etat partie, après une interruption de huit ans, à l'occasion de l'examen des onzième, douzième, treizième et quatorzième rapports périodiques. Il remercie la délégation d'avoir répondu aux nombreuses questions qui ont été posées au cours du débat, ce qui lui a permis de se faire une idée plus claire de la façon dont la Convention a été ou est appliquée dans le pays, bien que, dans le rapport qui a été présenté, un certain nombre des questions importantes abordées lors de l'examen du dixième rapport de l'Etat partie n'aient pas reçu de réponse et qu'aucune suite n'ait été donnée à un certain nombre des recommandations faites alors.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

3. Il est pris note du fait que, bien que l'Etat partie ait récemment connu d'importantes réformes, politiques, économiques et sociales, les autorités ne sont pas encore parvenues à faire reculer la pauvreté endémique qui accentue les inégalités sociales et les disparités en matière de développement, touchant plus particulièrement les groupes vulnérables, y compris les communautés culturelles autochtones et les Philippins musulmans.


C. Aspects positifs

4. Le Comité accueille avec satisfaction la proclamation de la Décennie nationale des populations autochtones philippines (1995-2005) et la présentation au Président, conformément à l'ordonnance No 335 du 26 janvier 1996, d'un Plan philippin en faveur des droits de l'homme comprenant des plans d'action par secteur pour la protection des droits de l'homme dans le cas des communautés culturelles autochtones et des communautés musulmanes.

5. Le Comité accueille avec satisfaction l'adoption de diverses mesures visant directement ou indirectement à prévenir et à éliminer les disparités entre divers groupes ethniques, en particulier l'adoption, dans le cadre du Plan de développement à moyen terme, de l'Agenda pour la réforme sociale, qui vise à lutter contre la pauvreté et à instaurer la justice sociale, la promulgation des règles et règlements concernant les enfants des communautés culturelles autochtones, qui vise à offrir aux intéressés des services de santé de base, des centres de nutrition et d'autres services sociaux, l'adoption par le Ministère du travail et de l'emploi de mesures visant à prévenir la discrimination à l'égard des travailleurs issus de groupes minoritaires et l'octroi de bourses d'études à des enfants et à des jeunes des communautés culturelles autochtones dans le cadre du Programme de bourses pour l'intégration nationale et du Programme spécial d'assistance éducative aux groupes ethniques.

6. Le Comité relève avec satisfaction qu'un certain nombre de mesures ont été prises pour trouver une solution pacifique au conflit qui oppose le Gouvernement à la communauté philippine musulmane dans le sud du pays, comme la négociation d'un cessez-le-feu en 1990 et la signature d'un accord de paix en 1996 entre le Gouvernement et le Front de libération nationale Moro, la promulgation du décret-loi No 371 du 2 octobre 1996, instituant une zone spéciale de paix et de développement, un conseil pour la paix et le développement, et une assemblée consultative, ainsi que l'adoption, le 15 octobre 1996, de l'ordonnance administrative No 297 sur la mise en oeuvre de la disposition de l'accord de paix prévoyant l'enrôlement des membres du Front de libération nationale Moro dans la police nationale.

7. Le Comité note avec satisfaction, en ce qui concerne l'alinéa v) du paragraphe d) de l'article 5 de la Convention, la mise en oeuvre du Programme général de réforme agraire, qui vise à améliorer le mode d'occupation, par les communautés culturelles autochtones, de leurs terres ancestrales et la promulgation de l'ordonnance administrative No 02, série de 1993, en vertu de laquelle des certificats reconnaissant des droits sur les terres et les domaines ancestraux sont remis à des individus, à des familles, à des clans et à des communautés autochtones, bien que ces certificats ne constituent pas des titres de propriété.

8. Au sujet de l'article 7 de la Convention, le Comité se félicite de l'adoption de mesures telles que la promulgation de l'ordonnance No 27 de 1986 donnant pour instruction au Ministère de l'éducation, de la culture et des sports de faire figurer l'étude des droits de l'homme dans les programmes d'études à tous les niveaux de l'enseignement, la création, par le Ministère de l'éducation, de la culture et des sports, d'"ateliers" d'éducation pour la paix auxquels participaient des membres des communautés culturelles autochtones ainsi que la mise en place, par le Ministère de l'éducation, de la culture et des sports et la Commission des droits de l'homme, de programmes de formation concernant les droits de l'homme à l'intention des inspecteurs, lesquels seront appelés, à leur tour, à indiquer aux enseignants les méthodes d'introduction de l'enseignement des droits de l'homme à l'école.

