University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Croatie, U.N. Doc. A/50/18,paras.163-178 (1995).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante et unième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale


Croatie

163. À sa 1096e séance, tenue le 16 mars 1995, le Comité a adopté les conclusions suivantes.

a) Introduction

164. On se réjouit de l'occasion qui est fournie de poursuivre le dialogue constructif engagé avec l'État partie, et l'on se déclare satisfait de la promptitude avec laquelle l'État partie a fourni les renseignements supplémentaires demandés par le Comité. La présence d'une délégation de haut niveau et le fait que celle-ci, oralement et par écrit, ait ajouté encore d'autres informations à celles qui avaient déjà été fournies, attestent du désir qu'a l'État partie de s'acquitter avec sérieux des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Il faut également savoir gré à l'État partie de son invitation, ainsi que de l'assistance fournie par lui à la Mission de bons offices du Comité en Croatie qui a eu lieu en 1994.

b) Aspects positifs

165. On se réjouit de l'intention annoncée de normaliser les relations interethniques, ainsi que des progrès qui ont été faits dans le renforcement des institutions démocratiques. La création d'une Cour constitutionnelle est particulièrement importante, et il est pris note des préparatifs qui ont été entrepris pour la mise en route d'organismes tels qu'une cour provisoire des droits de l'homme. On se déclare également satisfait de l'adhésion de la Croatie au mécanisme de protection des droits de l'homme institué par le Conseil de l'Europe pour les pays qui ne sont pas membres du Conseil. L'État partie doit être félicité pour sa volonté de coopérer pleinement avec le Tribunal international chargé de poursuivre les auteurs de violations de caractère pénal commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, ainsi qu'avec les mécanismes de la Commission des droits de l'homme, y compris la procédure spéciale concernant les personnes disparues et le Rapporteur spécial pour l'ex-Yougoslavie.

c) Facteurs et difficultés

166. On déplore que l'État partie, étant donné la mainmise de forces sécessionnistes sur certaines parties de son territoire, ne soit pas en mesure d'exercer son autorité sur l'ensemble de ce territoire, et qu'en conséquence il ne puisse assurer l'application des dispositions de la Convention sur toute l'étendue de l'État. On note que les forces sécessionnistes sont responsables de violations systématiques des droits de l'homme dans les zones soumises à leur autorité de fait, y compris des droits consacrés par la Convention, violations dont les principales victimes sont les personnes étrangères à la communauté serbe ou à celle des Serbes de Croatie.

167. On reconnaît les énormes difficultés qui résultent pour l'État partie des hostilités dans l'ex-Yougoslavie. En particulier, on reconnaît la difficulté qu'il y a à répondre aux besoins des très nombreux réfugiés et personnes déplacées.

d) Principaux sujets de préoccupation

168. L'intention primitive de l'État partie de ne pas autoriser à rester dans le pays les militaires, civils et fonctionnaires de police de la Force de protection des Nations Unies (FORPRONU) a été jugée très préoccupante. On considère que le retrait pourrait avoir les répercussions les plus graves pour les groupes ethniques minoritaires et les personnes déplacées des Zones protégées par les Nations Unies (ZPNU), de la zone démilitarisée et d'autres secteurs.

169. Reconnaître la grande difficulté qu'éprouve l'État partie pour répondre aux besoins des réfugiés et des personnes déplacées n'empêche pas de ressentir une certaine appréhension devant des pratiques récentes qui ont particulièrement affecté les réfugiés issus de la communauté musulmane de Bosnie. On relève des informations dignes de foi selon lesquelles ces réfugiés n'ont pas obtenu ou ne peuvent obtenir que très difficilement et avec beaucoup de retard les documents qui leur sont nécessaires pour pouvoir accéder à des services essentiels de caractère social et humanitaire en Croatie, et selon lesquelles ils doivent retourner en Bosnie-Herzégovine, où dans certains cas ils risquent la mort. Il y a lieu d'être inquiet également quand on considère l'incident survenu à la fin de l'été 1994; en effet, à l'époque, dans le cas d'environ 30 000 personnes déplacées hors de leur territoire, à savoir des musulmans de Bosnie originaires de la région de Velika Kladusa, dans le Bihac (Bosnie-Herzégovine), l'État partie a refusé à ces personnes la possibilité d'échapper à l'effroyable situation qui régnait dans les camps de la Zone protégée par les Nations Unies (Nord) et dans la zone démilitarisée et de pénétrer dans les zones de la Croatie sur lesquelles l'État partie exerçait son autorité. On note toutefois que cette situation était rendue particulièrement complexe, entre autres choses par l'influence qu'exerçaient les dirigeants de la région dite "Province autonome de Bosnie occidentale", par l'évolution rapide du conflit et, finalement, par le retour à Velika Kladusa de la plupart des personnes déplacées.

