University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, République islamique d'Iran, U.N. Doc. A/48/18,paras.257-277 (1993).






COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Iran (République islamique d')


257. Le Comité a examiné les neuvième, dixième, onzième et douzième rapports périodiques de la République islamique d'Iran, présentés dans un document unique (CERD/C/226/Add.8), à ses 989e et 990e séances, tenues le 4 août 1993 (voir CERD/C/SR.989 et 990).

258. En présentant les rapports, le représentant de l'Etat partie a déclaré que son pays était déterminé, tant à l'échelon national qu'international, à poursuivre des politiques visant à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes. Les différents groupes ethniques qui existaient dans la République islamique d'Iran s'étaient mêlés les uns aux autres au cours de l'histoire et avaient établi entre eux des liens étroits. Tous les citoyens étaient égaux devant la loi et avaient le droit de participer sur un pied d'égalité à la vie politique du pays.

259. Des membres du Comité se sont félicités de ce que le Gouvernement de la République islamique d'Iran ait recommencé à coopérer avec le Comité huit ans après l'examen du précédent rapport. Ils ont cependant regretté que le rapport n'ait pas été établi conformément aux principes directeurs formulés par le Comité pour la présentation des rapports des Etats parties et que les informations qu'il contenait ne soient pas suffisantes pour permettre au Comité de déterminer dans quelle mesure les dispositions de la Convention, en particulier ses articles 5, 6 et 7, étaient appliquées concrètement dans la République islamique d'Iran. Ils ont fait observer, à cet égard, que les déclarations du Gouvernement rejetant toutes les formes de discrimination raciale ne suffisaient pas à prouver qu'il s'acquittait de ses obligations aux termes de la Convention.

260. Des membres du Comité ont noté que le rapport ne contenait aucune information sur la composition ethnique du pays, information que le Comité avait sollicitée lorsqu'il avait examiné les précédents rapports de la République islamique d'Iran et que le représentant de l'Iran avait promis de fournir. Ils souhaitaient savoir, en particulier, si les Turcs, les Turkmènes, les Kurdes, les Lor, les Baloutches, les Farsis et les Arabes étaient les seuls groupes ethniques et linguistiques du pays, quel était le statut des Lor et des Baloutches, ce qui différenciait les Turcs des Turkmènes et quelle était la politique du Gouvernement à l'égard des Baloutches. Ils souhaitaient également savoir avec précision si les enfants appartenant à des groupes ethniques minoritaires recevaient un enseignement scolaire dans leur langue maternelle et quel pourcentage des membres élus des organes législatifs iraniens étaient issus de minorités ethniques, religieuses et linguistiques. On a fait observer que près de 50 % de la population iranienne tout entière appartenaient à des groupes minoritaires et qu'il était par conséquent important de connaître le statut de ces groupes et la manière dont ils étaient intégrés à la vie politique, économique, sociale et culturelle du pays. Des membres du Comité ont demandé en outre si des projets économiques et sociaux destinés à améliorer le niveau de développement et les conditions de vie des personnes appartenant à des groupes minoritaires étaient en cours, quelle était la proportion des postes dans la fonction publique et dans les principales professions qui étaient occupés par des membres de minorités ethniques et combien de ces derniers accédaient à l'enseignement supérieur, quelle était la position des groupes kurdes d'opposition et s'il était tenu compte des citoyens d'origine ethnique dans les recensements de la population. Des membres du Comité ont fait observer que c'étaient des informations de ce type concernant la situation des ethnies dans la République islamique d'Iran qui permettraient de déterminer si la politique de respect racial proclamée par l'Etat partie était véritablement appliquée dans la pratique.

261. Se référant à l'article 2 de la Convention, des membres du Comité ont fait observer que les dispositions de l'article 19 de la Constitution iranienne, qui stipulaient que les membres de tous les groupes ou tribus ethniques jouissaient de droits égaux, n'équivalaient pas entièrement à l'interdiction de la discrimination raciale telle qu'elle était formulée dans la Convention. Il a également été suggéré que les autorités iraniennes encouragent la réalisation d'enquêtes afin de déterminer où la discrimination raciale se manifestait, si tel était le cas, dans la société. On a demandé également s'il existait dans la République islamique d'Iran des organisations multiraciales à visées intégrationnistes.

262. En ce qui concerne l'article 4 de la Convention, des membres du Comité ont demandé des précisions sur l'application pratique en République islamique d'Iran de la loi de 1977 sur la répression de la propagande en faveur de la discrimination raciale. Ils ont demandé en particulier si des cas de discrimination tombant sous le coup de cette loi avaient été portés devant les tribunaux et, à cet égard, quel était le statut de la Convention par rapport à la Constitution et à la législation et si la Convention pouvait être invoquée directement devant les tribunaux.

