University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Burundi, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.42 (1997).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante et unième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Burundi

1. A ses 1238ème et 1239ème séances, les 19 et 20 août 1997, le Comité a examiné les septième, huitième, neuvième et dixième rapports périodiques du Burundi (CERD/C/295/Add.1), et a adopté, à sa 1242ème séance, le 21 août 1997, les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la reprise du dialogue avec l'Etat partie et de la présence d'une délégation venue de la capitale présenter le rapport. Même si le rapport ne contient pas de renseignements concrets sur la mise en oeuvre de la Convention au Burundi, le Comité se déclare satisfait par les réponses de la délégation aux nombreuses questions que lui ont posé ses membres durant le dialogue.


B. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

3. Le Comité reconnaît que le Burundi est confronté à de nombreuses difficultés qui ont une incidence sur la mise en oeuvre de la Convention. Il pense tout particulièrement aux violents conflits ethniques auxquels sont confrontés les pays de la région des Grands Lacs, notamment le Burundi, à la guerre civile qui frappe le pays, aux déplacements massifs de population et aux mouvements de réfugiés dans la région ainsi qu'aux nombreuses personnes déplacées à l'intérieur du pays, à l'instabilité politique et à la situation économique et sociale extrêmement difficile qu'aggrave le blocus économique décrété contre l'Etat partie depuis le 31 juillet 1996.


C. Aspects positifs

4. Le Comité est très reconnaissant à l'Etat partie pour les efforts faits pour établir et présenter son rapport dans des circonstances difficiles.

5. Le Comité se félicite de l'engagement pris par l'Etat partie de rétablir la paix et la sécurité au Burundi en engageant le dialogue politique en septembre 1997 en Tanzanie. Il espère que cela débouchera sur la mise en place d'un Gouvernement acceptable par toutes les Parties. Il accueille en outre avec satisfaction la déclaration du Gouvernement de mettre fin à l'impunité dont bénéficient les auteurs de violations des droits de l'homme.

6. La nomination d'un ministère responsable des droits de l'homme et la création d'un centre national de promotion des droits de l'homme sont accueillies avec satisfaction. Le fait que le Gouvernement encourage la constitution de ligues et associations indépendantes pour la promotion et la protection des droits de l'homme est jugé satisfaisant.

7. Il est relevé avec satisfaction que le Code pénal, en son article 180, punit la discrimination et la haine raciales ou ethniques et que la loi sur les partis politiques interdit la discrimination fondée sur l'ethnie dont elle fait une infraction dans ses articles 5 et 63 respectivement.

8. L'invitation faite oralement au Comité d'envoyer quelques membres au Burundi voir comment la Convention est mise en oeuvre est accueillie avec satisfaction. Cela est considéré comme un moyen constructif de poursuivre le dialogue avec l'Etat partie et cela témoigne de sa volonté d'améliorer l'application des dispositions de la Convention.


D. Principaux sujets de préoccupation

9. Le principal sujet de préoccupation du Comité est la poursuite des actes de violence et des tueries dont sont victimes des personnes appartenant à différentes ethnies au Burundi.

10. Le sens donné aux concepts de "race" et d'"origine ethnique" par l'Etat partie, tel qu'il ressort des paragraphes 5, 6 et 23 du rapport et tel qu'il a été réaffirmé par la délégation dans son exposé oral, est un sujet de préoccupation. Le Comité souligne qu'au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention, l'expression "discrimination raciale" vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique. Par ailleurs, l'attention de l'Etat partie est appelée sur la recommandation générale VIII du Comité dans laquelle il est spécifié que c'est l'individu concerné qui doit s'identifier lui-même comme appartenant à un groupe racial ou ethnique particulier. Dans le cas présent, il apparaît, en l'occurrence, qu'une fraction importante de la population de l'Etat partie s'identifie comme appartenant à l'un des trois groupes ethniques présents dans le pays - les Tutsis, les Hutus et les Twas -et que des fractions importantes de la population vivent dans des conditions qui ne garantissent pas l'exercice des droits de l'homme sur un pied d'égalité.