170. On note que la manière dont la justice pénale est administrée n'est pas satisfaisante à l'égard des infractions pénales de caractère ethnique. Ainsi, les auteurs présumés d'infractions pénales dirigées contre des personnes d'origine serbe n'ont pas été poursuivis et, en revanche, selon des informations dignes de foi, un certain nombre de Serbes de Croatie ont été injustement poursuivis ou frappés de peines excessives pour des infractions pénales présumées contre des non-Serbes.

171. On est frappé de l'ampleur des mesures d'expulsion mises en oeuvre par les autorités de l'État contre les personnes d'origine serbe occupant des logements ayant appartenu à l'Armée nationale yougoslave. Particulièrement préoccupantes sont les mesures d'expulsion que le Gouvernement a déclaré légales au mépris, semble-t-il, de décisions de la Cour constitutionnelle. On note aussi l'inaction des autorités gouvernementales lorsqu'il s'agit d'empêcher des mesures d'expulsion frappant des personnes d'origine serbe dans les cas où le Gouvernement lui-même juge ces mesures illégales, ou encore lorsqu'il s'agit de revenir sur les mesures déjà prises.

172. On estime préoccupants que l'influence des organes d'information de masse aggrave les tensions ethniques et le fait que l'État n'a pas enquêté et n'a pas engagé de poursuites dans un certain nombre de cas où des éléments de la presse écrite se sont livrés à des propos d'incitation à la haine visant les personnes d'origine serbe.

173. On note les dispositions figurant dans les lois concernant la naturalisation et l'acquisition de la citoyenneté, et l'on juge préoccupantes les grandes difficultés que rencontrent dans les démarches à entreprendre à cet égard de nombreuses personnes qui ne sont pas d'origine ethnique croate.

174. L'attention est appelée sur la situation de la communauté des Roms en Croatie et sur un certain nombre d'informations selon lesquelles ces personnes font l'objet de discrimination et de vexations.

d) Suggestions et recommandations

175. Le Comité recommande d'entreprendre de toute urgence le processus de renforcement des institutions démocratiques et de faire en sorte que la cour provisoire des droits de l'homme entreprenne sans retard ses activités. Il recommande également à l'État partie de veiller à ce que les lois et règlements concernant, entre autres choses, la naturalisation, l'acquisition de la citoyenneté, la détermination du statut de réfugié, et le mode d'occupation des logements locatifs, soient appliqués de manière transparente et non discriminatoire, c'est-à-dire de manière entièrement conforme aux dispositions de la Convention. Il recommande en outre que, dans toute la mesure possible, réparation soit accordée à toutes les personnes qui, en violation des termes de la Convention, auraient été victimes d'une application discriminatoire des règles et règlements en question.

176. Le Comité recommande à l'État partie de veiller à administrer la justice d'une manière qui soit compatible avec les obligations qui sont les siennes en vertu de la Convention, et de poursuivre sans retard toutes les infractions présumées qui paraissent être dirigées contre des personnes en raison de leurs origines raciales, ethniques ou religieuses. Il recommande à l'État partie de recenser les dénis de justice éventuels qui ont pu être motivés par l'origine ethnique du défendeur, ainsi que de réparer les injustices qui ont pu être commises.

177. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager de formuler la déclaration qui est prévue dans le paragraphe 1 de l'article 14 de la Convention** Texte adopté par le Comité après avoir été mis aux voix..

178. Le Comité recommande à l'État partie d'agir d'urgence pour se conformer à l'article 4 de la Convention et d'interdire et poursuivre tout acte d'incitation à la haine ethnique constaté dans les organes d'information et ailleurs.



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