263. Se référant à l'article 5 de la Convention, des membres du Comité ont fait observer que, puisque le Gouvernement n'avait fourni aucun renseignement sur l'application des dispositions de cet article, force leur était de s'en remettre à d'autres informations émanant du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme concernant la République islamique d'Iran, de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités et d'organisations non gouvernementales actives dans le domaine des droits de l'homme. Ils croyaient comprendre que certains groupes (les Pasdarans et les Basij) exerçant des fonctions dans la police ne faisaient pas partie des forces de sécurité de l'Etat, et ils ont demandé à ce sujet si des mesures étaient prises pour s'assurer que ces groupes agissent en conformité avec la loi et avec les obligations internationales contractées par l'Etat. Les membres de la police et le personnel militaire recevaient-ils une formation dans le domaine des droits de l'homme? D'après certaines informations, les adeptes de certaines religions non reconnues dans la République islamique d'Iran étaient l'objet de mesures discriminatoires; c'était le cas, notamment, de la communauté religieuse baha'ie dont les membres étaient victimes de violations particulièrement graves de leurs droits de l'homme. Des membres du Comité ont posé une série de questions concernant cette communauté. Pourquoi celle-ci faisait-elle l'objet d'une distinction fondée sur l'origine? Pourquoi était-elle frappée de discrimination et sa religion se voyait-elle dénier toute reconnaissance officielle; pourquoi lui était-il interdit d'élire des dirigeants et de mener des activités religieuses? Pourquoi les mariages des Baha'is n'étaient-ils pas reconnus et les membres de cette communauté se voyaient-ils refuser l'accès à l'enseignement supérieur ainsi qu'à certaines activités économiques et à certains emplois. Des membres du Comité ont également souhaité savoir dans quelle mesure les différents groupes ethniques et religieux dans la République islamique d'Iran jouissaient du droit de participer aux élections sans distinction, du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, du droit à la liberté d'opinion et d'expression et du droit à la liberté de réunion pacifique et d'association.

264. En ce qui concerne l'article 6 de la Convention, des informations ont été demandées au sujet du système judiciaire iranien, en particulier sur le type de formation que recevaient les juges, sur leur statut, leur indépendance et leurs fonctions et l'on aurait aimé savoir s'il y avait des juges qui appartenaient à des groupes minoritaires. On a fait remarquer que, d'après de nombreuses allégations, les violations des droits de l'homme, en particulier les arrestations arbitraires, les exécutions sommaires, les tortures et les traitements cruels et dégradants étaient le fait des gardes révolutionnaires. On a demandé, à ce sujet, ce que le Gouvernement avait fait pour s'assurer que les gardes révolutionnaires agissent conformément à la loi et aux obligations internationales contractées par l'Iran et quels étaient les moyens de protection et les recours offerts aux personnes dont les droits n'avaient pas été respectés.

265. A propos de l'article 7 de la Convention, on a demandé si les membres de la police et le personnel militaire recevaient une formation quelconque dans le domaine des droits de l'homme.

266. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a fait observer que certaines questions soulevées par les membres du Comité trouvaient leur réponse dans les rapports que son gouvernement avait présentés récemment au Comité des droits de l'homme et au Comité des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que dans les déclarations faites par le représentant de son pays lors de l'examen de ces rapports par les deux organes susmentionnés.

267. S'agissant de la composition démographique de la République islamique d'Iran, le représentant a déclaré qu'aucun recensement indiquant l'origine ethnique des citoyens iraniens n'avait été réalisé dans le pays. L'Etat s'attachait à protéger les droits et libertés de l'individu indépendamment de toute considération ethnique, et l'origine ethnique n'était nullement mentionnée dans les formulaires de demande d'emploi, de candidature à un poste dans la fonction publique, ou d'inscription à l'université. Quant à la composition du Parlement iranien, le représentant a indiqué que celui-ci comptait moins de 300 parlementaires; trois sièges étaient réservés aux chrétiens alors que les musulmans y disposaient de 200 sièges. En outre, il a déclaré qu'il y avait dans le pays des groupes linguistiques, mais il s'agissait simplement d'Iraniens s'exprimant dans des langues différentes.

268. Au sujet de l'article 2 de la Convention, le représentant a déclaré qu'il n'existait dans son pays aucune organisation multiraciale oeuvrant pour des objectifs qui lui étaient propres puisque la société iranienne n'était pas multiraciale.

269. S'agissant de l'article 5 de la Convention, le représentant a réfuté les allégations de violations des droits de l'homme dans la République islamique d'Iran qui figuraient dans les rapports ou les résolutions de la Commission des droits de l'homme et de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, ainsi que dans les renseignements fournis par les organisations non gouvernementales. Il a, par la suite, déclaré que l'Etat iranien, à l'instar de 51 autres Etats islamiques, ne reconnaissait pas les Baha'is en tant que groupe religieux, mais que, conformément à la Constitution iranienne, nul ne pouvait être attaqué ou réprimandé pour ses opinions, et les droits de tous les citoyens devaient être protégés quelles que fussent leurs idées, convictions ou orientations politiques. Par conséquent, aucune interdiction n'était faite aux Baha'is, notamment en ce qui concerne l'accès à l'université sur la base de leurs croyances.