11. Il est regrettable que, dans le rapport considéré, les préoccupations que le Comité a exprimées et les recommandations qu'il a formulées dans ses conclusions du 17 mars 1994, dans sa décision 1 (47) de 1995 et dans sa résolution 1 (49) de 1996 sur la situation au Burundi, adoptée dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale, y compris les procédures d'alerte précoces et urgentes, soient passées sous silence.

12. Il est regrettable que la portée du décret-loi No 1/001 du 13 septembre 1996 portant organisation du système institutionnel de transition, des attributions et des activités de l'Assemblée nationale ainsi que des fonctions et attributions du Centre national de promotion des droits de l'homme et du Conseil des Bashingantahe n'ait pas été clarifiée.

13. L'insuffisance des renseignements contenus dans le rapport sur l'article 3 de la Convention est à déplorer. A cet égard, le Comité appelle l'attention de l'Etat partie sur sa Recommandation générale XIX.

14. Le Comité juge préoccupantes les informations faisant état de retards

mis pour inculper les auteurs de l'assassinat du Président Ndadaye ainsi que la lenteur des poursuites engagées pour sanctionner les auteurs de tueries et de disparitions. Ces retards font planer un doute sur la mise en oeuvre effective de la politique du Gouvernement visant à mettre fin à l'impunité qui existe à cet égard.

15. Il est noté avec préoccupation qu'aucune législation spécifique n'a été adoptée pour donner pleinement effet aux dispositions de l'article 4 de la Convention et que le rapport ne contient aucun renseignement sur l'application de cet article.

16. L'absence de renseignements sur la jouissance par les divers groupes de la population de tous les droits énoncés à l'article 5 de la Convention est déplorée d'autant plus que de nombreuses informations font état de discrimination à l'égard des Hutus et des Twas dans la jouissance de certains droits tels que ceux qui sont énumérés aux paragraphes a), b), d) i), e) i), iv) et v), et f) de l'article 5 de la Convention.

17. L'insuffisance des renseignements reçus sur les camps de regroupement en général et sur la composition ethnique en particulier de la population de ces camps ainsi que sur les conditions qui y règnent est regrettable. Des informations indiquant que des personnes, pour la plupart d'origine hutu, sont contraintes par la police de quitter leur domicile et de s'installer dans les camps de regroupement placés sous le contrôle de l'armée, en violation de l'alinéa i) du paragraphe d) de l'article 5 de la Convention, sont préoccupantes.

18. Il est pris note avec satisfaction que les Burundais réfugiés dans les pays voisins ont été invités à rentrer au Burundi mais il y a lieu de déplorer l'absence d'informations sur les mesures prises pour assurer leur retour dans la sécurité, ainsi que sur la situation des réfugiés qui vivent au Burundi, d'autant plus que, selon certaines informations, le droit énoncé au paragraphe b) de l'article 5 de la Convention à la sûreté de la personne et à la protection de l'Etat contre les voies de fait ou les sévices de la part soit de fonctionnaires du Gouvernement, soit de tout individu, groupe ou institution n'est pas toujours garanti dans leur cas.

19. A propos de l'article 6 de la Convention, il est préoccupant qu'aucune législation ne donne effet au droit de demander satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage subi par suite d'actes de discrimination raciale. En outre, l'absence de plaintes pour actes de discrimination raciale laisse planer des doutes sur la publicité donnée aux recours ouverts aux victimes de discrimination raciale et sur leur efficacité.

20. A propos de l'article 7 de la Convention, il est pris note avec satisfaction des déclarations de politique et des programmes lancés par les ministères mentionnés dans le rapport, mais il est regrettable qu'aucune information ne soit donnée sur les mesures concrètes prises pour donner effet aux dispositions de cet article.


E. Suggestions et recommandations

21. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique contienne des informations sur la représentation de membres des groupes ethniques tutsis, hutus et twas au sein du Gouvernement, dans l'administration, la justice, la police et l'armée. Il recommande également que le Gouvernement, tout en restructurant le pays, tienne compte des conclusions du Comité en date du 17 mars 1994, de sa décision 1 (47) de 1995 et de sa résolution 1 (49) de 1996.

