COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Soixante-deuxième session
3-21 mars 2003
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale*
Équateur
1. Le Comité a examiné les treizième à seizième rapports périodiques de l'Équateur,
attendus respectivement entre le 4 janvier 1994 et le 4 janvier 2000 et présentés
en un document unique (CERD/C/384/Add.8), à ses 1556e et 1557e séances (CERD/C/SR.1556
et 1557), tenues les 4 et 5 mars 2003. À sa 1580e séance (CERD/C/SR.1580),
tenue le 20 mars 2003, il a adopté les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction les rapports détaillés présentés
par l'État partie et se félicite des renseignements actualisés apportés oralement
par la délégation, ainsi que de ses réponses franches et directes aux questions
et observations des membres du Comité. Toutefois, il constate que le dialogue
constructif qu'il a ainsi eu l'occasion de renouer avec l'État partie après
10 ans d'interruption aurait pu être plus approfondi s'il avait été instauré
plus tôt.
B. Aspects positifs
3. Le Comité note avec satisfaction que la Constitution de 1998, ainsi que
d'autres dispositions légales, comportent des mesures spéciales de protection
des populations autochtones et afro-équatoriennes, et érigent en délit la
discrimination raciale contre ces minorités ethniques, entre autres. Il note
également que l'État partie a adopté une législation réprimant le trafic illicite
de migrants à travers les frontières du pays, souvent organisé dans des conditions
inhumaines («coyoterismo»).
4. Le Comité se félicite de l'adoption par l'État partie, dans le cadre
de son Plan national pour les droits de l'homme, de divers plans d'action,
notamment ceux concernant les droits des Noirs, des étrangers, des migrants,
des réfugiés, des apatrides et des personnes déplacées, ainsi que des efforts
déployés par l'État partie pour promouvoir l'adoption d'autres plans d'action
touchant en particulier aux droits des peuples autochtones.
5. Le Comité accueille avec satisfaction la création par l'État partie
d'un service de Défenseur du peuple comportant des sections spécialisées
dans les affaires concernant les autochtones et les Afro-Équatoriens, et
d'une commission de coordination publique des droits de l'homme.
6. Le Comité se félicite de l'instauration en Équateur d'un système éducatif
bilingue permettant à quelque 94 000 enfants autochtones de suivre leur
scolarité en espagnol ainsi que dans leur langue maternelle.
7. Le Comité note avec satisfaction que l'État partie a ratifié la Convention
no 169 de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays
indépendants (1989) et la Convention internationale sur la protection des
droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
(1990).
8. Le Comité se félicite également de l'intention exprimée par l'État partie
de ratifier l'amendement au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention
internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale. À ce propos, le Comité se réfère à la résolution 57/194 de l'Assemblée
générale, en date du 18 décembre 2002, dans laquelle l'Assemblée a demandé
instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification
de l'amendement et d'informer par écrit le Secrétaire général, dans les
meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.
C. Sujets de préoccupation et recommandations
9. Le Comité se dit préoccupé du manque de statistiques cohérentes sur la
composition ethnique de la population équatorienne. Tout en reconnaissant
la difficulté d'établir des critères de définition des différents groupes
ethniques, il souligne la nécessité de disposer de ce type de données pour
garantir l'application de la législation spéciale en faveur de ces groupes.
10. Le Comité recommande de renforcer davantage les institutions nationales
chargées de la promotion des droits des populations autochtones et afro-équatoriennes,
en particulier le Conseil pour le développement des nationalités et peuples
de l'Équateur (CODENPE), le Conseil pour le développement des communautés
afro-équatoriennes (CODAE) et le service du Défenseur du peuple. L'État
partie devrait donner dans son prochain rapport des explications sur les
interactions et le partage des responsabilités entre les nombreuses institutions
impliquées en la matière. Le Comité recommande par ailleurs à l'État partie
de renforcer, par un financement adéquat et d'autres moyens appropriés,
la toute nouvelle Commission de coordination publique des droits de l'homme.
11. Le Comité note qu'en dépit de garanties constitutionnelles et légales,
les autochtones, les Afro-Équatoriens et les membres d'autres minorités
ethniques font, de facto, toujours l'objet de discrimination. Il demande
instamment à l'État partie d'assurer l'application concrète des dispositions
constitutionnelles et légales proscrivant la discrimination raciale et de
mettre en œuvre des mesures de protection spéciales en faveur des autochtones,
des Afro-Équatoriens et des membres d'autres minorités ethniques, notamment
par le biais des tribunaux nationaux et autres institutions compétentes,
comme le Défenseur du peuple.
12. Le Comité est très préoccupé par le fait que l'armée et la police auraient
fait un usage excessif de la force à l'encontre de populations autochtones,
notamment à l'occasion de manifestations politiques et de troubles civils.
Il recommande à l'État partie de veiller à ce que de tels actes soient évités
et, à cette fin, d'inclure l'enseignement en matière de droits de l'homme
dans la formation professionnelle de la police, des forces armées et du
personnel pénitentiaire, et lui demande de rendre compte de toute mesure
prise à cet égard.
