University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Chine, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.15 (1996).



COMITE POUR L'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-neuvième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination de
la discrimination raciale

République populaire de Chine


1. Le Comité a examiné les cinquième, sixième et septième rapports périodiques de la République populaire de Chine, présentés dans un document unique (CERD/C/275/Add.2), à ses 1163ème et 1164ème séances tenues les 8 et 9 août 1996 (voir CERD/C/SR.1163 et 1164). Après avoir examiné le rapport et noté les observations formulées par ses membres, le Comité a adopté, à sa 1179ème séance, le 20 août 1996, les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation des rapports périodiques combinés de l'Etat partie et de la reprise du dialogue. Il regrette, toutefois, que le rapport présenté ne contienne pas suffisamment de renseignements sur la situation des différents groupes minoritaires sur le plan de la santé et de l'éducation, et de la protection sociale ainsi que dans d'autres domaines sociaux et économiques, ce qui rend difficile une évaluation correcte de l'application de la Convention dans l'Etat partie. Il se déclare satisfait, néanmoins, des informations supplémentaires fournies oralement et par écrit par la délégation de l'Etat partie et par le dialogue constructif qui s'est établi entre celle-ci et le Comité, dialogue qui malheureusement n'a pu se prolonger en raison du manque de temps.

3. Le Comité note que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention; certains membres du Comité ont demandé qu'il envisage la possibilité de faire cette déclaration.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

4. Il est pris note du grand nombre - 55 d'après l'Etat partie - de minorités nationales. Comme un pourcentage non négligeable de ces minorités ne résident pas dans les régions autonomes habitées par les groupes minoritaires, il est difficile d'évaluer leurs conditions de vie avec précision. Il est également pris note des difficultés qu'il y a à assurer des services essentiels de même niveau dans un territoire aussi vaste que celui de la Chine.


C. Aspects positifs

5. La forte croissance économique enregistrée ces dernières années par l'Etat partie est un facteur positif qui devrait contribuer à faciliter les investissements publics dans les secteurs dont il est urgent de s'occuper. L'Etat partie a signalé que les régions où vivent des minorités bénéficient à cet égard d'un traitement prioritaire, ce qui est un motif de satisfaction profonde.

6. L'amélioration, ces dernières années, des conditions de vie des minorités, en raison notamment du traitement préférentiel dont elles jouissent dans différents domaines - mariage, planification de la famille, admission dans les universités, emploi, etc. - est accueillie avec satisfaction.

7. On se félicite des efforts faits pour préserver le patrimoine linguistique des nationalités minoritaires, notamment en faisant en sorte que des manuels soient publiés dans les langues de ces minorités, que l'enseignement scolaire soit dispensé dans ces langues et qu'il en aille de même de la publication de journaux et d'ouvrages littéraires.

8. La politique du gouvernement qui consiste à suspendre dans une grande mesure, quand il s'agit des nationalités minoritaires, l'application des règlements relatifs au contrôle des naissances en vigueur en Chine, est une source de satisfaction.

9. L'adoption, à divers niveaux de l'administration, de lois et règlements concernant de nombreux aspects de la vie des membres de minorités montre qu'il existe actuellement une politique tendant à améliorer la situation de ces minorités.

10. En ce qui concerne les régions autonomes, il est noté avec satisfaction que la loi sur l'autonomie régionale des nationalités minoritaires offre la garantie qu'une certaine proportion de fonctionnaires locaux appartiennent à des nationalités locales.


D. Principaux sujets de préoccupation

11. L'absence de dispositions juridiques destinées à protéger les groupes minoritaires disséminés à travers la Chine est jugée préoccupante. Il est noté avec regret que les renseignements concernant la jouissance, par ces minorités, des droits énumérés dans la Convention font défaut.

12. Pour déterminer avec exactitude l'application de l'article 4, il faudrait avoir davantage d'informations au sujet de l'interdiction qui frappe les organisations nationales qui incitent à la discrimination raciale ou qui proclament la supériorité d'un groupe, quel qu'il soit.

