University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Chili, U.N. Doc. A/47/18,paras.200-223 (1992).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Chili


200. Le Comité a examiné les neuvième et dixième rapports périodiques du Chili (CERD/C/196/Add.1) à ses 945e, 947e, 948e et 951e séances, tenues les 6, 7, 10 et 11 août 1992 (voir CERD/C/SR.945, 947, 948 et 951).

201. Dans son exposé liminaire, le représentant de l'Etat partie a fourni au Comité de l'information supplémentaire concernant la mise en oeuvre des dispositions de la Convention. Notamment, un nouveau projet de loi sur la protection et le développement des peuples autochtones, qui devrait être adopté au cours de l'année 1992, marquerait un changement important dans les relations entre l'Etat chilien et les peuples autochtones et signifierait un progrès important dans le processus de l'élimination de la discrimination au Chili.

202. En même temps, le représentant a reconnu que des cas de discrimination des autochtones existaient en pratique, en particulier en ce qui concernait la jouissance par ces derniers du droit à la propriété et du droit à l'éducation. Pour remédier à cette situation le Gouvernement avait lancé en 1992 un programme important de bourses; 4 500 bourses avaient été attribuées, pour tous les niveaux d'enseignement. Pour ce qui était du droit à la propriété et des conflits qui en résultaient, le Gouvernement avait créé une commission spéciale des peuples autochtones qui possédait un service juridique pour lequel travaillaient 14 avocats répartis entre les principales zones autochtones.

203. Le représentant a souligné que le développement des communautés autochtones était une priorité pour le gouvernement actuel. Un fond de prêts de 3 millions de dollars américains avait été constitué pour répondre aux besoins de ces communautés. Actuellement, 124 projets étaient au stade de l'exécution et 200 autres devraient être lancés dans les prochains mois. Malgré les difficultés existantes, le Gouvernement démocratique chilien s'était engagé à éliminer toutes les formes de discrimination qui existaient encore dans la pratique et les mesures prises à cet effet montraient la détermination du Gouvernement dans l'accomplissement de cette tâche.

204. Des membres du Comité ont pris connaissance avec beaucoup de satisfaction du rapport du Chili qui témoignait des profonds changements en cours dans ce pays et ont fait remarquer que le Gouvernement démocratique du Chili s'était engagé dans une politique très novatrice envers les populations autochtones. Le rapport était un document très satisfaisant à deux égards : d'une part, il avait fourni au Comité un grand nombre d'informations de base dont le Comité ne disposait pas auparavant; d'autre part, il y était reconnu que la discrimination raciale à l'égard des autochtones existait, surtout en ce qui concernait leurs droits à des éléments aussi essentiels à leur vie que la terre et l'eau. L'attitude louable des autorités actuelles marquait une étape entièrement nouvelle qui laissait espérer une application entière et sans détour de la Convention. En même temps, le rapport n'avait pas suivi les directives générales du Comité pour la préparation des rapports et il était recommandé que le prochain rapport soit rédigé sur la base de ces directives.

205. Des membres du Comité ont indiqué qu'il y avait une discordance dans les chiffres cités dans le rapport concernant la composition démographique de différents groupes ethniques et ont demandé des précisions à ce sujet. Ils ont aussi voulu savoir si dans les recensements chiliens le terme "groupes ethniques" avait le même sens que le terme "populations autochtones"; s'il existait au Chili une population d'origine africaine; si les Yamanas existaient toujours au Chili; comment était appliquée au Chili la Convention No 169 de l'OIT; si la décision de la Cour suprême, adoptée en juillet 1990, était sur le point d'être exécutée. Se référant aux conflits provoqués par la privation de titre de propriété collective aux Aymaras, les membres du Comité ont voulu savoir si lesdits conflits avaient été résolus et par quelles procédures et si la société nationale de développement autochtone, nouvellement créée, participait au règlement de ces conflits. Ayant noté que le problème foncier, en ce qui concernait les peuples autochtones, n'était pas toujours résolu, ils ont demandé comment le Gouvernement chilien envisageait de résoudre concrètement des problèmes aussi fondamentaux que celui de la répartition des terres, de la jouissance des ressources en eau et de la propriété communautaire.

