COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-sixième session
6-24 mars 2000
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité pour l'élimination de la
discrimination raciale
Estonie
1. Le Comité a examiné le rapport initial et les deuxième,
troisième et quatrième rapports périodiques de l'Estonie, réunis en un seul
document (CERD/C/329/Add.2) à ses 1387ème et 1388ème séances (CERD/C/SR.1387
et 1388) tenues les 15 et 17 mars 2000. À sa 1398ème séance, le 24 mars 2000,
il a adopté les conclusions suivantes.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction les rapports
détaillés et complets soumis par l'État partie qui les a rédigés en tenant
compte des principes directeurs pour l'élaboration des rapports, édictés par
le Comité, ainsi que les renseignements complémentaires apportés oralement
par la délégation. Il se félicite également de l'ouverture d'un dialogue franc
et constructif avec l'État partie.
3. Le Comité a été encouragé par le fait que le
Gouvernement se soit fait représenter par une délégation de rang élevé dont
les réponses directes et constructives aux questions posées et les commentaires
ont été très appréciés.
B. Facteurs et difficultés
entravant l'application de la Convention
4. Après avoir retrouvé son indépendance en 1991, l'État
partie a engagé un processus de réforme législative et entrepris des efforts
dans les domaines social, économique et culturel en pleine période de transition
économique et politique. Il a été confronté, ce faisant, à des problèmes relationnels
entre les différents groupes ethniques hérités du passé.
C. Aspects positifs
5. Le Comité note avec satisfaction que nonobstant
les difficultés rencontrées dans cette période de transition, l'État partie
a accompli des progrès importants sur le plan de la réforme législative. Il
relève que l'une des premières priorités de l'Estonie a été de ratifier les
instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme. Il
se réjouit des informations données par l'État partie selon lesquelles les
dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination raciale et d'autres traités internationaux ont la
primauté sur la législation nationale et peuvent être directement invoquées
devant les juridictions internes.
6. Le Comité prend note avec satisfaction de l'initiative
prise par l'État partie pour encourager l'intégration des membres de différentes
nationalités résidant sur son territoire et en particulier du projet de
programme de l'État intitulé "L'intégration dans la société estonienne
2000-2007" qui a été récemment soumis au Parlement.
7. Le Comité se félicite du fait que le droit de
vote aux élections locales ait été accordé à tous les résidents permanents
quelle que soit leur nationalité.
8. Le Comité considère comme positive l'existence
d'un nombre considérable d'organisations qui encouragent les cultures minoritaires,
et d'un réseau bien développé de médias en langue russe.
D. Sujets de préoccupation
et recommandations
9. Le Comité est préoccupé par le fait que la définition
des minorités nationales contenue dans la loi de 1993 sur l'autonomie culturelle
des minorités nationales ne s'applique qu'aux citoyens estoniens. Compte tenu
du nombre important de non-ressortissants et de personnes apatrides résidant
sur le territoire de l'État partie, il lui semble qu'une définition aussi
étroite et restrictive pourrait limiter le champ d'application du Programme
d'intégration de l'État.
10. En ce qui concerne les personnes apatrides et
leurs enfants qui, par définition, naissent apatrides, le Comité souhaiterait
avoir des renseignements plus détaillés, en particulier sur le nombre de
personnes apatrides qui ont été naturalisées.
11. Le Comité se déclare particulièrement préoccupé
par le fait que les dispositions de la loi sur les étrangers de 1993 limitant
le quota annuel d'immigration s'appliquent aux citoyens de la plupart des
pays du monde, à l'exception de ceux de l'Union européenne, de la Norvège,
de l'Islande et de la Suisse. Il recommande que ce système de quota soit
appliqué sans aucune discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique
ou nationale.
12. Le Comité note aussi avec préoccupation les
informations selon lesquelles l'État partie a l'intention de réduire, dans
le proche avenir, les possibilités qu'il offrait jusqu'ici de recevoir une
instruction dans les langues minoritaires, y compris dans les régions où
la majorité de la population est de langue russe. Le Comité invite instamment
l'État partie à maintenir la possibilité, pour les différents groupes ethniques,
de recevoir une instruction dans leur propre langue ou d'étudier cette langue
aux différents niveaux du système éducatif, sans préjudice de l'apprentissage
de la langue officielle, ainsi que la possibilité, pour ces groupes, d'utiliser
leur langue maternelle en privé et en public.
13. Le Comité souhaiterait aussi que, dans son prochain
rapport, l'État partie fournisse des renseignements détaillés sur la jouissance,
par la population de langue russe, des droits visés aux alinéas d) et e)
de l'article 5 de la Convention et, en particulier, sur les possibilités
de naturalisation et sur l'accès à l'enseignement secondaire, à l'emploi,
aux soins médicaux et au logement.
14. L'État partie est invité à fournir également,
dans son prochain rapport, un complément d'informations sur les questions
suivantes : a) les activités entreprises par le Chancelier des affaires
juridiques pour assurer le respect de la Convention; b) l'existence d'organisations
à caractère raciste et les mesures prises pour lutter contre ces organisations;
c) les peines effectives appliquées aux personnes reconnues coupables d'actes
de racisme ou de discrimination raciale; d) l'évolution des taux de natalité
en Estonie avec des données séparées pour la population majoritaire et les
minorités ethniques.
15. Le Comité recommande à l'État partie de ratifier
les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention adoptés
le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention.
16. Il est noté que l'État partie n'a pas fait la
déclaration prévue à l'article 14 de la Convention et certains membres du
Comité ont demandé que cette possibilité soit envisagée.
17. Le Comité recommande à l'État partie de rendre
ses rapports périodiques publics dès le moment où ils sont soumis et de
diffuser de la même manière les conclusions du Comité.
18. Le Comité recommande que le prochain rapport
périodique de l'État partie qui doit être présenté le 19 novembre 2000 constitue
un rapport complet et traite de toutes les questions soulevées dans les
présentes observations.