22. Le Comité recommande en outre que, dans son prochain rapport périodique, l'Etat partie précise la place qu'occupe le décret-loi No 1/001/96 dans l'ordre juridique interne, les attributions et les activités de l'Assemblée nationale, ainsi que les attributions et les fonctions respectives du Centre national pour la promotion des droits de l'homme et du Conseil des Bashingantahe.

23. A propos de la mise en oeuvre de l'article 3 de la Convention, le Comité recommande que, eu égard à sa Recommandation générale XIX, l'Etat partie lui fournisse des renseignements complets dans son prochain rapport périodique sur les mesures prises pour prévenir, interdire et éliminer toutes les pratiques de ségrégation raciale au Burundi.

24. Le Comité invite instamment le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour mettre un terme à l'impunité dont bénéficient les auteurs de violations des droits de l'homme et à accélérer les procédures en cours. Il souligne, à ce propos, qu'il faut enquêter sur de tels actes, poursuivre leurs auteurs et les sanctionner afin de rétablir la confiance dans l'état de droit et montrer que les autorités ne toléreront pas que ces faits se reproduisent.

25. Le Comité réaffirme que les dispositions de l'article 4 de la Convention doivent être appliquées, comme il est dit dans la Recommandation générale VII (32). Il souligne, à ce propos, que l'Etat partie doit s'acquitter de toutes les obligations découlant pour lui de cet article et, ce faisant, tenir pleinement compte de la Recommandation générale XV (42) du Comité.

26. Le Comité recommande que des mesures soient prises aux niveaux législatif, administratif et judiciaire pour protéger le droit de chacun, sans distinction, à jouir des droits énoncés à l'article 5 de la Convention, en particulier du droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice, du droit à la sûreté de la personne et à la protection de l'Etat contre les voies de fait ou les sévices, du droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat, du droit au travail, du droit à la santé et aux soins médicaux, du droit à l'éducation et à la formation professionnelle et du droit d'accès à tous les lieux et services destinés à l'usage du public. Il recommande en outre qu'une information complète sur l'application de cet article soit donnée dans le prochain rapport périodique de l'Etat partie.

27. De plus amples renseignements sont demandés sur la situation dans les camps de regroupement ainsi que sur la composition ethnique de la population qui s'y trouve et sur la possibilité pour celle-ci d'être libre de les quitter ou de s'y installer.

28. Le Comité demande également que figurent dans le prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour rapatrier sans risque les réfugiés au Burundi et pour mettre à l'abri de la violence ceux qui vivent au Burundi.

29. Le Comité recommande que l'Etat partie assure une protection contre tous les actes de discrimination raciale par le biais des tribunaux compétents, conformément à l'article 6 de la Convention, notamment en renforçant le système judiciaire, l'indépendance de la justice et la confiance de la population dans cette institution. Il recommande également que le droit de demander satisfaction ou réparation juste et adéquate pour les victimes d'actes de discrimination raciale soit garanti en fait et en droit.

30. A propos de l'application de l'article 7 de la Convention, le Comité recommande que toutes les mesures nécessaires soient prises pour donner une formation aux responsables de l'application des lois, aux fonctionnaires, aux magistrats, aux avocats, aux enseignants et aux étudiants à tous les niveaux de l'enseignement, dans le domaine des droits de l'homme et en matière de prévention de la discrimination raciale.

31. Conscient que la solution du conflit ethnique au Burundi passe par celle du conflit dans la région des Grands Lacs, le Comité demande instamment aux autorités burundaises de prendre toutes les mesures nécessaires, en coopération avec les pays voisins, pour trouver les moyens de rétablir la paix et la sécurité au Burundi.

32. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention adoptés à la 14ème réunion des Etats parties.

33. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Etat partie, attendu le 26 novembre 1998, soit complet et porte sur tous les points soulevés dans les présentes conclusions.



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