206. A propos de l'article 3 de la Convention, des membres ont déploré que le rapport ne contenait pas de renseignements à ce sujet et demandé l'information sur l'état des relations entre le Chili et l'Afrique du Sud aux plans commercial et diplomatique.

207. Au sujet de l'article 4 de la Convention, des membres du Comité ont souhaité recevoir des renseignements concernant les mesures prises contre la propagande du racisme et les organisations racistes.

208. S'agissant de l'article 5 de la Convention, des précisions ont été demandées au sujet de la représentation des autochtones au niveau national, étant donné qu'il y avait un million d'autochtones sur les 13 millions de la population totale.

209. Se référant à l'article 6 de la Convention, des membres du Comité ont indiqué que les renseignements demandés au cours de l'examen du rapport antérieur n'avaient toujours pas été fournis et ont demandé des informations à ce sujet.

210. En ce qui concerne l'article 7 de la Convention, des membres du Comité ont voulu savoir ce qui était fait dans le domaine de l'éducation et de la formation pour sensibiliser les enseignants, la police, les magistrats et les militaires aux problèmes de la discrimination.

211. Des membres du Comité ont exprimé leur souhait que le nouveau Gouvernement démocratique chilien fasse la déclaration prévue au paragraphe 1 de l'article 14 de la Convention, ce qui permettrait de renforcer les procédures tendant à éliminer la discrimination raciale.

212. Répondant aux questions et aux observations des membres du Comité, le représentant de l'Etat partie a déclaré que la discrimination était un phénomène complexe au Chili et ne faisait pas encore l'objet d'une législation, mais que le Gouvernement s'employait à la combattre. La Constitution de 1980 a été amendée à la suite d'un plébiscite organisé en 1989 et c'est cette constitution amendée qui est actuellement en vigueur. En ce qui concerne la composition démographique du pays, il est difficile d'obtenir des données fiables à ce sujet et le rapport contient peut-être certaines contradictions. Dans le recensement démographique organisé le 2 avril 1992, les Chiliens ont été priés pour la première fois d'indiquer leur origine ethnique. Les résultats de ce recensement seront disponibles dans quelques mois et seront communiqués au Comité. Pour ce qui est des minorités, le représentant a déclaré que pratiquement aucun groupe ne faisait l'objet de discrimination pour des motifs purement ethniques ou raciaux; ni les Européens, ni les groupes d'immigrants, ni la petite communauté noire n'a souffert d'un tel traitement. Le Chili a une longue tradition d'accueil des immigrants, qui ont toujours été considérés comme une source d'enrichissement de la société chilienne et ont été très rapidement assimilés.

213. Le représentant a fourni au Comité des renseignements détaillés sur la situation, tant en droit qu'en pratique, des Mapuches, des Aymaras, des Rapanis et des habitants de l'île de Pâques, indiquant en particulier que le projet de loi concernant les peuples autochtones, qui est actuellement examiné par le Parlement, prévoit d'accorder des droits de pêche spéciaux, et d'autres droits aux peuples autochtones, et il y a lieu d'espérer que ces mesures contribueront à arrêter le processus d'extinction progressive des peuples autochtones. Il est vrai que de nombreuses organisations mapuches se sont opposées au morcellement des terres communales. Sous le régime militaire, plus de 60 000 titres fonciers ont été distribués, ce qui a entraîné la suppression de 2 000 propriétés communautaires. Lorsque le Gouvernement démocratique a accédé au pouvoir en mai 1990, il a déclaré nulles ces attributions de terres et des consultations ont été menées avec diverses communautés pour déterminer la meilleure façon de régler la situation du point de vue juridique. Un projet, actuellement à l'étude, prévoit la mise en place d'un système mixte de propriété foncière individuelle et communale. Il a été proposé de constituer un fonds des terres et des eaux autochtones, qui devrait permettre aux communautés d'acquérir de nouvelles ressources. Des litiges fonciers et d'autres conflits portant entre autres sur la construction d'ouvrages hydroélectriques ont soulevé de graves problèmes, mais on espère qu'ils seront résolus d'une manière harmonieuse, compte tenu de la ferme volonté politique du Gouvernement de leur trouver des solutions par des moyens pacifiques. En juin 1992, une loi portant amendement du Code des eaux a été adoptée en vue d'interdire l'exploitation des ressources en eau dont dépendent les communautés autochtones.