13. Tout en sachant gré à l'État partie de la sincérité avec laquelle il
reconnaît l'existence d'une discrimination de facto envers les autochtones,
les Afro-Équatoriens et les membres d'autres minorités, le Comité est préoccupé
de constater qu'un pourcentage démesurément élevé de personnes appartenant
à des groupes ethniques minoritaires n'a souvent pas accès dans des conditions
d'égalité au marché du travail, à la terre et aux moyens de production agricole,
aux services de santé, à l'éducation et à d'autres facilités et, qu'en conséquence,
un pourcentage démesurément élevé d'entre elles vit dans la pauvreté. Le
Comité demande instamment à l'État partie de redoubler d'efforts pour élever
le niveau de vie de ces groupes de population, en vue de leur assurer la
pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels énoncés à
l'article 5 de la Convention. Il demande à l'État partie de fournir dans
son prochain rapport des chiffres précis et des indicateurs clefs concernant
la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par les différents
groupes ethniques, ventilés par catégories (population urbaine/rurale,
âge, sexe).
14. S'agissant du problème crucial de l'analphabétisme chez les populations
autochtones et afro-équatoriennes, le Comité recommande à l'État partie
de prendre des mesures pour recruter davantage d'enseignants bilingues,
en particulier parmi ces communautés. L'État partie devrait faire figurer
dans son prochain rapport des renseignements précis sur le pourcentage d'autochtones,
d'Afro-Équatoriens et de membres de minorités ayant accès à l'enseignement
primaire, secondaire et supérieur, ainsi que sur l'accès offert à ces groupes
de population à des programmes diffusés dans leur langue tant à la radio
qu'à la télévision ou dans les autres médias.
15. Le Comité note que les femmes appartenant à des minorités ethniques
souffrent d'une double discrimination, du fait de leur origine ethnique,
d'une part, et de leur sexe, d'autre part. L'État partie devrait fournir
dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la discrimination
sexiste dont les femmes autochtones et afro-équatoriennes sont victimes
et sur les mesures prises à cet égard. Lorsqu'il élaborera son plan d'action
relatif aux droits de la femme, l'État partie devrait aborder le problème
de la double discrimination dont sont l'objet les femmes appartenant à des
minorités ethniques et de leur manque de représentation politique en Équateur,
conformément à la Recommandation générale XXV du Comité sur la dimension
sexiste de la discrimination raciale.
16. Concernant l'exploitation des ressources du sous-sol sur les terres
traditionnelles des communautés autochtones, le Comité fait observer que
le simple fait d'avoir consulté ces communautés préalablement à l'exploitation
des ressources ne satisfait pas aux prescriptions spécifiées dans la Recommandation
générale XXIII du Comité concernant les droits des populations autochtones.
Le Comité recommande donc de chercher à obtenir au préalable le consentement
éclairé des communautés en question et de veiller au partage équitable
des bénéfices tirés de cette exploitation. L'État partie devrait faire figurer
dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les
titres fonciers des communautés autochtones, ainsi que sur les recours qui
leur sont ouverts pour demander à être indemnisés pour l'appauvrissement
écologique de leurs terres traditionnelles.
17. Le Comité est préoccupé par le manque de confiance des membres des
minorités ethniques dans le système judiciaire équatorien. Il demande à
l'État partie de préciser les raisons de cet état de fait et d'indiquer
si la réforme en cours a amélioré l'efficacité du système judiciaire et
l'a rendu plus facilement accessible aux défavorisés.
18. Le Comité recommande à l'État partie de diffuser largement toute information
relative aux recours internes qu'il est possible de former contre des actes
de discrimination raciale, aux moyens légaux permettant d'obtenir réparation
en cas de discrimination et à la procédure de plainte dont disposent les
particuliers en vertu de l'article 14 de la Convention.
19. Le Comité relève l'absence dans le rapport de l'État partie de tout
renseignement sur le fonctionnement des systèmes judiciaires autochtones
et recommande que ce type d'information figure dans le prochain rapport
périodique.
20. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les migrants
font l'objet de discrimination et d'hostilité et exhorte l'État partie à
intensifier ses efforts pour élaborer et mettre en œuvre des campagnes
d'éducation destinées à lutter contre la discrimination raciale dans tous
les secteurs de la société.
21. Le Comité recommande à l'État partie de prendre en compte, lors de
l'incorporation des dispositions de la Convention, et en particulier de
ses articles 2 à 7, dans son ordre juridique interne, les éléments pertinents
de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, et d'inclure dans
son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises
pour appliquer la Déclaration et le Programme d'action de Durban au niveau
national.
22. Le Comité encourage l'État partie à consulter, lors de l'élaboration
de son prochain rapport périodique, les organisations de la société civile
œuvrant à la promotion des droits de l'homme et lui recommande de mettre
rapidement à la disposition du public ses rapports périodiques dès leur
soumission au Comité, de même que les observations finales de ce dernier.
23. Le Comité recommande que les dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième
rapports périodiques, devant être soumis le 4 janvier 2006, soient présentés
dans un document unique et que tous les points soulevés dans les présentes
observations finales y soient abordés.
______________
* La cote CERD/C/Session No/CO/… remplace désormais l'ancienne
cote CERD/C/304/Add….