COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA
DISCRIMINATION RACIALE
Soixantième session
4-22 mars 2002
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale*
République de Moldova
1. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné le
rapport initial et les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques
de la République de Moldova (CERD/C/372/Add.2) qui étaient demandés pour le
1er mars 1994, 1996, 1998 et 2000, respectivement, à ces 1505e et 1506e séances
(CERD/C/SR.1505 et 1506), tenues les 11 et 12 mars 2002. À sa 1517e séance
(CERD/C/SR.1517), tenue le 19 mars 2002, il a adopté les conclusions ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport détaillé présenté par
la délégation de la République de Moldova qui contient des informations utiles
sur l'application des dispositions de la Convention dans l'État partie. Il
se félicite de pouvoir entamer un dialogue franc et constructif avec l'État
partie. Tout en notant que le rapport n'était pas structuré comme le requièrent
ses directives, le Comité se félicite des renseignements complémentaires fournis
par la délégation de l'État partie dans sa présentation orale.
B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention
3. Le Comité note que l'État partie traverse une difficile période de transition
et doit faire face à de graves défis sur les plans économique et social. En
outre, il n'est pas en mesure d'exercer sa juridiction sur une partie de son
territoire, la Transnistrie, en raison du conflit ethnique dont elle est le
théâtre. Le Comité est préoccupé par les répercussions de ce conflit sur l'application
de la Convention.
C. Aspects positifs
4. Le Comité se félicite de la ratification par l'État partie de nombreux
instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme qui revêtent une
importance dans l'optique de l'élimination de la discrimination raciale.
5. Le Comité note avec satisfaction les efforts entrepris par l'État partie
pour assurer la promotion et la protection des droits de l'homme, notamment
l'adoption de la Constitution de 1994 qui garantit un vaste éventail de droits
fondamentaux, de la loi de 1990 sur la citoyenneté, de l'entrée en vigueur
de la loi de 1997 sur les associations ainsi que de la loi de 1995 sur la
presse, des lois sur l'enseignement public et sur les programmes radiophoniques
et télévisés, de la loi de 1994 sur les bibliothèques et des amendements proposés
en application des différentes obligations conventionnelles.
6. Le Comité se félicite des décrets que l'État partie a adoptés en vue d'assurer
l'utilisation et le développement des langues des minorités ethniques ainsi
que le développement de la culture nationale de ces minorités, notamment celle
des groupes ukrainien, russe, juif et bulgare. Le Comité recommande à l'État
partie de poursuivre ses efforts en vue de faciliter aux membres des minorités
l'accès à l'enseignement dans leur langue maternelle.
7. Le Comité note la création d'institutions spécialisées - traduisant
la ferme volontÚ de l'╔tat partie de combattre la discrimination raciale
- telles que la Commission parlementaire des droits de l'homme, des
cultes, des minoritÚs ethniques et des communautÚs externes, le DÚpartement
des relations nationales et de l'utilisation des langues, l'organisme d'╔tat
chargÚ des questions religieuses, la Commission prÚsidentielle des relations
interethniques et le service du Procureur chargÚ des minoritÚs.
8. Le ComitÚ note avec satisfaction les efforts entrepris par l'╔tat
partie pour exÚcuter les programmes d'Úducation dans le domaine des droits
de l'homme, y compris ceux destinÚs aux fonctionnaires chargÚs de l'application
des lois. Il note en outre les efforts de l'╔tat partie pour diffuser
des informations sur les droits de l'homme et, en particulier, sur les droits
des minoritÚs vivant sur son territoire.
9. Le ComitÚ note que les plans de dÚveloppement Úconomique et social de l'╔tat
partie visent Ó amÚliorer les relations interethniques.
D. Sujets de préoccupation et recommandations
10. Le Comité constate l'absence dans le rapport de données ventilées sur
la population donnant des détails sur sa composition ethnique. Il recommande
à l'État partie de fournir les données requises dans son prochain rapport
périodique afin de faciliter la compréhension des caractéristiques ethniques
de sa population.
11. Le Comité note l'absence d'exemple de l'application des dispositions de
la Convention dans la pratique. Il recommande à l'État partie d'inclure dans
son prochain rapport périodique des renseignements sur cette question et sur
le suivi des articles 4 et 6 de la Convention ainsi que des données sur les
incidents de discrimination raciale. En outre, des informations sur les peines
et sanctions imposées à des personnes condamnées pour discrimination raciale
ou racisme seraient les bienvenues.
12. En ce qui concerne les dispositions de la Constitution et les textes législatifs
visant à protéger les droits des personnes appartenant à des groupes ethniques
minoritaires, le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures
pour garantir pleinement à ces groupes les droits économiques, sociaux et
culturels consacrés par l'article 5 e) de la Convention, notamment le droit
au travail et à un logement convenable; il lui est également demandé de faire
figurer dans son prochain rapport de plus amples informations sur l'application
des dispositions de l'article 5 e).