214. A propos de l'article 3 de la Convention, le représentant a déclaré que si les relations avec l'Afrique du Sud avaient été encouragées sous le régime militaire, elles ont été très fortement limitées par le nouveau gouvernement. Récemment, un ambassadeur du Chili a toutefois été accrédité en Afrique du Sud compte tenu des progrès accomplis par ce pays vers l'instauration d'un régime unitaire, multiracial et démocratique. Le Chili s'est conformé à toutes les résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale à cet égard. Le Gouvernement a pour politique de soutenir tous les efforts visant à éliminer l'apartheid en Afrique du Sud.

215. En ce qui concerne l'article 4 de la Convention, le représentant a déclaré qu'à sa connaissance, aucune organisation ou groupe de son pays n'encourageait la discrimination raciale.

216. Au sujet de l'article 5 de la Convention, le représentant a dit que la participation des peuples autochtones à la vie politique du pays ferait l'objet d'un projet de loi, qui est actuellement soumis au Parlement. Une mesure importante que prévoit ce projet est la création d'une société de développement des peuples autochtones, dont la moitié des membres seraient nommés par le Gouvernement et l'autre moitié par les groupes autochtones. Il a fait observer que, conformément à la tradition libérale du pays, il n'y avait pas de "quota" pour les élections des membres du Parlement ou des collectivités locales qui sont tous élus au suffrage universel, selon leur valeur, et non leur qualité de représentants de groupes autochtones particuliers.

217. S'agissant de l'article 7 de la Convention, le représentant a déclaré que des débats publics avaient souvent été organisés sur la question de la discrimination à la télévision et à la radio, et le Ministère de l'éducation avait lancé un programme visant à mieux sensibiliser l'opinion publique à ce problème.

218. Le Chili sort d'une longue période de violations des droits de l'homme, et l'actuel Gouvernement démocratique est résolu à ce qu'une telle ère de son histoire ne se reproduise plus. Il souhaite collaborer avec le Comité. Le représentant a donné l'assurance au Comité que sa délégation transmettra au Président l'opinion exprimée par les membres du Comité tendant à ce que le Chili fasse la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention et que le prochain rapport du Chili soit pleinement conforme aux principes directeurs du Comité.

Conclusions

219. Le Comité a pris note de la révision de la Constitution chilienne et des changements apportés au système juridique à la suite du retour du pays à un régime de droit. Le Comité espère qu'une telle évolution sera profitable aux groupes ethniques vivant au Chili, en particulier aux peuples autochtones.

220. Le Comité s'est félicité de la franchise dont avait fait preuve le Gouvernement chilien en reconnaissant qu'au cours de l'histoire du pays les peuples autochtones avaient été victimes de discrimination. Il a pris note des mesures adoptées pour améliorer les conditions de vie des peuples autochtones et espéré que cette politique serait poursuivie afin d'améliorer leur situation sur le plan économique, social et éducatif ainsi que la jouissance de leurs droits de l'homme conformément à l'article 5 de la Convention.

221. Rappelant la recommandation d'ordre général I, le Comité a réitéré l'importance de la promulgation d'une législation conforme à l'article 4. Le Code pénal et le Code de procédure pénale devraient aussi être révisés.

222. Le Comité s'est félicité de la déclaration faite par la délégation chilienne concernant la possibilité que le Gouvernement chilien fasse la déclaration prévue à l'article 14.

223. Tout en accueillant avec satisfaction les nouvelles politiques mises en oeuvre actuellement, le Comité a exprimé l'espoir que le prochain rapport périodique contiendra des renseignements complémentaires et sera conforme aux principes directeurs du Comité.



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