University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, République tchèque, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.47 (1998).




COMITE POUR L'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-deuxième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination de
la discrimination raciale

République tchèque

1. A ses 1254ème et 1255ème séances, tenues les 6 et 9 mars 1998, le Comité a examiné le rapport initial et le deuxième rapport périodique de la République tchèque (CERD/C/289/Add.1) et a adopté, à sa 1270ème séance, le 18 mars 1998, les conclusions suivantes :


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport de la République tchèque, lequel, dans l'ensemble, est conforme aux principes directeurs concernant l'établissement des rapports. Il se félicite aussi de la compétence de la délégation qui a présenté le rapport ainsi que de la franchise et de l'esprit constructif qui ont caractérisé le dialogue avec cette délégation. Il remercie cette dernière des renseignements complémentaires qu'elle lui a fournis, oralement et par écrit.


B. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

3. Il est pris note du fait que les changements économiques, politiques et sociaux qui interviennent encore en République tchèque peuvent avoir une incidence sur la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels de certains éléments de la population, en particulier des groupes minoritaires. Il est aussi noté que la politique de tolérance et d'ouverture envers les minorités est relativement récente et prend progressivement effet.


C. Aspects positifs

4. Il est relevé avec satisfaction que, conformément aux dispositions de l'article 10 de la Constitution, les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dont la Convention, qui sont ratifiés, promulgués et mis en oeuvre par l'Etat partie, sont directement applicables et ont primauté sur la législation nationale.

5. Il est noté que l'Etat partie, en particulier depuis l'adoption de la nouvelle Constitution, en 1993, a pris des dispositions positives pour réformer la législation en vue de combattre diverses formes de discrimination raciale entrant dans le champ d'application de la Convention, et a notamment adopté la Charte des libertés et des droits fondamentaux, qui garantit, entre autres, la protection des minorités nationales et ethniques. L'introduction d'une définition des infractions à motivation raciale et la prohibition dans le Code pénal, des organisations et des publications racistes, ainsi que la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales sont accueillies avec satisfaction.

6. Les initiatives récemment prises par l'Etat partie pour prévenir les conflits interethniques, au nombre desquelles des cours destinés aux enfants et aux adolescents et des campagnes de sensibilisation du public pour promouvoir la tolérance et l'ouverture à l'égard des minorités ethniques, sont notées avec intérêt.

7. Dans ce contexte, il est pris note avec satisfaction de la création, en 1994, du Conseil des nationalités, en tant qu'organe consultatif gouvernemental. Les mesures concrètes récemment adoptées par l'Etat partie dans le cadre de l'action palliative en faveur de la communauté rom, y compris la mise sur pied d'une Commission interministérielle, et les initiatives prises dans les domaines de l'éducation et de l'emploi, sont les bienvenues. L'augmentation régulière du nombre d'organisations non gouvernementales, y compris les associations de minorités, est aussi jugée positive.


D. Principaux sujets de préoccupation

8. La persistance de la haine raciale et d'actes de violence, perpétrés notamment par des skinheads, à l'encontre de groupes minoritaires, en particulier les Roms et les personnes d'origine africaine ou asiatique, est préoccupante. L'antisémitisme est une autre source de préoccupation. La multiplication par six des infractions à motivation raciale entre 1994 et 1996 est jugée alarmante. L'existence d'organisations et de publications qui prônent le racisme et la xénophobie et les informations selon lesquelles l'Etat partie n'a pas fait suffisamment d'efforts pour lutter efficacement contre la violence raciale à l'encontre des membres de groupes minoritaires.

9. Les informations selon lesquelles le nombre d'inculpations et de condamnations, y compris de skinheads, est relativement peu élevé par rapport au nombre d'infractions signalées sont jugées préoccupantes. Il est noté également avec inquiétude que les auteurs d'infractions à motivation raciale sont souvent condamnés à des peines légères et que dans un certain nombre de cas, les procureurs se sont montrés réticents à reconnaître une motivation raciale. En outre, la durée inutilement longue des procédures et la lenteur des enquêtes sur les infractions à motivation raciale posent la question préoccupante de l'efficacité judiciaire en la matière.

10. Compte tenu des informations faisant état de harcèlement et d'un recours excessif à la force de la part de la police contre des membres de minorités, en particulier contre des Roms, on craint que la formation dispensée aux responsables de l'application des lois pour leur faire connaître les dispositions de la Convention soit insuffisante.

11. Il est par ailleurs noté avec inquiétude qu'un parti politique représenté au Parlement prône la discrimination raciale et publie une revue qui fait de la propagande raciste et diffuse des idées fondées sur la supériorité raciale au détriment des minorités ethniques du pays.

12. Les pratiques discriminatoires signalées à l'encontre des Roms dans le domaine du logement, du transport et de l'emploi soulèvent la question préoccupante de l'absence dans l'Etat partie de dispositions du droit civil ou administratif qui proscrivent expressément la discrimination en matière d'emploi, d'enseignement, de logement et de soins de santé ainsi que l'absence de règlements administratifs interdisant explicitement la discrimination raciale par les institutions publiques. Il est aussi pris note avec inquiétude du fait que l'accès à des lieux publics tels que restaurants, bars, discothèques et établissements analogues est refusé aux membres de certaines minorités, en particulier les Roms.