13. Les informations selon lesquelles des avantages sont octroyés aux membres de la nationalité han qui s'installent dans les régions autonomes sont jugées préoccupantes, car cela risque de modifier considérablement la composition démographique et les caractéristiques de la société locale dans ces régions.

14. Etant donné que la religion est l'élément identitaire fondamental de plusieurs nationalités minoritaires, on se demande avec préoccupation si le droit à la liberté de religion dans l'Etat, en particulier dans les régions musulmanes du Xinjiang et au Tibet, est vraiment respecté et, notamment, si les lieux de culte sont préservés et si les membres de tous les groupes ethniques peuvent exercer leurs droits sur le plan religieux.

15. Des préoccupations sont exprimées au sujet d'informations relatives à la violation, dans les régions autonomes du Xinjiang et du Tibet, du droit à la sûreté de la personne et à la protection de l'Etat contre les voies de fait ou les sévices, tel qu'il est énoncé à l'article 5 b) de la Convention. En ce qui concerne les prisons, il est noté avec regret que le rapport fournit peu d'informations concernant le pourcentage, par rapport à l'ensemble de la population carcérale de l'Etat partie, de détenus appartenant à des minorités, les types d'infractions qui leur sont reprochées et les conditions d'incarcération dans lesquelles ceux-ci purgent leurs peines.

16. Il est déclaré préoccupant que, dans certaines régions, les personnes appartenant à des groupes minoritaires soient sous-représentées dans le monde du commerce et des entreprises, ce qui semble indiquer que l'augmentation de la prospérité économique se heurte à des obstacles d'ordre structurel. Les allégations selon lesquelles les membres de nationalités minoritaires ne peuvent pas jouir des mêmes conditions de travail que les personnes d'origine han sont également jugées préoccupantes.

17. En ce qui concerne l'alinéa v) de l'article 5 e) de la Convention, on se déclare préoccupé par la faible proportion de jeunes appartenant à des nationalités minoritaires qui sont inscrits dans les écoles secondaires et les universités. On relève également avec inquiétude que l'enseignement de l'histoire et de la culture des nationalités minoritaires qui est prévu dans les programmes scolaires est loin de valoir l'enseignement de ces mêmes matières, quand celles-ci concernent les Hans.

18. Des préoccupations sont exprimées quant aux disparités qui caractérisent l'accès des différents groupes ethniques aux avantages économiques, sociaux et culturels. On comprend bien qu'il soit difficile de faire bénéficier de ces avantages des régions très éloignées à la fois de la capitale et des zones économiquement développées. Toutefois, on redoute les effets, sur les diverses collectivités, de ces différences de niveaux de développement économique entre les régions, dans la mesure où celles-ci risquent d'entraîner une discrimination raciale à l'égard des groupes défavorisés. En outre, le développement économique et la modernisation du pays ne devraient pas priver les membres de ces groupes ethniques de leur droit à leur propre culture, notamment à leurs modes de vie traditionnels.

19. En ce qui concerne l'article 7, on se demande avec préoccupation si les efforts faits dans les domaines de l'enseignement et de l'éducation pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale sont suffisants.

20. On aimerait en savoir plus sur le contenu de la loi de 1995 sur les soins de santé maternelle et infantile, sur la mise en oeuvre de cette loi et sur les effets qu'elle peut avoir sur les nationalités minoritaires.


E. Suggestions et recommandations

21. Le Comité recommande que le gouvernement déclare punissables par la loi tous les actes de discrimination raciale, ainsi qu'il est spécifié à l'article 4 de la Convention. A cet égard, il note avec satisfaction que le gouvernement a manifesté le souhait de bénéficier d'une assistance technique de la part des services consultatifs et de coopération technique du Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme.

22. Au sujet de l'article 4, le Comité recommande que le prochain rapport de l'Etat partie contienne des informations plus précises concernant l'interdiction qui frappe les organisations nationales qui incitent à la discrimination raciale ou qui proclament la supériorité d'un groupe, quel qu'il soit.