9. Le Comité juge encourageant que plusieurs projets de lois aient été soumis au Congrès. Ceux-ci traitent plus particulièrement de la recherche d'une solution au problème fondamental du rétablissement des communautés culturelles autochtones dans les droits qu'elles possèdent sur leurs terres ou sur leurs domaines ancestraux (projet de loi No 33 déposé à la Chambre et projet de loi No 1728 déposé au Sénat), de l'égalité des chances en matière d'emploi pour les membres des communautés culturelles autochtones et les Philippins musulmans (projets de loi Nos 153, 212 et 1057 déposés au Sénat) et de l'amélioration de la situation économique et sociale des communautés culturelles (projet de loi No 1476 déposé au Sénat). Le Comité estime en outre encourageant que le Président Ramos ait demandé au Congrès d'adopter ces projets en novembre 1997 au plus tard.

10. Le Comité se félicite par ailleurs de la mise en place de la Commission des droits de l'homme et du Tanodbayan (médiateur).


D. Principaux sujets de préoccupation

11. Il est dit au paragraphe 4 du rapport : "La discrimination raciale, telle qu'elle est définie au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention, est étrangère aux coutumes et à la culture du peuple philippin. Une discrimination raciale du genre de celle qui était pratiquée en Afrique du Sud lorsque l'apartheid n'avait pas encore été démantelé n'a jamais existé aux Philippines, ni dans la politique officielle, ni dans les institutions, ni de façon systématique, intermittente ou isolée. C'est pourquoi il n'a jamais été fait état de l'existence d'une politique discriminatoire fondée sur la race, il n'y a jamais eu d'allégation de cas de discrimination raciale en tant que forme particulière de violation des droits de l'homme aux Philippines, même avant ou immédiatement après l'adoption de la Convention le 21 décembre 1965 et de sa ratification le 15 septembre 1967". Le Comité tient à souligner que le champ d'application du paragraphe 1 de l'article premier de la Convention est plus large. Cet article vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, social et culturel ou tout autre secteur de la vie publique. En outre, d'après le rapport et les informations reçues, des fractions importantes de la population connaissent des conditions d'existence qui ne garantissent pas l'exercice égalitaire des droits de l'homme.

12. Il est pris note avec préoccupation de ce qu'aucune législation n'interdit expressément la discrimination raciale. La Constitution comporte une énumération détaillée des droits de l'homme, mais il n'y a toujours pas de mesures législatives, judiciaires et administratives pour donner effet aux dispositions qu'elle renferme. Il faut rappeler, à cet égard, les articles 2, 4 et 7 de la Convention en particulier, qui font explicitement obligation aux Etats parties d'adopter des mesures spécifiques pour donner pleinement effet aux droits considérés.

13. Il n'a pas été précisé si le décret présidentiel No 1350-A de 1978, déclarant illégale toute violation de la Convention et prévoyant des sanctions en pareil cas, est entièrement conforme aux dispositions de l'article 4 de la Convention, en vertu desquelles des dispositions législatives doivent être prises pour déclarer délits la diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, les actes de violence ou provocation à de tels actes dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d'une autre couleur ou d'une autre origine ethnique, de même que toute assistance apportée à des activités racistes.

14. Vu l'absence de données désagrégées spécifiques sur la situation économique et sociale des communautés autochtones et des tribus ethniques vivant dans le pays et les disparités qui existent entre elles, il est difficile d'évaluer dans quelle mesure ces communautés et tribus jouissent des droits énoncés dans la Convention.

15. Le rapport ne fait état d'aucune loi spécifique portant application des droits énoncés dans l'article 5 de la Convention, ni de leur mise en oeuvre dans le pays, en particulier pour ce qui concerne les membres des communautés culturelles autochtones et les Philippins musulmans.

16. Pour ce qui est des alinéas a) et b) de l'article 5 de la Convention, il est préoccupant que de nombreux cas signalés de disparition, notamment d'autochtones et de Philippins musulmans, n'aient pas encore fait l'objet d'une enquête approfondie ni d'une action en justice.

17. Pour ce qui est des alinéas i) à v) du paragraphe d) de l'article 5 de la Convention, les cas d'expulsion forcée et de déplacement de populations autochtones dans des zones en développement et les informations faisant état de l'usage de la force pour interdire à des groupes autochtones spécifiques le droit de revenir dans certaines de leurs terres ancestrales sont préoccupants.