13. La marginalisation de la communauté rom dans le domaine de l'enseignement est préoccupante. Le fait qu'un nombre disproportionné d'enfants roms sont placés dans des écoles spéciales, ce qui induit une ségrégation raciale de facto, et aussi qu'ils sont infiniment moins nombreux dans l'enseignement secondaire et supérieur, conduit à douter de la pleine application de l'article 5 de la Convention.

14. Il est noté que la loi de 1993 (No 40/1993) régissant l'acquisition de la citoyenneté a été abondamment critiquée par des institutions internationales et des organisations non gouvernementales pour ses effets discriminatoires, en particulier à l'égard des Roms. Il est noté que l'Etat partie a pris des mesures pour atténuer les effets négatifs de cette loi, mais il est souligné qu'en rendant des individus apatrides on les prive des droits fondamentaux liés à la citoyenneté et on les expose au risque d'expulsion. Il est constaté avec préoccupation qu'il reste des groupes de population pour lesquels la question de la citoyenneté n'a pas été réglée d'une manière satisfaisante, au nombre desquels les prisonniers, les mineurs et les orphelins placés dans des foyers pour enfants, dont beaucoup sont d'origine rom.

15. Des doutes ont été émis quant à la question de savoir si les dispositions du Code pénal de l'Etat partie permettent la pleine application de l'article 3 de la Convention du fait que l'applicabilité de son article 263 a) dépend de l'existence d'un état de guerre.


E. Suggestions et recommandations

16. Le Comité recommande à l'Etat partie de poursuivre ses efforts pour prévenir et combattre efficacement les comportements et actes de violence raciale dirigés contre des membres de minorités, en particulier les Roms et les personnes d'origine africaine ou asiatique, et de prendre des mesures supplémentaires pour faire en sorte que les infractions à motivation raciale soient traitées avec efficacité et diligence par les tribunaux et que leurs auteurs soient punis.

17. Le Comité recommande aussi à l'Etat partie de prêter plus d'attention aux activités des partis politiques et d'autres organisations ainsi qu'aux médias, qui propagent des idées racistes ou fondées sur la supériorité raciale conformément aux engagements prévus à l'article 4 de la Convention.

18. Le Comité recommande que l'Etat partie fournisse dans son prochain rapport davantage de statistiques précises sur la représentation des minorités au sein des administrations locales, régionales et nationales ainsi que des renseignements sur leur situation dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et de la santé. Le Comité souhaiterait aussi recevoir davantage de données sur les droits politiques, économiques et culturels des minorités ainsi que des informations sur le pourcentage de minorités ethniques et d'étrangers résidant dans le pays.

19. Le Comité recommande qu'une attention accrue soit accordée à la mise en place de dispositions législatives destinées à sauvegarder la jouissance par toutes les composantes de la population, sans discrimination, des droits économiques, sociaux et culturels énoncés à l'article 5 de la Convention, en particulier les droits au travail, au logement, à l'éducation et à l'accès aux services et lieux publics.

20. Le Comité suggère que dans son prochain rapport l'Etat partie s'efforce de fournir des renseignements plus précis sur l'application de la Convention et des lois nationales dans la pratique, en ce qui concerne, en particulier, les articles 5 et 6 de la Convention.

21. En ce qui concerne l'article 7 de la Convention, le Comité souhaiterait recevoir des renseignements sur l'efficacité des cours dispensés aux enfants et des campagnes de sensibilisation du public destinées à prévenir la discrimination raciale et à accroître la tolérance.

22. Le Comité demande à l'Etat partie de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les résultats des mesures concrètes prises en faveur de la communauté rom, en particulier dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et du logement.

23. Le Comité demande aussi instamment à l'Etat partie de trouver des solutions aux problèmes qui se posent encore en matière d'acquisition de la citoyenneté tchèque par tous, y compris les prisonniers, les enfants et les adolescents placés en institution, en particulier ceux appartenant à la minorité rom.

24. Il est suggéré à l'Etat partie d'envisager de renforcer l'éducation et la formation à la tolérance raciale et aux droits de l'homme dispensées à certains groupes professionnels, tels que les juges, les avocats et les fonctionnaires, pour faire en sorte que disparaissent les pratiques de harcèlement et d'abus de pouvoir à l'égard des personnes appartenant à des minorités.

25. Le Comité suggère à l'Etat partie de prendre de nouvelles initiatives pour faire mieux connaître les dispositions de la Convention, en particulier parmi les groupes minoritaires, les agents de l'Etat et les membres de la police. L'Etat partie devrait aussi assurer la diffusion à grande échelle de son rapport et des conclusions du Comité.

26. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992, à la quatorzième Réunion des Etats parties.

27. Il est pris note du fait que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention. Certains membres du Comité ont demandé que cette possibilité soit envisagée.

28. Le Comité recommande à l'Etat partie de veiller à ce que son prochain rapport périodique, attendu le 22 février 1998 constitue une mise à jour et aborde tous les points soulevés dans les présentes conclusions.



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