COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Soixante-deuxième session
3-21 mars 2003
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale*
Ghana
1. Le Comité a examiné les seizième et dix-septième rapports périodiques du
Ghana, attendus respectivement les 4 janvier 2000 et 2002, présentés en un
seul document (CERD/C/431/Add.3), à ses 1574e et 1575e séances (CERD/C/SR.1574
et CERD/C/SR.1575), tenues les 17 et 18 mars 2003, et a adopté les conclusions
suivantes à sa 1581e séance (CERD/C/SR.1581), tenue le 21 mars 2003.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport détaillé soumis par l'État
partie et note en s'en félicitant que dans les rangs de la délégation de haut
niveau dépêchée par l'État partie figurait un membre de la Commission des
droits de l'homme et de la justice administrative du Ghana. Il remercie la
délégation d'avoir fourni au Comité des renseignements supplémentaires très
complets.
B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention
3. Le Comité note que l'insuffisance des équipements éducatifs, le taux élevé
d'analphabétisme dans certaines zones du Ghana ainsi que l'existence de quelques
pratiques traditionnelles néfastes constituent des obstacles à la pleine application
de la Convention
C. Aspects positifs
4. Le Comité se félicite de la qualité du rapport ainsi que de la franchise
et de l'ouverture manifestées par l'État partie dans l'examen de la situation
au Ghana dans la perspective de la Convention.
5. Le Comité note avec satisfaction que l'État partie a adopté une approche
tendant à respecter les coutumes et traditions des divers groupes ethniques
vivant sur son territoire, tout en renforçant l'exercice par tous les individus
de leurs droits de l'homme. Il note en outre qu'en vertu de l'article 26
de la Constitution, qui protège les droits culturels, les pratiques coutumières
susceptibles de déshumaniser une personne ou de porter atteinte à son bien-être
physique et mental sont interdites.
6. Le Comité prend note avec satisfaction du rôle que joue la Commission
des droits de l'homme et de la justice administrative dans la défense des
droits de l'homme, en particulier du droit d'être protégé contre la discrimination
raciale et l'intolérance, ainsi que des activités menées dans le domaine
de l'éducation relatives aux droits de l'homme et de la tolérance tant par
la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative que
par la Commission nationale de l'éducation civique. Le caractère décentralisé
de la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative ainsi
que sa coopération continue avec la société civile sont accueillis avec
satisfaction; le Comité considère que ce sont là de bons moyens d'atteindre
la population et de veiller à une meilleure application de la Convention.
7. Le Comité se félicite du processus en cours d'élaboration d'un plan
d'action national contre le racisme et de la participation des ONG à cette
entreprise.
8. Le Comité note avec satisfaction que la délégation lui a donné l'assurance
que le Gouvernement ghanéen entendait étudier sérieusement la possibilité
de faire la déclaration prévue à l'article 14 et de ratifier l'amendement
au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention. À ce propos, le Comité
renvoie à la résolution 57/194 de l'Assemblée générale du 18 décembre 2002,
dans laquelle l'Assemblée demande instamment aux États parties de hâter
leurs procédures internes de ratification de l'amendement et d'informer
par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation
de cet amendement.
D. Sujets de préoccupation et recommandations
9. Le Comité note avec inquiétude qu'une tendance à la discrimination ethnique
se perpétue dans la société ghanéenne et qu'une enquête de 1997 a fait apparaître
que 25 % des répondants estimaient faire l'objet d'une discrimination fondée
sur leur origine tribale. Le Comité recommande d'attribuer un rang de priorité
élevé à l'élimination des pratiques discriminatoires et des préjugés raciaux
au Ghana, ce par le canal d'un renforcement de l'éducation en général et des
programmes éducatifs aux droits de l'homme en particulier, de la criminalisation
des actes de discrimination raciale et de sanctions effectives.
10. Le Comité s'inquiète en particulier de l'éruption sporadique de conflits
ethniques donnant lieu à des violences au Ghana et salue les efforts entrepris
par l'État partie pour combattre ce phénomène. Le Comité prend note en particulier
du rôle que jouent les chefs traditionnels et religieux dans la résolution
des conflits touchant à la terre et aux chefferies ou concernant le droit
coutumier. Le Comité demande à l'État partie d'incorporer dans son prochain
rapport périodique davantage de renseignements sur les origines de ces conflits,
sur la nature des solutions auxquelles on parvient en général et sur les
mesures concrètes prises pour empêcher qu'ils ne se reproduisent. Le Comité
demande en outre des renseignements sur les modalités pratiques de fonctionnement
des conseils de district et de région pour la sécurité.
11. Le Comité exprime sa préoccupation face à l'existence de certaines
pratiques traditionnelles néfastes qui, selon le rapport, dénotent une discrimination
contre certaines personnes fondée sur la race ou l'ethnie, s'agissant en
particulier des affaires de mariage entre individus de race ou d'ethnie
différentes. Le Comité souhaite obtenir des informations sur les mesures
prises pour éliminer pareilles pratiques.