270. A propos de l'article 6 de la Convention, le représentant a indiqué que, dans son pays, une Cour de justice administrative, placée sous le contrôle du Conseil supérieur judiciaire, était chargée d'examiner les plaintes, griefs et protestations de particuliers à l'égard d'agents, d'organismes ou de règlements gouvernementaux, ou concernant la reconnaissance de leurs droits. D'une manière générale, des stages de formation en matière de droits de l'homme étaient prévus pour les juges.

Conclusions

271. A sa 1009e séance, tenue le 18 août 1993, le Comité a adopté les conclusions ci-après.

a) Introduction

272. Le Comité s'est félicité de la reprise du dialogue avec le Gouvernement de l'Etat partie huit ans après l'examen par le Comité de son précédent rapport. Le Comité a toutefois constaté avec regret que le douzième rapport périodique ne contenait pas de renseignements utiles permettant au Comité d'étudier la mise en oeuvre de la Convention par l'Etat partie. Le rapport n'a pas été établi conformément aux principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports présentés par les Etats parties (CERD/C/70/Rev.3). Il contenait très peu de renseignements sur les dispositions législatives prises pour combattre la discrimination raciale et ne disait rien des pratiques judiciaires et administratives relatives à l'application de la Convention par la République islamique d'Iran. Comparé au huitième rapport périodique de l'Etat partie, examiné en mars 1985, le douzième rapport périodique marquait une régression. Le Comité s'est félicité des renseignements fournis oralement par le représentant de l'Etat considéré, qui élucidaient nombre de points, encore que nombre de questions soulevées par le Comité soient restées sans réponse. Le manque d'informations n'avait guère permis au Comité de déterminer comment la Convention était effectivement appliquée dans la République islamique d'Iran. Le Comité devait donc s'appuyer sur d'autres sources d'informations, comme les rapports du Rapporteur spécial sur l'Iran de la Commission des droits de l'homme et les rapports des organisations non gouvernementales, pour évaluer dans quelle mesure l'Etat partie se conformait aux engagements internationaux qu'il avait contractés en vertu de la Convention.

b) Principaux sujets de préoccupations

273. Le Comité a noté que le Gouvernement iranien n'avait pas communiqué les renseignements qu'il aurait dû fournir au sujet du statut légal de la Convention au regard de la législation nationale, de la possibilité pour les particuliers d'invoquer les dispositions de la Convention directement devant les tribunaux et également au sujet de la composition démographique et ethnique de la population iranienne. S'agissant de cette dernière question, le Comité a rappelé que le représentant de l'Etat partie avait promis de présenter des informations détaillées sur les groupes ethniques, religieux et linguistiques et sur la composition démographique de la population lorsque le Comité a examiné son septième rapport en 1983.

274. Le Comité était particulièrement préoccupé par le manque d'informations touchant la mise en oeuvre effective, dans la République islamique d'Iran, des dispositions des articles 4, 5, 6 et 7 de la Convention. A ce propos, le Comité voulait savoir quel traitement était réservé aux minorités ethniques, religieuses et linguistiques en Iran et quelle était leur situation. On a fait mention, par exemple, de la situation de la communauté Baha'ie, de celle des Kurdes et d'autres minorités ethniques.

c) Suggestions et recommandations

275. Le Comité recommande que ses commentaires et observations relatifs à l'examen des neuvième, dixième, onzième et douzième rapports périodiques de la République d'Iran soient examinés par les autorités de l'Etat partie en vue de l'adoption des mesures légales, judiciaires et administratives voulues pour donner effet dans la pratique à toutes les dispositions de la Convention.

276. Le Comité a recommandé aussi que le prochain rapport périodique de la République islamique d'Iran soit rédigé conformément aux Principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports présentés par les Etats parties. Ce rapport devrait notamment contenir des renseignements sur la composition démographique de la population et sur les groupes ethniques, linguistiques et religieux vivant sur le territoire de l'Etat partie et expliquer la participation de ces groupes à la vie politique, économique, sociale et culturelle du pays. Des renseignements étaient nécessaires aussi en ce qui concernait les mesures concrètes prises le Gouvernement pour garantir le droit de toute personne appartenant à ces groupes de jouir, sans discrimination, des droits énoncés à l'article 5 de la Convention. Le Comité a rappelé qu'en application du Programme de services consultatifs et d'assistance technique du Centre pour les droits de l'homme, la République islamique d'Iran, si elle le demandait, pouvait bénéficier des avis d'experts pour la rédaction de son prochain rapport périodique.

277. Etant donné que plus de huit années s'étaient écoulées entre l'examen du dernier (huitième) rapport périodique de la République islamique d'Iran en 1985 et son douzième rapport en 1993, et compte tenu du manque d'informations pertinentes fournies dans ce dernier rapport, le Comité demandait à l'Etat partie de prendre en considération ses vues et commentaires lorsqu'il rédigerait son prochain rapport périodique, qui devait être présenté le 5 janvier 1994 pour que le Comité puisse l'examiner à l'une de ses sessions.



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