18. Pour ce qui est de l'article 6 de la Convention, il est préoccupant qu'aucune législation ne donne effet au droit de demander satisfaction ou réparation juste ou adéquate pour tout dommage subi du fait d'actes de discrimination raciale. Etant donné par ailleurs qu'il n'est pas signalé de violation du décret présidentiel 1350-A et que les tribunaux ne sont saisis d'aucune plainte pour acte de discrimination raciale, on peut s'interroger sur l'ampleur des moyens mis en oeuvre pour faire connaître au public les recours dont disposent les personnes victimes de discrimination raciale et sur l'efficacité des recours disponibles.

19. Les informations concernant le recensement démographique de 1990 ne répondent pas suffisamment aux questions posées lors de l'examen du dixième rapport, en particulier pour ce qui concerne les communautés culturelles autochtones et les tribus ethniques.


E. Suggestions et recommandations

20. Le Comité recommande qu'une attention prioritaire soit accordée à l'adoption des projets de loi relatifs aux communautés culturelles autochtones et aux Philippins musulmans dont le Congrès est déjà saisi, que des lois d'habilitation soient adoptées pour donner pleinement effet aux dispositions constitutionnelles relatives à la promotion et à la protection des droits de l'homme en général et des droits protégés par la Convention en particulier, et que des modifications soient apportées à la législation interne afin d'interdire la discrimination raciale telle que la définit le paragraphe 1 de l'article premier de la Convention.

21. Le Comité recommande que, dans le prochain rapport périodique, les mesures visant à promouvoir les intérêts et le bien-être des communautés culturelles autochtones et des Philippins musulmans soient présentées comme faisant partie de la mise en oeuvre des dispositions de la Convention, et non séparément.

22. Le Comité recommande également que le prochain rapport périodique comporte des informations détaillées sur les pouvoirs, les fonctions et les activités de la Commission des droits de l'homme et du médiateur, en particulier sur le nombre et la teneur des plaintes reçues et la suite qui leur a été donnée.

23. Le Comité recommande que figurent dans le prochain rapport périodique des renseignements sur la composition ethnique de la population, le niveau de vie de chaque groupe, ainsi que divers autres indicateurs sociaux ou concernant l'éducation, analysés et résumés sur la base du recensement démographique de 1990, l'accent étant mis particulièrement sur les communautés et les tribus ethniques autochtones.

24. Le Comité réaffirme que les dispositions de l'article 4 de la Convention sont contraignantes, comme il l'indique dans sa Recommandation générale VII (32), et il recommande que le décret présidentiel 1350-A de 1978 soit réexaminé à la lumière de cette recommandation. Le Comité souligne, à cet égard, que l'Etat partie doit s'acquitter de toutes les obligations découlant pour lui de cet article et que, ce faisant, il doit tenir pleinement compte de la Recommandation générale XV (42).

25. Le Comité recommande que les mesures d'ordre législatif, administratif et judiciaire nécessaires soient prises pour protéger le droit de chacun, sans discrimination, à jouir des droits visés dans l'article 5 de la Convention, en particulier le droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice, le droit à la sécurité de la personne et à la protection de l'Etat contre les voies de fait ou les sévices, et le droit de circuler librement et de choisir sa résidence.

26. Le Comité recommande que l'Etat partie assure une protection, devant les tribunaux compétents, contre tous actes de discrimination raciale, conformément à l'article 6 de la Convention, notamment en renforçant le système judiciaire, l'indépendance du pouvoir judiciaire et la confiance de la population dans la justice. Il recommande en outre que, pour les personnes victimes d'acte de discrimination raciale, le droit de demander satisfaction ou réparation juste et adéquate soit pleinement garanti dans la loi et en fait.

27. Le Comité recommande que d'autres mesures soient prises pour assurer une plus large diffusion aux dispositions de la Convention, en particulier parmi les membres des groupes minoritaires, au sein de la justice et de la police et auprès des agents de l'Etat en général. A cet égard, le Comité recommande de mettre particulièrement l'accent sur la diffusion d'informations concernant les recours disponibles en cas de discrimination raciale.

28. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier les modifications du paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention qui ont été adoptées à la quatorzième réunion des Etats parties.

29. Il est pris note de ce que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, et certains membres ont demandé que soit envisagée la possibilité de faire cette déclaration.

30. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Etat partie, attendu le 4 janvier 1998, soit détaillé et traite de tous les points évoqués dans les présentes conclusions.



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