12. Tout en prenant note des mesures législatives et autres adoptées pour
éliminer des pratiques néfastes à la santé et à la dignité des femmes, le
Comité constate avec préoccupation la persistance de certaines pratiques,
en particulier les mutilations génitales féminines, le traitement humiliant
des veuves et le système trokosi persistant, et il souhaite obtenir des
renseignements supplémentaires sur leur dimension ethnique. Le Comité encourage
l'État partie à poursuivre ses efforts en la matière et appelle son attention
sur la recommandation générale XXV (56) du 20 mars 2000 concernant la dimension
sexiste de la discrimination.
13. Le Comité note l'existence d'un pluralisme juridique au Ghana et souhaite
obtenir des informations plus détaillées sur l'application du droit coutumier
dans le pays ainsi que sur l'équilibre général dans la pratique entre droit
écrit, common law et droit coutumier.
14. Notant que la Chambre nationale des chefs a été chargée de procéder
à une évaluation des coutumes et pratiques traditionnelles en vue d'éliminer
celles qui sont socialement néfastes, le Comité souhaite obtenir davantage
d'informations sur les résultats des activités entreprises par cette institution
ainsi que sur les difficultés auxquelles elle se heurte.
15. Le Comité se félicite de la franchise avec laquelle l'État partie a
reconnu que la législation en vigueur ne répondait pas aux prescriptions
des paragraphes a), b) et c) de l'article 4 de la Convention. Le Comité
note que le Code pénal est en cours d'examen aux fins de révision et encourage
l'État partie à accélérer ce processus et à veiller à ce que la nouvelle
législation soit pleinement conforme à l'article 4. Le Comité demande en
outre que dans le prochain rapport périodique figurent des informations
sur la teneur de la nouvelle législation ainsi que sur les résultats de
sa mise en application.
16. Le Comité note qu'en 2000 la Commission des droits de l'homme et de
la justice administrative a été saisi au total de 9 265 plaintes, mais n'a
examiné que 5 plaintes concernant directement des actes présumés de discrimination
raciale. L'État partie a fait valoir que la majorité des plaintes adressées
à la Commission avaient trait à des affaires de discrimination religieuse,
mais que certaines pourraient être considérées comme visant une discrimination
raciale indirecte du fait qu'au Ghana la religion était souvent liée à l'appartenance
ethnique. Le Comité aimerait obtenir des informations plus détaillées sur
ce point, ainsi que des données statistiques sur le nombre de plaintes ressortissant
à la discrimination raciale et les mesures prises par la Commission.
17. Le Comité aimerait recevoir davantage d'informations sur le mandat
de la Commission nationale de réconciliation ainsi que sur les activités
qu'elle a entreprises et les résultats obtenus.
18. Le rapport de l'État partie ne contenait pas suffisamment d'informations
relatives à l'application pratique de l'article 5 de la Convention. Le Comité
demande que des informations de cet ordre figurent dans le prochain rapport
périodique, conformément aux directives du Comité et compte tenu de sa recommandation
générale XX (48) du 8 mars 1996 concernant l'article 5.
19. Le Comité constate avec préoccupation qu'il existe dans le domaine
de l'éducation des disparités présentant une dimension ethnique au détriment
des populations de certaines zones géographiques du pays. Le Comité encourage
les autorités ghanéennes à poursuivre et amplifier les efforts déjà engagés
tendant à remédier à cette situation. Il aimerait que dans le prochain rapport
périodique figurent des informations sur les résultats du système de bourses
d'études en faveur du nord et les critères de sélection des boursiers.
20. Le Comité souhaite davantage d'informations sur le statut juridique
des langues locales au Ghana et savoir si l'État partie leur apporte un
appui par le canal de divers programmes dans le domaine de l'éducation,
des médias et de l'administration.
21. Tout en se félicitant des efforts faits par l'État partie pour associer
tous les groupes ethniques à la prises des décisions les concernant, le
Comité souhaite obtenir davantage d'informations sur les mesures adoptées
dans ce sens et sur les résultats obtenus.
22. Le Comité souhaite savoir s'il existe une discrimination motivée par
l'ascendance au Ghana et appelle l'attention de l'État partie sur sa recommandation
générale XXIX relative à cette question.
23. Le Comité encourage l'État partie à consulter les organisations issues
de la société civile luttant contre la discrimination raciale lors de l'élaboration
de son prochain rapport périodique.
24. Le Comité recommande à l'État partie, lorsqu'il applique dans l'ordre
juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles
des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration
et du Programme d'action de Durban, et d'inclure dans son rapport périodique
des renseignements sur les mesures prises ou envisagées pour appliquer au
niveau national la Déclaration et le Programme d'action de Durban. Le Comité
souhaite recevoir des informations sur les modalités d'adoption et le contenu
du plan d'action national contre le racisme en cours d'examen.
25. Le Comité recommande à l'État partie de mettre ses rapports périodiques
à la disposition du grand public dès leur soumission et de faire connaître
de la même manière les conclusions correspondantes du Comité.
26. Le Comité recommande à l'État partie de soumettre ses dix-huitième
et dix-neuvième rapports périodiques en un seul rapport, attendu le 4 janvier
2006, et d'y répondre à tous les points soulevés dans les présentes conclusions.
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* La cote CERD/C/numéro de la session/CO/… remplace désormais
l'ancienne cote CERD/C/304/Add….