23. Le Comité recommande que des informations complètes soient fournies dans le prochain rapport concernant la composition de la population, les zones géographiques où sont concentrées les nationalités minoritaires, le niveau de vie de ces minorités et d'autres indicateurs relatifs à l'éducation et à la situation sociale. Ces informations devraient concerner non seulement les nationalités minoritaires vivant dans les zones autonomes, mais également, dans la mesure du possible, celles qui sont dispersées dans diverses régions. En ce qui concerne ces dernières, le Comité aimerait avoir des renseignements sur la protection juridique dont bénéficient, en ce qui concerne les droits énoncés dans la Convention, les minorités dispersées.

24. Le Comité recommande que l'on envisage de faciliter l'accès d'un plus grand nombre de membres de nationalités minoritaires à des postes de direction, non seulement au gouvernement mais également à l'intérieur du Parti et dans d'autres institutions, et ce aussi bien à l'échelon national qu'à l'échelon local.

25. Le Comité recommande que l'on accélère l'élaboration et l'adoption des règlements relatifs à l'autonomie dans les cinq régions autonomes, qui étaient envisagés dans la loi sur les régions autonomes de 1984.

26. Le Comité recommande de réexaminer les politiques ou les pratiques pouvant entraîner une modification importante de la composition démographique des régions autonomes.

27. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique contienne des informations et des éclaircissements au sujet des allégations selon lesquelles l'Etat aurait détruit des mosquées, des temples bouddhistes et des lamaseries ainsi que d'autres lieux de culte appartenant à des nationalités minoritaires. Il encourage le gouvernement à éviter de restreindre de quelque manière que ce soit l'exercice, par les membres des nationalités minoritaires, des droits qui sont les leurs sur le plan religieux.

28. A propos de l'article 5 b) de la Convention, le Comité recommande que figurent dans le prochain rapport des informations concernant le nombre et le pourcentage, par rapport à l'ensemble de la population carcérale de l'Etat partie, de détenus appartenant à des minorités ainsi que les types d'infractions dont ils sont accusés.

29. Le Comité recommande que de nouvelles mesures d'ordre juridique, administratif et autres soient prises afin de garantir la non-discrimination à l'égard de membres de nationalités minoritaires, que ce soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé, en ce qui concerne le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables et satisfaisantes.

30. En ce qui concerne l'alinéa v) de l'article 5 e) de la Convention qui concerne le droit à l'éducation, le Comité recommande que l'Etat partie assure l'accès à l'éducation, à tous les niveaux, aux membres des nationalités minoritaires, et que, dans les régions autonomes, les programmes scolaires incluent l'enseignement de l'histoire et de la culture des nationalités minoritaires concernées.

31. Le Comité recommande qu'une attention particulière soit accordée aux effets néfastes que peuvent avoir le développement économique et la modernisation du pays sur la jouissance, en particulier par les nationalités minoritaires, du droit à la culture.

32. S'agissant de l'article 6 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie d'inclure dans son prochain rapport périodique des informations et des statistiques sur les plaintes déposées par les victimes d'actes de discrimination raciale et sur les jugements qui ont été rendus à cet égard.

33. Le Comité recommande à l'Etat partie d'examiner les moyens de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 7, notamment en incluant dans les programmes scolaires et dans la formation des membres de la fonction publique un enseignement approprié en vue de combattre les préjugés et de promouvoir la tolérance.

34. Le Comité recommande que le texte de la Convention, le rapport de l'Etat et les présentes conclusions du Comité soient largement diffusés dans les langues nationales, en particulier dans celles qui sont parlées dans les régions autonomes.

35. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier dès qu'il le pourra les modifications du paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, qui ont été adoptées par la quatorzième réunion des Etats parties.

36. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Etat partie, attendu le 28 janvier 1997, comprenne une mise à jour du dernier rapport et porte sur tous les points soulevés dans les présentes conclusions.



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