13. On a signalé que certaines personnes appartenant à des minorités qui travaillaient
pendant l'ère soviétique dans des fermes collectives se sont retrouvées sans
terre par suite de la privatisation de ces fermes. Il est demandé à l'État
partie de décrire dans son prochain rapport les mesures correctives prises
pour faire face à la situation économique des membres des minorités ethniques
sans terre.
14. En ce qui concerne l'article 7 de la Convention, le Comité recommande
à l'État partie de poursuivre et de développer ses programmes éducatifs et
culturels en vue de sensibiliser le public aux problèmes du racisme et de
la discrimination raciale. Il invite l'État partie à fournir dans son prochain
rapport des renseignements détaillés sur le système éducatif, sur le rôle
des institutions ou des associations œuvrant pour développer la culture
et les traditions nationales ainsi que sur le rôle de l'État et des médias
dans la lutte contre les préjugés raciaux. Le Comité recommande également
à l'État partie de faire en sorte que les minorités et les groupes ethniques
se trouvant sur son territoire reçoivent des informations et une éducation
dans leurs langues respectives.
15. Le Comité note les informations selon lesquelles, à la suite des événements
tragiques du 11 septembre 2001 aux États-Unis, une enquête parlementaire a
été ouverte sur l'existence présumée de terroristes parmi les étudiants d'origine
arabe de l'Université internationale indépendante de Moldova. L'État partie
doit veiller à ce que toute mesure prise soit conforme aux règles d'équité
et à éviter tout stéréotype racial.
16. La loi sur la publicité stipule qu'une publicité est considérée comme
immorale si, entre autres, elle contient des comparaisons et des images diffamatoires
concernant la race, la nationalité, l'origine sociale ou la langue. L'État
partie est prié de fournir dans son prochain rapport périodique des informations
détaillées sur les sanctions imposées en cas de publicité immorale et d'indiquer
s'il y a déjà eu des condamnations.
17. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de violences
policières à l'encontre de personnes appartenant à des groupes minoritaires,
en particulier les Roms. Il recommande à l'État partie de prendre toutes les
mesures nécessaires pour prévenir et punir l'usage excessif de la force par
les fonctionnaires chargés de l'application de la loi à l'encontre des minorités.
En outre, des dispositions devraient être prises en vue d'éduquer et de sensibiliser
ces fonctionnaires aux dispositions de la Convention. Il convient de tenir
dûment compte de la recommandation générale XIII en vertu de laquelle les
responsables de l'application des lois devraient recevoir une formation qui
leur permette, dans l'exécution de leurs fonctions, de respecter et de protéger
les droits de l'homme de tous sans distinction de race, de couleur ou d'origine
nationale ou ethnique.
18. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les minorités
seraient sujettes à une discrimination dans les domaines de l'emploi, du logement,
de l'enseignement et des soins de santé. Il s'inquiète également d'informations
indiquant que parfois la population rom se voit interdire l'accès à des lieux
publics ou refuser des services dans ces lieux. Le Comité recommande à l'État
partie de prendre des mesures efficaces pour éliminer les pratiques discriminatoires
à l'égard des minorités et, en particulier, de la population rom. Il lui recommande
aussi de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements
sur l'impact des mesures prises pour améliorer la situation de la population
rom à la lumière de la recommandation générale XXVII.
19. Le Comité note que l'État partie n'a pas fait la déclaration prévue à
l'article 14 de la Convention et lui demande de songer à la faire.
20. Le Comité recommande à l'État partie de ratifier les amendements au paragraphe
6 de l'article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième
réunion des États parties à la Convention et approuvés par l'Assemblée générale
dans sa résolution 47/111.
21. Le Comité recommande à l'État partie de tenir compte, lorsqu'il incorpore
des dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à
7, dans l'ordre juridique interne, des passages pertinents de la Déclaration
et du Programme d'action de Durban et de communiquer dans son prochain rapport
périodique des renseignements sur les plans d'action et autres mesures adoptées
pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Programme d'action.
22. Le Comité recommande à l'État partie de mettre à la disposition du grand
public ses rapports périodiques dès leur présentation et de faire connaître
de la même manière les conclusions correspondantes du Comité.
23. Le Comité recommande à l'État partie de soumettre son cinquième rapport
périodique en même temps que son sixième attendu le 25 février 2004, en un
seul document qui constituerait une mise à jour et traiterait de toutes les
questions soulevées dans les présentes conclusions.
___________________________
* La cote CERD/C/No de la session/CO/… remplace désormais l'ancienne
cote CERD/C/304/Add…